BHASE n°27 (avril 2016)
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BHASE n°27 avril 2016

MÉMOIRES DE DOURDAN (1624)

PAR JACQUES DE LESCORNAY

Préface 3-8

MÉMOIRES DE DOURDAN 1-112


Gnéralités sur Dourdan

10-26

Sous les premiers capétiens

26-52

Dourdan tombé en apanage

53-90

Dourdan revenu à la Couronne

91-107

Dourdan sous Louis XIII

107-140

VINGT-QUATRE ANNEXES 141-271


01-14. Notes et compléments

141-214

15-24. Dossier sur Delescornay

215-271

Table des matières détaillée

273-275

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MÉMOIRES DE DOURDAN

par Jacques de lescornay, avocat du roi


BHASE n°21 avril 2016



ISSN 2272-0685

Publication du Corpus Étampois

Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois.com

JACQUES DE LESCORNAY

MÉMOIRES

DE LA VILLE DE

DOURDAN


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Corpus Étampois

1624 * 2016



Préface


En 1624, le jeune roi Louis XIII séjourne à Dourdan, dont la mère Marie de Médicis est dame douairière. Jacques de Lescornay, avocat du roi en ce bailliage depuis une douzaine d’années, pense devoir immortaliser l’événement par l’ouvrage que nous rééditons ici, et qu’il a intitulé un peu platement Mémoires de la ville de Dourdan.


  1. Nature de ces Mémoires


    En temps qu’avocat du roi à Dourdan, et vu les circonstances, l’auteur entreprend ici, essentiellement, un double panégyrique : car il s’y efforce autant de magnifier Dourdan que de louer le roi.


    Le fil directeur de la première partie est la volonté de démontrer que depuis toujours et jusqu’à toujours la ville de Dourdan était destinée à charmer les âmes royales, et qu’elle les a toujours charmées, sauf malheureux accidents de l’histoire ; l’objet de la seconde est de célébrer la venue du roi et d’exalter ses vertus.


    Pour autant, à travers ces préoccupations professionnelles et littéraires, l’auteur fait œuvre d’histoire, avec qui plus est une pertinence scientifique qui ne laisse pas d’étonner en ce début du XVIIe siècle. À une époque où les sciences auxiliaires de

    l’histoire, telles que la diplomatique et l’archéologie, sont dans l’enfance, il convoque, pour retracer les origines de sa patrie, tant les données du folklore que celles des anciennes chartes, latines comme françoises, sans négliger les trouvailles gallo- romaines ou médiévales qu’on lui a signalées, ni l’histoire industrielle récente.


  2. Leur place dans la littérature historique


    Les Mémoires de Dourdan de Jacques de Lescornay paraissent bien constituer la toute première monographie qui ait été consacrée à une localité de l’Île-de-France. Pour parodier le style fleuri qu’il affectionne, disons que ces Mémoires sont l’hirondelle qui annonce le printemps de l’histoire locale francîlienne.


    Le mouvement me semble en avoir été lancé dès 1609 par André Duchesne1, qui donne alors ses Antiquitez et recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de France, sorte d’encyclopédie d’histoire locale qui connaîtra de nombreuses rééditions jusqu’en 1668.


    En 1624, Delescornay donne donc ses Mémoires de Dourdan, dont il amasse la matière depuis 1612. En 1628, Sébastien Rouillard édite son Histoire de Melun. La même année meurt dom Guillaume Morin, dont est publiée à titre posthume, dès 1630, l’Histoire générale des pays de Gastinois, Senonois et Hurepoix. Viennent ensuite Les Antiquités de la ville, comté et châtellenie de Corbeil, de Jean de la Barre, éditées en 1647. Ce n’est qu’à la génération suivante que dom Basile Fleureau compose, vers 1668, ses Antiquitez de la ville et du duché


    1 Duchesne que d’ailleurs connaît et remercie au passage Delescornay de lui avoir signalé une ancienne charte relative à Dourdan.

    d’Estampes, qui n’auront qu’une édition posthume en 1683. Le savant barnabite étampois connaît et naturellement utilise les Mémoires de Dourdan de Jacques de Lescornay.


    La monographie de Delescornay restera sans être dépassée ni remplacée pendant 245 ans, c’est-à-dire pendant l’espace de huit générations, et elle ne sera éclipsée que par la parution en 1869 de la somme d’histoire locale que constitue la Chronique d’une ancienne ville royale, Dourdan, de Joseph Guyot.


  3. Une œuvre oubliée


    Dès lors en effet plus personne ne lut les Mémoires de Delescornay ou peu s’en faut, et on ne garda guère de cet auteur que l’image fort injuste qu’en a donné Joseph Guyot. À la vérité Guyot est bien forcé de lui rendre hommage à quelques reprises, mais c’est toujours avec quelque nuance défavorable.


    On ne discutera pas ici dans le détail des mérites respectifs de Delescornay et de Guyot. On rappellera seulement combien étaient différentes leurs conditions de travail. Guyot dispose de nombreux outils de travail, et d’une méthodologie, notamment en matière de traitement des documents, qui n’a été mise au point que deux générations après l’ouvrage de son prédécesseur. Et pourtant même sur ce point Guyot est souvent loin de faire mieux que son prédécesseur.


    Le reproche le plus injuste de Guyot est sans nul doute celui de basse flatterie. Il est vrai que Jacques de L’Escornay flatte le roi, flatte la reine mère, flatte leurs ministres Richelieu et La Rochefoucauld, et flatte même avec insistance le simple bailli de Dourdan son supérieur immédiat, ainsi que l’archevêque de Rouen dont il paraît une sorte de protégé ; et tout cela dans un

    style fleuri de métaphores et d’hyperboles bien datées qui nourrissent la bile de Joseph Guyot.


    Mais enfin Jacques de Lescornay n’est pas un rentier ni un érudit de village du milieu du XIXe siècle. Il est avocat du roi, au début du règne de Louis XIII. L’éloge du roi, de sa famille et de ses ministres est pour lui non pas une déformation mais une obligation professionnelle. Quant au style et à l’emphase que lui reproche Guyot, comme quelque chose d’ampoulé et d’ennuyeux, il ne s’agit là que d’une question de goût et de mode.


    C’est là une chose que nous avons essayé de souligner dans la présente édition par des illustrations du temps qui reflètent bien de quoi il est question, à savoir d’une situation politique précise, autant que d’une idéologie et d’une esthétique parfaitements datées.


  4. Principes suivis par cette réédition


Et voilà pourquoi nous avons cru devoir rééditer ces Mémoires de Dourdan dans ce numéro 27 du BHASE, qui vaut pour le mois d’avril 2016. Ils constituent en eux-mêmes une page de l’histoire intellectuelle et morale du Sud-Essonnne au début du XVIIe siècle.


Et non seulement cela, mais leur contenu scientifique intrinsèque n’est pas négligeable, du fait que Joseph Guyot n’a pas cru devoir reprendre tous les documents originaux qui avaient déjà été édités par Delescornay.


Du texte original nous conservons inchangée l’orthographe parfois archaïque et flottante ; mais non pas d’innombrables particularités typographiques sans intérêt aucun, telles que la

surabondance des majuscules, le s long (ſ), le double s (ß), le et ligaturé (&), l’indistinction du u et du v (vniuersel pour universel) comme du i et du j (ie pour je), etc.


Outre les illustrations dont nous avons déjà parlé, nous avons cru devoir augmenter cette réédition de notes, d’éclaircissements et de précisions replaçant l’œuvre au milieu tant des sources qu’elle a utilisées que des commentaires qu’elle a reçus.


Enfin nous faisons suivre ces Mémoires de vingt-quatre Annexes réparties en deux sections. Les quatorze premières s’attardent sur différents aspects des Mémoires de Dourdan, qui nous ont paru devoir faire l’objet d’éclaircissement, dans l’ordre du texte. Spécialement nous donnons la traduction des chartes latines alléguées par l’auteur, après avoir examiné la valeur du texte qu’il édite, texte qui est généralement excellent ou du moins très bon eu égard aux moyens dont il dispose.


Nous attirons spécialement l’attention sur un poème latin qui très probablement est de Jacques de Lescornay lui-même, à la gloire de l’archevêque de Rouen François de Harlay (Annexe

12) ; et sur le portrait satirique du même personnage par Tallemant des Réaux, que nous donnons ensuite, à titre de comparaison, et pour le plaisir (Annexe 13).


Nos dix dernières Annexes (de 15 à 24) sont relatives à l’auteur lui-même, à sa famille, et à sa carrière. Nous n’avons pas essayé de retracer sa généalogie exhaustivement, ni d’en donner une biographie suivie et complète ; il aurait fallu pour arriver à ce résultat des recherches bien plus poussées que celles que nous avons menées. Mais nous reviendons ultérieurement sur ces questions, lorsque nous publierons, dans un prochain numéro du BHASE, deux autres œuvres de Jacques de Lescornay.


Pour terminer, nous émettons le souhait que notre lecteur aura autant de plaisir que nous à découvrir et savourer l’œuvre de Jacques de Lescornay ; nous nous sommes efforcé de la mettre en lumière autant que nous le pouvions, et d’en rendre la lecture aussi agréable qu’elle le mérite.


Bernard Gineste, avril 2016


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MÉMOIRES

DE LA VILLE

DE DOURDAN.

RECUEILLIS PAR M.

JACQUES DELESCORNAY

Conseiller du Roy et son Advocat au mesme lieu.

*

A PARIS

Chez Bertrand Martin, ruë sainct Jacques, à la Vigne d’Orfin, devant les Mathurins.

M.DC.XXIIII.


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/80/Louis_XIII.jpg/800px-Louis_XIII.jpg


Louis XIII en 1622, vu par Pierre-Paul Rubens


Au Roy,


SIRE,


A l’heure mesmes que je feus honoré de la charge de vostre advocat à Dourdan, douze ans y a, je pris resolution de l’exercer, non seulement sans donner sujet de correction, mais encores avec tout l’honneur et l’utilité qu’on en pourroit souhaiter ; pour y parvenir et m’en acquitter plus dignement, j’entrepris une exacte recherche de l’ancienne consistance de vostre |II domaine et de l’estenduë de vostre justice : en quoy j’ay travaillé avec tant d’assiduité et d’affection, que je suis

parvenu au but de mes intentions et j’ay mérité l’agréable fécondité de laquelle Dieu recommence le plus souvent ceux qui tendent à bonne fin, c’est à dire une grande lumiere dans l’antiquité du pais de laquelle je n’avois rien peu apprendre jusques à lors, mesmes des plus anciens qui l’avoient tousjourss ignorée et mesprisée : Ceste première ouverture m’a donné l’envie et l’adresse de passer outre et m’a fait apprendre que Dourdan pouvoit entrer en parallèles avec les lieux les plus

renommez de la France, tant à cause de son ancienne |III union à la couronne, que pour l’advantage qu’il a tousjours eu d’estre

chery et fréquenté par les roy et princes de leur sang , comme estant plein de délices et très-propre pour la chasse leur ordinaire déduit2 : Ceste cognoissance m’estoit un thresor caché, que je n’osois descouvrir craignant d’estre accusé d’impostures, et que le peu d’estat qu’en ont fait les roys vos


2 Déduit : agrément.

predecesseurs depuis quelques années ne servist de condamnation contre tout ce que j’en eusse peu dire. Pendant que je me forçois a ce silence le hazard ayant fait voir le pays à vostre Majesté, et elle en ayant fait le jugement que sa situation et ses diversitez |IV pouvoient mériter, j’ay commencé d’estre esmeu et prendre quelque courage, mais lors que la royne vostre mère a fait voir qu’elle y vouloit engager vos affections comme

en chose qui luy appartenoit, j’ay pris l’effort, et comme l’un de ses principaux officiers sur le lieu j’ay pensé devoir seconder ses pieuses intentions et contribuer de ma part à l’accomplissement de ce loüable dessein, en monstrant à vostre Majesté, par les exemples de ses devanciers, que ce païs luy estoit naturellement dedié, et qu’elle ne le pouvoit mespriser sans se priver d’une infinité de plaisirs et de tres-agreables passe-temps. Par ce discours (Sire) vous verrez |V tous les roys vos ayeuls depuis Huë Capet jusques à S. Louys, estre attachez

de passion à Dourdan : vous y remarquerez des tesmoignages de très-grande affection de Louys comte d’Evreux, duquel vous estes descendu du costé de Navarre à cause de Philippes le Bon son fils : vous y appercevrez Marie d’Espagne femme de Charles comte d’Estampes et depuis de Charles Comte d’Alençon, de laquelle vous estes pareillement yssu du costé de Vendosme, y faire toutes ses couches (marques infaillibles de la pureté e salubrité de l’air) et vous y descouvrirez que de tous

ceux qui l’ont possedé, il n’y en a eu aucun qui ne l’aye |VI

aussitost choisi pour sa principale demeure. Cecy servira (Sire) pour vous confirmer d’autant plus en l’eslection que vous en avez fait, et fera admirer par tous les François la solidité de vostre jugement et les empeschera de s’estonner si avec tant de facilité et sans autre considération ny de bastiments ny d’autres artifices vostre Majesté s’y est trouvée engagée, puisque la naturelle beauté du lieu a de tout temps eu d’assez puissants charmes pour y retenir les ames royales, que s’il a esté aucunement négligé depuis quelques années par vos

predecesseurs, ç’a plustost esté faute d’estre cogneu que pour aucune imperfection |VII qui sy feust remarquée. En fin, ce petit ouvrage, mais ce grand travail (Sire) me servira pour vous montrer qu’à l’imitation de mes ancestres qui ont depuis quatrevingts-douze ans continuellement servy en qualité de domestiques les Majestez royales, je n’ay autre inclination ny

autre volonté que de rendre à la vostre tous les services que luy doibt


Son très-humble, très-obeissant, et tres fidelle subject et officier,

J. Delescornay. |VIII-1


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Signature de Jacques Delescornay en 1629


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Armoiries de Dourdan


Mémoires de Dourdan.


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Le Nom.

La plus-part des escrivains employent souvent plusieurs lignes à discourir de l’origine et signification des noms des choses dont ils veulent parler, mais je me contenteray de dire que Aimoïnus monachus historien nomme Dourdan Dordinga, que dans un vieil tiltre de Long-pont il est appellé Dordingtum, et que par |2 la legende de saincte Mesme j’apprend qu’anciennement un seigneur du pays estoit qualifié rex Dordanus : mais pource que ces termes sont equivoques

signifiants roy Dourdain et roy de Dourdan, je ne puis dire s’il a fait bastir Dourdan et luy aye donné son nom, ou si Dourdan estant auparavant luy il en aye porté le nom pource qu’il en estoit seigneur.


*

Le Paysage.

Le paysage peut estre dict un racourcy des beautez de la France, tant à cause de sa situation que de ses diversitez : Il n’est qu’à dix lieues de Paris, au midy, composé d’un vallon

assez large et |3 estendu qui va du couchant au levant, dans le milieu duquel coule une petite riviere nommée Orge, qui prend son origine d’une fontaine de Bertrandcour (vulgairement Breteucourt)3 et se grossit par une infinité de sources et fontaines qu’elle rencontre en son chemin, lesquelles (avec la prairie, quelques estangs et quantité de petits bosquets

entremeslez) fournissent de grandes délices, et charment merveilleusement ceux qui les ont une fois veuës : Aux deux costez de ceste prairie, et sur les pendants du vallon, sont terres labourables qui continuent jusques à la forest, laquelle s’estend au dessus et couvre les deux costaux en la largeur de demie

lieue ou environ : dans ceste forest y a un triage nommé Mineré, ainsi appellé à cause |4 des mines de fer qui y ont esté, et desquelles les vertiges restent encores aujourd’huy. A l’endroit de la ville de Dourdan ceste agreable diversité est interrompuë par une autre non moins plaisante et profitable, qui

est telle que de là en aval au lieu de forest les deux costaux sont garnis de vignes qui produisent de tres-bon vin, celles principalement du territoire de Chasteau-pers (qui estoit anciennement nommé Cremaux,) pource que le soleil de midy les regarde directement et à plomb : Au delà de la forest et des vignes (du costé de septentrion) sont petites campagnes entremeslées de vallons et boccages, où se trouvent quantité de fruicts à cildre, et autres, et se nomme ce pays Hurpoix : et du

costé du midy est une raze campagne de dix-huict |5 lieuës de

long , et plus de large, nommée Beaulce, de la fertilité en bleds, de laquelle, je ne parleray point, pource qu’elle est assez cogneuë.


3 Aujourd’hui Bréthencourt. Mais l’étymologie supposée par Lescornay, par métathèse, est démentie par les sources anciennes. J’ai montré en 2008 que Bréthencourt est l’évolution ultime de Bertautcourt, c’est-à-dire

« ferme de (dame) Berthilde » (B.G.)


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Carte de Joseph Guyot (1869) d’après un original manuscrit de 1743


La Ville.

La ville de Dourdan est bastie dans le fonds de ce vallon, sinon qu’elle s’estend davantage sur la pente septentrionale, en telle sorte que la riviere ne passe dedans que par un bout, où ayant fait tourner un moulin qui dépend du domaine, et traversé cinq ou six maisons, elle en sort et coule le long des murailles pour servir à plusieurs tanneurs et megissiers. Sa figure est

ronde : elle est composée de deux parroisses, l’une (et |6 la

principale) soubs l’invocation de sainct Germain evesque d’Auxerre, laquelle fut dés l’année mil cent cinquante donnée par Goslenus evesque de Chartres aux chanoines de Sainct Cheron lez Chartres (peu de temps auparavant par luy regularisez) et l’autre soubs le tiltre de Sainct Pierre. Dans le milieu de la ville est un chasteau bien basty, flanqué de bonnes tours et environné d’un large fossé, à fonds de cuve, revestu de pierres taillées : L’une de ces tours (plus grosse et haute que les autres) estoit cy-devant destachée du chasteau, et posée dans le milieu du fossé pour servir de dongeon et s’y retirer en cas de necessité, (aussi se trouve-elle accommodée de toutes choses

necessaires en tels accidents, comme d’un |7 puis et d’un four

pris dans l’espoisseur du mur, d’un moulin à bras, et autres pareilles commoditez:) On y entroit du chasteau en temps de paix à l’aide d’un pont, et en temps de guerre par une casemate, jusques en l’année mil six cens huict que monsieur de Sully usufruictier de Dourdan fit faire une terrasse par le moyen de laquelle elle est à present unie et jointe au chasteau en telle sorte, qu’on y peut aller de pied ferme comme en toutes les autres : En ceste tour reside toute la seigneurie de Dourdan, et sont dicts les vassaux relever du roy à cause de la grosse tour de son chasteau de Dourdan : Toutes les autres tours furent

couvertes de thuille en l’année mil quatre cens cinquante, et ont duré telles jusques en l’année |8 mil cinq cens quatrevingts- unze, que ceste couverture fut ruinée par le mareschal de Biron, lors qu’avec l’armée royale il assiegea le chasteau. Devant la porte de ce chasteau est une grande place, en laquelle estoit autresfois un jardin qui y avoit esté fait depuis peu d’années par

grand apport de terres qui le rendoit plus haut que le rez de chaussée : et de faict lors du siege le capitaine Jacques en ayant fait oster quantité de terre pour fortifier le chasteau, dans lequel il commandoit : et estant parvenu jusques à l’ancien solage on y a trouvé des foyers et autres choses, qui font cognoistre

qu’auparavant y avoit eu des bastiments qui avoient (peut-estre) esté ruinez pour y pratiquer la commodité de ce jardin4 : Or de dire quand |9 cela s’est fait, je n’en ay peu rien apprendre : bien sçay-je que ce jardin estoit désja en nature dés l’année mil quatre cens huict, que Jean duc de Berry le donna par son testament au prieur de Sainct Germain. Au bas de ceste grande place est une tres-belle halle, en laquelle s’estalent toutes sortes de marchandises chacun jour de samedy, et s’y vend grande quantité de bled qui y est apporté de toute la Beaulce, et principalement en la saison de semer, d’autant que tous les

laboureurs de là à Paris y viennent querir des semences qui s’y trouvent tres-bonnes : Ceste halle estoit désja bastie en l’année mil trois cens quinze, car en ce temps le seigneur de Dourdan donna lettres d’admortissement au prieur de Sainct Pierre |10 pour le recompenser du droict qu’il y pretendoit avoir à cause de quatre estaux, mais elles ont esté augmentées ez années mil

quatre cens cinquante et mil quatre cens quatrevingts-six.


4 Sur cette découverte archéologique confirmée au XVIIIe siècle puis au XIXe, voyez notre Annexe

Le Trafic.

Le principal trafic qui se face à Dourdan est de bas d’estame et de soye, qui y a esté introduit nouvellement environ l’an mil cinq cens soixante, qu’un officier de l’escurie que monsieur de Guyse seigneur usufruictier y avoit estably, voyant un jeune garçon travailler habilement à faire des bonnets de laine, et jugeant son esprit assez esveillé pour comprendre chose nouvelle, il luy |11 fit naistre l’envie de faire un bas, (duquel les points n’estoient autres que ceux du bonnet :) et pour luy ouvrir

le chemin, luy en donna un vieil de soye sur lequel il pourroit s’instruire et prendre patron : Ceste entreprise reüssit si heureusement, que ce nouvel apprenty rendit un bas d’estame fait en perfection, et fut capable d’en enseigner la méthode à ses compagnons bonnetiers, (desquels y avoit grand nombre en cette ville, pource que lors on n’usoit point encores de chapeaux, ains seulement de bonnets :) A leur exemple tous ceux de la ville s’y appliquèrent, etet en fin furent imitez par les villages circonvoisins, voire par tous ceux de la Beaulce,

jusques à huict ou neuf lieuës loing. Quelques années apres |12 les ouvriers de la ville plus subtils que les autres s’adonnerent

aux bas de soye (en la façon desquels ils ne cèdent en rien à Milan) et laisserent la laine aux Beaulcerons, les ouvrages desquels toutesfois les marchands de Dourdan vont achepter sur les lieux, pour (après les avoir apprestez) les vendre à ceux de Paris.


*

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Les Armoiries.

Les armoiries de Dourdan sont trois pots, et n’ay autre raison, pourquoy elles ont esté prises telles, sinon qu’anciennement il s’y en faisoit grande quantite, comme j’apprends par les vieux comptes du Domaine, dans lesquels il y a article de recepte

du droict qui |13 appartenoit au roy sur chacun four à cuire pots,

joinct que dans le pays la terre

propre à tel ouvrage se trouve en abondance.


*

Les Jurisdictions.

Dourdan est honoré et tiré du commun par les diverses jurisdictions qui y ont tousjours esté, sçavoir est le baillage qui est si ancien, que je n’en ay peu trouver la premiere institution, mais bien ay-je dequoy monstrer que depuis l’année mil trois cens vingtneuf il a esté assez recogneu, comme il sera plus particulièrement déduit cy-apres, ne pouvant servir au contraire l’ordre des sceances qui s’est tenu aux Estats de Paris, esquels les deputez de Dourdan ont presque |14 tenu le dernier lieu et marché après aucuns desquels les Baillages ont esté erigez

depuis l’année mil trois cens vingtneuf, d’où s’ensuivroit que celuy de Dourdan ne seroit si ancien : d’autant que cecy n’a autre fondement, et n’est arrivé que par obmission et vice de

clerc : Car aux Estats d’Orleans, à l’appel qu’on fit de tous les baillages selon leur ordre, Dourdan ayant esté oublié, Michel Delescornay mon ayeul qui y avoit esté député, remonstra que Dourdan recogneu pour l’un des baillages de la France ayant esté convoqué aux Estats, il y avoit esté envoyé, et s’estonnoit qu’il n’avoit esté appellé en son rang, lors la faute ayant esté recogneuë, et qu’il eust esté trop long de rechercher son lieu, on

|15 l’adjousta en fin de la liste, c’est pourquoy il se trouve à present le dernier de tous ceux qui estoient lors : Mais si on en

vouloit prendre la peine, il seroit aisé de le faire mettre en lieu plus honorable. Pour conclusion, l’ancienneté de ce baillage paroist assez, puis qu’on n’en trouve point l’origine, laquelle doit estre référée au temps de toutes les autres : et sa qualité se remarque suffisamment par sa coustume particulière ; Qui fait juger que Dourdan est aussi bien chef de province que Paris et Orléans, et ne recognoist pour superieur que la cour de Parlement, sinon qu’ez cas du presidial les appellations se relevent à Chartres.


La prevosté y a aussi esté de tout temps, mais soubs diverses conditions : car elle s’estoie tousjours |16 baillée à ferme comme par tout ailleurs, jusques environ l’année 1500 qu’elle fut érigée en tiltre d’office : Or qu’elle ne soit très-ancienne, il n’y a lieu d’en douter, puisqu’elle estoit du temps de Philippes Auguste, qui la chargea de seize livres parisis pour la dotation de la

chapelle de son chasteau de Dourdan, comme il se verra cy- apres.


Les eaux et forests y ont aussi eu leur justice particuliere dés l’heure mesme que Philippes de Valois les desmembra des baillages, car le maistre particulier qui fut pourveu pour les pays de France, Brie et Champagne y establit un siege à Dourdan comme il fit en chacun baillage de ces provinces, pour y exercer sa jurisdiction, et y commit un lieutenant pour

terminer les différends qui |17 naistroient en son absence : et a duré celle façon de vivre jusques en l’année mil cinq cens cinquante-quatre, que par edict on crea des maistres en chacun de ces baillages au lieu des lieutenants qui y estoient, en telle sorte, qu’au lieu d’un maistre qu’il y avoit pour ces trois provinces, on y en establit douze ou quinze, et particulierement un à Dourdan.


L’eslection y est aussi fort ancienne : car je trouve que dés l’année 1486. Nicolas Picquet estoit qualifié procureur du roy, tant au baillage, que sur le faict du domaine et aydes de Dourdan : Il est bien vray qu’il n’y avoit point encores lors de bureau de recepte, et que les collecteurs des parroisses portoient leurs deniers à celuy de Chartres, mais pourtant l’eslection |18 de

Dourdan ne dépendoit aucunement de celle de Chartres, car elle recevoit ses mandements particuliers pour les tailles, faisoit ses departements et et jugeoit tout ainsi que celle de Chartres : en fin elle fut en l’année 1577. Augmentée d’un bureau de recepte, aussi bien que toutes les autres.


Outre ces jurisdictions royales celle du grand archidiacre de Chartres y est encores exercée pour les ecclesiastiques, de laquelle les appellations sont relevées pardevant l’official de l’evesque de Chartres.


Il y a pareillement eu de tout temps quelqu’un de pourveu pour la garde du chasteau soubs la qualité de capitaine, sans avoir pris celle de gouverneur, qui estoit reservée à celuy de l’Isle de France, |19 l’ont pratiqué plusieurs gentils-hommes et seigneurs de marque, entre autres le seigneur de Vendosme prince de Chabanays et vidame de Chartres, apres luy le Seigneur de Montgommery, et ensuitte le seigneur de Choisy, tous lesquels n’ont pris autre tiltre que capitaines du chasteau de Dourdan, et en ceste qualité ont esté employez dans les comptes

du domaine, en tel ordre toutesfois, que les baillifs partent devant, marque infaillible que la presceance et les prerogatives d’honneur leur sont déférées comme chefs de la province, sauf aux capitaines de commander et prendre toute sorte d’honneurs dans leur chasteau. Soubs chacun de ces capitaines il y avoit encores un concierge5, |20 qui avoit la charge de la porte et des

prisons qui estoient dans le chasteau, aucuns desquels se trouvent qualifiez gentils-hommes et escuyers.


*

L’origine.

Quelque exacte recherche que j’aye peu faire depuis unze ans, si n’ay-je peu parvenir jusques à une cognoissance certaine ny du temps ny de celuy qui a fait bastir le chasteau de Dourdan : mais quoy qu’il en soit, je conjecture et par son assiete et par sa construction, qu’il est très-ancien, et fait en un temps auquel

l’usage de la mine n’estoit encores pratique ; car il a esté fait pour une place imprenable, contre laquelle ny |21 les béliers, ny l’escalade, ny les autres machines de guerre ne pouvoient profiter : et neantmoins est si fort subject à la mine, (estant assis sur un petit tertre duquel le terrain n’est que sable, qui peut

estre fouillé aisément) qu’en moins de quinze toizes de mine on se peut loger soubs les fondements, comme le monstra bien monsieur de Biron lors qu’il l’assiegea en l’année 1591. Or il


5 Il faut rappeler ici que nous apprend Joseph Guyot : « un compte de 1646 nous apprend que Jacques de Lescornay était propriétaire de l’office de concierge du château de Dourdan et que la somme de 100 livres lui était allouée à ce titre (Le poète J.-Fr. Regnard en son chasteay de Grillon, Paris, Alphonse Picard et fils, 1907, p. 67).

est certain que si lors qu’il a esté basty on eust eu l’adresse de la mine, on l’eust garenty, ou du moins n’y eust-on laissé ceste grande facilité.


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Martyre de sainte Mesme (copie d’un groupe en bois du XVIe siècle volé dans l’église en 1985 - cliché de Jean-Maurice Sattonay)

Rex Dordanus.

En second lieu, j’apprend par la legende de saincte Mesme, |21 que ce rex Dordanus, dont j’ay parlé cy devant, homme payen, demeuroit au lieu dict Saincte Mesme, demie lieuë au dessus de Dourdan, et avoit une fille nommée Mesme, laquelle fit profession du christianisme à son desceu : à cause de quoy (et pour n’estre descouverte) elle se retiroit ordinairement prez d’une fontaine, où elle faisoit ses secrettes prières ; mais en fin, ayant esté descouverte, et n’ayant peu estre divertie, il luy fit trencher la teste par la main propre de Mesmin son frère, lequel (adjouste le vulgaire) ayant recogneu sa faute, fut baptisé, et se relegua quelque temps dans la forest prez d’une fontaine où il fit penitence.


La difficulté que je trouve en ceste histoire est de sçavoir si rex |23 Dordanus doit estre interpreté roy Dourdain : auquel cas je croirois qu’il auroit esté l’autheur de Dourdan, et luy auroit donné son nom ; ou bien si on doit expliquer roy de Dourdan, (car l’un se peut dire aussi tost que l’autre :) et lors il faudroit conclure necessairement que Dourdan auroit esté le plus ancien ; mais quoy qu’il en soit de cecy, on peut establir pour fondement, que Dourdan estoit du temps que le paganisme

regnoit en France, puisque rex Dordanus estoit payen. Je ne doute pas que quelque poinctilleux n’accuse ceste legende de supposition, à cause de ces termes rex Dordanus, n’estant croyable qu’en ce pays y aye eu un roy, et que ce mot Dordanus ne ressent point une si grande antiquité, au |24 contraire semble avoir esté fabriqué nouvellement sur la dénomination moderne de Dourdan, qui estoit autrement appellé par les plus vieux (comme j’ay dit cy-devant) Dordinga et Dordingtum, suivant

quoy un autheur celebre6 (parlant de la riviere de Dourdan) dit, Orgia alluit Dordingam, quam vulgò Dordanum incolæ vocant7. Mais je respondray trois choses. La premiere, que cette Legende est approuvée de l’evesque, et se lit dans l’eglise aux jours de la feste de saincte Mesme, c’est pourquoy il n’y a apparence de supposition, joinct qu’il n’y a aucune mémoire ny par tradition ny autrement, depuis quand elle a esté introduite,

et qu’elle a tousjours esté curieusement conservée par les seigneurs du lieu, qui la reservent comme |25 un précieux thresor. La seconde, que ce tiltre rex ne veut signifier que seigneur de qualité : ainsi en a usé l’evangeliste, regulus quidam8 ; et monsieur de Thou9 en son Histoire (parlant d’un comte, baron, ou autre) se sert de ce terme regulus. Quant à Dordanus, il se peut faire que quand on a fait une seconde copie de ceste legende, quelqu’un voulant faire le sçavant, a supprimé l’ancien mot qu’il croyoit estre barbare ou fautif, pour y mettre ce nouveau. La troisiesme et dernière, à laquelle je ne prevoy point de response, est, que toutes les marques circonstanciées

de ceste histoire se trouvent encores aujourd’huy sur le lieu : car joignant le village de Saincte Mesme (la prairie néantmoins entre-deux) se trouve un |26 grand champ dans lequel (si on fouille un pied et demy) on trouve un lict de chaux et ciment sur le terrain qui n’est que sable, et sur ce lict du carreau blanc entremeslé de noir large comme l’ongle, à la mosaïque, qui fait


6 Jean Papire Masson (1544-1611), Descriptio Fluminum Galliæ, quae Francia est. Paris, Jacques Quesnel, 1618, p. .

7 « L’Orge arrose Dordinga que les habitants appellent en langue vernaculaire Dordan » (B.G.)

8 Évangile de Jean 4, 46 : Erat quidam regulus, « il y avait un roitelet ».

Exemple peu claire et d’autant plus mal venu qu’en l’espèce le latin trahit l’original grec qui portait : Καὶ ἦν τις βασιλικός, « et il y avait un officier du roi » (B.G.).

9 Jacques-Auguste de Thou (1551-1617), Historia sui temporis, ouvrage qui traite de l’histoire européenne de 1543 à 1607 (B.G.).

juger qu’en cét endroit estoit la salle de quelque somptueux palais, et que quelque seigneur de grande qualité y demeuroit ; veu mesme qu’on y trouve tous les jours des pièces de marbre ouvré, et encores depuis peu une main fort bien taillée. Or n’y ayant autre histoire ny tradition qui parle de celuy qui a habité ce palais, et d’ailleurs l’estat present des choses faisant assez juger de son ancienneté, pource que tant de terres ne pourroient avoir esté amassées sur ses ruines qu’après plusieurs siecles

escoulez, |27 joinct qu’en ce lieu se monftre une fontaine fort

bien entretenue, qu’on dit estre celle vers laquelle se retiroit saincte Mesme, et au dessus dans la forest une autre pres laquelle on dit que Mesmin faisoit penitence apres avoir eté converty, il n’y a plus lieu de combattre ceste legende, ny rejetter l’histoire que j’en tire, pour marquer l’ancienneté de Dourdan.


*

Hugues le Grand.

Apres avoir parlé de la fondation de Dourdan avec incertitude et par presomption et consequences seulement, il est raisonnable de discourir de son progrez avec plus d’asseurance et selon la cognoissance que j’ay eu de la verité |28 des choses. Il est donc à remarquer que Dourdan après plusieurs mutations depuis son establissement, en fin arriva à Hugues le Grand comte de Paris, qui s’en est servy comme d’un lieu de plaisance10, tant à cause de la beauté du pays, que de la


10 Jospeh Guyot complète ici Delescornay comme suit : « Hugues Capet vint-il quelquefois au village de Dourdan, se délasser de la vie agitée de prétendant, comme l’avance assez vraisemblablement de Lescornay, sans

salubrité de l’air, et pour la rencontre qu’il y fit de toute sorte de chasses (principal desduict11 des grands et des roys :) On n’y manque pas de lapin, à cause des garennes qui y sont : le lievre y peut estre couru et avec levriers et chien courants, tant dans la plaine de la Beaulce, que dans le pays bossu de Hurpoix : les renards se trouvent abondamment dans les petits bois qui sont ez environs : les tessons12 et blereaux ont plusieurs tasnieres dans la forest pour exercer |29 les pionniers à les fouïller et prendre au giste : en fin la forest fournit de quantité de cerfs, sangliers et chevreuls, qui peuvent donner infinis passe-temps aussi bien que les loups qui se rencontrent souvent dans le pays : Mais le comble des plaisirs arrive quand ces grandes bestes se rembuchent dans des petits bois ou buissons qui sont


d’autres preuves pourtant que des lieux communs ? Nul ne le sait ; mais ce que les textes nous apprennent et ce que n’a point su de Lescornay, c’est qu’en 986, année décisive où mourut réellement avec Lothaire la dynastie de Charlemagne, Dourdan fut le rendez-vous d’une importante et mystérieuse entrevue.

« Hugues n’avait plus qu’un pas à faire pour être roi ; mais il fallait se débarrasser d’un puissant compétiteur, Charles de Lorraine, appuyé sur son droit et sur l’Allemagne. Trois hommes y travaillaient : l’évêque de Laon, l’évêque de Reims Adalbéron, et le fameux Gerbert, qui, avant de mener la politique de son siècle du haut de la chaire romaine, prêtait, Comme écolâtre de l’Église de Reims, le secours de sa plume et de son adresse diplomatique aux ambitieuses menées de la dynastie naissante. C’est une lettre de Gerbert à Adalbéron qui nous révèle, au milieu d’avis obscurs sur les affaires privées de l’évêque, une phase peu connue de cette longue négociation qui prépare l’avénement de Hugues au trône.

« ’Il s’agit sérieusement de la grande affaire, écrit-il, magna res serio agitur. L’évêque de Laon, par le conseil d’Othon (duc de Bourgogne), et d’Herbert (comte de Troyes), est venu trouver le duc au lieu qu’on nomme Dourdan. Revenez sans aucun délai’. La chose était grave : ‘res enim sunt grandes.’ (Epistola CXX.) » (Chronique d’une ancienne ville royale, Dourdan, 1869, pp. 14-15).

11 Déduit : divertissement (B.G.)

12 Taisson est selon Littré « un autre nom du blaireau » (B.G.).

au milieu de la Beaulce esloignez de la forest : pource qu’après avoir esté lancées, et qu’elles ont battu ces petits forts, elles sont contraintes de sortir et courir en plaine campagne, car lors on les voit avec toute la chasse, et les peut-on conduire de l’œil jusques à perte de veuë sans aucun obstacle. Outre cecy la volerie y est tres-belle, tant pour les hérons et canars que retiennent les estangs |30 et la pairie, que pour les perdrix,

corneilles, et tous autres oyseaux qui y sont en quantité : Mais ce qui rend ce plaisir de chasse plus accomply, est, qu’en quelque temps que ce soit on en peut jouir sans incommodité : car en esté les vallons fournissent de rafraischissement aux coureurs, et en hyver la course n’est que plus aisée, à cause des sablons qui y sont en abondance ; C’estoient les causes qui y attiroient ce grand comte, et les appas qui depuis ont tellement charmé nos roys et autres seigneurs qui l’ont cogneu, qu’ils n’ont pas estimé qu’il s’en peust trouver prez Paris un plus propre pour leurs plaisirs et passe-temps : aussi l’ont-ils souvent fréquenté, comme on peut juger par deux articles de recepte que

j’ay remarqué |31 dans les anciens comptes du domaine, l’un desquels est des pains que debvoient les habitans des Granges-

le-Roy tous les ans à Noël ; et l’autre des gelines qu’ils debvoient quand le roy venoit à Dourdan, car le pain servoit pour nourrir les chiens qui estoient ordinairement sur le lieu, et les gelines servoient pour les oyseaux de proye, qui n’y estoient apportez qu’avec les roys : À quoy faut adjouster, que par ces comptes se fait recepte de grande quantité de foins et d’avoines, et que par deux chapitres de despense il est clairement monstré qu’ils avoient accoustumé d’estre consommez sur le lieu par les

chevaux de l’ecurie des roys. Or si les roys n’y fussent allez que rarement, pourquoy y eussent-ils eu des chiens ? |32 et pourquoy eussent-ils voulu s’asseurer de pasture pour leurs oyseaux et pour leurs chevaux ? Neantmoins (afin que ceste proposition demeure pour certaine, et soit sans doute) je déduiray cy-apres des exemples qui l’establiront de tout poinct. Mais pour revenir

à Hugues le Grand : il avoit une si grande passion pour Dourdan, qu’il la voulut eterniser, et en laisser des tesmoignages à la posterité, y rendant les derniers souspirs de la vie, ou soit qu’il s’y fust fait porter estant malade, pour (à l’aide de la pureté de l’air) y recouvrer sa santé, ou qu’y estant pour ses plaisirs, la maladie l’y eust surpris. |33


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*

Hue Capet.

Dourdan jusques icy avoit esté possedé par seigneurs particuliers : mais aussi tost que Huë Capet (auquel il appartenoit en propre par la succession de Hugues le Grand

son pere) fut appellé à la couronne, il l’y réünit, et y est tousjours demeuré,

horsmis quelque temps qu’il a servy

d’appanage à des enfans de France, comme il sera remarqué en son lieu. Je n’ay autre preuve pour justifier que ce roy a honoré Dourdan de sa presence sinon qu’estant son heritage propre, et s’y estant habitué (comme il est vray-semblable) auparavant qu’estre roy, à l’exemple de son pere, et pour les mesmes raisons on |34 ne dira pas qu’il l’aye oublié et mesprisé apres

qu’il a este roy, puisque ses successeurs roys ne l’ont desdaigné.


*

Robert, Henry, et Philippes I.

Tout ainsi que je me suis servy de l’exemple de Hugues le Grand et des moyens généraux que j’ay touché (en passant) parlans de luy, pour induire que Huë Capet son fils avoit aymé Dourdan, j’employeray le mesme discours et la mesme conclusion pour les roys Robert, Henry I. et Philippes I. pour lesquels je n’ay rien peu trouver de particulier, tant à cause du long temps qui s’est escoulé depuis leur regne, que de |35 la perte de tous les tiltres de Dourdan et des lieux circonvoisins,

qui me contraignent de me tenir dans ces moyens generaux : neantmoins j’adjousteray que la preuve claire que j’ay pour leurs successeurs immédiats jointe à l’exemple de Hugues le Grand leur predecesseur, fera conclure que Dourdan estoit un lieu royal et destiné pour le plaisir des roys, et consequemment que ces trois icy l’ont fréquenté comme les autres, ou en tout cas, que leur estant reservé, ils y ont tousjours esté reputez presents.


*

Louys le Gros.

Il ne sera pas besoin de beaucoup de discours ny de grands artifices, pour justifier que Louys |36 le Gros a chery et fréquenté Dourdan, quand on aura veu un vieil chartulaire ou répertoire des tiltres du prieuré de Long-pont soubs Montlehery, (que j’ay recouvré par le moyen de monsieur Duchesne, l’un des plus curieux et plus sçavants de ce temps en l’histoire,

auquel j’en refere l’honneur13) dans lequel il est parlé d’une donation qui y a esté faite par Bernard de Chevreuse, confirmée et ratifiée par Marie au profit de Regnault de Brayolo son pere, et laquelle fut passée à Dourdan dans la chambre du roy (qui consequemment y estoit14) et amortie par Guy fils de Guy de Rochefort qui vivoit au temps de ce roy : Voicy l’extraict du registre.


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Bernardus de Cabrosia pro anima sua dedit Deo et sanctæ Mariæ |37 de Longo-ponte totam terram cum reditibus suis quam ipse apud soliniacum possidebat, Imsia uxore sua, Bernardo

amborum filio, Elizabet et Cecilia filiabus concedentibus, Arnoldo majore, Garino Britone, Joanne carpentario, Reinaldo fabro audientibus et testificantibus ; Maria postea Reinaldi de Braiolo filia hoc donum

quod Bernardus fecerat Reinaldi patri suo ad velle suum faciendum cum filiis suis concessit : ipse verò Deo et sanctæ Mariæ de Longo-ponte et se monachum et terram dedit, ipsa, Aimone et Nanterio filiis suis annuentibus. Hoc factum apud Dordingtum, in camera regis, audientibus Florentia uxore


13 Il semble que Delescornay remercie ici l’historiographe André Duchesne (1584-1640) à cette date seulement « géographe du roi », d’une commuication orale, car je n’ai pas trouvé mention de cette charte dans les publications de cet auteur antérieures à 1624 (B.G.).

14 Il me semble que cette induction est bien hardie, et que tout au

contraire si le roi eût été présent, notre charte l’eût dit plus clairement (B.G., 2016).

Reinaldi, Godefredo de Braiolo pagano de sancto Yonio, Aimone et Hugone eius fratribus, et aliis quàm pluribus. Donum istud Guido Guidonis filius de rupe forti de cuius feodo erat pro animabus |38 antecessorum sine ulla retentione servitii concessit, et in manu Henrici prioris, per lini portiunculam huius rei donum posuit.


*

Louys le Jeune, autrement le Pieux.

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Louys le Jeune, à l’imitation de son père, s’estant attaché d’affection à Dourdan, y attira les religieux (dits

Bons-Hommes) de l’ordre de Grandmont (qui florissoient lors et estoient en tres-grande estime) et les logea au lieu nommé Louye qui n’en est qu’à un quart de lieuë, afin de pouvoir plus souvent et plus aisément jouyr de leur entretien spirituel, recevoir

des consolations en ses afflictions,

et employer leurs intercessions envers |39 Dieu en ses necessitez, et particulierement pour

avoir lignée masculine qui luy avoit esté desniée jusques à lors : Ce sont eux desquels veut parler du Haillan lors qu’il dict que le roy et Alix ou Adelle fille de Thibault comte de Champagne sa femme se voyants hors d’esperance d’avoir des enfans malles, eurent recours à Dieu, et joignirent à leurs devotions les prieres et suffrages des religieux de leur temps, lesquelles furent de si grande efficace, que peu de temps après la royne accoucha d’un

fils qui fut nommé Philippes, et surnommé Dieudonné : Cette rencontre fut cause que la bonne opinion que la royne avoit auparavant conceu de leur bonne vie augmenta de telle sorte, qu’elle les veit depuis plus volontiers, et leur fit les grands |40 biens dont je parleray cy après. Ainsi Louys XI. establit les minimes (esquels il avoit grande croyance) dans son parc du

Plessis lez Tours et dans l’enclos du bois de Vincennes, lieux de son sejour ordinaire et ausquels il passoit la meilleure partie de sa vie.


Donation de Louye.


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum rex, noverint universi pariter et futuri quod nos amore Dei et salutis animæ nostræ intuitu, dedimus et concessimus Bonis Hominibus de Grandimonte locum de Loya cum nemore et terris sicut fossatis undique cingitur et distinguitur liberè, quietè et pacificè possidendum : homines etiam nostri de Granchiis omne jus |41 quod habebant in nemore quod infrà prædicta fossata continetur supradictis Bonis

Hominibus quitaverunt : quæ ut in perpetuum, robur obtineant, scripta commendari et sigilli nostri authoritate fecimus confirmari : actum Stampis, anno Verbi incarnati, millesimo centesimo sexagesimo tertio. Data per manum Hugonis cancellarii.


Encores que ces lettres soient dattées d’Estampes, si est-ce que le roy estoit à Dourdan, et la chose est arrivée de ceste sorte, pource que Dourdan n’estant assez ample et ne pouvant contenir plus que la maison du roy avec les seigneurs qui approchoient de sa personne et faisoient partie de ses divertissements, le chancellier et autres de la suitte du conseil logeoient à Estampes, qui n’en est qu’à trois lieuës, où ils expedioient toutes affaires.

Louye est un lieu d’assez plaisante situation, à un quart de lieuë |42 de Dourdan, composé d’une grande planade de terres labourables environnées de toutes parts de la forest sur des costaux qui representent un amphitheatre : à l’un des bouts de cette plaine plus relevé que le reste et joignant les bois, sont les bastiments et l’eglise, lesquels par leur structure, font bien

juger que c’est un œuvre royal : le vulgaire tient par tradition que ce lieu fut premierement dedié à Dieu et ainsi nommé par un roy qui en chassant s’estoit esgaré dans la forest (lors de beaucoup plus grande estenduë qu’à present) et qui n’avoit peu estre ouy ny secouru des siens que lors qu’il se trouva en ce

lieu, en consideration de quoy il y fit bastir une chappelle à laquelle il affecta et les terres labourables et quantité |43 de bois à l’entour, suivant les bornes et fossez, desquels il les distingua et separa du reste de la forest, et luy donna le tiltre de Nostre- Dame de Louye, pource qu’à l’aide du sens de louye il avoit esté tiré du péril : Or que cette tradition soit vraye ou fausse, j’en laisse le jugement à la discretion de chacun15 ; seulement diray-je qu’outre que ce n’est chose impossible, qu’elle est encores appuyée par les termes de la donation cy dessus, lesquels expriment assez clairement que lors qu’elle fut faite, ce

lieu avoit esté desja retranché du domaine, et destiné à quelque autre chose : locum de Loya cum nemore et terris sicut fossatis undique cingitur. |44


15 « Ce qu’il y a de certain, commente Joseph Guyot (Chronique…, 1869, pp. 19-20) c’est que cette étymologie avait cours au XIIIe siècle : car, dans une ancienne pièce, les frères de Louye sont désignés et traduits par ces mots : fratres nostri de Auditorio (cf. Abandon de dîmes fait aux chanoines de Saint-Chéron par les religieux de Louye, février 1223. — Archives d’Eure-et-Loir, fonds de Saint-Chéron.) ».


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Extrait d'une carte manuscrite de 1743 publiée par Guyot en 1869


Philippes Auguste, autrement Dieu-Donné.

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Si Dourdan a deu recevoir quelque advuentage pour avoir esté le sejour des rys, c’a esté particulierement en conside- ration de Philippes Auguste, qui y a laissé beaucoup plus de marques de son affection que les autres, et lequel recogneu grand en toutes ses actions, ne sera jamais presumé s’estre attaché à un lieu qui ne le meritast et qui n’eust toutes les circonstances necessaires, pour

arrester le plaisir d’un cœur royal : Une seule chose l’incommodoit, et restreignoit ses plaisirs ; sçavoir est la donation des bois de Louye cy-dessus, d’autant qu’iceux servants de retraitte |45 à la plus-part de toute sorte de bestes, (pource qu’ils sont dans le milieu de la forest,) et luy par une tres-grande retenuë n’y voulant aller, il perdoit plusieurs bonnes occasions de sa chasse. C’est pourquoy, et afin d’avoir pleine liberté dans le pays, il les retira et les reünit à son domaine, après toutesfois avoir recompensé d’ailleurs les religieux : La preuve de ceste reünion sera cy-apres inserée soubs Sainct

Louys, qui remit les choses en leur premier estat.


Sa pieté et sa retraitte ordinaire à Dourdan l’inviterent à faire bastir une chappelle dans le chasteau laquelle il dota de quinze livres parisis à prendre sur sa prevosté du lieu, et laquelle il ordonna estre deservie par l’un des religieux qui seroit au prieuré de sainct Germain, |46 ayant préalablement fait entre ses

mains le serment de fidelité. Voicy le tiltre de ceste fondation, tel que je l’ay peu recouvrer.


Philippus Dei gratia Francorum rex, omnibus præsentes literas inspecturis salutem noveritis quod nos statuimus in perpetuum in castro Dordani quamdam capellam capellaneam, et volumus et concedimus abbati et conventui sancti Carauni Carnotensis quòd unus de canonicis prioratus sui de sancto Germano de Dordano celebrare…………………………….. singulis diebus in prædicta capella tali modo quòd canonicus ille qui in eadem deserviret faceret fidelitatem nobis et hæredibus nostris dictum castrum possidentibus, et quotiens

mutabitur ille canonicus totiens faceret dictam fidelitatem : nos autem statuimus quòd canonicus |47 ille qui in dicta capella deserviret, percipiat singulis annis quindecim libras parisienses in prepositura nostra Dordani, recipiendas singulis annis, medietatem in festo omnium sanctorum, et medietatem in Purificatione beatæ Mariæ Virginis, et per quos dies præpositi

nostri Dordani distulerint facere dicto canonico …………

………….. prædictis quindecim libris per tres dies reddent ……

…… præsentem chartam sigilli nostri auctoritate precipimus roborari actum Parisiis, anno Dominicæ Incarnationis 1222. mense aprili.


J’ay long temps douté de la validité de ceste piece, pource que je ne l’ay veue en forme, et que d’autant plus une chose est decisive, elle doit estre epluchée, et exactement considerée : Mais j’en ay esté esclaircy par un acte capitulaire que j’ay trouvé en bonne forme au thresor des chartres de la |48 couronne dans la layette de chartres 2 num. 5. par lequel l’abbé prieur et convent de sainct Cheron lez Chartres, (d’où dépend le prieuré de sainct Germain,) acceptent ceste fondation et s’obligent pour deservir ceste chappelle de fournir l’un des religieux de leur

prieuré de Dourdan qui fera le serment de fidélité.

La fabrique de sainct Germain de Dourdan est en très- ancienne possession du droict de mesurage dans la ville et fauxbourgs, qui luy vaut ordinairement six cens livres par an, sans qu’aucun sçache qui l’a donné ny d’où il est venu, à cause de la perte des registres et tiltres de ceste eglise : Mais quant à moy, je conjecture que c’a esté Philippes Auguste, d’autant que le martirologe ou liste de ceux qui y ont bien fait, commence par Nous prierons pour |49 le roy Philippes, à quoy je crois qu’il faut adjouster, Auguste, d’autant que je ne trouve point

qu’aucun autre Philippes se soit tant arresté à Dourdan pour y faire ceste liberalité.


La royne Alix ou Adelle mere du roy continua apres la mort de Louys son mary ses voyages à Dourdan, y establit sa principale demeure comme en un lieu royal qui avoit esté chery par son mary, et qui estoit souvent frequenté par le roy son fils ; qui fut cause que les religieux de Louye (qui avoient meilleur moyen de la gouverner) gaignerent tellement ses bonnes graces, qu’elle leur donna vingt muids de bled de rente à prendre sur la seigneurie de Chalou, qu’elle donna à ceste charge aux chevaliers de

l’ordre de sainct |50 Jean de Hierusalem,

qui en passerent à l’heure mesme une recognoissance par acte capitulaire j’ay icy transcript.

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Adèle d'après son sceau


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen. Frater Amio magister militiæ Templi extra mare totúmque eiusdem militiæ capitulum, universis fidelibus ad quos literæ præsentes venerint salutem in Domino : Notum fieri volumus universis præsentibus

pariter ac futuris, quod cum venerabilis Francorum regina Adella Ludovici piæ memoriæ christianissimi Francorum regis uxor, quamdam villam Chaloium dictam, quam adquisierat assentiente concedente e laudante filio suo illustrissimo Francorum rege Philippo, nobis in eleemosinam contulisset, à nobis impetravit, quod singulis annis donavimus viginti modios frumenti fratribus |51 de Loya juxta Dordanum, qui sunt de

ordine Grandismontis, ab eisdem fratribus in festo sancti Remigii in granchia Chaloii recipiendos, ad modium Chaloii, et decem libras parisienses, ab eisdem annuatim apud Templum Parisius in crastino Circoncisionis Domini recepiendas. Actum publicè apud Templum Parisius, anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo octuagesimo tertio.


*

Louys VIII.

Je n’ay rien veu qui m’oblige particulierement à croire que le roy Louys VIII. aye frequenté Dourdan, sinon que par les lettres de restitution des bois faite par sainct Louys aux religieux de Louye, Il est enoncé qu’il avoit |52 continué la reünion de ces bois commencée par son père Philippes : ce qu’il n’eust fait s’il n’y eust eu les mesmes interests, et d’ailleurs son pere y avoit rendu trop d’assiduité pour croire que le fils l’eust abandonné.

Sainct Louys, neufiesme du nom.

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Le Roy Sainct Louys imitant ses predecesseurs a passé une partie de son temps à Dourdan, comme j’apprend par deux consequences. La première, de ce qu’en l’an 1253. Il achepta de messire Berthault Cocaloguon, certains héritages, censive et champarts qu’il avoit aux environs de Dourdan, et les

donna à Jean Burguignel |53 son

chambellan16, d’où s’ensuit que Burguignel estoit son favory,

puis qu’il faisoit des

acquisitions pour luy, et que les faisant près Dourdan, c’estoit signe qu’il y prenoit plaisir et estoit bien aise que celuy qu’il aymoit eust quelque sujet en son particulier de l’y suivre et se tenir tousjours pres de luy : Car sans ceste consideration pourquoy achepter pour luy donner ? c’eust esté plustost fait, et l’obliger davantage de luy bailler l’argent que coustoient ces choses et luy laisser la liberté de l’employer à sa volonté, sans le restraindre en certain lieu. La seconde consequence est tirée de ce qu’en l’année 1255. le roy rendit aux religieux de Louye

les bois que Philippes Auguste et Louys VIII. |54 leur avoient osté : Car il est à presumer que ce restablissement ne se feit

qu’en consideration de l’affection qu’il avoit pour eux, et


16 Il est à noter que Joseph Guyot a depuis trouvé et édité la charte par laquelle Jean Bourguignel à son tour a cédé ces biens aux Religieuses de Longchamp en 1266 (Chronique…, 1869, pp. 26 et 408-409) .

laquelle s’estoit formée en luy par le sejour qu’il faisoit à Dourdan.


Donation de sainct Louys à Jean Burguignel.


A tous ceux qui ces presentes lettres verront, Louys par la grace de Dieu roy de France, à la supplication de nostre bien amé nostre chambellan et nostre serviteur Jean Bourguignel et de Marguerite sa femme, pour les biens-faicts et agréables services qu’il nous peut avoir faits, avons quitté et delaissé, quittons, donnons et delaissons dés maintenant à tousjoursmais à luy et à ses hoirs et à ceux qui de luy auront cause au temps à venir, c’est à sçavoir tout généralement ce que nagueres avons conquesté de messire Berthault Cocalogon seigneur de

Femerez |55 au Perche, près de Chasteau-neuf en Thymerais, tout generalement selon le contenu des lettres d’adveu que ledit

messire Berthault avouoit à tenir de nostre seigneurie et chastellenie de Dourdan, faites et passées soubs les sceaux de la prevosté dudit Dourdan, datées de l’an 1190. et toute icelle seigneurie qu’il tenoit soubs nostredite seigneurie, c’est à sçavoir tous les droicts seigneuriaux, comme cens, rentes, vassaux, ventes, et reventes, saisines et amendes, champarts et champartages, mesurages et boucages, et les courses qui appartiennent ausdits champarts, et toutes autres choses quelsconques qu’avons conquestées et acquis dudit messire Berthault selon le contenu de ses lettres d’adveu et autres choses à luy appartenans, etc. En tesmoin de ce avons mis et attaché nos sceaux le 8. jour de juin, en l’an de l’Incarnation

nostre Seigneur 1253. |56


Restitution des bois de Louye.


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen. Ludovicus Dei gratia Francorum rex, notum facimus præsentibus et

futuris, quod vestigia prædecessorum nostrorum sequentes, volumus et pro salute animæ nostræ et antecessorum nostrorum concedimus, quòd viri religiosi Boni-Homines ordinis Grandimontis in loco de Loya commorantes, habeant de cætero dictum locum de Loya cum nemore et terra, sicut fossatis undique cingitur et distinguitur, liberè, quietè et pacificè possidendum, sicut continetur in literis piè recordationis Ludovici Dei gratia regis quondam Francorum proavi nostri, qui prædicta eisdem Hominibus contulit, sicut in

literis ipsius vidimus contineri, |57 quod nemus, etiam felicis recordationis Philippus quondam rex Francorum, ac genitor

noster Ludovicus tenuerunt per aliquot annos in manu sua, et nos post ipsos, sed illud de bonorum consilio restituimus eisdem : quod ut perpetuæ stabilitatis robur obtineat, præsentem paginam sigilli nostri auctoritate et regii nominis caractere inferius annotato fecimus communiri. Actum apud Vicennam, anno Incarnationis Dominicæ millesimo ducentesimo quinquagesimo quinto, mense Aprili, regni verò nostri anno vicesimo nono, astantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt et signa, dapifero nullo, buticulario nullo, Alfonso camerario, Egidio constabulario. Data vacante cancellaria. Scellé en scel de cire verd pendant en lacs de soye rouge.


Il est bien vray que long temps |58 auparavant ceste donation et restitution le Roy avoit aliené le domaine de Dourdan, d’où sembleroit s’ensuivre qu’il n’y auroit apporté si grande assiduité comme j’ay dit : Mais quand on considerera que ceste alienation fut au profit de la royne Blanche sa mere pour partie de l’assignat de sa dot et de son doüaire, tant s’en faut qu’on en induise un refroidissement et une retraitte, qu’au contraire on en conjecturera une plus grande affection et une plus grande frequentation, en consequence de la charité de la mere et de la

pieté du fils assez recogneuës et publiées par tous les historiens de leur temps.


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen. Ludovicus Dei gratia |59 Francorum rex, notum facimus quod cum charissimæ dominæ et matri nostræ Blanchæ reginæ illustri, in excambium dotalitii sui, quod nos charissimo et fideli fratri nostro Roberto comiti Attrebaten. contuleramus, Mellentum, Pontysaram, Stampas, Dordanum cum foresta, Corbolium, Meledunum cum castellerio assignaverimus nomine dotalitii

possidenda cum omnibus pertinentiis prædictorum, tam in feodis, quàm in domaniis, volentes eidem terras, possessiones et redditus ampliare, ex voluntate nostra et de nostro consilio eidem dedimus Crispyacum in valesio cum foresta, et Feritate Milonis, villaribus et vinariis et Petræfontem cum omnibus pertinentiis, tam in feodis, quàm in domaniis, ad tenedum et possidendum quoad ipsa vixerit cum omnibus viribus17 et ita plenè sicut tenebamus prædicta. Dedimus etiam eidem dominæ

|60 matri nostræ quatuor millia quingentas libras parisienses

annui redditus in tribus compotis nostris, tertiam partem in quolibet, annis singulis capiendas, et post decessum eius prædicta omnia ad nos et hæredes nostros liberè revertentur, hoc excepto quod ipsa dare poterit usque ad octingentas libras parisienses annui redditus, vel in eleemosinam, vel ubi voluerit, computatis tamen centum libris annui redditus, quas centum libras parisienses nos et ipsa contulimus Abbatiæ monialum Cysterciensis ordinis juxta Pontisaram sitæ, capiendas apud Mellentum. Ipsa autem domina et mater nostra nobis concessit penitus et quitavit Exolduum, feodum Craceum, feoda Byturesii, quæ tenuit Andræas de Calvigniaco, quæ habuerat in matrimonio ex donatione Joannis quondam regis Angliæ :


17 Le texte porte « viribus », coquille pour « iuribus » (B.G.).

Quod ut perpetuæ stabilitatis robur obtineat præsentem paginam |61 sigilli nostri auctoritate et regii nomine charactere inferius annotato fecimus communiri. Actum Parisiis, anno Dominicæ Incarnationis millesimo ducentesimo quadragesimo, regni vero nostri anno quinto decimo, adstantibus in palatio nostro quorum nomina sunt posita sunt et signa, dapifero nullo,

Stephani buticularii, Joannis camerarii, Almaurici constabularii. Data vacante cancellaria.


En l’année 1260. le 30. juin, apres le decés de la royne Blanche, le roy assigna le doüaire de Marguerite fille du comte de Provence sa femme sur Dourdan, Corbeil, Meullent, et autres lieux exprimez par les lettres qui en furent expediées, et en deschargea le Mans et Orléans, sur lesquels il avoit esté auparavant assigné, sans toutesfois que cela aye peu apporter |62 d’obstacle aux plaisirs qu’il y prenoit lors qu’il en avoit le

loisir.


Au nom de la saincte et non divisée Trinité, Amen. Loois par la grace de Dieu rois de France : Nous fesons à savoir à tous qui present sont et qui à venir sont, que comme nous eussons jadis donné è octroyé en doüaire à nostre tres-chere fame Marguerite reine de France quant nous la preismes à fame, la cité dou Mans avec ses appartenances, si comme la reine Berrangiere la tenoit quant elle trespassa de cest secle, è le chastel de Maretaigne è Manvel si comme la contesse dou Perche la tenoit ou tens que ele trespassa, sans lez fiefz è les aumosnes qui y estoient, è après ce nous eussons donné è assigné pour partie de terre, à nostre tres-cher frere è nostre feeil Charle conte de Prouvence è à ses hoirs, la devant dicte cité dou Mans avecques les appartenances è avecques aucunes

autres choses, è pour ce eussiens |63 ordené que la devant dicte reine Marguerite eust en lieu dou devant dict doüaire la cité

d’Orliens è Chastiau nuef è Checi è Nonvillier, si comme la

reine Isabel les avoit jadis en doaire, sans en excepter Clari è les autres dons è les fiefs è les aumosnes qui avoient esté fetes, lequel jusques adoncques, se icelle reine vousist avoir à gré cet eschange : à la parfin nous vousismes fere à la devant dicte reine, pour les desertes, greigneur grace è assigner luy ailleurs son devant dict doaire, en lieux plus prochains è plus proufitables , è porvooir par ce à la pes è au repos de sa vie : si l’i muâmes è eschanjames de sa bonne volenté è de l’assentement expres de nostre fil Phelipe ainzné de nos fils qui ores vivent, le devant dic doaire è assignames à icele reine Marguerite expressement en doaire, en lieu des devant dictes choses, Corbeil o les appartenances, Poissi o les blez è o les autres appartenances, Meullent o les appartenances, Veirnon o les bois è o les autres appartenances, Pontoise o les

appartenances, Dordan o les bois è o les |64 autres appartenances, la Ferté Aeles o les appartenances, sans les fief

è les aumosnes qui ont esté octroyez à qui que ce soit jusques à ores en toutes les devant dictes choses, è retenons à nous tant comme nous vivrons, pleniere è franche proprieté, de donner à eglises è à personnes à quelles que nous voudrons, è tant comme nous voudrons, è d’octroier franchement è de confermer à nostre volenté, les dons, les ventes è les autres alienations, se aucunes en sont fetes : E que ce soit ferme è stable à tousjours, nous avons fet garnir ceste presente page de l’auctorité de nostre scel è dou .... de nostre royal nom qui est desouz noté. Ce fut fait à Paris en l’an de l’Incarnation de nostre Seigneur mil deux cens et sexante, ou mois de juin, ou trentisme è quart an de nostre Royaulme : ceuz presenz en nostre palez, desquieuz les noms è les seings sont desouz mis, nul Seneschal, le seigneur Jehan le bouteillier, le seigneur Aufors le chamberier, le seigneur Gile le conoistable. Ce fut donné que il n’y avoit nul

chancellier. |65

Philippes II. dict le Hardy et Philippes III. dict le Bel 18


Les roys Philippes le Hardy et le Bel portoient trop d’honneur et de respect à la mémoire de sainct Louys, pour ne pas aymer ce qu’il affectionnoit, et pour ne le pas imiter en tout ce qu’ils pourroient ; quand il n’y auroit autre consideration, je pourrois à bon droict asseurer qu’à son exemple ils ont fait grand estat de Dourdan, et l’ont souvent visité. Mais passant par dessus les conjectures, cecy est clairement enseigné par un tiltre du droict de charte, transcript soubs Louys comte d’Evreux, par |66 lequel il est rapporté que par le passé le pays de Dourdan estoit reservé

pour le plaisir des roys, et retenu comme pour leur garenne, à cause dequoy ils avoient fait de tres-estroites defenses aux habitans d’y chasser, voire y avoient estably des officiers particulierement pour les en empescher, à cause dequoy les bestes avoient tellement multiplié par la suite des années, que le pays en estoit tout perdu, et se resolvoient les habitans de

l’abandonner, s’il ne leur19 eust esté pourveu : car il est certain

que sans la consideration du plaisir de leurs Majestez, ce lieu n’eust esté si soigneusement gardé et conservé au préjudice mesme de la noblesse, à laquelle la chasse n’a jamais esté interdite. Il est bien vray que ce tiltre ne parle point des roys, mais |67 seulement de ce prince qui sembleroit de prim’ abord avoir esté l’instituteur de ceste garenne : Mais quand on

considerera que ce tiltre est de l’an mil trois cens dix, et qu’il n’a esté seigneur de Dourdan qu’en l’an mil trois cens sept, trois ans auparavant, et que dans ce peu de temps (s’il eust esté le premier instituteur de ceste garenne) les bestes n’eussent peu tant multiplier pour incommoder le pays. D’ailleurs faut


18 On compte aujourd’hui : Philippe II Auguste, Philippe III le Hardi, Philippe IV le Bel (B.G.).

19 Le texte porte « l’eur » (B.G.).

remarquer que par ce mesme tiltre il déclare que plusieurs fois auparavant ceux du pays s’estoient plaints de ce desordre et y avoient demandé remede, dont s’ensuit qu’auparavant qu’il fust seigneur de Dourdan, c’est-à-dire du temps de ces roys ausquels il a succedé, ceste garenne avec ces officiers y estoit desja establie. |68


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Philippes le Bel a encores bien tesmoigné qu’il cognoissoit Dourdan et le tenoit pour une maison royale, lors qu’il le choisit pour retraitte de la femme du comte de Poictiers son fils, pendant qu’elle se purgeoit de

l’accusation d’adultere dont elle avoit esté faussement chargée.


Dourdan estoit tousjours demeuré attaché à la couronne depuis qu’il y avoit esté annexé par Huë Capet : mais en fin il en fut desüny par Philippes le Bel qui le bailla à son frere Louys comte d’Evreux pour partie de quinze mil livres de rente en assiette qu’il luy accorda pour

son appanage.


Philippe IV le Bel


Philippus Dei gratia Francorum rex, notum facimus universis, tam præsentibus, quàm futuris, quod cum |69 nos tam ex donationibus et assignationibus per inclitæ recordationis dominum et progenitorem nostrum Philippum quondam regem Franciæ, quàm per nos factis charissimo et fideli fratri nostro Ludovico tenemur eidem fratri nostro assidere in terra cum

nobilitate et baronia quindecim milia librarum ……… ……….. turonensium annui et perpetui redditus per eundem fratrem nostrum et successores suos in perpetuum ex suo corpore

descendentes hæreditariè possidendas nósque dudum per dilectos et fideles Joannem Chaiselli et Joannem Venatorem milites nostros informationem fecimus fieri diligentem de valore eorum quæ habebamus in locis infrà scriptis, et eorum pertinentiis in quibus locis assidere dictum annuum redditum dicto fratri nostro volebamus facta nobis diligenti relatione per dictos milites, etc. In primis fecimus et facimus dictum |70

fratrem nostrum comitem Ebroicensem, et tradidimus et tradimus et assidemus sibi civitatem et præposituram et castellaniam Ebroicensem cum earum pertinentiis, et item assidemus et tradimus sibi præposituram de Albiniaco, etc. Item assidemus et tradimus sibi castrum et castellaniam de Gieno supra ligerim, etc. Item assidemus et tradimus locum et præposituram et castellaniam de Feritate Alesis, etc. Item assidemus et tradimus villam, præposituram et castellaniam de Stampis, etc. Item assidemus et tradimus modo et forma præmissis castrum et præposituram et castellaniam de Dordano cum earum pertinentiis pro mille 206 libris decem et octo solidis et novem denarios. Item assidemus et tradimus præposituram de Meulento et castellaniam, etc. Prædicta igitur

omnia modo et forma præmissis et nunc sibi assidemus |71 et

tradimus pro redditu supra dicto, retinemus tamen nobis et successoribus nostris regibus Franciæ in prædictis omnibus civitate, comitatu, castris, castellaniis, præposituris, villis et earum pertinentiis superius expressatis et assignatis dicto fratri nostro, superioritatem, resortum et homagium ligium et omnia judeorum bona quæ habebant judei ipso tempore expulsionis eorum, justitiam, gardam, ressortum et superioritatem omnium ecclesiarum et ecclesiasticarum personarum et quorumque aliorum, in personis et bonis eorum qui sunt privilegiati, etc.

Actum Pyssiaci, anno Domini 1307. mense aprili. |72

Louys comte d’Evreux.


Le plaisir ordinaire que les roys avoient auparavant pris à Dourdan (qui leur tenoit lieu de garenne) les avoit invitez à y deffendre estroittement les chasses, d’où estoit arrivé que les bestes y vivants en pleine liberté avoient tellement multiplié, qu’elles devoroient tous les gaignages et perdoient tout le pays : Cela fut cause que les habitans de Dourdan et

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Louis d’Évreux d’après son gisant

Saincte Mesme presenterent leurs plaintes à leur nouveau seigneur, et obtinrent de luy pouvoir de chasser dans leurs héritages aux bestes à pied clos, aux conditions et modération portées par ses lettres |73 pour ce expédiées et transcriptes cy apres, et ce moyennant quatre vingts livres parisis de rente dont ils se chargèrent chacun à proportion de la quantité de leurs

héritages.


Ce bon seigneur ne se contentant pas d’avoir bien fait au general des habitans de Dourdan avec lesquels il vouloit passer une bonne partie du temps, il voulut encore terminer un différent qui estoit entre luy et le prieur de sainct Pierre, qui pretendoit quelque droict en la terre des murs, en l’estang et en quatre estaux de la halle : Pour quoy faire, et le desinteresser de toutes ses prétentions, afin qu’il ne restast aucun sujet dans le pays qui peust traverser les plaisirs et douceur de vie qu’il y

vouloit pratiquer, il luy donna lettres |74 d’admortissement general pour tout le bien de son prieuré.

Tiltre pour la chasse.


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Loys fils de roy de France, comte d’Evreux : A tous ceux qui verront ces presentes lettres, salut. Comme le commun des bonnes gens de la ville de Dourdan, des parroisses de sainct Germain et sainct Pere de ladite ville, et de la Chappelle de saincte Mesme : C’est à

sçavoir prestres, religieux, clecs, nobles et bourgeois, se soient

plusieurs fois complaint à nous de plusieurs griefs et dommages que nos bestes de nostre garenne de Dourdan et nostre gent estabis à garder icelles, leur faisoient en leurs héritages, lesquels dommages et griefs ne pouvoient bonnement soustenir sans laisser lesdits héritages et partir du pays, et pour ce nous eussent requis par plusieurs fois que nous voulissions oster nostre garenne, et mettre au néant des belles a pié clos, en manière que leurs héritages peussent estre soustenus |75 et gouvernez, et eux demeurer et vivre paisiblement soubs nous : et pour ce faire nous requeroient que

nous voulissions penre quatrevingts livres parisis de rente en deniers, à rendre chacun an le jour et feste aux Mors, à nous et à nos successeurs : lesquels quatre vingts livres nous asseiroient sur tous leurs héritages qu’ils ont en la ville de Dourdan ou terroir et ez appartenances des trois parroisses dessusdites, chacune en telle portion comme ils sont tenans desdits héritages : En telle manière que ce ils deffailloient de payer lesdits quatrevingts livres en tout ou en partie, que nous peussions penre sur ceux qui deffaudroient de payer leur portion sur chacune personne qui deffaudroit, de payer l’amende telle comme l’en a usé et accoustumé à payer aux

lieux dessusdits pour deffaut de cens non payez : Nous oye leur requeste diligemment et entenduë, considerans et regardans les griefs, les dommages qu’ils avoient et pouvoient avoir en temps avenir pour cause des bestes de nostre garenne, desquels nostre conscience est enformée par bonnes |76 gens dignes de foy, meu en pitié, voulans faire grace au commeun desdites parroisses, et encliner à leur requeste et mettre remede convenable parquoy

ils puissent vivre paisiblement soubs nous, et leurs héritages soustenir et sauver. Faisons sçavoir à tous que nous voulons, et octroyons que nostredite garenne de Dourdan cheie du tout à tousjours perdurablement en leurs terres gaignables, prez, vignes, coustils, et en tous les autres héritages qu’ils ont au terrouer de Dourdan et ez trois parroisses dessusdites, et en tous les frisches que ils ont enclos entre leurs vignes et leurs terres gaignables, en telle manière que ils rendront et payeront quatre-vingts livres parisy de rente chascun an à nous et à nos successeurs au chastel de Dourdan le jour et feste aux Mors, lesquels ils nous ont assises et assignées sur tous les héritages qu’ils ont et poursuivent sceant au terrouer de Dourdan et ez trois parroisses dessusdites, et ez appartenances d’icelles, si comme il appert estre contenu plus amplement en plusieurs

roolles scellez du scel de la prevosté |77 de Dourdan. Et si il avenoit qu’ils feussent deffaillans de payer lesdits quatrevingts

livres parisy en tout ou en parie au jour dessusdit, chacun qui deffaudroit de payer la …………… ………… …… ……….

………….. rente dessusdite, payeroit l’amende telle comme l’en a usé et accoustumé de payer aux lieux dessusdits pour causes de cens non payé : C’est assavoir cinq sols, et le serment de celuy qui deffaudroit de payer, que pour dépit ou dommage

………….. ……………… laisser à payer et se faire ne vouloit le serment, il payeroit la rente qu’il debvroit et quinze sols d’amende. Derechef nous voulons que le commun dessusdit, c’est assavoir prestres, religieux, clercs, nobles, non nobles, qui

…………… …………… …………….. …………….. la rente

dessusdite, qu’ils chacent et puissent chacier en leurs terres, vignes, prez, jardins, et en tous leurs autres héritages et friches qui sont enclos entre leursdites vignes et leursdites terres gaignables, desquels ils nous …………….. …………….. ………. terrouer et ez parroisses dessusdites dés |78 le soleil naissant jusques au soleil couchant, à toutes manières de filets, à chiens et à fuirons, et à toutes autres manieres d’engins parquoy ils puissent penre toute manière des bestes à pied clos …………..

…………….. …………… apres soleil couchant ils pourront garder leurs heritages de nuicts jusques au soleil levant : et pourront avoir leurs chiens avec eux, et penre toute maniere de bestes à pied clos, à bastons, pieux, et à chiens, …………..

…………….. …………… Et s’ils estoient trouvez chaçans de nuict à autres engins que à la manière dessus est dict, ils demeurroient en telle peine pardevant nous pour cause du mesfaict comme ils estoient cy devant au temps …………..

…………….. …………… Et s’il avenoit que autres chacent que ceux des parroisses dessusdites qui nous font ladite rente feussent trouvez chaçans ez heritages dessusdits, que ceux desdites parroisses les puissent prendre et mener au chastel de Dourdan pour ce mesfaict, desquels personnes ainsi prises nous retenons à nous et à nos successeurs vindicte, cohertion,

correction, |79 proufit et molument qui pour cause du mesfaict

nous pourroit avenir. Promettant pour nous, pour nos hoirs et nos successeurs en bonne foy à tenir et garder fermement et ac accomplir les convenances dessusdites, et que jamais esdits heritages, garenne, ne demanderont, ne reclameront, ne ne pourchasseront, estre faicte par nous ne par autre au temps avenir, ainçois leur garentiront vers vous et contre tous qui empeschement voudroient mettre toutesfois que mestier en sera et nous en seront requis, en tesmoin et confirmation de ce nous avons fait mettre nostre scel à ces presentes lettres, sauf nostre droict et l’autruy en toutes choses. Faict l’an de grace mil trois cens et dix, devant sainct Remy.

Ce bon prince ayant espousé Marguerite fille de Philippes comte de Flandre fils du bon Robert : il eut d’elle d’eux fils et une fille, Philippes, Charles et Jeanne : Philippes comme aisné fut Comte d’Evreux, |80 et espousa la fille et unique heritiere du roy Louys Huttin, à laquelle appartenoit le royaume de Navarre à cause de son ayeule femme de Philippes le Bel, duquel

toutesfois il n’entra en possession que soubs le regne de Philippes de Valois, qui luy en fit la delivrance pour l’engager à son party contre Edouard roy d’Angleterre. Il merita le tiltre de Bon, et en luy recommença le royaume de Navarre d’estre gouverné, par ses propres roys, jusques à Henry le Grand son successeur, qui l’a reüny à la France.


A Charles escheut pour partage Estampes, Dourdan, Gien et autres lieux : et Jeanne fut fiancée au duc de Nevers fils du comte de Flandre, lequel la delaissa pour espouser Marguerite seconde fille du |81 roy Philippes le Long : mais elle ne perdit rien au change, car le roy Charles le Bel l’espousa l’année suivante, duquel elle n’eut qu’une fille qui fut mariée au duc d’Orleans.


*

Charles d’Evreux comte d’Estampes.

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Aussi tost que Charles puisné de la maison d’Evreux eut Dourdan pour son partage, il y assigna sa principale demeure, et s’y faisoient les couches de sa femme, comme j’apprend par les tesmoignages qu’en rend son fils aisné par divers actes, qui seront transcripts lors que je

parleray de luy cy apres : D’où on

doit faire à à mon advis un juement res-

advantageux |82 pour la temperature de l’air de Dourdan : car autrement on ne l’eust pas choisi en des

rencontres si importantes. Ceste circonstance seroit assez forte pour prouver le sejour de Charles à Dourdan, mais j’en ay encores beaucoup d’autres tirées du thresor des chartres, où sont plusieurs tiltres d’acquisitions par luy faites de terres, prez, maisons et droict de criage de vins et autres bruvages de Dourdan, ez années 1329. 1330. 1331. 1333. la pluspart de tous lesquels portent qu’ils ont esté passez à Dourdan : et du thresor de sainct Cheron lez Chartres, où j’ay veu des lettres d’admortissement qu’il feit expedier à Dourdan en l’an 1335. au profit du prieur de sainct Germain : d’où resultent deux choses ;

l’une, qu’en ces années il estoit à Dourdan ; et l’autre, |83 qu’il en avoit un grand soing, puis qu’il y faisoit tant d acquisitions,

et vouloit que les ecclesiastiques se ressentissent de sa liberalité. Je n’augmenteray point ce recueil de tous ces tiltres, sinon de celuy de l’admortissement.


La baronnie d’Estampes fut en sa faveur erigée en comté par le roy Philippes de Valois.

Il espousa Marie d’Espagne fille de Ferdinand d’Espagne, à laquelle le mesme roy Philippes de Valois donna en dot cinq mil livres de rente, sçavoir est deux mil en fond de terre, et trois mil sur le thresor.


Il fut tué en la bataille d’entre le Duc de Bourgongne et Jean de Chaalons, et fut enterré aux Cordeliers de Paris.


Sa vefve se remaria au comte |84 d’Alançon, duquel elle eut plusieurs enfans, par le moyen desquels et des alliances par eux faites avec la maison de Vendosme, Anthoine de Bourbon roy de Navarre et ayeul de Louys le Juste, se trouve estre descendu d’elle.


Il laissa deux enfants masles, Louys et Jean : quant à Jean, après

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Gisant de Charles d'Évreux

avoir esté l’un des ostages en Angleterre pour le roy Jean, il feit un voyagea Rome où il mourut, et Louys resta seul heritier.


Il ne se contenta pas d’avoir monstré pendant sa vie quel estat il faisoit de Dourdan, mais encores en voulut-il laisser des preuves apres sa mort, lors que par son testament il fonda dans l’eglise sainct Germain un anniversaire, pour lequel il légua au prieur dix sols parisis de rente à prendre sur sa prevosté du |85

lieu. Il est bien vray que je n’ay point veu ce testament, mais seulement les lettres patentes de la royne Jeanne sa sœur vefve de Charles le Bel qui en estoit executrice avec sa vefve,

l’evesque de Chaalons, et Marguerite comtesse de Bologne, par lesquelles il en est fait mention.


Lettres d’admortissement.


Charles d’Evreux comte d’Estampes. A tous ceux qui ces lettres verront, salut. Nous avons veuës unes lettres scellées du scel de nostre prevosté de Dourdan, contenant la forme qui ensuit. A tous ceux qui ces presentes lettres verront : Jean Garafault garde du scel de la prevosté de Dourdan, etc. Nous acertez les choses dessusdites, et chacunes d’icelles voulons, loüons, agreons et approuvons, et de nostre pouvoir |86 et auctorité confirmons et voulons et octroyons de grace speciale,

que ledit prieur et ses successeurs puissent icelles choses tenir, avoir et posseder paisiblement à tousjoursmais, sans et qu’il et lesdits successeurs puissent estre contraints de les mettre hors de leur main et de payer à nous et à nos hoirs et successeurs pour ce finance, à nous nostre droict en autres choses, et l’autruy par tout. En tesmoin de ce nous avons fait sceller ces presentes de nostre scel. Donné à Dourdan le mardy 6. jour de mars, l’an de grace 1335.


Lettres patentes de la Royne Jeanne.


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Jeanne par la grace de Dieu royne de France et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Sçachent tous que l’assignation faite par nos amez Denys de Charolles, Regnault de Sarguz clercs, et Robert de Charny à ce de par nous deputez, aux chanoines prieur abbé de Dourdan, de dix sols

tournois de rente, laquelle rente nostre |87 tres-cher frere le comte d’Estampes (que Dieu absolve) a laissé en son testament ausdits Religieux et à l’Eglise, pour son anniversaire tous les ans, si comme il est plus pleinement contenu ez lettres parmy lesquelles ces presentes sont annexées, ratifions, loüons et approuvons. En tesmoin de ce nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes. Donné au chasteau-Thierry l’unziesme jour de juin, l’an de grace 1337. Et nous Philippes evesque de Chaalons, et Marie comtesse d’Alençon et d’Estampes, compagne jadis de mon tres-cher seigneur le comte d’Estampes dessusdit, executeurs dudit testament avec nostredite Dame. Loüons, ratiffions et approuvons toutes les choses dessusdites, et avons mis nos seaux en ces presentes lettres, avec le seel de

nostre Dame. |88


*

Louys, comte d’Estampes.

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Apres la mort de Charles comte d’Estampes, Loys son fils et unique heritier, ne luy succeda pas seulement en tous ses biens, mais aussi en l’affection qu’il avoit tousjours eu pour Dourdan, à laquelle il fut encore dautant plus convié, qu’en ce lieu il avoit pris

naissance, et y avoit receu le s. sacrement de baptesme. L’ordinaire

sejour qu’il faisoit à Dourdan, donnerent moyen à frère Robert Joudouin prieur de S. Germain , de l’entretenir ,

et gaigner tellement ses bonnes graces, qu’il obtint de luy plusieurs gratifications et advantages pour son Prieuré, et particulierement droict |89 de chauffage , paisson, et de prendre bois à bastir dans la forest, avec un admortissement general de tous les heritages qui avoient esté acquis au prieuré, depuis celuy qui avoit esté donné par Charles comte d’Estampes son père : Et qui plus est, il merira d’estre nommé pour executeur

de son testament, tesmoignage certain et irrefragable d’une cognoissance de sa preud’hommie, et de la bonne volonté qu’il avoit pour luy : ce qui n’avoit peu se faire que par une grande hantise et familiarité : à quoy faut adjouster le legs qui est fait au prieuré par le mesme testament. En fin ce bon prince ne creut pas que feust assez pour signaler l’amour qu’il avoit pour Dourdan de faire du bien à ces particuliers, il le voulut encores faire esclater par une communication |90 de ses faveurs à tout le general, lors qu’il deschargea le pays de la rente de quatre-

vingts livres parisis cy dessus constituée pour le droict de chasse, moyennant cinq cens livres, dont il se contenta pour le rachapt. En consequence duquel il maintint les habitans en ce droict, et leur en confirma les privileges.


Lettres pour le droict du prieur dans la forest.


Louys comte d’Estampes, seigneur de Lunel. Pource que nous avons singuliere devotion, et parfaite affection à l’eglise de sainct Germain de Dourdan, en laquelle nous receusmes le s. sacrement de baptesme, et en laquelle ont esté faicts plusieurs anniversaires pour nos predecesseurs, et; plusieurs services et oraisons pour nous par les |91 prieur et freres qui y ont esté le temps passé, et font encore à chacun jour faits par nos bien amez les prieur et freres qu’à present y sont demeurans.

Sçavoir faisons à tous presens et advenir, que pour ces causes, et afin que mieux et plus diligemment lesdits prieur et freres puissent continuer et entendre au service divin, lequel de tout

nostre cœur nous desirons augmenter et accroistre, à iceux prieur et freres de ladite eglise de sainct Germain avons donné et octroyé, et par ces presentes donnons et octroyons de grace speciale, et de certaine science en tant qu’il nous touche et appartient, pour eux, leurs successeurs prieur et freres dudit lieu, à tousjours perpetuellement leur chauffage de bois mort en nostre forest de Dourdan, et bois pour édifier en iceluy prieuré seulement, avec la paisson de vingt porcs chacun an en icelle forest, à les y mettre et oster aux termes à ce accoustumez. Et parmy ce, lesdits prieur et freres, et leurs successeurs à venir seront tenus de nous participer et accompagner aux messes,

oraisons et bien faicts d’icelle Eglise, et d’y |92 célébrer chacun an pour nous, tant comme nous vivrons, une messe du S. Esprit,

et apres nostre trespassement, de Requiem à tousjours perpétuellement. Si donnons en mandement par ces presentes aux gardes de nostredite forest, presens et à venir, que lesdits prieur et freres, et leurs successeurs facent, souffrent et laissent jouïr et user paisiblement de notre presente grace et octroy, et contre iceux ne les empescher ou leurs gens en aucune maniere. Et pour que ce soit chose ferme et stable à tousjours, Nous avons fait mettre à ces lettres nostre seel, sauf en autres choses nostre droict et en toutes l’autruy. Donné à Dourdan au mois de may, l’an de grace 1373.


Lettres d’admortissement pour le prieur de Dourdan.


Louys comte d’Estampes, sieur de Lunel, à tous ceux qui ces presentes |93 lettres verront, salut. Sçachent tous que nous ouyë et receue la supplication de nostre bien amé messire Robert Joudoyn prieur de sainct Germain de nostre ville de Dourdan, faisant mention que comme ledit prieuré ait esté petitement anciennement doué de rentes, possessions ou héritages pour

l’estat dudit prieur et freres qui furent pour lors ordonnez à servir Dieu continuellement. Et soit ainsi que depuis cinquante

ans en ça plusieurs bonnes personnes ayent donné et laissé tant en leurs dernières volontez et testament, comme autrement, plusieurs terres, vignes, prez, cens, rentes, et autres choses, pour le salut et remede de leurs ames, pour faire certains services et prieres pour eux en ladite eglise, dont partie d’iceux heritages et rentes sont tenues de nous en fief ou censive, lesquels prieur et freres ont eu et soustenu grandes pertes et dommages, tant pour le faict des guerres, mortalitez et autres pestilences, et n’eussent dequoy vivre. Mais convenist qu’ils eussent faict de divins services en ladite eglise, si ce ne fussent

les biens et aumosnes |94 que plusieurs bonnes personnes leur

ont faict donner et eslargir comme dit est. Supplians que de nostre grace nous leur voulussions les dessusdits heritages, prez, cens et rentes à eux laissez, donnez et aumosnez, ratifier, loüer et approuver, et aussî admortir, afin qu’ils les puissent tenir paisiblement pour le temps present et à venir, à l’intention, salut et remede des trespassez, fondeurs et donneurs, en telle maniere que lesdits prieur et freres presens et à venir puissent avoir leur substantation, et vivre en faisant le service divin en ladite eglise. Nous eu consideration aux choses dessusdites, et que desirons de tout nostre cœur les bien-faits et aumosnes de nos predecesseurs et autres croistre et augmenter, à la loüange de Dieu, de la glorieuse Vierge Marie et de sainct Germain, dont icelle eglise est fondée. Auquel lieu et Eglise avons singuliere devotion et affection, mesmement que nous y receusmes nostre baptesme, et que nous esperons et voulons estre participants és prieres et oraisons qui

seront faites en icelle eglise, comme |95 vrais fondeurs voulans

et desirans faire et accomplir ce que dessus en la meilleure et plus seure forme que faire se pourra, à l’intention desdits prieur et freres, et de leurs successeurs des choses qui ensuivent. Et premierement avons eues et reveues les lettres de nostre tres-chier seigneur et pere, dont Dieu aie l’ame, scellées de son scel en queuës doubles de parchemin, et de cire

vermeille, dont la teneur ensuit. Charles d’Evreux comte d’Estampes, etc. Lequel don et aumosnement fait au prieur d’icelle eglise de sainct Germain de nostre ville de Dourdan, par feu Gilles Branles, escuyer, pour lors sire de Roullon, de seize sols parisis de cens, pour faire certains services en ladite eglise, si comme il est plus amplement contenu és lettres dudit don, incorporées és lettres dudit sieur cy dessus escrit. Nous loüons, ratifions, admortissons, approuvons et confirmons de grace speciale en la forme et maniere qu’il est contenu esdites

lettres de nostredit sieur et père : Et empliant nostre grace, meu de pitié, et que desirons perseverer, ensuivre les bonnes |96 œuvres de nostredit sieur et pere, et de nos autres predecesseurs, qui en leur temps ont donné et faict fonder

………… …………. en plusieurs eglises, dont il est bon mémoire, ………. ……. et accroissement de ladite eglise et prieuré. Voulons et nous plaist : De ce avons nous octroyé et octroyons de nostre certaine science, auctorité et grace speciale audit prieur et freres, presens et advenir, qu’ils puissent tenir perpetuellement et paisiblement pour leur propre domaine et propre chose ……… les terres, vignes, prez, rentes et heritages, et autres choses qui ensuivent, etc. Ce fut faict et donné en nostre chastel de Dourdan, l’an de grace 1381. au mois d’avril.


Admortissement de la rente de quatre-vingts livres parisis, et confirmation du droict de chasse.


Louys comte d’Estampes et seigneur de Lunel : A tous ceux qui |97 ces presentes lettres verront, salut. Comme dés long temps à nostre tres cher seigneur et ayeul dont Dieu ait l’ame, monseigneur Loys comte d’Evreux, lors seigneur de Dourdan, sçachant et considerant plusieurs grands griefs, et dommages que les bestes de sa garenne lors estant à Dourdan, faisoient aux gens d’eglise, clercs, nobles, bourgeois et habitans de

ladite ville de Dourdan et parroisse de sainct Germain, de sainct Pere, et de la chappelle saincte Mesme, et en leurs heritages, lesquels griefs et dommages ils ne pouvoient plus supporter sans laissier lesdits heritages et partir du pays : A iceux, à leur supplication, et meu de pitié envers eux, octroya que ladite garenne, quant aux bestes à pied clos, cheist du tout à tousjours, perdurablement en leurs terres gaignables, vignes, prez, coustils, et en tous les autres heritages qu’ils ont ou terrouer de Dourdan et ez trois parroisses dessusdites, en tous les frisches qu’ils ont enclos entre leurs vignes et terres gaignables, parmy ce qu’ils devoient rendre et payer chascun

an à luy et à ses successeurs, ou |98 chastel de Dourdan le jour de la feste aux Mors quatre-vingts livres parisis de rente,

lesquels ils luy assignerent chacun pour sa portion sur les heritages situez audit terrouer de Dourdan et ez trois parroisses dessusdites et ez appartenances, desquels héritages chascune piece fut chargée par portion de ladite rente de quatre-vingts livres parisis : Et avec ce leur octroya qu’ils peussent chacier en leurs terres, vignes, prez, jardins et autres heritages en la forme et maniere et conditions plus à plein contenuës ez lettres ou privilege sur ce fait et scellé en lacs de soye et cire vermeille, dont la teneur ensuit. Loys fils de Roy de France, comte d’Evreux : A tous ceux qui verront ces presentes lettres, etc.

Et il soit ainsi que pour les guerres et mortalitez qui depuis ont esté ou pays, lesdits gens d’eglise, clercs, nobles, bourgeois et habitans soient tellement diminuez en nombre et les heritages sur lesquels ladite rente estoit assise demourez en telle ruyne et desert, que ladite rente dont le droict nous appartient comme à

seigneur de Dourdan, ne nous |99 revient pas à plus de quarante

livres parisis ou enuiron, sur lesquels heritages nous avons aussi perdu grande partie de nos cens qui anciennement nous estoient deubs pour nostre fond de terre, par la ruyne d’iceux herirages qui delaissiez et demourez sont en frische pour

lesdites charges et autres causes dessusdites, dont encores pour la pauvreté du commun peuple dudit pays il est grand doute qu’ils ne deviennent de petite ou nulle valuë, et que nos autres cens, rentes et droicts que nous prenons sur aucuns heritages qui à present sont fertiles, ne diminuent et viegnent à neant par les grandes pertes, pauvretez et miseres qu’ont souffert iceux habitans pour ledit faict des guerres et autrement, lesquels ils ne peuvent bonnement supporter, si comme de ce nous deuëment acertenez, supplians que sur ce vueillons pourvoir de nostre grace en telle maniere que les habitans en icelles parrosses se puissent multiplier et paisiblement vivre soubs

nous, les heritages qui sont chargez de ladite rente labourer, et relever nostre juridiction, e autres droicts augmenter : |100 Sçavoir faisons à tous presens et à venir, que nous ces choses considerées et par grande et meure deliberation de nostre conseil, pour eschever plus grand pertes et dommages qui nous

pouroient avenir, à iceux gens d’eglise, clercs, nobles, bourgeois, habitans, avons exposé en vente le droict de ladite rente de quatre-vingts livres, à nous appartenant (comme dit est) avec lesquels nous avons traité accordé pour nostre proufit faire et dommage eschever, par grand et meure deliberation de nostre conseil, et afin qu’ils ne soient deserts, et que le pays en demeure plus habitable, et que par ce lesdits heritages qui sont en ruyne se puisse relever nos cens anciens recouvrer et nostre peuple multiplier en augmentation de nostre Jurisdiction et autres droicts et proufits de nostre terre, que eux et tous leurs heritages chargez de ladite rente pour telle portion comme ils en peuvent estre chargez, demeurent francs, quittes et deschargez de toute ladite rente de quatre vingts livres parisis qui de present ne reviennent pas pour les causes dessusdites à

plus de quarante |101 livres parisis ou environ comme dit est. Et pour cause de ce les gens d’Eglise, clercs, nobles, bourgeois et

habitans nous ont payé et nombré tout à une fois la somme de cinq cens livres tournois, moyennant laquelle somme ainsi par

nous receuë (comme dit est) à iceux pour pitié et compassion de eux, et qu’ils puissent vivre soubs nous, avons quitté et remis, quittons et remettons à tousjours ladite rente, et d’icelle voulons que eux et leurs hoirs et successeurs, leurs terres et heritages et de leursdits hoirs et successeurs soient et demourent francs et quittes et deschargez à tousjoursmais perpetuellement, et avec ce leur avons octroyé et octroyons de nostre certaine science, et de tous les droicts qu’ils ont eu et ont de chacier ou faire chacier par lesdites lettres dessus transcriptes, en la maniere contenue en icelles, ils et leurs hoirs et successeurs joïssent et puissent joïr sans contradiction aucune : Et quant à ce entant comme mestier est loons, greons, ratifions et approuvons lesdites lettres dessus transcriptes, et

d’abondant les confirmons |102 par la teneur de ces presentes.

Promettant en bonne foy pour nous, nos hoirs et successeurs, que contre la vente et chose dessusdite nous ne irons, ne venir ferons par nous ne par autres, ainçois garentirons, delivrerons et deffendrons lesdites gens d’Eglise, clercs, nobles, bourgeois et habitans qui à present pocedent, et pour le temps avenir possederont lesdits heritages entiers tous entant comme il nous touche et peut toucher. Si donnons en mandement à tous nos officiers presens et advenir, que les habitans esdites parroisses ils laissent et facent joïr et user paisiblement des choses dessusdites et en la maniere que dit est : Et à nos amez et feaux les gens de nos comptes, que par rapportant copie de ces presentes une fois tant seulement ils extraient et mettent hors de nos comptes et registres, et ostent de nostre domaine lesdits quatre-vingts livres par an, et en tiennent quittes et deschargez nos receveurs et prevost de Dourdan qui à present sont et qui pour le temps avenir seront : et nous mesmes par ces presentes

les en quittons et deschargeons |103 à plein. Et pource que ce soit chose ferme et stable à tousjoursmais, nous avons fait

sceller ces presentes de nostre grand scel en lacs de soye et cire vert, sauf en autres choses nostre droict et en toutes l’autruy.

Ce fut fait et donné en nostre chastel de Dourdan dessusdit, le

21. jour d’avril apres Pasques, l’an de grace 1381. Et sur le reply est escrit, Par monsieur le comte, à la relation de son conseil, Porel, et scellé.


Testament de Louys comte d’Estampes.


A tous ceux qui ces presentes lettres verront, etc. Premierement, il comme vray catholique, recommanda tres- devotement son ame à la tres-haute, saincte et honorée Trinité le Pere et le Fils et le Sainct Esprit, à la tres-saincte et benigne Vierge et glorieuse Marie Mere de nostre sauveur Jesus-Christ, qui tous nous rachepta par sa mort et passion, à monsieur sainct Michel l’Arcange, et à tous les glorieux saincts et sainctes |104 de Paradis, en leur suppliant et requerant devotement qu’icellle ils vueillent recevoir en leurs mains et

glorieuse compagnie quand elle partira de son corps, et requist humblement et instamment à avoir sa saincte absolution et indulgence qui est nommée de peine et de coulpe, à luy octroyée par nostre S. Père le pape Urbain le quint, et qu’icelle pour le salut de son ame luy soit donnée en l’article de la mort quand mestier sera. Et s’il advenoit qu’il eust aucun empêchement en icelle heure, de la maladie qui est nommée letargie ou d’autre : maladie ou autre quelconque empeschement qui luy peust survenir, il la requièrt dés maintenant pour lors et deslors pour maintenant, et feist protestation que tous les pechez qu’il feist ou commist oncques depuis qu’il fut né soient enclos sous ceste presente grace en la meilleure forme que faire se pourra, selon le stile et ordonnance de saincte Eglise : Et aussi protesta que se en l’article de la mort il estoit surprins d’aucun grief accident de maladie, parquoy son sens et entendement

raisonnables feussent muez |105 ou changez, que Dieu ne vueille, et il advenoit qu’il en tel estat feist ou dict aucune de chose de foleur ou erreur contre la reverence de Dieu, de sa saincte

Mere, des saincts et sainctes de Paradis, des sacrements de saincte Eglise, et contre la foy catholique, ou se desja par non sens ou par simplece l’avoit fait, que tels folies ou erreurs ne luy puissent ou doivent nuire ou prejudicier en aucune manière contre le salut de son ame, comme il ait tousjours eu et encore ait certain et ferme propos et entencion de vivre et mourir en la foy et unité de saincte Eglise, et ce en tels foleurs ou erreurs il estoit encouruz ou encouroit, ou cas dessusdit dés maintenant pour lors, et deslors pour maintenant, et par la teneur de ces lettres les rappelle et revoque comme bien pourveuz et advisez de discrecion et d’entendement, expressement et specialement, en appellant nostre Seigneur Jesus-Christ, la glorieuse Vierge Marie sa mere, toute la cour de Paradis, et aussi les diz notaires et autres personnes illecques presens, en tesmoignage

de ceste presente revoquation, et avec ce |106 voult et requist devotement à avoir tous les sacrements, etc. Item il laissa à

l’Eglise sainct Germain de Dourdan trente livres parisis de rente par chacun an à tousjours, parmy ce qu’ils auront creuë en ladite Eglise un religieux qui fera tenuz de dire par chacun jour perpetuellement une messe, et avecques ce seront tenus en ladite Eglise faire son anniversaire chascun an une fois solennellement à tel jour qu’il trespassera, et sera fait à l’ordenance de sesdits executeurs en la meilleur maniere que faire se pourra par le conseil de sages, etc. Item il laissa à son tres-cher et amé frere monsieur le comte d’Alençon le meilleur annuel qu’il aura au jour de son trespassement avecq une chambre blanche à papegaux aux armes de monsieur et de madame père et mere de mondit seigneur, et le tapiz appellé le tapiz de la Tour de Sapience, avec ses cousteaux de lignum aloüés garnis d’or, avec une paire de draps de lin de cinq lez. Item laissa à monsieur le comte du Perche son nepveu un saphir appellé le saphir d’Evreux, qu’il a eu apres le

trespassement de feu Monsieur |107 son frere qui est trespassé à Rome, avec une ceinture d’or à couplettes esmaillées à enfens

et la gibeciere brodée à liz de perles. Item il laissa à madamoiselle Jeanne aisnée fille de monsieur le comte d’Alençon sa niepce unes heures à fermoirs d’or, qui furent de la royne Marie de Breban, et lesquelles la royne Jeanne laissa à mon dit seigneur, et avec ce laissa à sadite niepce un miroir d’or qui est ez coffres d’iceluy seigneur et est esmaillé dehors de la gesine nostre dame, et le meilleur diamant que iceluy seigneur ait apres un. Item il laissa à madame de Harcourt sa niepce une ceinture que madame d’Orliens luy donna, et est à neux l’un d’or et l’autre de perles, avec uns petiz cousteaux et forcetes tout à manches d’or. Item à madamoiselle Catherine d’Alençon sa niepce son reliquaire d’or à fouage, où il a camaheux, balais et perles, et deux paire des plus beaux draps qu’il ait, douze cuevrechiefs et douze toüailles. Item à madamoiselle Marguerite d’Alençon sa niepce un reliquaire

d’or en façon d’un cerf garny de pierreries, perles |108 et

reliques, que feu madame la royne Blanche luy a laissé par son testament, avec deux paires de draps, douze cuevrechiefs et douze toüailles des plus beaux qu’il ait apres ceux qu’il a laissez à ladite madame Catherine, etc. Item il laissa pour une fois à monsieur Pierre Torel son conseiller la somme de seize vingts livres parisis avec un mantel et une houpelande fourrez de menuvert, et son breviaire à l’usage de Chartres et une de ses mules, etc. Item voult et ordonna que son sien present testament et toutes ses despences estre payez au parisis et de la monnoye courant à present, à compter en escu d’or à la couronne du coing du roy nostre Sire pour dixhuict sols parisis, ou autres monnoyes à la valuë, nonobstant mutacions de monnoyes, etc. Pour toutes lesquelles choses dessusdites, et chascune d’icelles faire, payer et accomplir et mettre à pleine execution et fin deuë loyalement et briefvement si comme ledit monsieur le comte le desire de tout son cuer : il a esleu et eslit, fait, ordonne et establist par grant seurté et vraye amitié ses

executeurs et feaux |109 commissaires reverens peres en Dieu

monsieur l’abbé de ladite Eglise sainct Denis en France, qui est à present ou sera pour le temps de son trespassement, frere Robert Joudouyn à present abbé de sainct Cheron empres Chartres, Me Estienne de Bleneau maistre en theologie confesseur dudit monsieur le comte, messire Hue Doinville son compaignon chevalier, messire Pierre Torel son conseiller, Me Jean Davidson bailly d’Estampes, Mes Guillaume Beaumaistre et Jean Lalement ses secretaires, Arnoul Belin escuyer maistre de son hostel, et Me Andry Crete son secretaire : Ausquels ensemble et chacun par soy il prie et requiert affectueusement et de cuer comme plus puet que pour amour de luy ils veillent prendre et accepter en eux la charge de sadite execution, et icelle executer, accomplir et mettre à execution deuë, ainsi comme ils voudroient pour eux estre fait pour le salut de leurs ames, en telle manière qu’ils en doivent et puissent de Dieu recevoir gueredon, et que l’ame de luy en puisse plus briefvement aller en beneoite |110 gloire de Paradis, etc. En tesmoin de ce nous (à la relation desdiz notaires) avons mis à ces lettres le scel de ladite prevosté de Paris. Ce fut fait le samedi 8. jour de juin, l’an de grace 1399. Ainsi signé Chaon et Fourbour.


J’ay inseré ce testament un peu plus au long que ne desiroit mon dessein : mais je l’ay fait pour publier la pieté de ce prince qui y est naïfvement representée, et pour donner un eschantillon de la simplicité et frugalité de son temps, beaucoup esloignez de la superfluité et prodigalité du nostre.


Dans la remarque que j’ay fait cy devant des circonstances qui pouvoient servir pour faire croire qu’il faisoit son sejour ordinaire au chasteau de Dourdan, j’en ay obmis une qui n’est pas moins considerable que toutes les autres, laquelle |111 je tire de l’article de ce testament, auquel il est parlé de son breviaire à l’usage de Chartres, qu’il donne au sieur Thorel ; Car de là il est

aisé de juger que sa principale demeure estoit dans l’evesché de Chartres, puisque ses prières en estoient à l’usage, et consequemment à Dourdan, puis qu’il n’avoit autre chasteau dans l’estenduë de cet evesché.


Ce bon prince n’ayant aucuns enfans, et desesperant d’en avoir, et et d’ailleurs se voulant ressentir de l’amitié que luy avoit tousjours tesmoignée le duc d’Anjou fils du roy Jean, et en consideration de ce que son fils aisné avoit espousé la fille du comte d’Alençon sa niepce, il luy donna tous ses biens par donation entre-vifs, la joüissance toutesfois reservée sa vie durant, |112 et outre aux clauses et conditions amplement contenuës au contract cy dessoubs transcriptes.


Mais quatre ans apres, et en l’année 1385, se feit une transaction entre la vefve du duc d’Anjou (qui depuis ladite donation avoit esté fait roy de Sycile) et le duc de Berry, par laquelle elle luy transporta tout le contenu en ceste donation en contreschange de la remise qu’il feit des pretentions qu’il avoit sur la principauté de Tarente, en suitte dequoy le duc de Berry desirant s’asseurer pendant la vie du donateur, obtint de luy consentement pour se faire recevoir deslors en foy par le roy, à la charge neantmoins de l’usufruict cy dessus, et des autres

clauses et conditions portées par le contract de donation. |113


En fin nostre comte d’Estampes apres avoir longuement vescu, mourut subitement disnant avec le duc de Berry, et expira si doucement, que le duc le considerant appuyé sur la table, creut qu’il dormoi, et le voulut esveiller, mais en vain.


Il fut enterre auprès de sa femme à sainct Denys en France, dans la chappelle de nostre Dame blanche. Mais je croy qu’on

reserva son cœur ou autres parties pour Dourdan : Car je trouve que dans l’Eglise de S. Germain, derriere l’hostel20 de saincte Barbe il y a une espece de tombeau qui porte les armes de sa maison, par les restes duquel on remarque contre la muraille à la hauteur de cinq ou six pieds, une saillie de pierres de taille, et sur icelles un empatement de croix (aussi |114 ay-je appris des anciens du pays qu’il y avoit un fort beau crucifix, qui fut ruiné pendant les troubles de l’année 156.21) Je luy attribuë cét ouvrage, encore qu’il convienne aussi bien à ses pere et ayeul : mais je n’ay point veu qu’ils eussent tant de devotion à ceste Eglise que luy, qui y avoit esté baptisé, à cause de quoy il auroit aussi voulu y laisser quelque partie de son corps. Ou en fin si on veut nier que soit un tombeau, à tout le moins faudra-il advoüer que c’estoit un crucifix, que luy ou ses predecesseurs avoient

fait mettre en ce lieu, afin de l’avoir pour perpetuel object lors qu’ils seroient dans leur banc, qui estoit en cét endroit, au lieu duquel depuis on a basty l’autel de saincte Barbe, d’où je tire encores un argument de leur assiduité à Dourdan. |115


En luy finit la branche d’Estampes issuë de la maison d’Evreux de laquelle il ne restoit plus que les descendants de Philippes comte d’Evreux et roy de Navarre son oncle, lesquels luy eussent succedé avec Blanche duchesse d’Orléans, fille du roy Charles le Bel, et de Jeanne d’Evreux sa tante, s’ils n’en eussent esté excluds par la donation cy-dessus, au moyen de laquelle Dourdan tomba es mains du duc de Berry.


*


20 Sic (autel).

21 Le millésime n’est pas donné.

Donation de Dourdan au duc d’Anjou.

image

A tous ceux qui ces presentes lettres verront, Audoyn Chauberon docteur en loix, conseiller du roy nostre seigneur, et garde de la prevosté de Paris, salut. Sçavoir faisons que pardevant |116 Jean Fourquant et Jean de

Cointecourt, clercs notaires dudit seigneur en son chastelet de Paris, fut present noble et puissant prince,

monsieur Louys Comte d’Estampes, lequel sans force, contrainte, fraude, deception, seduction ou malengin aucun, mais de sa pure et liberale volonté, si comme il disoit, recognut et confessa que il considerant la grand prochaineté de lignage en quoy il est conjoinct à tres-excellent prince monsieur Louys fils de roy de France, duc d’Anjou et de Touraine, et comte du Mayne, à tres-noble princesse madame la duchesse sa femme, et à Louys et Charles leurs enfans, et les grands biens, graces, faveurs et plaisirs que par ledit monsieur le duc d’Anjou luy ont esté faits ou temps de la jeunesse d’eux deux, et depuis ouquel temps ledit monsieur comte d’Estampes fut nourry avecques luy, tant en le tenir en l’amour et grace du roy nostre seigneur de bonne memoire dernier trespassé que Dieu absoille, de nosseigneurs les ducs de Berry et de Bourgongne

ses freres, et d’autres du sang royal, commc en luy ayder |117 et à garder et soustenir son honneur et estat, et outre que ledit

monsieur le duc le a retenu pour estre et demeurer avecques luy toutesfois qu’il luy plaira, à cent sols parisis par chacun jour qu’il sera devers luy, ou devers madame la duchesse sa femme, et à deux mil livres tournois de pension par chacun an d’ores

en avant sa vie durant, soit ou non devers ledit monsieur le duc et devers madame la duchesse dessusdite : esperant avecques ce les biens et honneurs dudit monsieur le Duc pour le temps avenir : considerant aussi la grand honneur et signe de grant amour et affection que ledit monsieur le duc a monstrée de faict à luy et à monsieur le comte d’Alençon et du Perche son frere, et à tout leur lignage, en voulant et consentant le mariage dudit Loys son ainsné fils et de l’ainsnée fille dudit monsieur le comte d’Alençon sa niepce, et pour la grant amour et singuliere affection que ledit monsieur le comte d’Estampes a eu de tout temps, et encores a pour les causes dessusdites, et pour

plusieurs autres, qui à ce le mouvent ausdits monsieur |118 le duc, madame la duchesse sa femme, et à leurs enfans

dessusdits, voulant et desirant de tout son cuer faire aussi de la partie service et plaisir audit monsieur le duc, afin qu’il ne soit ou puisse estre repris ou acculé de vice d’ingratitude, avoit donné, cedé, quitté, delaissié et transporté, et en la presence desdits notaires donna, cedda, quitta, transporta et delaissa à tousjours perpetuellement par don perpetuel irrevocable fait entre vifs, ausdits monsieur le duc d’Anjou et madame la duchesse, pour eux, leurs hoirs, successeurs et ayans cause d’eux ou temps à venir, les comtez, chasteaux, ville et chastellenie d’Estampes et de Gien sur Loire, les chasteaux, ville et chastellenie de Dourdan et d’Aubigny sur Nierre, et deux mil livres tournois de rente, demourant de quatre mil livres tournois de rente qu’il prenoit, devoit et avoit accoustumé de prendre et avoir sur le thresor du roy nostre seigneur à Paris, de la succession de son pere, desquelles quatre mil livres

tournois de rente, ledit monsieur comte d’Estampes auparavant la datte de ces |119 lettres, a vendu et transporté les autres deux mil audit monsieur le Duc, si comme par les lettres sur ce faictes puet apparoir, avecques tous les droicts, noblesses, fiefs, reliefs, hommages, justices, seigneuries, manoirs, maisons, terres, eauës, bois, prez, fours, moulins, estangs, pescheries,

cens, rentes, revenus, peages, travers, redevances, et autres quelsconques appartenances et dependances desdits comtez, chasteaux, villes et chastellenies telles qu’elles soient, et convient qu’elles soient dittes, appellées et nommées, et qu’en icelle luy competent, peuvent et doivent appartenir comment que ce soit, sauf reservé et retenu pour ledit monsieur le comte, l’usufruict desdites comtez, chasteaux, villes et chastellenie sa vie durant tant seulement, et le doüaire de madame la comtesse d’Estampes sa femme, et cent livres tournois de rente à prendre par ledit monsieur le comte sur les terres dessusdites, ou aucunes d’icelles, pour donner et transporter, ou en ordonner tant en sa vie comme en son testament ou derniere voulenté, à

personnes d’Eglise, ou autres |120 quelles qui luy plaira : et aussi que se il avenoit que ledit monsieur le comte fust prins et

emprisonné en sa personne par aucuns ennemis du royaume, ou que par adverse fortune d’ennemis du royaume ledit monsieur le comte fust tellement opprimé, qu’il n’eust dequoy bonnement tenir son Estat, iceluy monsieur le comte en ces deux cas, et non autrement, pourroit vendre de ses heritages dessusdits, ausquels acheter ledit monsieur le duc seroit premierement et avant tous autres appellé et receu, et les auroit avant tous autres pour le prix que ils seroient vendus, et en outre reservé et retenu par ledit monsieur le comte, que s’il plaisoit à Dieu que ou temps avenir il eust aucuns hoirs naturels et legitimes procreez de son corps, ceste presente donation seroit de nulle valleur, mais pourroient iceux hoirs succeder à luy, ainsi comme se ladite donation n’eust oncques esté faicte. Lesquelles retenues, ledit monsieur le duc volt et consenty et les ot agreables, et promit par la foy de son corps pour ce

corporellement baillée és mains desdits notaires, et jura |121 aux

saincts evangiles de Dieu, tenir ferme et stables, et non venir encontre en aucune maniere ou temps advenir. Lesquelles choses dessusdites, et chacunes d’icelles ainsi comme dessus sont divisées, ledit monsieur le comte d’Estampes, pour luy, ses

hoirs et ayans cause de luy, promit par la foy de son corps, pour ce corporellement baillée és mains desdits notaires, et jura aux saincts evangiles de Dieu par luy touchez, avoir et tenir fermes et agreables à tousjours, sans jamais dire, faire, ne venir ou faire venir par luy ne par autres, par paroles ne par effect occultement ou en appert à l’encontre, en quelque maniere que ce soit, sur peine de deux cens mil francs d’or à encourir par ses hoirs, ou ceux ou celuy d’iceux qui y mettroient empeschement, à appliquer audit monsieur le duc, à madite dame la duchesse, leurs hoirs, successeurs ou ayans cause d’eux, et pour tenir, entretenir et accomplir toutes les choses dessusdites, et chacunes d’icelles sans enfraindre, ledit monsieur le comte obligea luy et sesdits hoirs, les comtez,

chasteaux et chastellenies, villes et terres cy |122 dessus

declarées, et tous ses autres biens et les biens de ses hoirs, meubles, non meubles, presens et advenir, quels ou qu’ils soient, qu’il soubmit pour ce du tout à la jurisdiction, coherection et contrainte de nous et de nos successeurs prevosts de Paris, et de toutes autres justices et jurisdictions où ils seront et pourront estre trouvez, renonçant en ce faict expressement ledit monsieur le comte par sesdits sermens et foy à toutes manieres de exeptions de mal, de fraude, d’erreur, lesion, circonvention et decevance en faict, à convention de lieu et de juge, à condicion, sans cause ou de non juste et induë cause, à la dispensation et absolution de son prelat, et de tous autres sur le faict de son serment, à toutes lettres données et à donner, empetrées ou à empetrer de quelconque prelat ou prince quels qu’ils soient, et soubs quelconque forme de parole qu’elles soient, à ce qu’il puisse dire, alleguer, maintenir ou proposer ou temps advenir, autre chose par luy avoir estié passé et accordé, qui escrit ou non escrit, que passé et accordé,

à tous uz, coustumes, ordonnances, |123 constitutions et

establissement de lieux, villes, et de pays quels qu’ils soient, au benefice de la croix prinse ou à prendre, tant pour le sainct

voyage d’outre-mer, comme autrement, à toutes cautelles, cavillations et allegations quelsconques, à tout droict escript et non escript, canon et civil, et generalement à tout ce qui tant de faict comme de droict, de uz de coustumes, et autrement aydier et valoir pourroit, à dire ou proposer contre la teneur de ces lettres, et contre aucunes des choses dessusdites, mesmement au droict disant renonciation general non valoir, en laquelle general renonciation, ledit monsieur le comte voult et accorda, que toutes expeciaux renoncemens y soient entenduës, tout ainsi comme se de mot à mot elles y estoient specifiées, nommées et declarées, nonobstant les uz et coustumes à ce contraires. A laquelle donation à toutes les autres choses dessus nommées faire, ordonner et diviser, fu presente tres-excellente et puissante princesse madame Blanche, fille de roy de France et

de Navarre, duchesse d’Orleans, |124 et heritiere pour partie dudit monsieur le comte, laquelle de son bon gré et de sa bonne

volenté, sans force, contrainte ou malengin, si comme elle disoit, voult, consenty, agrea, ratifia, emologa et approuva la donation, transport, et autres choses dessusdites, en tant comme à luy puet de present et pourroit au temps advenir touchier et appartenir apres la mort dudit monsieur le comte, se il advenoit qu’il allast de vie à trespassement devant elle, et promist par la foy de son corps, pour ce corporellement baillée és mains desdits notaires, non venir ou faire venir encontre. En tesmoing de ce, nous à la relation d’iceux Notaires avons mis à ces lettres doubles le scel de ladite prevosté de Paris. Ce fut fait

et passé le samedy, neuf jours22 du mois de novembre, l’an de grace mil trois cens quatre-vingts et un. Et au bas signé De Coitecourt, et Fourquant. |125


22 Sic (B.G.).

Transaction entre la veufve du duc d’Anjou, et le duc de Berry.


Charles par la grace de Dieu roy de France, à tous ceux qui ces presentes lettres verront, salut. Comme de la partie de nostre tres-chere et tres-amée tante la royne de Jerusalem et de Sicile, duchesse d’Anjou, tant en son nom comme baille, tuteresse et ayant le bail, garde et administration et gouver- nement de nos tres-chers et tres- amez cousins Loys roy et duc

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Marie de Blois duchesse d’Anjou

desdits royaumes et duché, et Charles, enfans d’elle et de nostre tres-cher et tres-amé oncle, que Dieu absoille, Loys jadis roy et duc d’iceux royaumes et duché, et aussi de la partie d’iceux enfans nous ait esté exposé, que nostre tres-cher et tres-amé oncle Jean duc de Berry et d’Auvergne, comte de Poictou, disant que feu le roy nostredit oncle luy donna en son vivant la

principauté de Tarente avecques toutes |126 ses appartenances

quelsconques, pour certaines considerations, et si comme plus à plain est contenu en certaines lettres d’iceluy feu nostre oncle audit nostre oncle de Berry sur ce faictes : a requise icelle nostre tante ou nom que dessus, et aussi nostredit cousin le roy, que ladite principauté ainsi que donnée luy avoit esté, luy voulsist bailler et delivrer : mais pource que sans le tres-grand et importable dommage desdits exposans, consideré que pour le bail et delivrance dudit principauté, le faict de la conqueste du royaume de Sicile en seroit ou pourroit estre empesché, et seroit occasion de mettre en rebellion envers lesdits exposans les nobles, non nobles, et habitans dudit principauté, et

plusieurs autres parties du royaume de Sicille, et aussi pour ce qu’il n’est pas à present bien possible que ledit Principauté luy peust estre baillé et delivré, pource que nostredit oncle en aliena plusieurs droicts, rentes et revenus en son vivant, il a esté parlé qu’en lieu et recompensation desdits principauté et appartenances, lesdits exposans bailleront entant comme chacun |127 d’eux puet touchier audit nostre oncle le duc de

Berry, pour luy, ses hoirs et successeurs et ayans cause de luy, ou cas toutesfois qu’il nous plairoit, et que nous y voudrions interposer et mettre nostre auctorité et decret, pourvoir et disposer sur ce, en maniere que la chose se puist licitement faire, et sans prejudice d’aucun tout tel droict comme ils ont ou leur appartient et competent en la succession des comtez, terres et seigneuries d’Estampes et de Gien sur Loire, és villes, chasteaux et chastellenies de Dourdan et d’Aubigny, et en toutes les appendances et appartenances d’icelles comtez, villes et chasteaux, et generalement tout le droict qui leur appartient et puet appartenir en la succession de nostre cousin le comte d’Estampes, et en outre aussi le droict que ils ont et peuvent avoir, et leur appartient et compete és ville, terres, chastel et baronnie de Lunel, avecques tous ses droicts, seigneuries, noblesses, appendances et appartenances quelsconques, lesquelles le feu nostredit oncle le roy, avant qu’il eust prins

tiltre de roy acquist en son vivant dudit comte |128 d’Estampes. Sçavoir faisons que nous considerans les choses dessusdites, eu

sur ce le conseil et advis de nostre tres-cher et tres-amé oncle le duc de Bourgongne, et informez deuëment tant par luy que par plusieurs autres de nostre sang et lignage, et de nostredit cousin, que ladite compensation est et fera grand profit et utilité evidens à nostredite tante et nosdits cousins ses enfans, à icelle nostre tante la royne ou nom que dessus, et audit nostre cousin le roy son fils, avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes de grace especial se mestier est, et de certaine science, auctorité royal et plaine puissance, congié,

licence et auctorité de bailler, cedder et transporter leur droict qu’ils ont et leur appartient et compete és Comtez, villes, chasteaux, terres et seigneuries dessusdites, avecq leurs appartenances quelsconques, audit nostre oncle le duc de Berry, tout en la forme et maniere que dessus est dict, nonobstant la minorité d’aage, et quelconque autre deffaut qui par ladite minorité pourroit estre en ladite compensation, et sans ce |129 que pour cause d’iceux bail, cession et transport, aucun prejudice soit engendré à ladite nostre tante la royne,

quant au faict du bail, garde, administration et gouvernement de sesdits enfans, ançois ait iceux bail, garde, administration et gouvernement tout ainsi que se ladite compensation n’estoit point faite, nonobstant coustumes de nostre royaume et des pays d’Anjou, du Mayne, et d’ailleurs de nostre royaume, usaiges, stiles, observations et autres choses quelsconques à ce contraires, et quant à ce nous auctorisons icelles nostre tante ou nom que dessus, et ledit nostre cousin le roy son fils, et dés maintenant nous ayans agreable ladite compensation, decernons icelle avoir valeur, force et vigueur, et nous plaist que elle soit faicte par la maniere que dessus, et la promettons à confermer quand requis en seront, et par ces presentes suppleéons tous deffaux et dispensons contre tous droicts, toutes coustumes, usaiges et observances de pays par lesquels ou lesquelles ladite compensation ne devroit estre faicte et qui

aucun |130 prejudice pourroient porter à ladite nostre tante la

royne, es bail, garde, administration et gouvernement dessusdits ou autrement en quelconque maniere. Si donnons en mandement par ces mesmes lettres à tous les justiciers et officiers de nostre royaume et à chacun d’eux si comme à luy appartiendra ou leurs lieutenans, que de nos presens octroy, grace, licence, auctorisation suppletion et de toutes autres choses dessus escrites, ils facent et laissent joir et user paisiblement lesdites parties et chacunes d’icelles entant comme chacune touche ou pourra toucher ou temps advenir

sans les empescher ou souffrir empescher au contraire nonobstant les droicts, coustumes et autres choses dessusdites. En tesmoin de ce nous avons fait mettre nostre scel à ces lettres données le premier jour d’aoust en nostre ost en Flandres, l’an de grace 1385. le quint de nostre regne, Signé Par le roy, present monsieur le duc de Bourgongne et plusieurs du conseil,

R. Toronde. |131


*

Jean duc de Berry.


Si la maison d’Evreux a eu une particuliere inclination pour Dourdan en suite de ses ayeuls roys de France, ce n’a point esté par habitude ny par autre consideration que de la beauté et bonté du pays : puisque tous ceux qui depuis en ont esté seigneurs et qui en ont peu joüir ont eu les mesmes affections et l’ont eu en pareil estime : Le duc de Berry n’en fut pas

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Jean de Berry

plustost Seigneur, qu’il y transfera et son habitation et ses affections, comme on peut juger de ce que dés le mois de fevrier 1400. Incontinent apres la mort de Loüis comte d’Estampes, il decerna ses lettres patentes données à Dourdan

|132 au profit du prieur de sainct Germain, deux ans apres confirma le droict qui luy avoit esté donné dans la forest : et en

fin feit deux testaments à Dourdan, l’un du 2. Juillet 1408. passé pardevant Simon Bonnet tabellion à Dourdan, par lequel

il nomma pour executeur ce prieur, et luy donna le jardin qui estoit devant le chasteau (au lieu duquel est à present la place dont a esté parlé cy-dessus) et l’autre du 17. januier 1412. passé pardevant Loüis le Ricordeau aussi tabellion à Dourdan, par lequel il donna au mesme prieur le jardin qui se trouve encores aujourd’huy sur le rempart dependant du prieuré : et en furent executeurs Guillaume Beaumaistre evesque de Conserant et Jean David chancelier du duc d’Orleans, et bailly |133 de Dourdan. Il est bien vray que je n’ay pas encores peu voir ny les

deux lettres patentes, ny les deux testaments, mais je les ay trouvé enoncez dans l’inventaire des tiltres de sainct Cheron lez Chartres : C’est pourquoy je les puis alleguer hardiment.


Peu de temps apres la transaction cy dessus le duc de Berry qui n’avoit aucuns enfans masles, feit une remise generale au roy Charles VI. son nepveu de tous ses biens, mesmes des villes d’Estampes et Dourdan, en cas qu’il decedast sans enfans : à la charge que le roy donneroit cent mille livres à Bonne sa fille comtesse de Savoye et soixante mil à Marie femme du fils du comte de Blois son autre fille (mariée en seconde nopce à Jean de

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Charles VI

Bourbon comte de |134 Clermont) mais depuis il obtint ceste grace du roy que de pouvoir (nonobstant la remise) disposer

d’Estampes, Gien, et Dourdan, et en consequence de ce les donna (l’usufruict toutesfois reservé sa vie durant) à son frere Philippes le Hardy duc de Bourgongne en faveur de son fils

aisné, duquel il estoit parrain (disent les memoriaux de la chambre des comtes au livre E. fueillet 77.)


*

Donation du duc de Berry.


Jean fils de roy de France, duc de Berry et d’Auvergne, comte de Poictou : sçavoir faisons à tous presents et avenir, que comme nous ayons acquis par certains et justes tiltres les comtez, chastel, ville et chastellenie d’Estampes, et les chasteaux, ville et chastellenie de Gien et de

Dourdan, ensemble |135 leurs

appartenances et dependances, et en ayons esté receus en foy et

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Philippe le Hardi duc de Bourgogne

hommage de monsieur le roy, reservé le viaigé de nostre tres- cher cousin messire Loüis comte d’Estampes. Et il soit ainsi que nous n’ayons qu’un seul fils et deux filles qui sont mariées, et que nostre tres-chier et tres-amé frere Philippe duc de Bourgongne ait plusieurs enfans masles et femelles, et soit disposé au plaisir de Dieu d’en avoir encores d’autres, Et pour la tres-parfaicte amour que nous avons à nostredit frere et à ses enfans, tant pour raison naturelle comme pour les tres-grands biens, honneurs, prouffits et plaisirs que nostredit frere nous a faits toute sa vie et fait chacun jour, Nous voudrions plus (ou cas que nous trespasserions sans hoir masle procreé de nostre corps en loyal mariage) que lesdits comtez, chasteaux, villes et

chastellenies veinssent et escheussent à nostredit frere à ses enfans masles, et à leurs successeurs masles procréez en droite ligne qu’à nos filles ne autres personnes quelsconques. Nous (pour les considerations dessusdites et autres justes et raisonnables qui à |136 ce nous meuvent, euë sur ce grand et meure deliberation de nostre certaine science avons donné, cedé et transporté, donnons, cedons et transportons par

donation irrevocable faite entre vifs ou cas que nous trespasserions de ce siecle sans hoir masle procreé de nostre cors en loyal mariage, à nostredit frere et à ses enfans et leurs successeurs masles procréez en ligne directe lesdits Comté, chastel, ville et chastellenie d’Estampes et lesdits chasteaux, villes et chastellenies de Gien et de Dourdan, ensemble toutes leurs appartenances et dependances tant en justices hautes, moyennes et basses, ressorts et jurisdictions, comme fiefs et arrieresfiefs hommes et femmes de corps, patronages et collations de benefices, bois, eaux, garennes, terres, rentes, revenus, profits et esmoluments quelsconques sans y rien retenir, reservé le viage de nostredit cousin : et se au temps de nostre decès il estoit trespassé, nous voulons que ledit usufruict soit consolidé avec la proprieté desdictes conté, chasteaux,

villes, chastelleries et appartenances, au profit de |137 nostredit frere et de ses enfans masles, comme dit est, que tantost apres

nostre decés, se lors n’avions hoir masle procreé de nostre corps, comme dessus est dit, nostredit frere et ses enfans masles puissent pranre et aprehander la possession et saisine corporelle desdits conté, chasteaux, villes, et chastelleries, et en lever et percevoir les fruicts, proufis et esmolumens, et que desmaintenant nostredit frere en puisse entrer en foy et hommage, à la charge et par les formes et conditions desus declarées : et ou cas que nostredit frere, ou les enfans masles, trespasseroient en quelque temps que ce fust, sans hoir masle procreé de leur corps, et que d’eux ne seroient trouvez aucuns hoirs masles descendens d’eux par droicte ligne en loial

mariage, lesdits conté, chasteaux, villes et chastelleries, appartenances et appendances, retourneroient de plain droict sans difficulté à nos filles, ou aus descendens d’elles en droicte ligne, ou à celuy ou ceulx qu’il appartiendra de raison : Promettans en bonne foy, et par nostre serment, et soubs l’obligation de tous nos biens, avoir ferme et estable |138 ceste

presente donation, sans jamais venir à l’encontre : et que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Donné à Paris le XXVIII. jour de janvier, l’an de grace mil trois cens quatre vins et sept. Ainsi signé par monsieur le duc, vous23 et le conte de Sanxerre, presens Gontier, etc.


*

Philippes le Hardy, duc de Bourgongne.

Encores que dés l’instant de cette donation, et de la confirmation du roy qui fut en l’année 1397. Philippes le Hardy eust esté faict seigneur direct de Dourdan, si est-ce qu’il n’en jouït pendant sa vie, pource qu’il mourut dés l’année 1404. long temps auparavant le duc de Berry, qui s’en estoit reservé |139 l’usufruict, mais il en laissa le droict à ses enfans.


*


23 Sic (B.G.)


Jean duc de Bourgongne.

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En fin le duc de Berry estant estant mort sans enfans masles en l’an 1416. Jean duc de Bourgongne, fils de Philippes le Hardy, commença à jouïr de Dourdan : mais ayant esté tué à Montreau-faut-Yonne, en l’an- née 1419. trois ans apres, il n’eut le loisir ny de l’affectionner particulierement, ny mesme de le frequenter.


*

Philippes II.24 duc de Bourgongne.

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Apres la mort de Jehan duc de Bourgongne, Philippe 2. son |140 fils et unique heritier, qui a possedé Dourdan, n’a peu, non plus que luy laisser à la posterité de grands tesmoi- gnages d’affection qu’il en aye eu, d’autant qu’il ne le garda

que quinze ans, pendant lesquels il eut assez d’autres


24 On l’appelle aujourd’hui Philippe III dit le Bon.

occupations serieuses et importantes, qui l’empescherent de s’y arrester, et de songer à ses passe-temps. En fin il le donna, avec Estampes, en l’année 1434. à son cousin germain Jean de Nevers, duquel il avoit espouzé la mere, qui estoit veufve de Philippes comte de Nevers, troisiesme fils de Philippes le Hardy, cy dessus. |141


*

Jean de Nevers, comte d’Estampes, et depuis nommé Jean Sans-terre.

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Aussi tost que cette donation fut faicte, Jean de Nevers prit la qualité de comte d’Estampes, et choisit Dourdan pour sa demeure ordinaire, à l’exemple de ses devanciers, sans toutesfois qu’il en aye laissé aucune preuve, qui du moins jusques à present soit venuë à ma cognoissance, sinon que j’ay trouvé par les anciens comptes

du domaine, que de son temps il y avoit quantité de paons et paonnesses gardez dans le chasteau : Ce qui ne signifie autre chose, sinon que c’estoit un lieu qu’il cherissoit : car autrement il n’y eust pas entretenu ces oyseaux rares et de delices. |142


Il joüit de Dourdan jusques en l’an 1446. que le procureur general qui pretendoit qu’Estampes et Dourdan dependoient de la couronne, et faisoient partie du domaine du roy, les feit saisir, le meit en procez, et en fin obtint arrest contre luy en l’année

1477. par lequel ces terres luy furent ostées et reunies à la couronne, d’où veint qu’il fut nommé Jean Sans-terres, pource qu’il ne luy restoit autres biens.


Il faut advoüer que je n’ay aucune autre preuve precise de cette donation à Jean de Nevers, ny de la saisie et arrest contre luy donné, que le discours qu’en fait Coquille, en son Histoire de Nivernois25 : mais la celebrité de son nom, et la qualité qu’il a euë de procureur fiscal au duché de Nevers, à cause de laquelle il a veu les chartres et tiltres de la |143 maison, m’ont fait hardiment jetter des fondemens sur son rapport : joinctes les presumptions que j’en avois desja : Car pour ce qui est de la donation, je voyois bien qu’elle avoit esté faite par le duc de Bourgongne : d’autant qu’entre ses deputez au traicté d’Arras en l’an 1435. j’en trouve un qualifié comte d’Estampes, et par les jugemens et sentences renduz au bailliage de Dourdan en ce temps là, les officiers ne sont plus dicts officiers du Duc de Bourgongne, comme auparavant, ains du comte d’Estampes,

seigneur de Dourdan. Et pour le regard de la saisie, je n’en pouvois douter apres avoir veu le compte du domaine de l’année 1450. qui se trouve avoir esté rendu pardevant deux commissaires deputez par la cour de Parlement, pour l’administration |144 des domaines d’Estampes et Dourdan.

Coquille ne cotte point le temps de ceste saisie, mais j’ay appris par une requeste transcripte au commencement de ce compte qu’elle est de l’année 1446.


25 Guy Coquille (1523-1603), Histoire du pays et duché de Nivernois, Veuve Abel l’Angelier, 1612. Rééditions : Paris, C. Cramoisy, 1622 ; Le Coteau, Horvath, 1988 ; mais Delescornay utilise sûrement la réédition de 1703 au tome 1 des Œuvres de maistre Guillaume Coquille,Bordeaux, Claude Labottiere, 1703, pp. 295-449.

Requeste transcripte au compte de l’année 1450.

A nosseigneurs de Parlement. Supplie humblement Denis Basclac, commis à la recepte ordinaire de la ville et chastellenie de Dourdan estant gouverné dés 1446. sous la main du roy nostre sire pour le procez, à cause d’icelle, ja pieça meu et pendant en la Cour de Parlement entre les pretendans droict sur icelle, comme ledit suppliant ait exercé par aucunes années ledit office de recepte, desquelles il a à rendre compte, ce qu’il est prest de faire, comme raison est, et avecques ce, luy soit expedient et ait besoin d’avoir estat, tant sur le faict de la justice, pour subvenir et pourveoir |145 aux charges des officiers, reparations necessaires à faire tant ou chastel seigneurial dudit lieu de Dourdan, comme aux assignez entre les fief et aumosnes d’iceluy lieu, qu’autrement, ce que toutesvoyes il ne pourroit bonnement ne ozeroit faire, ce n’est pardevant vous ou aucuns de vous, et par vostre ordonnance ou de vos commis et deputez à ce. Ce consideré, il vous plaise de vos benignes graces commettre et ordonner deux d’entre vous (nosdits seigneurs) pour oyr les comptes dudit suppliant, iceux clorre et affiner, et aussi pour faire et establir son estat pour la distribution des deniers de sadite recepte, tant (comme dit est) pour l’estat de la Justice, gaiges des officiers, reparations necessaires à faire esdits chastelz comme aux assignez entre les fiefs et aumosnes dudit lieu que autrement, afin que ledit suppliant sçache comment il se aura à gouverner pour le temps à venir, et vous ferez bien. Et au bas est escrit, committuntur commissarii, aliâs dati in comitatu Stampensi, actum in Parlamento 23. septembris 1453. Signé Chourteau. |146

En fin pour ce qui est de l’arrest il est bien à presumer qu’il a esté donné, puis que le domaine est rentré en la main du roy : Mais je ne puis demeurer d’accord du datte que luy attribuë Coquille, lors qu’il le met de l’année 1477. d’autant que le roy avoit disposé long tenps auparavant de ce domaine, au profit du sieur de Gobaches, et qu’il n’est à presumer qu’il l’eust fait, si premierement il ne luy eust esté adjugé. Or pour dire mon advis,

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Charles VIII

d’un costé je voy par le compte du domaine de l’année 1535. qu’en l’année 1471. la saisie duroit encores, et que les commissaires deputez par le Roy pour le gouvernement de Dourdan (pendant ceste saisie) reduisirent la rente de quatre muids de bled froment, qu’avoit droict d’y prendre le prieur du Grand-Beau-lieu |147 de Chartres, à deux muids, lesquels ils

évaluerent à raison de quatre sols huict deniers parisis le septier : Et d’autre costé, je trouve par plusieurs sentences et actes de justice, que le seigneur de Gobaches estoit seigneur de Dourdan, dés l’année 1473. C’est pourquoy je ne doute point de conclure, qu’il faut datter cét arrest de l’année 1472. puis qu’il n’estoit pas encores donné en 1471. et qu’il l’estoit desja en 1473.


Pendant ceste saisie, et qu’il n’y avoit point de seigneur à Dourdan qui se peust formaliser si d’autres y chassoient, Tous les seigneurs qui aymoient la chasse s’y alloient souvent exercer, comme en un lieu qui y estoit tres-propre : Mais l’histoire ne nous remarque que Louys seneschal de Normandie à cause de l’accident qui luy arriva |148 par l’impudicité de

Charlotte sa femme fille bastarde de Charles VII. et de la belle Agnes, qui fut tel, qu’un jour (lassé de la chasse) s’estant couché à part, et ayant esté adverty par son maistre d’hostel que sa femme avoit fait venir avec elle Jean Laverne son ruffien ordinaire, il se leva, et entrant dans la chambre les surprit, tua l’adultere, et poursuivant sa femme qui s’estoit cachée dans la chambre de ses enfants, la poignarda sans respect de sa naissance et sans estre esmeu ny de ses pleurs ny du pardon qu’elle luy demandoit en consideration de leurs enfants, au

milieu desquels elle s’estoit refugiée comme dans un azile plus asseuré. |149


*

Le sieur de Gobaches.


Quelque exacte recherche que j’aye peu faire, si n’ay-je encores peu parvenir jusques à une certaine cognoissance du sujet pour lequel Dourdan fut baillé au sieur de Gobaches : seulement ay-je trouvé qu’il en a joüy, et que pendant sa joüissance il bailla à rente le moulin de Postellet et la terre des Meurs, et encores qu’il reduisit à cent sols la

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Signature du sieur de Gobaches

rente deuë au Prieur de Beaulieu, laquelle, comme j’ay dict cy dessus, les commissaires avoient evalué à cent dix sols. En fin, et en l’année 1484. le roy retira Dourdan, et le reünit à la couronne, et commença à en joüir comme avoit esté fait auparavant qu’il feust |150 baillé en appanage.

*

Charles VIII.

Encores que le roy Charles VIII. feust rentré en la joüissance de Dourdan, si est-ce que je n’ay point trouvé qu’il l’aye frequenté : Et ne s’en faut estonner, car ses voyages estrangers et les grandes affaires qu’il eut en son estat luy donnerent assez d’autres divertissements : joinct qu’il ne le cognoissoit point, à cause de la longue alienation qui en avoit esté faicte. |151


*

Louis XII.


Le roy Louis 12. ne feit pareillement aucun voyage à Dourdan, pource qu’il ne le cognoissoit point, mais en l’année 1513. ayant une grande despense à faire pour l’entretenement de ses gens de guerre, et n’ayant moyen d’y subvenir : d’ailleurs, ne voulant surcharger son peuple de plus grandes tailles et subsides, il ayma mieux engager son domaine, et diminuer son revenu ordinaire, au moyen de quoy l’admiral de Graville

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Louis XII

achepta Melun, Dourdan, et Corbeil 80000. livres. |152

*

L’admiral de Graville.

L’admiral de Graville ne fut pas plustost seigneur de Dourdan, qu’il s’y engagea d’affection, et en voulut laisser des marques aux siecles à venir : pourquoy faire il ne trouva point de meilleur subject que de contribuer à l’embellissement de l’eglise de S. Germain, à l’entrée de laquelle il fit bastir deux hautes tours ou clochers, et au dedans feit refaire la voûte de la nef telle qu’elle se trouve aujourd’huy : Il est bien vray que je n’ay point de preuve precise de cette proposition : mais j’ay appris des anciens du pays que ces clochers furent bastis

environ son temps. |153 Et quant à la voûte, ses armes (qui sont trois boucles d’or) se trouvent gravées en la troisiesme clef,

d’où on peut conclure qu’elle fut aussi faite de son temps, car autrement on ne se fust jamais aduisé d’y mettre ses armes : Joinct que l’ordre qui y est observé fait assez cognoistre qu’elles y ont esté mises pource qu’il estoit seigneur usufruictier de Dourdan : d’autant qu’en la premiere clef sont les armes du pape, seigneur spirituel : En la deuxiesme, celles du roy, seigneur temporel direct : Et en la troisiesme celles de nostre admiral, comme seigneur usufruictier. Or qu’il n’y aye apporté du sien, je n’en veux autre preuve que la grandeur des ouvrages, à la despense desquels les simples parroissiens

n’eussent peu subvenir, sans l’ayde de quelque puissant, |154 et qu’il ne seroit croyable que luy qui estoit porté à la pieté,

comme se verra par son testament, cy apres, eust permis qu’un autre s’en fust entremis.


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Louis de Graville (vitrail des Célestins de Rouen reproduit par Gaignières)

Apres sa mort qui fut en 1515. on trouva un codicile, par lequel il remettoit au roy, purement et simplement, et sans restitution de deniers, les domaines de Melun, Dourdan et Corbeil, pour les causes et aux charges y contenuës, sur lesquelles je ne m’estendray davantage, attendu qu’elles y sont amplement déduictes, et que je l’ay transcript en ce lieu, tant pour honorer la memoire de ce bon seigneur et la garantir de

l’oubly, que pour le proposer au public, comme un exemplaire de justice et de vertu. |155


Codicile de messire Louys sire de Graville admiral de France, de l’an 1513.


In nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti. Amen. Nous Louys sire de Graville admiral de France, avons ce jourd’huy par forme de codicile et ordonnance de dereniere volonté, outre par dessus le contenu de nostre testament, et outre le contenu en certain codicile fait dés l’année cinq cens et dix et dont est mention faite audit testament, fait et ordonné par ces presentes, faisons et ordonnons ce qui ensuit. Et premierement considerans qu’en servans les roys nos souverains seigneurs, Avons par long temps eu gros estat, grands dons et profits de la chose publique, en quoy a esté ladite chose publique chargée, et dequoy faisons conscience, veu la jeunesse que avions quand premierement commenceasmes à avoir les estats et grosses pensions, combien que pensons avoir servy lesdits sieurs |156 et la chose publique loyaument et de tout nostre pouvoir, sans y espargner nostre personne. Considerans outre que les cinquante mil livres tournois que dés le mois de juillet cinq cens et douze baillasmes au roy nostredit Seigneur, et les trente mil que luy baillasmes mercredy dernier dix-huictiesme jour de ce mois, montant ensemble la somme de quatrevingts mil livres

tournois, qui est venuë partie de ladite chose publique, pour laquelle somme ledit Seigneur nous a promis bailler les villes de Melun, Corbeil, et Dourdan, pour en joüir comme de nostre propre chose, et de leurs appartenances et dependances. Ont esté et sont pour les urgens affaires dudit seigneur, de subvenir à la chose publique, que les Anglois anciens ennemis de ce royaume invadent : et pour aider à leur resister au soulagement du pauvre peuple, pour lesdites affaires de present fort grevé, comme chacun sçait, Avons de nostre propre science, mouvement et deliberé vouloir, apres y avoir pensé et repensé, donné et légué purement et |157 simplement par la maniere que dessus est dict à ladite chose publique, toute ladite somme de quatrevingts mil livres tournois, ou tout ce que à l’heure de nostre trespas sera deub, et ne voulons que de toute ladite somme payent à nosdits heritiers le roy nostredit Seigneur ny ses successeurs roys aucune chose, pource que nous leur laissons des heritages et autres biens assez, mais entendons que ledit Seigneur et ses successeurs reprennent et remettent en leurs mains lesdites villes de Melun, Corbeil et Dourdan quittement, sauf toutesfois à nosdits heritiers, le droict que avions sur ledit Dourdan de pieça, auquel droict ne voulons par ces presentes prejudicier. Et supplions si tres-humblement qu’il nous est possible au roy nostredit seigneur, et à ses successeurs roys, que si tost apres nostre trespas que bonnement faire se pourra, qu’il luy plaise diminuer ez baillages les plus grevez de son royaume ladite somme de quatrevingts mil livres tournois, ou ainsi qu’il luy semblera bon, afin que le pauvre peuple prie Dieu pour luy et pour moy. Et de ce en deschargeons |158 nostre conscience, et chargeons tous ceux et celles qui voudroient empescher l’effect de ceste presente nostre ordonnance. En tesmoin desquelles choses nous avons fait escrire le present

codicile par la main de Me Pierre Doulin nostre chapellain ordinaire, et l’avons signé de nostre propre main ce samedy

XXI. jour de may mil cinq cens et treize, à Marcoussy, et fait sceller du scel de nos Armes.


Et plus bas est escrit de la main dudit admiral,


Et supplie au roy mon souverain seigneur, qu’il luy plaise avoir agreable le contenu cydessus escrit, en deschargeant son ame et la mienne comme j’en ay en luy ma parfaite fiance. Fait de ma main le jour dessusdit. Signé Loys de Graville, avec paraffe. Scellé en cire rouge du scel de ses armes, qui sont trois fermaux d’or. |159


François I.

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Le roy François I. rentra en la jouïssance de Dourdan, au moyen de ce codicile, mais depuis voulant aucunement recom- penser les services du sieur de Montgommery, seigneur de Lorges, et grand capitaine, il luy

en accorda pour dix ans la jouïssance, avec son habitation dans le chasteau, et son chauffage dans la forest sur le bois mort et mor-bois, ainsi qu’il est contenu en ses lettres patentes du

4. decembre 1522. transcrites au compte

du domaine de la mesme année. Et au mesme temps, Louis de Vendosme, prince de Chabanais luy en donna la capitainerie, de laquelle il avoit |160 esté pourveu auparavant : D’où je tire une consequence que Dourdan meritoit d’estre chery, puis qu’un seigneur et grand capitaine, comme le sieur de Montgommery,

le demandoit pour son habitation, et que le prince de Chabanais en avoit bien daigné prendre la capitainerie.


*

Henry II.

Le roy ayant pris resolution de recouvrer les places que tenoient encores les Anglois dans la Picardie, et d’ailleurs n’ayant fond suffisant en ses finances pour entretenir les gens de guerre qui luy seroient necessaires : il fut contraint d’engager partie de son domaine l’un desquels fut celuy de Dourdan. |161


*

Le duc de Guyse.

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L’advantage que j’ay en mon entreprise de relever l’honneur de Dourdan est que j’y suis favorisé

par tous ceux qui l’ont possedé, lesquels l’ont chery comme à l’envy et en ont voulu donner des tesmoignages certains : en quoy monsieur de Guyse ne voulut manquer de sa part : Il ne l’eut pas plustost recogneu qu’il le

feit gardien des choses qui luy estoient les plus cheres, y establissant son escurie, à cause de laquelle il y estoit tousjours presumé demeurer, puis que les Princes guerriers (comme il estoit) n’ont point de tresor plus precieux

que leurs chevaux, ny d’entretien plus charmant que celuy |162 de ces animaux, propres instruments de leurs victoires et triomphes. De cét establissement arriva un autre bien à Dourdan, lors que par le soin de l’un des officiers de ceste escurie le traffic de bas d’estame et de soye s’y est introduit, comme j’ay remarqué cy dessus.


Dourdan jusques en l’an 1567. s’estoit peu dire heureux, tant pour l’honneur qu’il avoit eu de tout temps d’estre frequenté et aymé des roys, princes et autres grands seigneurs, que pour l’augmentation qu’il en avoit receu, si la prise du chasteau que feirent les sieurs de Montgommery et visdame de Chartres chefs de ceux de la religion pretenduë reformée, ne l’eussent difformé et mis à sac : l’insolence de ces religionaires ne se contenta |163 pas de piller et ruyner la ville, mais encores porta leurs mains sacrileges jusques dans l’eglise, d’où ils ravirent les

precieux ornements qui y estoient en grande quantité, avec l’or et l’argent et autres richesses esquelles estoient enchassez plusieurs os saincts et reliques qui furent impieusement jettez à l’abandon : ils n’oublierent pas mesme l’estoffe des orgues qui y estoient aussi belles qu’en aucun autre lieu de France. En ceste rencontre Dourdan experimenta à ses despens que les choses du monde ne sont gouvernées que par vicissitudes, et que les plus grandes prosperitez ne servent que de but aux malheurs qui les abattent à la fin les reduisant comme au premier poinct de leur naissance : car en bien peu de jours il se

veit despoüillé de |164 tout ce que les siecles passez et la liberalité de ses seigneurs y avoient apporté de riche et

d’ornement.


Si la deffaite des reistres à Aulneau, qui fut faite en l’an 1587. apporta quelque accroissement d’honneur à monsieur de Guyse, Dourdan de son costé en peut tirer quelque recommendation, puis qu’il en fut l’un des principaux instruments : monsieur de

Guyse qui avoit tousjours costoyé avec ses troupes ceste armée allemande, se vint loger à Dourdan lors qu’elle prit Aulneau distant de quatre lieuës pour son departement, qui fut le 20. novembre : Il disposa ses troupes et leur assigna le rendez-vous dans la pleine Beauce à une lieuë de Dourdan entre Corbreuze et Groslieu, à un orme qui est encores appellé l’Orme du rendez-vous : |165 Toutes choses ainsi ordonnées, il feit mettre le

clergé et tout le peuple en devotion, et luy-mesme assista à la messe qui fut dicte solemnellement à my-nuict, et aussi tost monta à cheval assisté de tous ceux de Dourdan capables de porter les armes, lesquels naturellement affectionnez à leur seigneur, ne pouvoient permettre qu’il s’engageast à une si haute entreprise sans estre de la partie et le seconder de leurs armes, pendant que les autres trop vieux ou trop jeunes avec les femmes luy prepareroient la victoire par leurs vœux et prieres. Si tost que ce grand et sage capitaine se veit asseuré de la victoire sans perte d’aucun des siens, et recognoissant qu’elle luy venoit de Dieu, il renvoya à Dourdan le sieur du Mont mon

pere |166 (qu’il avoit choisi pour estre pres de sa personne en ceste action à cause de la cognoissance particuliere qu’il en

avoit et qu’il le voyoit souvent chez la royne mere, de laquelle il estoit officier de pere en fils) et le chargea d’y faire chanter le Te Deum, afin que Dieu feust remercié de cét heureux succés par ceux mesmes à l’instance desquels il l’avoit accordé.


Apres le siege de la ville de Chartres, en l’an 1591. le mareschal de Biron pere assiegea le chasteau de Dourdan, dans lequel il trouva le capitaine Jacques qui y commandoit depuis deux ans pour la Ligue, lequel le deffendit si courageusement et judicieu-sement, qu’apres avoir soustenu six sepmaines durant, et estant contraint d’entrer en composition à cause de deux de

|167 ses tours qu’il voyoit ja esbranlées par la mine à laquelle il ne pouvoit remedier à cause de la nature du lieu, il la receut

autant advantageuse et honorable que la gentillesse de son courage l’avoit meritée.


Articles accordez par monseigneur de Biron mareschal de France au

capitaine Jacques, commandant au chasteau de Dourdan.


Le capitaine Jacques sortira comme il demande avec tous ses compagnons tant de cheval que de pied, avec leurs chevaux, armes et bagage, avec leur cornette, drapeaux desployez, tambours battans, la mesche allumée, sans qu’aucun des soldats et autres gens de guerre qui auront esté soubs sa charge puissent estre arrestez en quelque façon que ce soit, presentement, ny recherchez à


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Le maréchal de Biron

l’advenir pour faict de guerre, |168 et pourront les chefs avoir

deux charrettes pour emporter les commoditez à eux appartenants et non à autres.

Pour le respect de l’artillerie, celle du roy ayant tiré, elle est à celuy qui commande à l’artillerie de sa Majesté.

Monseigneur le mareschal fera conduire le capitaine Jacques et ses compagnons en lieu de seureté, par personnes notables.

Que si aucuns soldats de la compagnie du capitaine Jacques, tant de cheval que de pied, habitans de cette ville de Dourdan, le veulent suivre, ne leur sera fait aucun desplaisir.

Pour le respect du receveur des tailles sera suivy l’ordonnance que le roy a faite sur ce, le roy ne perd point ses tailles.

Les habitans de ceste ville de Dourdan pourront retourner en leurs maisons et biens en faisant les submissions et serment de fidelité portez par les ordonnances du roy, et seront traitez comme subjects de sa Majesté, et joüiront doresenavant de leurs biens.

Pour les droicts et revenus de madame |169 de Nemours, sera renvoyé au roy qui y fera tousjours ce qu’il luy semblera estre à faire pour sa bonne parente.

Le capitaine Jacques sortira du chasteau de Dourdan avec les gens de guerre qui y sont, et remettra la place en l’obeissance du roy lundy prochain au matin : Cependant il ne fera travailler en aucune façon aux fortifications de ladite place, et pour seureté de cela baillera hostages à monseigneur le mareschal.

Faict au camp de Dourdan, le vendredy 17. de may 1591. Ainsi signé Biron. Et plus bas, Par monseigneur le mareschal, Julien. Et scellé du cachet dudit sieur26.


Ce siege fut une seconde fatalité et à la ville et à l’eglise de sainct Germain : car outre le pillage universel et la perte des


26 Joseph Guyot, Chronique…, 1869, p. 99 : « Les officiers de l’armée du roi se connaissaient en vaillance ; ils eurent la générosité de ne point humilier de braves Français vaincus, et les articles accordés par le maréchal de Biron au capitaine Jacques en apprendront plus à nos lecteurs que tout ce que nous pourrions en dire. Nous les citons textuellement d’après de Lescornay, qui, dans son incomplète et laconique narration, les a au moins conservés. » Et il ajoute (p. 100, note 13) : « On voit, d’après les dates, que de Lescornay a singulièrement exagéré la longueur du siége, quand il la porte à six semaines. L’histoire nous apprend que Henri IV quitta Chartres le lundi 22 avril, et que le maréchal de Biron y resta au moins jusqu’au 24, pour asseoir la taille sur les habitants et désarmer la milice. Il ne dut être devant Dourdan que le 26. Du 26 avril au 17 mai, il put y avoir 21 jours de siége. C’est déjà, de la part d’une ville comme Dourdan, en face d’un pareil ennemi, une résistance qui peut passer pour héroïque. ».

ornements et tresors qui avoient peu estre amassez dans cette eglise depuis sa premiere ruyne, elle receut encores un notable dommage par le faict |170 propre du capitaine Jacques, lequel prevoyant le siege et craignant que la commodité de ceste eglise et des clochers qui commandoient dans le chasteau ne servist pour loger les ennemis, il feit premieremant rompre une partie de la voûte de la nef qui l’incommodoit, puis apres feit froter la

charpenterie de l’eglise et des clochers de poix et raisine, y adjoustant quantité de pailles et autres matieres propres pour allumer un feu lors qu’il verroit l’armée approcher : et suivant ce project il ne veit pas plustost les avant-coureurs qu’il y feit porter le feu, lequel embrasa en un instant le plus bel edifice qui se veist à bien loin de là, et duquel n’a esté reservé à la posterité que l’image qui s’en trouve encores aujourd’huy au parement de |171 l’autel de sainct Estienne de la mesme eglise, à laquelle je renvoye le curieux, pour ne m’estendre à en faire la

description.


En fin, en l’an 1596. en execution de l’edict du mois de septembre 1591. pour la vente et revente du domaine du roy jusques à 200000. celuy de Dourdan fut revendu à faculté de rachapt perpetuel, et adjugé au sieur Imbert de Diesbasch gentil-homme bourgeois et du conseil de la ville et canton de Berne, et colonel d’un regiment suisse, moyennant la somme de 40000 livres : mais depuis, et le 2. Januier 1597. il feit sa declaration au profit du sieur de Sancy, par laquelle il luy

quittoit tout le droict qu’il y pouvoit avoir, recognoissant qu’il ne s’en estoit rendu adjudicataire que pour |172 luy et qu’il en avoit payé le prix.


*

Le sieur de Sancy.

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Aussitost que le sieur de Sancy eut recogneu et la beauté du païs et la bonté de l’air de Dourdan, il le jugea tres-propre pour divertir et recreer son esprit, lors que trop travaillé des plus importantes affaires de l’Estat qu’il digeroit,

il luy voudroit donner quelque relasche, et pour cét effect il y feit faire les logemens qui s’y trouvent à

present à main gauche, et en designoit de plus grands si l’occasion ne se feust presentée lors qu’il fut deschargé des affaires publiques et qu’elles furent transmises au sieur de Rosny de le luy vendre et le faire son successeur au plaisir |173 comme il l’estoit desja au travail.


*

Le sieur de Rosny, depuis duc de Sully.

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La mesme raison qui avoit meu le sieur de Sancy à affectionner Dourdan, feit naistre l’envie au sieur de Sully de le tirer de ses mains, et en joüit jusques en l’année 1610. qu’il fut remboursé

par le roy Louys le Juste, qui le reünit à la Couronne, de laquelle il avoit esté demembré depuis 61 an.

Pendant ceste domination du sieur de Sully il ne s’y est rien fait de nouveau, sinon que (comme j’ay desja dit) la grosse tour fut jointe au reste du chasteau, par le moyen de la terrasse qui y est à present. |174


*

Louys le Juste

Le roy Louys le Juste ne fut pas plustost parvenu à la couronne, qu’il retira Dourdan des mains du sieur de Sully, et l’année suivante le donna à la royne sa mere pour partie de l’assignat de ses dot et doüaire, aux clauses et conditions portées par les lettres patentes qui en furent expediées, lesquelles je ne transcriray icy, parce qu’elles sont assez cogneuës.


*

Marie de Medicis royne mere du roy.

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Aussitost que Philippes le Bel eut démembré Dourdan de la couronne pour le bailler en appanage |175 à son frere Louys comte d’Evreux, et qu’en consequence de ce il s’en fut du

tout retiré pour luy en laisser l’entiere joüissance ; il fut retranché du nombre des maisons royales, et peu à peu à la faveur de

sa longue alienation, est tombé dans l’oubly en telle sorte, que quand huict vingts ans apres il y a esté reüny, c’a esté comme une chose indifferente et qu’on ne croyoit pas avoir assez de recommendation pour estre aymée des roys, lesquels à ceste cause l’ont negligé, voire mesmes abandonné à toutes les alienations qui en ont esté faites. Ces traitements luy ont esté tres-rudes et insupportables, luy ont fait perdre son lustre et en fin l’ont plongé dans les malheurs, qui depuis l’ont detenu si

longues années soubs leur tyrannique |176 domination. Il estoit

au plus fort de son mal et sur le poinct du desespoir de plus recouvrer les honneurs qu’il avoit perdus et qu’il pouvoit justement souhaiter, lors qu’un nouveau sujet de consolation luy est survenu, par l’establissement en France du regne de justice, dans lequel seul il pouvoit esperer remede à son mal, et restauration de sa bonne fortune ; il n’a esté déceu de son esperance, et en eust à l’heure mesme ressenty l’accomplissement, si la loy des choses du monde, eust permis ceste extremité : le brillant esclat du soleil ne se monstre dans l’espoisseur des tenebres de la nuict, il seroit importun aux hommes, au lieu qu’il leur est donné pour principe de resjoüissance : et au lieu qu’ils devroient ouvrir les yeux pour

en |177 admirer les effects, ils seroient contraints de les fermer, se cacher de luy, et se refugier dans les sombres cavernes

pource qu’ils ne pourroient soustenir l’effort de ses rayons ; il donne premierement une certaine attente de son arrivée, par la diminution des tenebres, puis apres il envoye l’agreable aurore qui doucement dispose les yeux à supporter la grandeur de sa lumiere. Ainsi en a-il esté à Dourdan, ce bon roy, ce soleil de justice, n’y a pas voulu de prim-sault paroistre en sa majesté, les esprits encores languissants et abattus par les miseres passées feussent demeurez stupides dans une si grande abondance d’honneurs et insensibles aux advantages qu’ils en eussent receu, il luy a premierement donné certains augures de

sa |178 venuë lors que par une premiere action de justice il l’a

reüny à la couronne comme en estant l’un des plus anciens fleurons et de laquelle il n’avoit peu estre separé que par un violent effort, puis apres luy en a donné toutes sortes d’asseurance et s’y est comme obligé, lors qu’à l’imitation de S. Louys son progeniteur et son phare continuel qui le delaissa à la royne Blanche sa mere, il l’a baillé à la royne sa mere, la consideration de laquelle estoit assez puissante pour l’y attirer un jour, et la beauté du lieu assez charmante pour l’y retenir à jamais lors qu’il l’auroit une fois veu : A ceste seconde action Dourdan commença à respirer une plus douce vie et à esperer une meilleure fortune, il releve son courage, il s’accoustume au

nom royal |179 et se tient desja tout asseuré d’une parfaite guarison de son mal, par les salutaires influences de son soleil

de justice. Toutes choses luy semblent venir à souhait : le sieur du Marais luy est donné pour gouverneur, mais plustost pour pere et protecteur, car il s’interesse dans sa fortune et s’y monstre si passionné, qu’en toutes occasions il contribuë de sa part à l’augmenter. Je ne rapporteray en particulier les tesmoignages qu’il en a rendu, seulement diray-je que pendant les mouvements de l’année 1616. encores qu’il fist profession de la religion pretenduë reformée, si est-ce qu’il ne voulut pas que le jour de Noël les chefs de la ville feussent divertis des prieres et de la messe de my-nuict pour faire leurs rondes

ordinaires, luy-mesmes en prit |180 le soin et quitta son chasteau pour passer toute la nuict dans les corps de gardes et le long des

courtines de la ville : apres quoy il ne faut plus demander de preuves de sa bonté et de son affection envers ce peuple. Au milieu de ces ravissements Dourdan ressentit un grand revers de fortune par la mort de ce bon gouverneur, et luy eust esté ce mal beaucoup plus cuisant, s’il n’eust esté adoucy par le genre de ceste mort pleine de gloire et de trophées acquis par sa valeur, et bien-heureuse par l’abjuration qu’il feit de l’erreur de sa religion, et incontinent apres du tout osté par la venuë de monsieur de Buy son successeur, lequel d’autant plus

affectionné à ceste ville, qu’il y avoit esté nourry jeune et que son pere l’avoit |181 aussi autresfois gouvernée, y apporta tout ce que sa qualité et sa naturelle bonté en pouvoient faire esperer. Mais la royne en voulant prendre un soin plus particulier, elle le donna à gouverner à monsieur de Montbazon son chevalier d’honneur, afin qu’estant tousjours pres de sa personne il

descouvrist plus aisement ses intentions, apprist les inclinations qu’elle avoit pour l’advancement de ce lieu, et que de sa part il apportast tout ce qu’il jugeroit necessaire pour l’accomplissement de ce dessein : c’est ce qu’il a fait depuis, et avec tant de diligence, qu’il l’a rendu beaucoup plus heureux qu’il n’avoit esté long temps auparavant. Toutes ces faveurs abondantes ayants fortifié ses esprits luy donnerent assez de hardiesse en l’année 1621. |182 que ceste benigne aurore avant-

couriere de son bien passa par sainct Arnoul, de faire un essay de ses forces et esprouver s’il pourroit d’une veuë assez arrestée contempler sa majesté, et en ceste resolution le corps de la ville se trouva à sainct Arnoul eut l’honneur de la saluër et luy faire les submissions qu’il devoit à sa dame et maistresse et par un present de quelques fruicts advoüer qu’il ne possedoit rien que soubs sa faveur et par sa liberalité. Ce fut à la verité une haute entreprise et qui eust peu tourner à confusion, si ceste grande princesse considerant plustost ses bonnes intentions que la temerité de ses actions ne se feust accommodée à sa foiblesse, couvrant sa Majesté royale d’un manteau de douceur et

d’humanité. Mais quoy |183 que c’en soit, ce doux accueil et la favorable acceptation de ses submissions et de ses offres luy

augmenta tellement le courage et l’espoir, que de là en avant il n’avoit plus de pensée ny d’entretien qui n’eust pour but la venuë de son roy.

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Louis XIII à la chasse (attribué à Sebastian Vrancx)


En l’année 1623. le roy ayant esté contraint par la contagion, de sortir de Paris et se retirer à S. Germain, il fut obligé pour se desennuyer d’estendre ses promenades dans le païs circonvoisin, mesmes jusques à Rochefort, qui n’est qu’à une lieuë de Dourdan pour voir les bastiments de monsieur de Montbazon et experimenter les plaisirs de la chasse qu’on luy avoit dict y estre tres-grands : le lendemain de son arrivée les veneurs feirent leur rapport d’un cerf qu’ils avoient destourné

|184 dans un petit bois qui est en pleine Beauce, à demie lieuë de

la forest de Dourdan : On se resout de le chasser, et pour ce faire d’aller disner à Louye où devoit estre l’assemblée : le roy part du matin de Rochefort, les nouvelles en viennent à Dourdan par où il devoit passer, un allegresse generale se met dans les cœurs, on se dispose à le recevoir, et par harangues et acclamations publiques luy tesmoigner combien estoit agreable son arrivée, depuis combien d’années elle estoit attenduë, et

combien ce peuple estoit affectionné au nom royal : Il les escoute benignement, admire la resjoüissance commune, remarque la ville, passe outre, considere le païs, et se rend à Louye, où il est receu par le sieur du Lac qui en est prieur commendataire, |185 lequel luy ayant representé que ceste maison avoit esté fondée par Louys le Pieux, et restablie par Louys le Sainct ses ayeulx, et qu’il estoit convenable que Louys

le Juste leur successeur au sang, au nom, au sceptre et aux bonnes intentions à cause desquelles il avoit merité son tiltre advantageux, y apportast du sien et les imitast en cecy comme en toutes autres leurs vertueuses actions, Il est esmeu par les exemples de ces bons roys ses devanciers et respond qu’il en veut estre protecteur et bien-faicteur, et considerant les grandes reparations qui y avoient esté faites par le prieur, il luy accorde six mil livres à prendre sur les hauts bois qui dependent du prieuré, pour estre employez tant en la perfection d’un

bastiment ja commencé |185 qu’en la construction d’un estang dans lequel on puisse retenir des eaux suffisamment pour

reparer le deffaut qu’il y en a en ce lieu. Apres disner on va lancer le cerf, cét animal conduit par le bon genie de Dourdan, au lieu de tirer droit à la forest comme tous les autres, prend sa course vers la Beauce, afin que courant en pleine campagne il soit tousjours veu avec la chasse et donne plus de plaisir au roy, et par ce moyen luy face recognoistre que ce païs est veritablement destiné pour ses passe-temps, puis que mesmes les brutes essayent de les luy augmenter. La chasse finie par la prise du chef au milieu d’un village, le roy retourne coucher à Rochefort avec une si grande satisfaction de ce qui s’est passé

tout ce jour qu’il resout |187 de coucher le lendemain dans Dourdan, afin de considerer plus à loisir sa situation, la pureté

de l’air, la nature des esprits, et recognoistre si le païs pourroit fournir à la diversité de ses esbatements. Ce fut alors que Dourdan se trouva esseuré de sa bonne fortune, Il sçavoit bien qu’il abondoit en tout ce qui pouvoit arrester un cœur royal, il

n’en craignoit pas l’espreuve, au contraire la desiroit, et se plaignoit que les siecles passez il avoit seulement esté negligé pource qu’il n’avoit pas esté cogneu. Le roy y demeura trois jours, et y pratiqua tous ses exercices ordinaires ausquels il trouva le païs fort disposé : Le matin apres la messe il s’entretenoit dans les armes faisant faire l’exercice à ses mousquetaires dans un champ à la porte de la ville qui |188

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semble avoir esté aplany expres, apres le disner faisoit deux ou trois sortes de chasses et s’il revenoit de bonne heure, achevoit la journée au jeu de longue paulme, et sur le soir faisoit faire la curée aux chiens de ce qui avoit esté pris le jour : Et en toutes ces choses receut un contentement si parfaict qu’il jugea bien que ce lieu luy estoit naturellement dedié et s’y lia encores plus d’affection quand il sceut qu’il estoit du domaine de la royne sa mere, à cause de laquelle il le meit au rang de ses plus favorisez, tellement que Dourdan se veid en jouyssance de ce qu’il avoit esperé, mais autrement qu’il n’avoit preveu, car le hazard luy amena le Roy, sa

beauté l’y arresta et la consideration de la royne l’y engagea, laquelle pour d’autant plus |189 confirmer le roy en ceste resolution ne se contenta pas seulement de luy tesmoigner de bouche le contentement qu’elle en recevoit, mais encores luy

voulut faire cognoistre par effect lors qu’elle contribua à la despence du bastiment d’un

corps de garde qu’il ordonna estre fait à la porte du chasteau pour ses mousquetaires.

Louis XIII

Apres ceste premiere destination de Dourdan, qui fut au mois d’aoust, le roy y feit plusieurs autres voyages, pendant lesquels et en diverses rencontres il monstra bien qu’il estoit misericordieux, mais veritablement juste, tous ses mouvements estants beaucoup esloignez de violence et de volonté absoluë, et reglant toutes ses actions par le niveau de la justice. Une femme avoit esté par arrest |190 de la cour renvoyée à Chastres27 pour

estre executée à mort, et y fut conduite le mesme jour que le roy arriva à Dourdan, qui donna sujet à sa mere accompagnée de six de ses enfans, de venir toute nuict à Dourdan pour se presenter au roy et obtenir quelque traict de sa misericorde : Ces pauvres affligez s’estans adressez à moy, je leur feis une requeste qu’ils luy presenterent à l’issuë de la messe, et laquelle j’ay icy transcripte, pource qu’elle contient succinctement le faict et les raisons sur lesquelles estoit fondée la grace qu’ils demandoient.


Au Roy.

Sire,


Louyse Crestot vefve de feu Regnault Cochet, chargée de six enfans et de sa mere plus que octuagenaire, vous |191 remonstre tres-humblement que cy devant Jacques Poirier son nepveu et deux autres ayant esté condamnez à estre pendus et estranglez par arrest de la cour, ils auroient esté conduits à Chastres pour en souffrir l’execution qui commença par l’un d’eux, lors de la mort duquel le curé qui les assistoit ayant dict à haute voix que

ledit Poirier et l’autre qui restoit à executer estoient innocens icelle suppliante se seroit trouvée d’autant plus esmeuë que ses ressentiments naturels y contribuoient de leur part, et à l’heure mesme se seroit efforcée d’enlevée son nepveu du supplice, ce


27 Aujourd’hui Arpajon (B.G.).

qu’elle avoit fait sans aucune resistance des officiers du lieu et sans autre effort que de couper les cordes desquelles il estoit lié, laquelle facilité auroit donné sujet à quelques autres de sauver pareillement le troisiesme : pour raison de quoy elle auroit aussi esté par autre arrest condamnée à estre penduë et estranglée, apres qu’elle auroit premierement esté appliquée à la question, pour l’execution dequoy elle a esté conduite à Chastre sans autre esperance de salut que celle qu’elle a en la

|192 clemence de vostre Majesté.


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Ce consideré (Sire) attendu qu’il n’y va que de l’interest de vostre Majesté, et que la suppliante a esté portée à ceste entreprise par le rapport qu’avoit fait le curé de l’innocence de son nepveu, et y a esté comme forcée par les mouvements naturels qui se prevalants de l’imbecilité de son sexe, violentoient son humeur, d’ailleurs fort esloignée de temerité : Il vous plaise, preferant misericorde à justice, luy donner la vie, et elle sera obligée et tous les

siens de continuer leurs vœux et prieres à Dieu pour vostre prosperité et santé.


Ceste requeste ayant esté leuë devant le roy, il ne se trouva aucun des courtisans qui ne suppliast pour ceste pauvre femme, et demandoient la pluspart que d’authorité absoluë le roy l’envoyast querir par un exempt de ses gardes pour luy donner et la vie et la liberté : mais tant s’en faut qu’il voulust |193 user de ceste voye, qu’au contraire il se contenta de mander les officiers de la cour pour apprendre la verité de la chose auparavant que d’en resoudre : un exempt monte à cheval, le roy commande au prieur de Louye qui luy avoit leu la requeste

de l’assister, et d’autre costé monsieur de Bautru charitablement porté en ceste affaire qui craignoit que l’execution se feist avant l’arrivée de l’exempt, pource qu’il estoit desja tard et qu’il y a

quatre lieuës de distance, feit monter sur l’un de ses coureurs le president de l’eslection mon frere, et le chargea de faire telle diligence, qu’en bref on en peust avoir bonnes nouvelles : Ces couriers arrivez à Chastres trouverent ceste femme entre les mains de l’executeur preste d’estre appliquée à la question |194 et en suitte attachée au gibet desja planté pour cét effect, et feussent arrivez trop tard si elle-mesme ne se feust aidée pour

gaigner du temps, et n’eust declaré lors qu’on luy signifia l’arrest qu’elle estoit grosse du faict de celuy qui sollicitoit pour elle pendant sa prison, car ceste declaration feit surseoir l’execution jusques à ce qu’elle eust esté visitée et que la verité du faict eust esté recogneuë : Le commandement du roy apporté, les officiers de la cour viennent à Dourdan, le roy s’enquiert si la requeste qui luy avoit esté presentée estoit veritable, le greffier recognoist qu’il n’y avoit dans tout le procés plus de charges contre ceste femme et que la cour s’estoit peut-estre portée à ceste condamnation rigoureuse

pource que desja mesme chose |195 estoit arrivée à Chastres et

qu’il falloit reprimer la legereté de ce peuple par ue punition exemplaire : au mesme temps chacun importune le roy de donner la vie à ceste femme, on represente qu’elle n’est personne d’exemple et qu’il sembloit que Dieu la voulust sauver, puisqu’il luy avoit facilité le moyen de rechercher sa grace amenant sa Majesté à Dourdan à mesme jour qu’elle estoit arrivée à Chastres, sans laquelle rencontre il n’y eust jamais eu lieu de rien esperer pour elle, et qu’il la falloit envoyer querir par le mesme exempt : Toutes ces importunitez ne peuvent porter le roy à rien faire contre les voyes ordinaires de la justice, il s’y veut arrester et y tenir ferme sans toutesfois

rendre sa misericorde infructueuse : Il louë le Parlement |196 et

approuve son arrest, mais aussi pense-il estre obligé de faire grace en ceste rencontre, toutesfois n’en veut resoudre qu’avec toutes les formes, C’est pourquoy il commande aux officiers de remener ceste femme dans la conciergerie, et dire à la cour

qu’elle differe l’execution de son arrest jusques à ce qu’elle l’aye informé du faict du procés et qu’il aye deliberé en son conseil ce qu’il en devra faire. Apres ceste prononciation chacun demeure estonné, on admire les mouvements du roy et les justes moyens par lesquels il veut mettre en pratique sa clemence, il la veut restraindre dans les bornes de son legitime pouvoir et improuve ce que quelques flatteurs ont autresfois dict, qu’à la verité les roys ne pouvoient faire |197 mourir sans cognoissance de cause, mais bien pouvoient donner la vie sans

autre ceremonie : Il a appris une autre leçon beaucoup plus veritable, qui est que les roys n’ont esté donnez principalement aux hommes que pour leur faire observer les loix et les juger suivant icelles, en consequence de quoy Dieu commanda à Josüé prince de son peuple d’avoir tousjours devant ses yeux le livre de la Loy afin qu’il la sceust, et ne jugeast rien contre ce qu’elle decidoit, condamnast à la mort ou feist grace selon les cas qui y estoient exprimez, sans les pouvoir estendre ny restraindre en quelque façon que ce feust, cela n’appartenant qu’à sa divine Majesté qui avoit fait la loy et qui estoit au dessus d’elle, c’est pourquoy on n’a point veu qu’il aye jamais

recommandé |198 aux roys de pardonner et faire misericorde,

mais bien de condamner et faire justice (si ce n’est aux offences particulieres qui leur sont faites :) Si Saül eust entierement executé les commandements de Dieu mettant au fil de l’espée Agag avec tout son peuple et tous les bestiaux, et qu’il n’eust point fait le misericordieux contre la loy, il est certain qu’il n’eust pas esté privé de son royaume comme indigne d’estre roy puis qu’il ne sçavoit pas executer la rigueur de la loy : encores que les roys payens qui n’avoient autres loix que celles qu’ils avoient eux-mesmes fait, eussent aucunement peu s’en dispencer, si est-ce que l’antiquité nous a fourny tant de vertueux exemples de plusieurs d’entre eux qui n’ont pas

mesme espargné leurs plus proches, |199 voire leur sang, lors qu’il a esté question de les executer, que seroit chose honteuse

et reprochable aux chrestiens qui ne sont autheurs des loix, mais qui recognoissent les avoir receuës de Dieu qui leur en recommande l’execution et à laquelle ils s’obligent lors de leur sacre, d’en vouloir user autrement, laisser le mal impuny, et s’abandonnants à une compassion humaine, oublier leurs qualitez sureminentes à cause desquelles ils sont eslevez de la terre et desja naturalisez dans le ciel. Ce sont les raisons qui empescherent le roy de rien definir en ceste affaire, quoy que pleine de commiseration et que chacun l’en importunast, tant il

avoit peur de blesser en rien le tiltre de juste duquel il essaye par toutes ses actions de se rendre digne. |200


Suivant la resolution du roy ceste pauvre condamnée ayant esté remise dans la conciergerie, veint une nouvelle à Dourdan deux jours apres, que la cour la vouloit faire executer le lendemain au matin nonobstant le commandement du roy qui luy avoit esté porté par ses officiers, le roy qui juge que ceste affaire est remissible de droict s’enquiert des moyens qu’il peut avoir pour la favoriser, on n’en trouve point à cause de la briefveté du temps, il n’y a que monsieur de Bautru qui y peut apporter remede, la vivacité de son esprit luy en donne l’invention et la grandeur de sa charité luy donne la volonté de l’effectuer : Il propose au roy qu’il luy donne commandement

d’aller toute nuict à sainct Germain pour prendre lettres de |201 monsieur le chancellier qui y estoit et les porter le lendemain du

matin à la cour, apres lesquelles elle seroit obligée de differer : Cét advis est trouvé bon, le roy l’approuve, louë sa bonne volonté et luy donne son commandement : Il estoit sept heures du soir, le temps estoit couvert et pluvieux, mais cela ne le peut empescher d’effectuer sa proposition, non plus que l’aspreté des chemins par lesquels il devoit passer : il monte à cheval apres avoir souppé, et par sa diligence asseura encores pour ce coup la vie à ceste pauvre miserable, à laquelle en fin apres plusieurs

deliberations du conseil lettres de grace ont esté expediées et depuis entherinées à la cour.


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Presque en mesme temps le roy estant à la chasse un pauvre homme |202 s’adresse à luy, se plaint de quelque mauvais traitement que luy avoit fait un sergent qui saisissoit ses biens, represente les outrages et violences et demande justice, tout à l’heure le roy envoye quelques-uns de sa suite pour s’enquerir

de la verité de la plainte, prendre le sergent et les records et les luy amener à Dourdan pour les mettre entre les mains de la justice et les faire chastier selon leurs demerites.


Un autre homme se vient jetter aux pieds du roy, luy expose les grandes rigueurs de son creancier, remonstre qu’en effect il ne doibt rien, mais qu’il n’a moyen de se faire descharger de son obligation, demande quelque delay pour payer, et represente plusieurs papiers par lesquels il pretend justifier les raisons de sa plainte : le roy luy donne |203 audience et voit une grande partie de ses papiers, mais pource que ceste affaire estoit fort broüillée et pleine d’intrigues, elle me fut renvoyée pour

l’esclaircir et en faire rapport, et l’esclaircissement n’ayant esté qu’à la confusion de celuy qui se plaignoit, il n’en remporta autre fruict que d’avoir experimenté la debonnaireté du roy et l’inclination qu’il avoit à rendre la justice à tous ceux qui la luy demandoient.


Voicy autre traict de la justice du roy, apres lequel il faut que l’antiquité cesse de vanter son monarque qui pour preuve de son equité et de ce qu’il ne condamnoit personne sans l’oüir, estoupoit l’une de ses oreilles lors qu’on luy faisoit quelque plainte d’un absent auquel il la vouloit reserver |204 entiere28 : Il y avoit long temps qu’aucuns des plus relevez de Dourdan

avoient conjuré la ruyne de l’un des principaux officiers qui sans consideration de leurs qualitez les assubjectissoit egalement comme tous les autres aux loix de la Justice : Il se presenta quelque sujet qui sembloit favoriser leur dessein, et mesmes interesser le roy, ils prennent l’occasion au poil, sement sourdement quelques mauvais bruits de sa vie, previennent les esprits des courtisans, et à certain jour qu’ils


28 C’est ce que Plutarque raconte d’Alexandre le Grand (B.G.).

voyent toutes choses à leur poinct, font qu’un homme de paille se jette aux pieds du roy, fait de grandes plaintes contre luy et les circonstancie de telle sorte, qu’elles sont receuës quasi par tous les assistans pour veritables et justes, et semble qu’il ne |205 reste plus qu’à prononcer une condemnation, les conjurez d’autre part voyans les esprits eschauffez commencent à

paroistre, confirment les plaintes et se mettent à deschiffrer et à despeindre sa vie de si estranges couleurs, qu’il y en a peu qui ne le condemnent et qui ne pressent le roy de l’abandonner à un juste chastiment (ceste chaleur estoit pardonnable à des hommes, les choses estoient trop bien concertées pour ne pas esmouvoir les esprits mesmes les plus retenus, il falloit avoir quelque chose de celeste et de surnaturel pour y resister :) Il n’y a que le roy qui demeure froid au milieu de ce grand feu, l’interest qu’on dict qu’il y a n’a point d’aiguillon pour l’irriter, Il demeure dans le calme et se reserve de condemner quand il

aura |206 entendu l’accusé. Monsieur de Bautru qui semble n’avoir autre plaisir que d’assister les affligez, prend la peine

d’aller chez luy pour l’advertir de ce qui s’estoit passé afin d’apprendre par sa bouche la verité des choses, et que s’il y a de la faute il l’adoucisse, et si au contraire il se trouve de l’innocence il la face paroistre et au roy et à toute la cour : Et ayant recogneu que toutes ces plaintes et discours qu’on avoit fait estoient autant de calomnies qui n’avoient autre fondement que la faction des conjurez, il le mena au supper du roy afin d’y faire esclater son innocence et desraciner la mauvaise opinion qu’on avoit peu concevoir de luy par ce qui s’estoit passé : Le roy le reçoit humainement, luy donne la plus longue et la plus

benigne |207 audience qu’il eust peu souhaiter, et apres l’avoir oüy, tesmoigne que sa defense luy a pleu et qu’il luy continuë

l’honneur de ses bonnes graces : Mais le roy reçoit en son ame un extreme contentement quand il voit les fruicts de sa retenuë et qu’il n’a pas condamné l’innocent, quoy que toutes choses semblassent luy convier, et se confirme en ceste resolution de

ne jamais condamner aucun sans l’oüir, puisque le mensonge ressemble si fort à la verité qu’il y pourroit estre souvent trompé, et que Dieu mesmes luy en a fait des leçons lors qu’il ne voulut pas juger Adam et Eve sans leur demander les raisons de leur transgression de ses commandements, ny les bastisseurs de la tour Babel, que premierement il ne feust descendu et n’eust veu leurs |208 vanitez pour les convaincre davantage, et

finalement lors qu’il inspira Josüé à interoger l’anathesme Acham auparavant que de prononcer contre luy.


Apres avoir parlé de la justice du roy je ne puis passer soubs silence un traict qui signale du tout sa charité : J’eus un jour l’honneur d’entretenir fort long temps monsieur de Bautru non de vanitez et flatteries (esquelles se plaisent assez souvent les courtisans) pource que j’en cognois son humeur fort esloignée, et que d’ailleurs je n’y eusse eu bonne grace, pource que je n’y feus jamais instruit : mais de la trop veritable pauvreté du païs, et de la somme excessive à laquelle la ville de Dourdan estoit taxée par le conseil pour la taille, à cause dequoy elle se

dépeuploit de jour à |209 autre, et demeureroit en fin deserte : Et sur la difficulté qu’il faisoit de croire ce que je luy disois à

cause du grand peuple qu’il y voyoit, je luy monstray par les roolles des tailles que de 800 qui y estoient compris, il y en avoit 450 si miserables, qu’ils n’estoient taxez chacun, qu’à un double, un sol, deux sols, et ainsi en montant jusques à vingt sols, et que toutes leurs taxes ensemble ne revenoient qu’à huict vingts livres, qui faisoit que la ville n’en estoit gueres soulagée, et qu’en effect toute la taille n’estoit payée que par un petit nombre qui ne pouvoit plus subsister. Tout ce discours ne tendoit qu’à luy faire gouster la justice qu’auroit ceste ville de demander une diminution des tailles, afin qu’il feust son

moyenneur lors qu’elle en importuneroit |210 le roy : Il feit bien autrement, car il ne s’obligea pas seulement de l’assister à l’advenir lors qu’elle se voudroit plaindre, mais voyant un sujet

d’exercer la charité du roy, il luy en parla le soir mesme et exagera tellement ceste misere, qu’il receut commandement de me laisser 200 livres, tant pour delivrer au collecteur de la taille en l’acquit de ces pauvres gens, que pour faire des aumosnes à ceux que je trouverois en avoir le plus de necessité.


Apres cecy qui ne dira Dourdan tres-heureux d’estre tesmoin de tant de bonnes actions de son roy, voire de les ressentir en son particulier ? qui ne dira la France trois fois heureuse d’estre gouvernée par un monarque si juste et si equitable ? Mais qui ne benira ce siecle d’avoir produit |211 un prince si accomply, et auquel on peut avec raison donner les tiltres d’honneur qu’ont

autresfois merité tous ses predecesseurs : debonnaire comme Louys I. pieux comme Louys VII. dict le Jeune, auguste et conquerrant comme Philippes II. hardy comme Philippes III. bien-aymé comme Charles VI. sage comme Charles V. victorieux comme Charles VII. pere du peuple comme Louys

XII. et grand comme Henry IIII. son pere de tres-heureuse memoire.


Sa debonnaireté n’est point incogneuë à ceux qui ont l’honneur d’approcher de sa personne.


Sa pieté paroist assez par l’innocence de sa vie et par le zele qu’il a à l’augmentation de la gloire de Dieu et à l’advancement de la religion. |212


Sa bonne fortune et ses conquestes ont desja volé par toute la terre habitable, et l’ont rendu redoutable à tous ceux qui en ont oüy la nouvelle.

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Louis XIII protégeant la France et la Navarre

Sa hardiesse ne peut estre ignorée apres la deroute de Riez, en laquelle sa presence majestueuse feit tomber les armes des mains des rebelles et leur osta la hardiesse de faire aucune resistance, quoy qu’ils s’y feussent preparez long temps auparavant : Les villes qu’il a assiegé depuis quelques années, ne l’accuseront jamais de coüardise ny de timidité, apres l’avoir veu si souvent à la portée de leur canon et dans les trenchées qu’il faisoit pour les approcher et les forcer à le recognoistre pour leur roy et naturel seigneur.


Sa sagesse a esté amplement representée |213 cy dessus par les exemples de retenuë que j’y ay rapporté, et se recognoist tous les jours lors qu’à l’exemple de ce grand empereur Titus on ne voit personne sortir d’avec luy mal content.


L’amour du peuple envers le roy a assez paru lors qu’il n’a peu estre esbranlé, ny porté à la rebellion par les artifices de ceux qui depuis l’année 1614. ont pris les armes contre son authorité, lesquels sont demeurez seuls et sans autres villes de retraite, que celles qu’ils tenoient par force, et ont esté contraints en bien peu de temps de mettre les armes bas et se ranger à leur devoir.


Ses victoires et ses triomphes sont representées au public par des volumes si amples, que seroit porter un flambeau en plein midy |214 que d’en parler davantage : Seulement diray-je, qu’il ne fut pas fort difficile à Charles VII. de chasser les Anglois de la France apres que les peuples eurent commencé à s’ennuyer

de leur domination, et que se desünissants d’avec eux ils les eurent laissé sans force et sans seure retraite, voire mesme se revoltants contre eux, leur eurent fait ressentir les effects de leurs armes, à la faveur desquelles ils s’estoient aggrandis dans le royaume : Au contraire les victoires de nostre roy sont vrayes victoires, obtenuës par la seule force de ses armes et par la

sagesse de ses conseils : Il ne combattoit pas contre des estrangers abandonnez de toutes parts, mais contre ses subjects obstinément rebellez (desquels les efforts sont beaucoup plus

|215 violents) qui n’espargnoient aucunes defenses pour luy

secoüer le joug et faire un autre Estat dans son Estat, et à quoy ils avoient si bien travaillé depuis soixante ans, qu’ils s’estoient rendus maistres absolus d’une infinité de places et bonnes villes, voire de provinces toutes entieres dans lesquelles son authorité n’estoit recogneuë qu’en tant qu’il leur plaisoit et par forme seulement jusques à ce qu’ils eussent ouvertement fait esclorre leurs desseins, à cause dequoy et du pretexte de religion qu’ils y avoient meslé avec la liberté publique qu’ils se promettoient desja, ils estoient si animez qu’il falloit tout gaigner pied à pied, chacun village estoit une forte ville et chacun soldat estoit un capitaine et chef de party.


La paternité du roy envers son |216 peuple se recognoist par son affableté, sa douceur, sa clemence, et par les exercices de charité cy dessus et autres qui se remarquent en l’observation de sa vie : toutes lesquelles choses jointes à sa bonté naturelle doivent faire esperer à toute la France un grand soulagement et une descharge generale du pesant fardeau qui la tient comme accablée, si tost que les affaires seront tirées du mauvais estat, auquel les guerres causées par la rebellion d’aucuns de ses subjects les avoient fait tomber.


Sa grandeur est-elle pas suffisamment appuyée par les actes genereux et valeureux que la France luy a veu faire és années dernieres, sa grande jeunesse en laquelle il a entrepris et executé un si puissant ouvrage que de se rendre maistre absolu en son royaume (ce que n’avoient |217 peu faire tant de grands roys ses predecesseurs, non pas mesme son pere,) luy a-elle pas acquis une triple couronne de lauriers et un surnom de Trismegiste (c’est à dire trois fois grand :) Ce tiltre de Grand

n’a pas seulement esté donné à son pere pour les frequentes victoires qu’il a obtenuës, mais encores pour les grands traicts de proüesse qu’il y a fait paroistre en personne et pour les parfaictes habitudes qu’il avoit à la guerre : Ainsi nostre roy ne s’est pas contenté de faire la guerre par ses lieutenants, il y a voulu estre en personne, en prendre le soin, s’exposer au peril pour convier les siens à le mespriser, estre le premier en armes et en sortir le dernier, et en fin faire tout ce que rapportent les

histoires des plus grands et des |218 plus vieux capitaines des

siecles passez, et cecy l’a tellement accoustumé aux exercices et à la fatigue de la guerre, qu’en pleine paix il ne peut vivre sans s’y entretenir : Pour les exercices, les soldats de ses gardes et ses mousquetaires en sçavent bien que dire ; Et quant à la fatigue, elle luy est fournie par la chasse, à laquelle il s’applique avec tant de soin, qu’il ne demeure pas une heure de repos, s’il n’y est obligé, en telle sorte que la guerre et la paix luy sont une mesme chose : aussi n’y a il point de travail (dict Xenophon) qui approche tant de celuy de la guerre que celuy de la chasse, dans lequel et le corps est exercé par la course, et l’esprit par les diverses ruses que la nature enseigne aux bestes pour la

conservation de leur vie : C’est pourquoy de |219 tout temps la

chasse a esté estimée comme quelque chose de relevé et reservé à ceux qui estoient destinez pour commander et faire la guerre : Dans la Genese lors qu’on veut parler de Nembrot et dire qu’il estoit un grand roy on le nomme un grand chasseur, et Esaü qui a esté roy y est representé comme un chasseur ordinaire : de mesme Virgile ne manque pas si tost qu’il a abouché Ænée et Didon ensemble, de les faire aller à la chasse, ny le petit Jule qui devoit estre un grand roy à l’heure mesme qu’il fut entré dans l’Italie de le representer au milieu d’une meutte de chiens à la poursuitte d’un cerf.

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Je n’ay cy devant point parlé du tiltre glorieux de Sainct donné à Louys IX. pource qu’il ne doit estre attribué qu’à ceux qui ayants perseveré |220 toute leur vie en bonnes actions, ont merité apres leur mort d’estre

exposez aux fidelles pour exemplaires de vertu et de saincteté : mais s’il y a lieu de l’esperer pour quelque vivant, ce doit estre pour nostre bon roy, lequel, à l’aide de la royne sa mere et des bons conducteurs és mains desquels elle l’a confié, s’estant porté à imiter ce sainct roy, s’est tellement attaché à sa forme de

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vivre, qu’il semble estre un autre luy-mesme : et encores outre leur commune façon de vivre il y a tant de rapport entre les rencontres de l’un et de l’autre, qu’il semble aussi que ceste derniere, de saincteté, leur doive estre commune : Tous deux fils de meres estrangeres, mais si

affectionnées à l’Estat, qu’elles en ont recherché l’advencement autant qu’elles ont peu. |221

Delaissez orphelins par leurs peres, mais eslevez et bien instruits par le soin de leurs meres, et particulierement en la religion, de laquelle ils ont pris la protection et embrassé la defense.

Guerroyez par leurs subjects pendant leur minorité soubs pretexte de mauvais gouver- nement, et en ces troubles, ont

couru fortune d’estre pris et enlevez Saint Louis IX

d’entre les mains de leurs meres qui gouvernoient soubs leur authorité.

Forcez par les insolences et rebellions des heretiques de leurs temps de prendre les armes pour les ranger à leur devoir.

Portez d’affection pour les religieux et favorisants leurs establissements dans le royaume.

Fort prompts à mettre la main aux armes et s’y porter en personne |222 quand il est question de l’advencement de la religion et de la gloire de Dieu, mais sans cela fort retenus à faire la guerre, recherchants tous autres moyens d’accomodation, sçachants bien qu’elle ne se peut faire sans une grande ruyne et oppression des peuples.

Curieux de faire punir les heresiarques et introducteurs de nouvelles sectes et heresies.

Sainct Louys s’entretenoit ordinairement avec des ecclesiastiques, religieux et autres gens de bien, et prenoit leur conseil en ses affaires.

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Et Louys le Juste n’est jamais sans tels personnages, voire a-il sagement appuyé tout son conseil sur deux grandes colomnes de l’Eglise ces grands cardinaux de la Rochefoucault et de Richelieu |223 qui sont comme un autre Atlas soustenants tout l’Estat de la France, ferme et solide en leur

pieté et resolution de plustost mourir que de manquer à leur devoir, et haut eslevé en la

grandeur et vivacité de leur esprit qui penetre dans les

Louis XIII

affaires les plus difficiles et trouve moyen de les resoudre advantageusement.

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Louis XIII terrassant l'hérésie

Sainct Louys esloignoit de sa our les meschants et autres personnes de mauvais exemple.

Et Louys le Juste ne retient pres de sa personne que des hommes desquels il a recogneu les inclinations portées au bien et à la douceur et desquels toutes les actions ne ressentent rien moins que le vice et le peché.

Sainct Louys portoit ses armes contre les heretiques pour abatre |224 les murailles rebelles, mais pour gaigner les cœurs et les ramener au bon chemin il employoit la doctrine et la grande suffisance de S. Thomas d’Aquin qui vivoit de son temps.


Louys le Juste apres s’estre rendu maistre par l’effort de ses armes des places et villes des huguenots rebellez, il veut maintenant par des efforts de doctrine assaillir leurs esprits, et par des armes de raisons les contraindre de se rendre au giron de l’Eglise : Il fait entendre sa volonté aux chefs de l’Eglise, ils ne s’y endorment, ils preparent un fond de trente mil livres par an pour subvenir à

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François de Harlay archevêque de Rouen

la despence qui sera necessaire, et deputent monsieur l’archevesque de Rouen avec plusieurs autres prelats29 pour faire une recherche d’hommes doctes |225 qui puissent servir en ce loüable dessein : Premierement, ils appellent tous ceux qui desja reçoivent quelque gratification du clergé, et leur ordonnent la lecture de tel pere de l’Eglise ou autre estude que


29 Ils étaient cinq, d’après le poème latin que donne plus loin Delescornay.

chacun voudra choisir selon son inclination, cela fait ils assignent certain jour de la sepmaine, auquel tous s’assembleront l’apresdisnée dans le college royal, pour y conferer de leurs estudes et rapporter ce que chacun aura trouvé digne d’estre remarqué dans son livre, pour puis apres entreprendre un plus grand ouvrage et un travail plus util pour le dessein, comme est la fidelle traduction de plusieurs livres et la compilation de tous les passages des peres, importants pour la decision des controverses de ce temps : Au bruit de

l’establissement |226 de ceste conference et du profit qu’on y pouvoit faire, les esprits curieux y accourent, la compagnie

s’augmente, et se trouve-on si pressé dans le lieu qu’on avoit premierement choisi, qu’on est contraint de le quitter et transferer l’assemblée dans l’une des salles des Augustins, estimant que c’estoit assez, d’avoir rendu ce premier honneur au College Royal, que d’y jetter les fondements d’une academie royale : L’ordre qui se tient en ce concert est tel, que l’entrée est destinée pour la proposition et ressolution des difficultez qui naissent dans les esprits de tous ceux s’y trouvent : En suitte on fait rapport des peres grecs, apres des latins et de toute la doctrine de l’antiquité, à quoy on adjouste des raisonnements

theologiques pour |227 conclure ceste matiere.


En fin, et pour monstrer que ceste assemblée est veritablement royale et faite par l’authorité du roy, on y a voulu entremesler quelque chose pour le gouvernement de l’Estat, comme sont les politiques d’Aristote, par le moyen desquelles et de la version qui s’en fera, messieurs les prelats se rendront capables de la qualité de conseillers d’Estat qui leur est acquise, et les bons

esprits françois se rendront dignes de l’acquerir un jour pour y servir utilement et le roy et l’Estat30.


Apres tous ces entretiens difficiles et espineux, la poësie tient son rang, laquelle par sa douceur et par la gentillesse de ses rencontres recrée et delasse les esprits, leur fait oublier le travail passé et leur fait renaistre |228 l’envie de le recommencer une autre fois. Ainsi ont esté prudemment distinguées et compassées les heures de ceste assemblée, par ce tres digne et

tres rare prelat, choisi sur tous pour y presider, lesquelles produisent une telle harmonie, qu’au son qui en a esclaté, on la voit de jour en autre augmenter de personnages de qualité et d’erudition, tous lesquels se rendent admirables, tant en leurs discours, qu’en la proposition des difficultez et en la resolution qui s’en fait par advis commun : Là on voit des esprits pleins de vivacité, des memoires prodigieuses, des jugements solides et de tres-grands estudes, qui ne peuvent faire esperer qu’un grand fruict de ceste genereuse entreprise. Mais ce qui ravit les

auditeurs et qui les |229 porte dans un estonnement de merveilles,

sont les raretez du chef de ceste troupe heureuse, lequel estant orné en son particulier et avec plus de perfection, de toutes ces bonnes parties qui se trouvent divisément en chacun des autres, est prest de discourir et de resoudre sur toutes matieres qui se presentent, à quoy il est encores aidé par l’usage familier qu’il a de langues grecque, latine et françoise, avec lesquelles il


30 En réalité, l’Académie dont François de Harlay avait été l’un des promoteurs fut fermée dès cette même année 1624 sur ordre du Parlement, selon Charles Drouhet, qui a démontré sans l’ombre d’un doute , « Les originaux du Barbon de J.-L. Guez de Balzac », Revue d’histoire littéraire de la France 15 (1908), pp. 20-64, que cet archevêque de Rouen a servi de modèle à Jean-Louis Guez de Balzac pour son Barbon, pamphlet dirigé contre un pédant aussi confus que ridicule. Voyez aussi son portrait par Tallemant des Réaux à notre Annexe 13 (B.G.).

developpe si aisément toutes difficultez et estale avec tant d’ordre l’abondance de ses sciences, qu’apres qu’il a parlé, il ne reste plus rien à dire et ne laisse aucun doute qui ne soit entierement expliqué. Mais qu’est-il besoin de parler de ses merites, ils sont assez signifiez par la commission que luy ont donné messieurs du clergé de presider |230 en ceste assemblée,

laquelle estant composée de toutes sciences, avoit besoin d’un chef qui en feust capable, voire tres-capable, qui feust zelé à l’augmentation de la gloire de Dieu et au service du roy principal autheur de ceste congregation, et qui eust assez de courtoisie et de civilité pour accortement assembler et entretenir ce corps composé de tant de membres si differends : Je n’en diray rien davantage, peur de ternir sa gloire ne la representant pas assez naïfvement, et me contenteray de rapporter ce qui en a

esté dict par l’un de ses academistes31.


Quanta per herbosas decurrunt flumina valles, Cùm torrens alto vertice fudit aquas :

Eloquii nuper tantos spectavimus imbres, Quos sacro et docto præsul ab ore dedit.

Præsule sed maior, summa quem Neustria sede Præsulibus cunctis jure præire videt. |231

Cuius quinque viros similes si nostra dedisset Gallia, quam numquam monstra tulisse ferunt,

Heu ! quanto citiùs cessisset Lerna malorum Hæresis, ad Stygios ire coacta lacus.

Quàm sub Nestoribus cecidissent Pergama quinque, Nec Priamus tanti, Troia nec ipsa fuit.


De sorte que par le moyen de ce bon chef et de tous ses membres, la France se voit en termes d’avoir non un S.


31 Il y a bien de l’apparence que cet académiste anonyme est Jacques de Lescornay lui-même. Voyez notre Annexe 12 (B.G.).

Thomas, mais un milier, à l’aide desquels elle peut esperer un restablissement general au corps de l’Eglise, de tous ses peuples qui s’en sont retranchez.


Sainct Louys n’adjoustoit point de foy aux flatteurs et médisans.

Louys le Juste a bien monstré en la personne de l’officier de Dourdan dont j’ay parlé cy dessus, qu’il ne s’arrestoit point aux rapports qu’on luy faisoit.


Je finiray ces paralleles par Dourdan, |232 puis qu’il est le sujet de ce discours, et diray que tout ainsi que S. Louys l’a frequenté, l’a donné à la royne Blanche sa mere pour partie de ses dot et doüaire et a donné des heritages qu’il y avoit achepté, à son chambellan qu’il aymoit, pour l’engager à affectionner ce païs : De mesme le roy se plaist à Dourdan, la royne sa mere en joüit pour partie de ses dot et doüaire, et depuis un mois, le Roy a trouvé bon que monsieur de Montbazon en aye donné le gouvernement à M. de Bautru l’un de ses maistres d’Hostel, et duquel les vertueuses inclinations l’ont esmeu à luy vouloir du bien et luy donner un plus familier accez pres de sa personne :

Tous ces rapports sont à la verité de fortes conjectures d’une fin heureuse et glorieuse de nostre |233 roy, mais le tiltre de juste qui luy a esté donné comme en esprit prophetique en sa plus tendre jeunesse, par ce grand president de l’academie royale (de laquelle j’ay parlé cy devant) et duquel il s’est depuis rendu

tres-digne, est un bien plus asseuré presage d’une couronne immortelle, à laquelle on ne peut parvenir que par la justice, qui comprend en soy toutes les autres vertus, lesquelles ne sont que comme des eschelons pour y parvenir.


Toutes ces conjectures et tous ces presages sont encores fortifiez par une disposition et un ordre certain que Dieu a mis en la monarchie françoise (depuis qu’elle a esté bien-heurée du

christianisme,) de laquelle il a tousjours comblé de toutes vertus les vingtiesmes roys, afin qu’ils servissent de bon exemple |234 à leur peuple et le retirassent du vice auquel il se porte insensiblement, et en fin leur a donné le prix de leurs travaux qui est la couronne de gloire : Ainsi Charlemagne qui est le vingtiesme roy chrestien, a il merité d’estre recogneu pour

sainct, et sainct Louys qui a esté le vingtiesme apres luy, n’a pas eu moins de prerogatives : C’est pourquoy nous n’en devons pas moins esperer pour nostre Roy, puis qu’il est le vingtiesme apres sainct Louys, et consequemment se peut avec raison Dourdan dire heureux quand il se voit en possession du plus grand roy de la terre : il n’en peut esperer que de grands advantages et un restablissement de sa bonne fortune, puisque les roys portent l’abondance et les richesses par tout où ils

frequentent, |235 comme mesmes ont recogneu les anciens lors qu’ils ont fabuleusement controuvé l’histoire du roy qui

convertissoit en or toute ce qu’il touchoit, voulants signifier que la pauvreté et l’indigence sont tousjours chassées par la presence des roys qui apportent en leur lieu les biens et les commoditez : Mais trois fois heureux quand il se voit choisi par un roy destiné à la gloire immortelle, pour y pratiquer l’innocence de sa vie, y faire reluire la pureté de son ame et y exercer sa pieté et sa justice ordinaire : Ceste presence luy attirera infailliblement une benediction de Dieu et une plus particuliere communication de ses graces comme ont fait

autrefois Jacob à la maison de Laban et Joseph à toute la terre d’Egipte. |236

J’ay cy devant touché en passant que monsieur de Bautru32 avoit esté fait gouverneur de Dourdan, maintenant il me reste de


32 C’est à tort et par confusion avec son fils et homonyme que Joseph Guyot (Chronique…, p. 117) indique que ce Nicolas Baudru aurait été tué lors du passage du Rhin. Voyez notre Annexe n°14.

dire que c’est l’un des plus grands advantages que Dourdan aye point encores receu : il ne doit plus douter s’il est destiné pour les plaisirs du roy, puisque le roy en prend soin et luy donne pour gouverneur l’un de ceux qu’il a choisi pour estre pres de sa personne et pour l’entretenir dans ses exercices de vertu : Ce choix est une grande marque d’excellence et de rareté, aussi a-il bien tesmoigné qu’il avoit quelque chose par dessus le commun, et qu’il meritoit des faveurs extraordinaires : La gentillesse d’esprit est hereditaire en sa maison, et il s’en sert si dextrement, que personne n’a sujet de s’en offencer : La bonté

de sa |237 nature se descouvre assez tous les jours par ses actions

de charité et de courtoisie, desquelles il se trouvera une infinité de tesmoignages outre ceux que j’ay desja representez et le glorieux tiltre d’advocat des pauvres qu’il a acquis de la voix commune de Dourdan : La franchise de son humeur est telle, qu’il ne refuse jamais son assistance à ceux qui la luy demandent pour choses justes, ne promet rien qu’il n’execute, et en fin, qu’il fait beaucoup plus qu’il ne promet : Sa pieté se peut conjecturer du gracieux accueil qu’il fait aux ecclesiastiques et religieux, et de l’honneur qu’il leur rend, mais encores bien plus par tous ses déportements qui representent naïvement l’amour et la crainte de Dieu : et pour comble de ses

perfections, le siege de Montpellier |238 luy a servy de theatre

pour faire monstre de sa valeur et de son courage : les tranchées et le canon le voyoient plus souvent que sa tente, l’un des chefs de la ville, lors de la sortie qui se feit pour la reprise du fort de Sainct Denys, esprouva à son malheur les effects de son adresse au faict de la guerre, et son cheval tué entre ses jambes à coups de piques par les rebelles pour venger la mort de leur capitaine, donna assez de tesmoignages de sa resolution et des approches qu’il faisoit des ennemis : Si les autres occasions de la guerre ne luy eussent esté desniées, il eust fait beaucoup d’autres proüesses dignes de la noblesse de ses ancestres, qui m’eussent aidé à present, pour d’autant plus signaler sa valeur : encores

que depuis quelques années ses predecesseurs |239 se soient rangez à la robbe, si est-ce pourtant qu’ils n’ont abandonné la noblesse qui leur estoit acquise par le sang, ils l’ont exercée dans leur profession et l’ont conservée pour leur posterité : le jeune frere de ce sage gouverneur de Dourdan en a donné assez de preuve de son costé, car se ressentant de la generosité naturelle de ses ancestres, il ne se portoit qu’à des choses hautes et de difficile entreprise, comme fut le petardement de Clermont en Beauvoisis pour le service du roy, pendant les derniers mouvements, où il fut tué d’un coup de mousquet au grand regret de tous ceux qui l’avoient cogneu.


Voila l’estat present de Dourdan et le sujet qu’il a de resjoüissance et d’espoir, reste à y souhaiter l’accomplissement de la vissicitude |240 ordinaire des choses laquelle luy promet la continuation de ce bien par plusieurs années et aussi long temps comme il en a esté privé et qu’il en avoit auparavant joüy : Depuis Huë Capet premier roy que j’ay peu remarquer qui y aye pris son plaisir, jusques à ce qu’il aye esté démembré de la couronne et baillé en appanage par Philippes le Bel à son frere Louys comte d’Evreux, se sont escoulez 320 ans, et depuis cét

appanage, jusques à present que le roy a recommencé à le frequenter se sont aussi passez 320 ans, c’est pourquoy il peut à juste cause esperer à son tour que sa bonne fortune luy durera 320 autres années, mais sur tout luy est-ce un sujet d’allegresse, de pouvoir esperer une longue vie au roy son restaurateur, a l’exemple de ces |241 deux saincts roys Charlemagne et Louys

  1. (desquels l’un a regné 44 et l’autre 46 ans) puisqu’il tient leur place et a esté donné à la France pour mesmes effects, lesquels ne peuvent estre produits que par une longue suitte d’années.

    *

    J’ay promis cy devant d’adjouster quelque chose de l’ancienneté du baillage de Dourdan, et n’ay creu qu’il y eust meilleur moyen de la justifier que de representer ceux qui en ont esté pourveuz, mais je suis demeuré court à cause de la perte de tous les registres des greffes qui m’en eussent peu donner certaine cognoissance, et m’a fallu contenter de ce que j’ay peu apprendre par les tiltres des particuliers : du moins en ay-je trouvé de 300 ans ou peu pres, qui fera juger de l’ancienneté de ce baillage. |242


    Nicolas le Camus exerçoit en l’an Guillaume Langloys

    Jean Noel Jean Sainse

    Jean Davy qui fut aussi bailly d’Estampes, et executeur du testament de Louys comte

    1329

    1363

    1367

    1378

    duc d’Orleans et executeur du testament que feit Jean duc de Berry à Dourdan

    Martin Gouge Jumain le Febvre Girard le Coq

    Jean Desmasis gentilhomme du païs, qui prit prisonnier le sieur de Vigolles dict la Hire au siege de Louviers

    Philippes Guerin grand pannetier de France et seigneur du Breau Sannapes


    1395

    1400

    1402

    1430


    1439

    1463

    |243

    d’Estampes, et depuis fut aussi chancellier du


    Jean le Moyne

    1473

    Jean Coignet

    1479

    Gervais Chalas

    1480

    Jean Belin 1498

    Simon le Doyen 1502

    Antoine Daubours 1535

    Tristan le Charron 1537

    Girard le Charron 1577

    Hurault sieur de Vauluisant 1589

    Et Anne de L’hospital seigneur de saincte Mesme, qui est de l’ancienne et illustre

    maison de Lhospital, l’exerce à present.

    NOTES ET COMPLÉMENTS AUX MÉMOIRES DE DOURDAN ANNEXES 01-14


    1. Une citation de Papire Masson

    2. Le site gallo-romain repéré par Delescornay

    3. Substructures médiévales signalées par Delescornay

    4. Un extrait du cartulaire de Longpont (XIe s.)

    5. Une charte de Louis VI (1163)

    6. Une charte de Philippe II Auguste (1222-1223)

    7. Une charte du Maître du Temple (1183)

    8. Une charte de saint Louis (1240)

    9. Une autre charte de saint Louis IX (1260)

    10. Une charte de Philippe III le Hardi (1307)

    11. À propos du testament de Louis de Graville (1513)

    12. Un poème latin à la gloire de l’archevêque de Rouen

    13. Portrait de François de Harlay par Tallemant des Réaux

    14. Sur le bailli Nicolas de Bautru.



Annexe 1

Une citation de Papire Masson


Lescornay cite un ouvrage géographique de référence de son époque, qu’il attribue sans autre précision à « un autheur celebre ». Guyot n’a pas su identifier ce manuel géo- graphique latin bien oublié au XIXe siècle. C’était en fait une description de la France, faite

au long de ses fleuves, par l’humaniste Papire Masson, Descriptio Fluminum Galliae, quae Francia est. L’ouvrage


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Jean Papire Masson (1544-1611)

était alors assez récent puisque paru seulement en 1618, six avant les Mémoires de Lescornay33.


  1. Citation libre par Lescornay :


    Orgia alluit Dordingam, quam vulgò Dordanum incolæ vocant, « L’Orge baigne Dordinga, que les habitants appellent en langage vernaculaire Dordan. »


    33 Littéralement : « « Description des fleuves de la Gaule, c’est-à-dire de la France », Paris, Quesnel, 1618, edition posthume du manuscrit de Papire Masson par son frère Jean-Baptiste, dont deux réimpressions en 1678 et 1685.

  2. Texte d’origine :


Orgia quoque rivus oritur supra Dordingam oppidum quod incolæ et cæteri hodie Dordanum solent appellare : sed auctores qui Aimoini historiæ juncti sunt, Dordingam vocarunt. Postea Castrensem pagum alluit. — « Il y a aussi la rivière Orge qui prend sa source en amont de Dordinga, village que ses habitants et les autres ont coutume de nos jours d’appeler Dordan, tandis que les auteurs [anonymes] qu’on lit à la suite de l’Histoire d’Aimon l’appelaient Dordinga. Ensuite elle baigne le pays de Châtres [d’Arpajon], etc. »


En conclusion, il semble bien que Lecornay cite de mémoire le manuel de géographie latin de Papire Masson, ce qui dénote des habitudes intellectuelles bien différentes des érudits des époques postérieures, certainement plus minutieux et précis, mais probablement aussi moins raffinés et cultivés.

Annexe 2

Sur le site gallo-romain repéré par Delescornay dès 1624, revisité par un numismate en 1851 34


Lescornay a le mérite d’avoir repéré et signalé dès le début du XVIIe siècle un site archéologique gallo-romain et probablement mérovingien à Dourdan, dans un champ où l’on trouvait de son temps des tessères de mosaïque.


Il est intéressant de noter l’hommage que lui rend deux siècles plus tard un grand nom de la numismatique, Alphonse Duchalais, qui se sert de son travail pour localiser un atelier monétaire mérovingien.

B.G. 2016


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NOTE SUR UN TRIENS MÉROVINGIEN FRAPPÉ A DOURDAN.


Bien que l’histoire écrite ne prononce le nom de Dourdan qu’en 955 pour la première fois, tout cependant porte à croire que l’origine de cette petite ville doit remonter à une époque beaucoup plus reculée, et nous n’hésitons pas à y reconnaître un établissement qui, depuis la période romaine jusqu’à nos jours, n’a cessé d’exister.


Comme les lieux très-anciens, en effet, Dourdan possède de vieilles ruines, antérieures à la domination des barbares et à ses saints topiques, sainte Mesme et saint Mesmin, dont la


34 Mémoires de la Société archéologique de l’Orléanais 1 (1851), pp. 198-203.

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légende, bien qu’inadmissible et inventée au moyen-âge, n’en est pas moins précieuse, parce qu’elle a dû être composée pour l’explication des restes d’un majestueux édifice qui devait exister dans cet endroit, et aussi pour combattre probablement l’influence du paganisme qui, au VIIe siècle encore, n’était pas

totalement détruit dans les campagnes reculées et les vieilles forêts des Carnutes.


Or, voici ce que cette légende raconte : Du temps des païens vivait dans la contrée un roi nommé Dordanus (rex Dordanus) ; ce roi avait un fils, Mesmin (Maximinus), et et une fille, Mesme (Maxima). Mesme convertie secrètement au christianisme, allait en cachette prier auprès d’une fontaine située dans les environs. Le roi, fanatique adorateur des idoles, la surprit un jour et voulut la forcer à renoncer à sa nouvelle religion. Ne pouvant y parvenir, il la fit mettre à mort par son fils ; mais Mesmin, à son tour touché de la grâce, alla pleurer dans une solitude le meurtre de sa sœur ; et dans la forêt de Dourdan, on montre encore la fontaine de saint Mesmin ; c’est là que le fils de Dordanus tant qu’il vécut se retirait. Dordanus a donné son nom à Dourdan, dit toujours la légende que nous venons de transcrire et que nous empruntons à un livre

imprimé à Paris en 1624, chez Bertrand-Martin, |199 portant pour titre : Mémoires de la ville de Dourdan recueillis par M.

Jaques de Lescarnay [sic], conseiller du roy et son advocat au même lieu. Jacques de Lescarnay n’était pas un sceptique, tant s’en faut, mais ce n’était pas non plus un crédule analyste, comme on en trouve tant au XVIIe siècle. Il raconte naïvement la légende de sainte Mesme telle qu’il l’avait lue dans les vieux

auteurs, et ne se dissimule pas son invraisemblance ; les raisons qu’il allègue pour la défendre sont judicieusement déduites. Il en énonce trois : 1° l’antiquité des textes et de la tradition, ainsi que l’approbation de l’évêque de Chartres ; 2°

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sans adopter le moins du monde l’existence d’un roi nommé Dordanus, il cherche à prouver qu’au moyen-âge le mot rex était employé pour signifier le seigneur du pays, thèse assurément fort soutenable, quoique tous les arguments propres à lui donner du crédit n’aient point été employés par notre

auteur. Au temps où nous vivons, l’autorité d’un évêque du XVIIe siècle pèse bien peu dans la balance de la critique35, et puis il est bien probable, quoique précisément dans le centre de la France, les mots princeps, consul et proconsul fussent synonymes de baro, senior, comes et vice comes ; et

l’hagiographe qui écrivit les actes de sainte Mesme voyait certainement dans Dordanus un roi véritable….. Mais, nous l’espérons, on accordera plus d’attention au troisième argument qui repose sur des faits matériels : « Joignant le village de Sainte-Mesme, dit Lescarnay, (la prairie néantmoins entre deux), se trouve un grand champ, dans lequel, si l’on fouille un pied et demy, on trouve un lit de chaux et ciment sur le terrain qui n’est que de sable, et sur ce lit du carreau blanc entre meslé de noir large comme l’ongle, à la mosaïque qui fait juger qu’en cet endroit estait la salle de quelque somptueux palais et que quelque seigneur de grande qualité y demeurait. Veu mesme que l’on y trouve tous les jours des pièces de marbre ouvré et, encore depuis peu, une main fort bien travaillée. Or, n’y ayant autre histoire ni tradition qui parle de celui qui a habité le palais, et d’ailleurs l’état des choses faisant assez juger de son ancienneté pour que tant de terre ne pouvait

|200 avoir été amassée sur les ruines qu’après plusieurs siècles écoulés, joint qu’en ce lieu se montre une fontaine fort bien


35 On ne saurait trop louer les évêques du XVIIe siècle d’avoir purgé les Martyrologes provinciaux d’une foule de sociétés apocryphes, M. de Thémines, notamment, s’est acquitté de ce devoir dans le diocèse de Blois (note de Duchalais).

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entretenue qu’on dit être celle vers laquelle se retirait sainte Mesme, il n’y a plus lieu de combattre cette légende, ni rejeter l’histoire que j’en tire pour marquer l’ancienneté de Dourdan36. »


Quoi qu’il en soit et quoi qu’on pense de la légende, il n’en reste pas moins constant qu’à Dourdan même, dans les premiers siècles de notre ère, il existait soit une, soit plusieurs villes considérables. Nous avons été, au surplus, à portée de vérifier ce fait, car, à la ferme des Châteliers, située dans le voisinage de la ville, nous avons ramassé nous-même de petits cubes de mosaïque et observé des fragments de poterie rouge et noire. C’est donc avec confiance que nous adoptons le récit du sieur de Lescarnay.


L’existence de Dourdan à l’époque gallo-romaine est donc attestée, non pas seulement par une légende invraisemblable ou au moins très-contestable, mais encore par des faits positifs, par des ruines importantes. Que devint cette localité depuis cette époque jusqu’en 955 ? on l’ignore entièrement. Alors c’était un village, villa municipium, seulement il devait avoir quelque importance, puisque le véritable fondateur de la puissance des Capétiens, le duc de France, Hugues-le-Grand, y mourut cette année même. Sans doute, comme le suppose Lescarnay, il avait choisi Dourdan pour en faire une maison des champs, peut-être même était-ce un vieux palais royal qui avait succédé à la villa gallo-romaine : au surplus, les textes des chroniqueurs sont si concis qu’on ne sait trop à quoi s’en tenir à ce sujet. Hugues de Fleury se contente de dire, à propos


36 Mémoires de Dourdan, p. 25 (note de Duchalais).

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d’un fait aussi important : Obiit Hugo Magnus, dux Francorum apud Drodingam villam XVI julii37. Une chronique de l’abbaye de Saint-Victor nomme ce lieu Dordeneus villa38, et un manuscrit de Sainte-Colombe de Sens, Dordenga villa39. Les trois auteurs, du reste, ne varient dans la narration du fait qu’à propos de l’orthographe du nom de lieu : c’est dans la chronique de Morigny, près Estampes, que, |201 sous l’année 1147, on lit : Apud Dordinchum quod regium municipium est40 ; mais cette dernière appellation signifie peut-être seulement que Dourdan dépendait directement du patrimoine du roi de France. Les autres noms de ce lieu que nous ayons pu recueillir sont : Dordinga, Dordingtum, Dordanum.


À défaut des textes, les monuments viennent en aide aux historiens ; ce que nous venons de dire tout à l’heure en est la preuve, et nous ne saurions trop remercier Lescornay, malgré son inexpérience archéologique , de nous avoir conservé le souvenir de la découverte d’une mosaïque romaine faite de son temps dans la ville qu’il s’était chargé de faire connaître. Voici maintenant un triens qui vient nous démontrer que pendant la période mérovingienne, Dourdan avait une certaine importance. Ce triens a été acquis dernièrement par la Bibliothèque nationale.


En voici la description et le dessin :


37 D. Bouquet, t. VIII, p. 323, B (note de Duchalais).

38 Ibid., p. 44, D., t. IX (note de Duchalais).

39 Ibid., p. 41, A., t. IX (note de Duchalais).

40 Hadrien de Valois, Notitia galliarum, art. Dordingum (note de Duchalais).

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DORTENCO. Buste tourné à droite ; de petits globules entourent ce buste et en marquent les contours.


® R. LELʕCVN ? Dans le champ, une croix fichée sur un globe, aux branches de laquelle pendent l’Α et l’Ω.


Diamètre 11 millimètres, poids 1,30 grammes.


Le nom du monétaire qui a frappé ce triens est fort difficile à lire ; la leçon que nous proposons ne doit donc être acceptée qu’avec réserve, peut-être le ʕ n’est-il qu’un R ou chrisme attaché à la branche verticale de la croix ; alors il faudrait déchiffrer LELVN pour Leluno monetario ? Dans tous les cas, Lelunus ou Lelgunus est un nom nouveau à ajouter à la liste des monétaires de la première race dressée par M. Cartier.


S’il nous était permis de hasarder une conjecture sur l’âge de ce |202 triens, nous le rapporterions, eu égard à son travail, à la fin du VIIe siècle, ou tout au moins au règne de Clovis II ; mais il est toujours dangereux de s’aventurer dans ces sortes de questions, et ce n’est donc qu’avec timidité que nous proposons cet avis.


La lettre D, qui commence la légende, contenant le nom du lieu où la pièce a été frappée, est assez mal formée ; on pourrait

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même, à la rigueur, y voir un P ; mais l’on sait qu’à cette époque bien des confusions de ce genre sont possibles. Il en est de même du B, accolé sur un autre triens de la collection de France appartenant, personne n’en doute, à la ville de Boulogne-sur-Mer : on lit tout aussi bien DORDONONIA CIV. que BONONIA civitas ; sur un autre : CANDIDONNO que CAMPIDONNO, et sur un troisième : INWICO DONTIO, ou DONNO, que PONTIO, qui est la véritable leçon. Nous nous croyons donc tout-à-fait rassuré sur la leçon que nous proposons, d’autant plus que nous n’avons rencontré dans aucun texte ancien un lieu nommé Portencus. Pour être juste, il faut ajouter qu’en Bugei existe un village nommé Dortan, qui, dans un diplôme accordé à l’abbaye de Saint-Oyan de Jou, par l’empereur Lothaire, en 854, est appelé Dortencum Cella. Comme ce village est ancien, ainsi que le prouve la charte de Lothaire, et qu’à l’époque mérovingienne on frappait des monnaies dans des lieux qui, aujourd’hui, n’ont qu’une bien minime importance, peut-être a-t-il le droit de revendiquer la monnaie que nous publions. En effet, entre la légende de la pièce du cabinet et le texte du diplôme, il y a identité. Si nous nous décidons pour Dourdan, ce n’est pas poussé par le désir d’enrichir encore la numismatique du pays chartrain, mais en raison de l’importance que cette dernière localité devait avoir déjà du temps de Hugues-le-Grand et des débris antiques qu’on y rencontre. Lorsqu’on étudie une monnaie mérovingienne, le meilleur guide à suivre pour déterminer d’une manière certaine l’endroit où elle a été frappée, c’est moins les textes écrits que le style du monument qu’on a sous les yeux ; cependant il est des circonstances où ce critérium manque tout-à-fait ; l’art mérovingien, en effet (si l’on peut donner ce nom à la pratique barbare usitée parmi les ouvriers de ce temps de décadence), l’art mérovingien semble avoir atteint son apogée à une époque de courte durée que nous fixerons au temps de Clotaire II et de

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Dagobert : alors il |203 se localise, pour ainsi dire, et il y a dans les Gaules presque autant d’écoles distinctes que de cités. Nous avons déjà eu occasion de consigner cette remarque autre part ; mais, dès le règne de Clovis II, la barbarie augmente, et il devient bien difficile de distinguer, à l’aide du style seul, la véritable patrie d’un objet quel qu’il soit. C’est jusqu’au règne de Charlemagne que dura cette confusion ; aussi est-il juste

d’ajouter que le VIIe et le VIIIe siècles sont les époques les plus obscures, non-seulement de l’histoire monétaire ou artistique

de l’ancienne France, mais encore de nos annales nationales.


Dortan est situé dans le département de l’Ain, près de Nantua. Nous n’avons recueilli aucun document sur son plus ou moins d’importance ; nous ignorons également si l’on y trouve des traces d’anciens édifices. Il en est de même de Dourdain, commune du département d’Ile-et-Vilaine, que nous ne connaissons que par le Dictionnaire des Postes : c’est au lecteur à choisir, entre Dortan et Dourdan, si les raisons que nous avons apportées en faveur de Dourdan-en-Hurepois ne lui paraissent pas concluantes.


Adolphe Duchalais.


Il nous reste après cela à citer Joseph Guyot41 sur la même question.


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Avant d’arriver à Sainte-Mesme, à l’endroit où la route de Dourdan tourne à angle droit pour franchir, sur un pont, la rivière, arrêtons-nous à la pièce de terre qui fait suite à la route, dans la direction de Corpeaux, et d’un bout se trouve bordée


41 Chronique…, 1869, pp. 6-7.

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par le chemin de fer, c’était l’emplacement d’une grande villa romaine. L’attention de Lescornay avait été éveillée, car il rapporte que « joignant le village de Saincte-Mesme (la prairie néantmoins entre-deux) se trouve un grand champ, dans lequel (si on fouille un pied et demy) on trouve un lict de chaux et ciment sur le terrain qui n’est que sable, et sur ce lict du carreau blanc entremeslé de noir large comme l’ongle, à la mosaïque, qui fait juger qu’en cet endroit estoit la salle de quelque somptueux palais et que quelque seigneur de grande qualité y demeuroit ; veu mesme qu’on y trouve tous les jours des pièces de marbre ouvré, et encore depuis peu une main fort

bien taillée42. » Au commencement de ce siècle, quand M.

Lebrun, duc de Plaisance et propriétaire de Sainte-Mesme, fit tirer de ce champ des pierres pour l’établissement du chemin de Ville-Lebrun à Dourdan, d’autres mosaïques furent encore retrouvées, avec des marbres et pièces de monnaie d’Antonin, Marc-Aurèle, Constantin, etc.43

À quelque distance, dans la commune de Ponthévrard, près la ferme des Châtelliers, au chantier des Castilles, — noms caractéristiques, — il existe du carrelage en mosaïque à fleur de terre, et le savant Duchâlais en a ramassé lui-même quelques cubes avec des fragments de poterie rouge et noire44.


42 De Lescornay, p. 26 (note de Guyot).

43 Un fragment de marbre transparent comme de l’albâtre et portant des

cannelures et le bout d’une griffe d’animal finement sculptée, nous a été gracieusement offert par M. Dubois, agent voyer en chef du département de Seine-et-Oise, et fera partie du petit musée de la ville (note de Guyot).

44 Mém. de la Soc. arch. de l’Orléanais, tom. I, 1852, p. 198 (note de Guyot).

Annexe 3

Sur les substructures médiévales signalées par Delescornay dès 1624, revisitées par ses successeurs


Lescornay a le mérite d’avoir signalé dès le début du XVIIe siècle des substructures médiévales découvertes en 1591 sous le jardin du château de Dourdan.

Il est intéressant de noter que cette découverte a été confirmée par des travaux ultérieurs aux XVIIIe et XIXe siècle, comme le signale Guyot en 186945.


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De Lescornay dit que : « lors du siége de 1591 le capitaine Jacques ayant fait oster de la place quantité de terre pour fortifier le chasteau dans lequel il commandoit ; et estant paruenu jusques à l’ancien solage, on y a trouué des foyers et autres choses qui font cognoistre qu’auparauant y auoit eu des

bastiments qui auoient (peut estre) esté ruinez pour y pratiquer la commodité de ce jardin46. » En juin 1751, « quand on a voulu aplainir un costé de la grande place d’armes vulgairement appelée le Martroy ou le boulevard, du costé et contiguë les maisons faisant face à l’église de Saint-Germain,

pour y faire le marché neuf, l’on y a découvert plusieurs vestiges et fondements de murs qui estoient très-bien basty en chaux et sable, et qui font connoistre qu’il y a eu anciennement des bâtiments dans cette place avant qu’elle ait esté destinée pour une place d’armes. Entre autres monuments d’antiquité, on a découvert un bassin de massonnerie de neuf pieds de diamètre bien crépy en ciment, lequel bassin paroist avoir esté


45 Chronique…, 1869, pp. 6-7

46 Page 8 (note de Guyot)

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fait pour l’usage de quelque tanneur ou corroyeur, et proche ce bassin s’est découvert une entrée de cave avec son escalier qui par la structure de sa voûte montre qu’elle est bastie d’une antiquité la plus reculée, et on peut assurer que ces anciens bastiments que l’on trouve dans cette place y estoient devant que le chasteau fut basty47. » Ces vestiges ont été, plusieurs fois depuis, remis au jour à l’occasion de pavages ou de

travaux particuliers. L’entrée de cave, le bassin de trois à quatre mètres de diamètre et de soixante dix centimètres environ de rebord48, ont été revus plusieurs fois, et existent encore, nous dit-on. Au reste, ce ne sont pas là les seules substructions qui se rencontrent aux abords du château. Des voûtes, de longues caves paraissant se diriger vers lui ont été maintes fois constatées lors de constructions et de fondations, à l’hôtel du Croissant, sur l’emplacement de l’ancien corps de

garde et des maisons qui lui font suite, etc.


47 Note laissée par Gaumer, commissaire de police à Dourdan au xviiie siècle (note de Guyot).

48 Ce bassin, qui était plutôt à l’usage des potiers, dont on a trouvé un four sous le pilier de la halle, existe sur la place devant la seconde maison

de la rue de Chartres, faisant face à l’église, à partir du bout le plus rapproché du château (note de Guyot).

Annexe 4

Un extrait du cartulaire de Longpont (XIe s.)

Lescornay a aussi le mérite d’avoir repéré et édité apparemment le premier un passage concernant Dourdan dans le cartulaire de Longpont49. Il est intéressant de comparer le texte qu’il en a publié en 1624 avec celui qu’a édité deux siècles et demi plus tard Jules Marion et qui fait encore référence aujourd’hui50. On note en rouge les différences notables, autres que graphiques.


Texte de Lesconay (1624)

Texte de Marion (1879)

Bernardus de Cabrosia pro anima sua dedit Deo et sanctæ Mariæ |37 de Longo-ponte totam terram cum reditibus suis quam ipse apud soliniacum possidebat, Imsia uxore sua, Bernardo amborum filio, Elizabet et Cecilia filiabus concedentibus, Arnoldo maiore, Garino Britone, Joanne Carpentario, Reinaldo Fabro audientibus et testificantibus ;

Bernardus de Cabrosa, pro anima sua, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte totam terram cum redditibus suis, quam ipse apud Soliniacum possidebat, Ivisia, uxore sua, Bernardo, amborum filio, Helizabeth et Cecilia, filiabus, concedentibus ; Arroldo, majore, Garino Britone, Johanne, carpentario, Reinaldo, fabro, audientibus et testificantibus,

Maria postea Reinaldi de Braiolo filia hoc donum quod Bernardus fecerat Reinaldi patri suo ad velle suum faciendum cum filiis suis

Maria postea, Reinaldi de Braiolo filia, hoc donum quod Bernardus fecerat Rainaldo, patri suo, ad velle suum faciendum cum filiis suis


49 BnF, ms. lat. 9968, folio

50 Le Cartulaire du prieuré de Notre-Dame deLongpont de l’ordre de Cluy au diocèse de Paris publié pour la première fois avec une introduction et des notes. XIe-XIIe siècle, Lyon, Alf. Louis Perrin et Marinet, 1879, pp. 213-214.


concessit ;

concessit.

ipse verò Deo et sanctæ Mariæ de Longo-ponte et se monachum et terram dedit, ipsa, Aimone et Nanterio filiis suis annuentibus.

Ipse vero Deo et sancte Marie de Longo Ponte et se monacum et terram dedit, ipsa Maria ; Aymone et Nanterio, filiis suis, annuentibus.

Hoc factum apud Dordingtum, in camera Regis, audientibus Florentia uxore Reinaldi, Godefredo de Braiolo pagano de sancto Yonio, Aimone et Hugone eius fratribus, et aliis quàm pluribus.

Hoc factum est apud Dordingtum, in camera regis, audientibus Florentia, uxore Rainaldi ; Godefredo de Braiolo ; Pagano de Sancto Ionio ; Aymone et Hugone, ejus fratribus, et aliis quam pluribus.

Donum istud Guido Guidonis filius de rupe forti de cuius feodo erat pro animabus |38 antecessorum sine ulla retentione servitii concessit, et in manu Henrici Prioris, per lini portiunculam huius rei donum posuit.

Donum istud Guido Guidonis filius, de Rupe Forti, de cujus feodo erat, pro animabus antecessorum suorum, sine ulla retentatione servicii, concessit et in manu Henrici, prioris, per ligni porciunculam, hujus rei donum |214 posuit,


Traduction (proposée par B.G., 2016)


Bernard de Chevreuse, pour le salut de son âme, a donné à Dieu et à Notre-Dame de Longpont une terre avec ce qu’elle produit, qu’il possédait à Soligny, avec l’assentiment de son épouse Ivise et de leur fils Bernard ainsi que de leurs filles Élisabeth et Cécile, chose qu’ont entendue et dont se portent témoins le régisseur Arroux, Garin Breton, le charpentier Jean et le forgeron Renauld.

Après cela Marie, fille de Renaud de Breuillet, a consenti avec ses fils à ce que son père Renaud fasse à sa guise la donation qu’avait faite Bernard. Quant à lui, il s’est donné pour moine, avec sa terre, à Dieu et à Notre-Dame de

Longpont, avec l’accord de la dite Marie et de ses fils Aymon et Nantier.

Cela s’est passé à Dourdan dans la chambre du roi, avec pour témoins Florence épouse de Rainaud, Geoffroy de Breuillet, Payen de Saint-Yon, ses frères Aymon et Hugues, et beaucoup d’autres.

Cette donation, Guy, fils de Guy de Rochefort, de qui c’était le fief, l’a autorisée pour le salut des âmes de ses prédécesseurs, sans réserver aucune servitude, et il a mis ce don dans la main du prieur Henry sous la forme d’un morceau de bois.


*

En conclusion, le texte établi par Delescornay est assez bon. Mis à part une légère erreur (Cabrosia pour Cabrosa) et un mot oublié (Maria), les fautes de lecture qu’il commet s’expliquent surtout par sa méconnaissance des anthroponymes du XIe siècle (Ivise, Arroux et Payen, lus : Imsie, Arnoux et païen) comme de ses usages (« morceau de bois », ligni, lu « morceau de lin », lini). Tout cela est bien excusable près de deux générations avant que dom Mabillon ne jette les bases de la

science diplomatique, et à une époque n’existe aucun outil vraiment utilisable pour le chercheur, ni dictionnaire ni aucun corpus de référence. Lescornay fait œuvre de pionnier, et il travaille en liens avec les meilleurs chercheurs de son temps, tels qu’André Duchesne, alors géographe du roi, qui lui a fait connaître ce texte ancien relatif à Dourdan.


Annexe 5

Une charte de Louis VI (1163)

Lescornay édite une charte de 1163-1164 par laquelle Louis VII donne aux religieux de l’ordre de Grandmont le bois de Louye. En 1869 Joseph Guyot51 note qu’on en trouvera une meilleure édition dans le recueil de chartes composé en 1846 par son contemporain Auguste Moutié52. Mais la comparaison que nous faisons ci-dessous du texte de ces deux éditions établit que celle de Lescornay ne laissaitdéjà rien à désirer du point de vue de la précision ni de l’exactitude.


COMPARAISON DE DEUX ÉDITIONS


(Texte de Lesconay, 1624)

(Texte d’Auguste Moutié, 1846)

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen.

In nomine sancte et individue Trinitatis Amen

Ludovicus Dei gratia Francorum Rex, noverint universi pariter et futuri quod nos amore Dei et salutis animæ nostræ intuitu

Ludovicus Dei gratia Francorum rex. Noverint universi pariter et futuri quod nos amore Dei et salutis anime nostre intuitu

dedimus et concessimus Bonis Hominibus de Grandimonte locum de Loya cum nemore et terris sicut fossatis undique cingitur et distinguitur liberè, quietè et pacificè possidendum :

dedimus et concessimus bonis hominibus de Grandimonte locum de Loya cum nemore et terra sicut fossatis undique cingitur et distinguitur libere quiete et pacifice possidendum.


51 Chronique…, p. 20.

52 Auguste Moutié, Recueil de chartes et pièces relatives au prieuré N.D. des Moulineaux, de l’ordre de Grandmont, et à la châtellenie de Poigny

(arrondissement de Rambouillet et ancien diocèse de Chartes), tirées des archives du domaine de Rambouillet, Paris, F. Didot frères, 1846, p. 77.


homines etiam nostri de Granchiis omne jus |41 quod habebant in nemore quod infrà prædicta fossata continetur supradictis Bonis Hominibus quitaverunt :

Homines etiam nostri de Granchiis omne jus quod habebant in nemore quod infra predicta fossata continetur supra dictis hominibus quictaverunt.

quæ ut in perpetuum, robur obtineant, scripta commendari et sigilli nostri authoritate fecimus confirmari :

Que ut in perpetuum robur obtineant scripto commendari et sigilli nostri auctoritate fecimus confirmari.

actum Stampis, anno Verbi incarnati, millesimo centesimo sexagesimo tertio.

Actum Stampis anno Verbi incarnati M°. c°. sexagesimo tertio.

Data per manum Hugonis cancellarii.

Data per manum. Hugonis cancellarii.

Et scellée de cire vert à laz de soie.


Il nous a paru intéressant de ne pas en donner ici seulement la traduction mais encore de comparer cette charte avec un acte analogue édité par Joseph Depoin en 1913, par lequel le même roi donna aux mêmes religieux l’année suivante, en 1164-1165, le bois de Vincennes, en utilisant le même formulaire stéréotypé.


COMPARAISON DE DEUX DONATIONS


Donation de Louye.

Donation du Bois de Vincennes.

(Texte de Lesconay, 1624)

(Texte de Joseph Depoin, 1913)


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen.

Ludovicus Dei gratia Francorum Rex, noverint universi pariter et futuri quod nos amore Dei et salutis animæ nostræ intuitu

Ludovicus Dei gratia Francorum rex. Noverint universi presenter pariter et futuri quod Nos amore Dei et anime nostre salutis intuitu,


dedimus et concessimus Bonis Hominibus de Grandimonte locum de Loya cum nemore et terris sicut fossatis undique cingitur et distinguitur liberè, quietè et pacificè possidendum :

dedimus et concessimus Bonis Hominibus de ordine Grandi- montensi locum ad habitandum in nemore de Vincennis, et totum nemus cum fundo terre, sicut fossatis undique cingitur, libere, quiete et pacifice in perpetuum possidendum, et ad faciendum quicquid voluerint de predictis.

homines etiam nostri de Granchiis omne jus |41 quod habebant in nemore quod infrà prædicta fossata continetur supradictis Bonis Hominibus quitaverunt :

Sciendum vero est quod, ad preces nostras, abbas et conventus Fossatensis, prior et conventus Sancti Martini de Campis, et prior ac conventus Sancti Lazari Parisiensis, omne jus et usagium, quod habebant in dicto nemore quod infra predicta fossata continetur, supradictis Bonis Hominibus penitus quictaverunt.

Dedimus etiam et concessimus in perpetuam elemosinam supradictis Bonis Hominibus sex modios et dimidium frumenti recipiendos annuatim in grangia nostra Gonesse.

quæ ut in perpetuum, robur obtineant, scripta commendari et sigilli nostri authoritate fecimus confirmari :

Ut hoc ratum permaneat, scripto commendari et sigilli nostri auctoritate confirmari precipimus.

actum Stampis, anno Verbi incarnati, millesimo centesimo sexagesimo tertio.

Actum Parisius, anno Verbi incarnati millº centesimo sexage- simo quarto,

astantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt et

signa. Signum comitis Theobaldi. S. Mathei camerarii. S. Guidonis buticularii. S. Radulphi constabularii.


Data per manum Hugonis cancellarii.

Data per manum Hugonis cancellarii, episcopi Suessionensis.


TRADUCTION 53.


Donation de Louye.

Donation du Bois de Vincennes.

Au nom de la sainte et indivise Trinité, amen.

Louis, par la grâce de Dieu roi des Francs. Que tous sachent, présents comme à venir, que pour l’amour de Dieu et par souci du salut de notre âme,

Louis, par la grâce de Dieu roi des Francs. Que tous sachent, présents comme à venir, que pour l’amour de Dieu et par souci du salut de notre âme,

nous avons donné et concédé aux Bons Hommes de Grandmont le lieu de Louye avec son bois et ses terres tel qu’il est ceint et marqué de toutes parts par des fossés, pour en jouir librement, tranquillement et paisiblement.

nous avons donné et concédé aux Bons Hommes de l’ordre de Grandmont un lieu pour y habiter dans le bois de Vincennes et tout le bois y compris le fonds de terre tel qu’il est ceint de toutes parts par des fossés, pour en jouir librement, tranquillement et paisiblement et pour faire ce qu’ils voudront des biens susdits.

En outre, nos hommes des Granges(-le-Roi)

Et il faut savoir qu’à nos prières, l’abbé et le couvent (de Saint- Martin) des Fossés, le prieur, ainsi


53 Proposée par B.G., 2016.


que le prieur et le couvent de Saint- Lazare de Paris

ont cédé aux susdits Bons Hommes tout le droit qu’ils détenaient dans le bois qui est compris sous les dits fossés.

ont cédé complètement aux susdits Bons Hommes tout le droit et usage qu’ils détenaient dans le dit bois qui est compris sous les dits fossés.

En outre nous avons donné et concédé à titre d’aumône perpétuelle aux susdits Bons Hommes six muids et demi de blé à percevoir chaque année à notre grange de Gonesse.

Et pour que ces dispositions prennent vigueur à perpétuité, nous les avons faire mettre par écrit et certifier par l’autorité de notre sceau.

Et pour que cela reste bien établi, nous avons prescrit de le mettre par écrit et de le certifier par l’autorité de notre sceau.

Fait à Étampes l’an 1163 de l’Incarnation.

Fait à Paris l’an de l’Incarnation du Verbe 1164,

Etant présent dans notre palais ceux dont sont portés ci-dessous les noms et les marques. Marque du comte Thibault. Marque du chambrier Mathieu. Marque du bouteiller Guy. Marque du connétable Raoul.

Donné par la main du chancelier Hugues.

Donné par la main du chancelier Hugues, évêque de Soissons.


Annexe 6

Une charte de Philippe II Auguste (1222-1223)

Nous nous proposons ici de traduire le texte d’une charte de Philippe Auguste, en date de 1222, que Lescornay a été le premier à éditer. Mais avant cela nous allons voir quelle est la qualité de son travail d’édition, à notre avis remarquable si l’on considère les conditions dans lesquelles il travaille en ce début du XVIIe siècle.


Voyons d’abord ce qu’en dit en 1869 Guyot, tout fier d’avoir utilisé une meilleure source que son devancier.


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Par une charte signée à Paris du 2 au 30 avril, Philippe fait savoir à tous présents et à venir qu’il a institué une chapelle dans son nouveau château de Dourdan et qu’il a concédé à l’abbé et au couvent de Saint-Chéron de Chartres qu’un de leurs chanoines du prieuré de Saint-Germain de Dourdan célébrât tous les jours les saints mystères dans ladite chapelle, à la condition expresse que ce célébrant prêtera serment de fidélité au roi et à ses héritiers possesseurs du château, et que le serment sera renouvelé à chaque mutation de chanoine. À ce chanoine sont assignées quinze livres de revenu sur la prévôté de Dourdan, payables moitié à la Toussaint, moitié à la Purification ; et s’il arrive au prévôt d’être en retard pour le payement, il devra au roi cinq sous d’amende par chaque jour de retard.

Nos lecteurs ont compris toute la valeur de ce texte : il contient une précieuse révélation sur la construction du nouveau château et sur l’importance qu’y attache le souverain en le dotant d’une chapelle et d’une fondation de messe perpétuelle. Notre historien de Lescornay a connu et cité cette charte ; mais, comme il le dit lui- même, sans l’avoir vue en forme. Aussi, sa version est-elle

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incomplète et inexacte, dépourvue surtout de cette curieuse mention du nouveau château. Le texte que nous offrons54 a été soigneusement copié par nous à la bibliothèque impériale sur le manuscrit original de ce précieux registre connu sous le nom de registre F, qui contient, avec le registre E auquel il a prêté et emprunté tour à tour, les actes officiels de la chancellerie royale sous Philippe-Auguste, la reine Blanche et saint Louis.


Cette même charte a été éditée une troisième fois en 1979 par Michel Nortier, de façon plus scientifique, sur la base de toutes les copies connues et notamment sur celle de deux manuscrits bien plus fiables que ceux qu’avaient utilisés ses deux prédécesseurs.


Il est intéressant de comparer les textes présentés par chacun de ces trois éditeurs. Il faut remarquer qu’en défintive le texte auquel aboutissait Lescornay en 1624 était en bien des points meilleurs que celui présenté par Guyot deux siècles plus tard, même si Lescornay semble avoir été en présence d’un parchemin lacunaire ou par endroit illisible ; c’est que la source de Guyot paraît de son côté avoir été une copie très nonchalante et libre de l’original.


Il semble bien cependant que Lescornny a eu du mal à lire certaines abréviations, et qu’il a été gêné par un mot de latin médiéval comme paga (paye, paiement). Sans parler naturellement de la lacune remarquable de sa source propre, qui comme le souligne Guyot, porte « dans le château de Dourdan » (in catro Dordani) au lieu de « dans notre nouveau château de Dourdan » (in castro novo nostro Dordani).


54 Pièce justificative II. — Bibl. impériale, fonds franc., no 9852, 3 (Colbert), f. 124 v° (note de Guyot).

Nous donnons ci-après un tableau comparatif de ces deux éditions, qui nous paraît très instructif sur la qualité des textes dont ont pu disposer les érudits du temps passé, et sur les difficultés de toutes sortes qu’ils pouvaient rencontrer pour établir des données sûres en cette matière. Nous proposons ensuite une traduction du texte le plus exact disponible à notre époque, celui qu’a établi Michel Nortier en 1979.


Texte de Jacques de Lescornay (1624)

Texte de Michel Nortier (1979)

Texte de Joseph Guyot (1869)

Philippus Dei gratia Francorum Rex, omnibus præsentes literas inspecturis salutem

Philippus Dei gratia Francorum rex omnibus presentes litteras inspecturis salutem.

Philippus, etc.,

noveritis

Noveritis

noverint universi præsentes pariter et futuri

quod nos statuimus in perpetuum in castro Dordani quamdam capellam capellaneam,

quod nos statuimus in perpetuum in castro novo nostro Dordani quamdam capellaniam,

quod nos statuimus in castro nostro novo Dordani unam capellaniam

et volumus et concedimus Abbati et Conventui sancti Carauni Carnotensis

et volumus et concedimus abbati et conventui Sancti Carauni Carnotensis


et concessimus abbati et conventui sancti Carauni carnotensis

quòd unus de Canonicis Prioratus sui de sancto Germano de Dordano

quod unus de canonicis prioratus sui de Sancto Germano de Dordano

quod unus ex canonicis suis manentibus in prioratu suo Sancti Germani de Dordano

celebrare …… singulis diebus in prædicta capella

celebret divina singulis diebus in predicta capella

celebret divina singulis diebus in prædictâ capellâ

tali modo quòd Canonicus ille qui in eadem deserviret

tali modo quod canonicus ille qui in eadem |452 capella deservierit

et ille canonicus qui divina celebrabit in illâ capellâ

faceret fidelitatem nobis et hæredibus nostris dictum castrum possidentibus, et

faciet fidelitatem nobis et heredibus nostris dictum castrum possidentibus, et quotiens mutabitur ille

faciet fidelitatem nobis et hæredibus nostris dictum castrum possidentibus et quotiens mutabitur


quotiens mutabitur ille Canonicus

canonicus

canonicus

totiens faceret dictam fidelitatem :

tociens faciet dictam fidelitatem.

totiens nostram faciet fidelitatem

nos autem statuimus quòd Canonicus |47 ille qui in dicta capella deserviret, percipiat singulis annis

Nos autem statuimus quod canonicus ille qui in dicta capella deserviet percipiat singulis annis

nos vero assignamus eidem canonico

quindecim libras parisienses in prepositura nostra Dordani,

quindecim libras parisiensium in prepositura nostra Dordani,

quindecim libras redditûs in præpositurâ nostrâ Dordani

recipiendas singulis annis,

recipiendas singulis annis

reddendas

medietatem in festo omnium sanctorum, et medietatem in Purificatione beatæ Mariæ Virginis,

medietatem in festo Omnium Sanctorum et medietatem in Purificatione beate Marie,

medietatem in festo omnium sanctorum et medietatem in purificatione beatæ Mariæ

et per quos dies præpositi nostri Dordani distulerint facere dicto Canonico

et per quot dies prepositi nostri Dordani distulerint facere dicto canonico

et per quot dies præpositus noster distulerit canonico dicto facere

………… prædictis quindecim libris

pagam suam de predictis quindecim libris

pagam suam

per tres dies reddent

…… …… ……

per tot dies reddent nobis quinque solidos pro emenda.

per tot dies nobis solveret quinque solidos pro emenda.

…… …… ……

Quod ut ratum permaneat in posterum,


præsentem chartam sigilli nostri auctoritate precipimus roborari

presentem cartam sigilli nostri auctoritate precipimus roborari.

Quod ut ratum etc.

actum Parisiis,

Actum Parisius,


anno Dominicæ Incarnationis 1222.

anno dominice Incarnationis M° CC° vicesimo secundo,

anno domini millesimo ducentesimo vicesimo secundo.

mense Aprili.

mense aprili.


TRADUCTION 55.


Philippus Dei gratia Francorum rex omnibus presentes litteras inspecturis salutem.

Philippe roi des Francs par la grâce de Dieu à tous ceux qui liront le présent acte, salut.

Noveritis quod nos statuimus in perpetuum in castro novo nostro Dordani quamdam capellaniam,

Sachez que nous avons institué à jamais dans notre nouveau château de Dourdan une chapellenie,

et volumus et concedimus abbati et conventui Sancti Carauni Carnotensis quod unus de canonicis prioratus sui de Sancto Germano de Dordano celebret divina singulis diebus in predicta capella

Et que nous voulons et autorisons en faveur de l’abbé et du couvent de Saint-Chéron de Chartres qu’un chanoine de leur prieuré de Saint- Germain de Dourdan célèbre les divins mystères chaque jour dans la susdite chapelle.

tali modo quod canonicus ille qui in eadem |452 capella deservierit faciet fidelitatem nobis et heredibus nostris dictum castrum possidentibus,

Etant précisé que le chanoine qui fera le service dans la dite chapelle prêtera serment de fidélité à nous et à ceux de nos héritiers qui possèderont le dit château,

et quotiens mutabitur ille canonicus tociens faciet dictam fidelitatem.

Et autant de fois que ce chanoine sera remplacé, autant de fois il prêtera ce serment de fidélité

Nos autem statuimus quod canonicus ille qui in dicta capella deserviet percipiat singulis annis quindecim libras parisiensium in prepositura nostra Dordani,

Quant à nous nous avons établi que le chanoine qui fera le service dans la dite chapelle percevra chaque année quinze livres parisis à notre prévôté de Dourdan,

recipiendas singulis annis,

à percevoir chaque année, une


55 Proposée par B.G., 2016.


medietatem in festo Omnium Sanctorum et medietatem in Purificatione beate Marie,

moitié à la fête de la Toussaint, et une moitié lors de la Purification de sainte Marie.

et per quot dies prepositi nostri Dordani distulerint facere dicto canonico pagam suam de predictis quindecim libris, per tot dies reddent nobis quinque solidos pro emenda.

Et autant de jours nos prévôts de Dourdan tarderont à donner au dit chanoine sa paye des susdites quinze livres, autant de jours ils nous verseront quinze sous d’amende.

Quod ut ratum permaneat in posterum, presentem cartam sigilli nostri auctoritate precipimus roborari.

Et pour que cela reste bien établi à l’avenir, nous avons prescrit de certifier la présente charte par l’autorité de notre sceau.

Actum Parisius, anno dominice Incarnationis M° CC° vicesimo secundo, mense aprili.

Fait à Paris, l’an de l’incarnation du Seigneur 1222, au mois d’avril.

Annexe 7

Une charte du Maître du Temple (1183)

Lescornay édite une charte du maître du Temple de Paris en date de 1184, reconnaissant que les Templiers doivent des redevances aux frères de Louye près Dourdan. Ici encore, avant de traduire ce texte, nous le comparons avec l’édition qu’en a donnée Auguste Moutié deux siècles après Delescornay. Cel nous permet à nouveau de constater que le texte de Delescornay est peu fautif (extra mare au lieu de citra mare), mais qu’il l’a abrégé pour ne pas trop sortir de son propos. Ceci dit le texte de Moutié paraît lui aussi fautif, et il commet notamment une grave erreur de lecture que Delescornay avait évitée (Challoyam, au lieu de Chaloium dictam).


Édition de Delescornay (1624)

Édition de Moutié (1846)

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen.

In nomine sancte et individue Trinitatis Amen.

Frater Amio magister militiæ Templi extra mare totúmque eiusdem militiæ capitulum, universis fidelibus ad quos literæ præsentes venerint salutem in Domino :

Frater Amio magister milicie templi citra mare totumque eiusdem milicie capitulum universis fidelibus ad quos littere presentes venerint salutem in Domino

Notum fieri volumus universis præsentibus pariter ac futuris,

Notum fieri volumus universis presentibus pariter ac futuris

quod cum venerabilis Francorum regina Adella Ludovici piæ memoriæ christianissimi Franco- rum regis uxor,

quod cum venerabilis Francorum regina Adela Ludovici pie memorie cristianissimi Francorum regis uxor


quamdam villam Chaloium dictam, quam adquisierat assentiente, concedente et laudante filio suo illustrissimo Francorum rege Philippo, nobis in eleemosinam contulisset,

Quamdam villam Challoyam quam acquisierat |78 assentiente, concedente et laudante filio suo illustrissimo Francorum rege Philippo nobis in elemosinam contulisset

à nobis impetravit, quod singulis annis donavimus viginti modios frumenti fratribus |51 de Loya juxta Dordanum, qui sunt de ordine Grandismontis, ab eisdem Fratribus in festo sancti Remigii in granchia Chaloii recipiendos, ad modium Chaloii, et decem libras parisienses, ab eisdem annuatim apud Templum Parisius in crastino Circoncisionis Domini recepiendas.

a nobis impetravit quod singulis annis donavimus viginti modios frumenti fratribus de Loya juxta Dordanum qui sunt de ordine Grandismontis ab eisdem fratribus in festo sancti Remigii in granchia Chaloii recipiendos ad modium Chaloii et decem libras parisiensium ab eisdem annuatim apud Templum Parisius in crastino Circumcisionis domini recipiendas

ad valentiam quam tunc habebant nummi parisienses. Tunc enim marcha argenti ad marcham Trecarum valebat quadraginta vnum solidos parisiensium. Ne vero possint prefati fratres de Loya a prescripto munere defraudari

In testimonium illis presentem cartam scribi et sigilli nostri auctoritate fecimus confirmari.

Actum publicè apud Templum Parisius, anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo octuagesimo tertio.

Actum publice apud Templum Parisius, anno ab Incarnatione Domini M° C °LXXX° IV°.

Presentibus fratre Ascelino Capellimo, fratre Josceranno, fratre Inestacio Cant, fratre Balduyno de

Grant, fratre Josberto Briart, fratre Nanterio, fratre Gandrico de Sinunguyaco et pluribus aliis fratribus Templi.


Scellée en cire ne sçay de quelle couleur et laz de soie.


TRADUCTION 56


On suit ici le texte d’Auguste Moutié ; on met en italiques les passages sautés par Delescornay ; et en rouge sa lecture meilleure que celle de Moutié, Moutié qui semble aussi avoir corrompu des noms propres à la fin du texte.


In nomine sancte et individue Trinitatis Amen.

Au nom de la sainte et indivise Trinité, amen.

Frater Amio magister milicie templi citra mare totumque eiusdem milicie capitulum universis fidelibus ad quos littere presentes venerint salutem in Domino.

Le frère Amion, maître de la milice du Temple de ce côté de la mer et tout le chapitre de la dite milice, à tous les fidèles à qui le présent acte parviendra, salut dans le Seigneur.

Notum fieri volumus universis presentibus pariter ac futuris,

Nous voulons faire savoir à tous, présents et à venir, ceci.

quod cum venerabilis Francorum regina Adela Ludovici pie memorie cristianissimi Francorum regis uxor

La vénérable reine des Francs Adèle, femme de Louis de pieuse mémoire, roi très chrétien des Francs,

Quamdam villam Challoyam

Lorsqu’elle nous a concédé à titre


56 Par Bernard Gineste, 2016.


(Lisez : Chaloium dictam) quam acquisierat, assentiente, concedente et laudante filio suo illustrissimo Francorum rege Philippo, nobis in elemosinam contulisset

d’aumône un certain village appelé Chalou, acquis par elle, avec l’assentiment, l’accord et l’approbation de son fils le très illustre roi des Francs Philippe,

a nobis impetravit quod singulis annis donavimus viginti modios frumenti fratribus de Loya juxta Dordanum qui sunt de ordine Grandismontis ab eisdem fratribus in festo sancti Remigii in granchia Chaloii recipiendos ad modium Chaloii

nous a demandé de donner chaaque année aux frères de Louye près Dourdan, qui sont de l’ordre de Grandmont, vingt muids de blé, qui seront à percevoir par les dits frères à la fête de saint Rémi dans la grange de Chalou selo la mesure de Chalou,

et decem libras parisiensium ab eisdem annuatim apud Templum Parisius in crastino Circumcisionis domini recipiendas

ainsi que dix livres parisis qui seront à percevoir par les mêmes chaque année au Temple de Paris le lendemain de la Circoncision du Seigneur.

ad valentiam quam tunc habebant nummi parisienses. Tunc enim marcha argenti ad marcham Trecarum valebat quadraginta unum solidos parisiensium. Ne vero possint prefati fratres de Loya a prescripto munere defraudari.

à la valeur qu’avaient alors les monnaies de Paris. En effet à cette époque le marc d’argent à la foire de Troyes valait 41 sous parisis. Ceci dit pour que les susdits frères de Louye ne puissent être frustrés de la somme prescrite.

Pour qu’ils en aient une preuve, nous avons fait rédiger le présent acte et fait certifier de notre sceau.

In testimonium illis presentem cartam scribi et sigilli nostri auctoritate fecimus confirmari.

Actum publice apud Templum Parisius, anno ab Incarnatione Domini M° C °LXXX° IV°.

Fait publiquement au Temple de Paris, l’an 1184 de l’Incarnation du Seigneur.

Presentibus fratre Ascelino Capellimo (Capellanus ?), fratre Josceranno, fratre Inestacio (?)

En présence du frère Ascelin Chapelain, du frère Josceran, du frère Inestace (?) Cant, du frère

Cant, fratre Balduyno de Grant, fratre Josberto Briart, fratre Nanterio, fratre Gandrico de Sinunguyaco (?) et pluribus aliis fratribus Templi.

Baudouin de Grant, du frère Joubert Briart, du frère Nantier, du frère Gandry de Sinonguy (?) et plusieurs autres frères du Temple.

Annexe 8

Une charte de saint Louis IX (1240)

Lescornay édite une charte de saint Louis redéfinissant le douaire de sa mère Blanche de Castille et y intégrant notamment Étampes et Dourdan.


Il est à remarquer que dom Basile Fleureau, lorsqu’il fera à la génération suivante l’histoire d’Étampes, s’appuiera visiblement sur lui pour ce document, qu’il lui reprendra sans le dire, pratiquement littéralement, avec quelques très légères fautes d’inattention, mais en corrigeant deux coquilles évidentes (Crispyacum, Crispiniacum ; Exolduum, Exoldunum).


Texte de Jacques de Lescornay (1624)

Texte de Basile Fleureau (1681)


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen.


In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Amen.

Ludovicus Dei gratia |59 Fran- corum Rex, notum facimus quod

Ludovicus Dei gratia Francorum Rex, Notum facimus, quod

cum charissimæ Dominæ et matri nostræ Blanchæ Reginæ illustri, in excambium dotalitii sui, quod nos charissimo et fideli fratri nostro Roberto Comiti attrebaten. contuleramus, mellentum, Ponty- saram, Stampas, Dordanum cum foresta, Corbolium, Meledunum cum Castellerio assignaverimus nomine dotalitii possidenda cum

cum charissimæ Dominæ, et Matri nostræ Blanchæ, Reginæ Francorum illustri in excambium dotalitii sui, quod nos charissimo, et fideli nostro Roberto, Comiti Atrebatensi |132 contuleramus, Mellentum, Pontisaram, Stampas, Dordanum, cum Foresta, Corbolium, Meledunum cum Castellerio assignaverimus, nomine


omnibus pertinentiis prædictorum, tam in feodis, quàm in domaniis,

dotalitii possidenda cum omnibus pertinentiis prædictorum, tàm in feodis, quàm in domaniis,

volentes eidem terras, possessiones et redditus ampliare, ex voluntate nostra et de nostro consilio eidem dedimus Crispyacum in valesio cum foresta, et Feritate Milonis, villaribus et vinariis et Petræfontem cum omnibus pertinentiis, tam in feodis, quàm in domaniis, ad tenendum et possidendum quoad ipsa vixerit cum omnibus juribus et ita plenè sicut tenebamus prædicta.

volentes eidem, terras possessiones, et redditus ampliare, ex voluntate nostra, et de nostro consilio, eidem dedimus, Crispi- niacum in Valesio, cum foresta, et Feritate Milonis Villaribus, et Vinariis, et Petræfontem cum omnibus pertinentiis, tàm in feodis quàm in domaniis, ad tenendum, et possidendum quoad ipsa vixerit, cum omnibus juribus, ita plenè sicut tenebamus prædicta.

Dedimus etiam eidem Dominæ |60 matri nostræ quatuor millia quingentas libras parisienses annui redditus in tribus compotis nostris, tertiam partem in quolibet, annis singulis capiendas,

Dedimus etiam ei dominæ quatuor millia quingentas libras parisienses annui redditus in tribus compotis nostris, tertiam partem in quolibet, annis singulis capiendas;

et post decessum eius prædicta omnia ad nos et hæredes nostros liberè revertentur, hoc excepto quod ipsa dare poterit usque ad octingentas libras parisienses annui redditus, vel in eleemosinam, vel ubi voluerit, computatis tamen centum libris annui redditus, quas centum libras parisienses nos et ipsa contulimus Abbatiæ monialum Cysterciensis Ordinis juxta Pontisaram sitæ, capiendas apud Mellentum.

et post decessum ejus, omnia ad nos, et hæredes nostros liberè revertentur, hoc excepto quòd ipsa dare poterit usque ad octingintas libras parisienses annui redditus, vel in eleemosinam vel ubi voluerit, computatis tamen centum libris annui redditus, quas 100. libr. paris. nos et ipsa contulimus Abbatiæ Monalium Cisterciensis Ordinis, juxta Pontisaram sitæ, capiendas apud Mellentum.

Ipsa autem domina et mater

Ipsa autem Domina, et mater


nostra nobis concessit penitus et quitavit Exolduum, feodum Craceum, feoda Byturesii, quæ tenuit Andræas de Calvigniaco, quæ habuerat in matrimonio ex donatione Joannis quondam Regis Angliæ :

nostra nobis penitùs concessit exoldunum, feodum Craceum, et feoda Bituresii, quæ tenuit Andræas de Calviniaco, quæ habuerat in matrimonio, ex donatione Ioannis quondam Regis Angliæ.

Quod ut perpetuæ stabilitatis robur obtineat præsentem paginam

|61 sigilli nostri auctoritate et regii nomine charactere inferius annotato fecimus communiri.

Quod ut perpetuæ stabilitatis robur obtineat, præsentem paginam sigilli nostri auctoritate, et regii nominis caractere inferiùs annotato fecimus communiri.

Actum Parisiis, anno Dominicæ Incarnationis millesimo ducente- simo quadragesimo, regni vero nostri anno quinto decimo,

Actum Parisius Dominicæ Incarnationis, anno MCCXL. regni verò nostri XV.

adstantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt et signa, dapifero nullo, Stephani Buticularii, Joannis Camerarii, Almaurici Constabularii. Data vacante cancellaria.

adstantibus in Palatio nostro quorum nomina supposita sunt, et signa. Dapifero nullo, Stephani buticularii, Ioannis Camerari, Amaurici constabularii. Data vacante Cancellaria.


*

TRADUCTION 57.


Au nom de la sainte et individue Trinité, amen. Louis par la grâce de Dieu roi des Francs.

Nous faisons savoir ceci. En échange de son douaire que nous avions attribué à notre très cher et fidèle frère Robert, comte


57 Proposée par B.G., 2016.

d’Artois, nous avons assigné à notre très chère Dame et mère Blanche, illustre reine des Francs, Meulan, Pontoise, Étampes, Dourdan avec sa forêt et Corbeil avec sa châtellenie, pour qu’elle en jouisse au titre de son douaire avec toutes les dépendances des susdits biens, tant en fiefs qu’en domaines propres.

Voulant augmenter ses terres, possessions et revenus, nous avons donné à la même Crépy-en-Valois avec sa forêt, la Ferté- Milon, Villiers, Vinots et de Pierrefont avec toutes leurs dépendances tant en fiefs qu’en domaines propres, pour les tenir et les posséder tant qu’elle vivra avec tous les droits afférents, aussi complètement que nous lorsque nous tenions les susdits biens.

Nous avons encore donné à la dite dame notre mère quatre mille cinq cents livres parisis de revenu annuel à prendre chaque année dans nos trois comptes, dont le tiers où elle voudra.

Et après son décès, tous ces biens nous feront retour librement, à nous et à nos héritiers, excepté ce que la même aura pu donner juqu’à un montant de huit cents livres parisis de revenu annuel, soit en aumône ou bien au titre qu’elle voudra, en y comprenant cependant cent livres de revenu annuel, lesquelles cent livres avec nous elle a déjà attribuées à l’abbaye des moniales de l’ordre de Cîteaux située à Pontoise, à percevoir à Meulan.

La susdite dame notre mère nous a entièrement donné Issoudun, Graçay et les fiefs du Berry qu’a tenus André de Chauvigny, qu’elle avait possédés en dot de par une donation de Jean vivant roi d’Angleterre.

Et pour que cela entre en vigueur et le reste à perpétuité, nous avons fait certifier le présent document par l’autorité de notre sceau et par le monogramme du nom royal porté ci-dessous. Fait à Paris l’an de l’incarnation du Seigneur 1240 et l’an 15 de notre règne, étant présents dans notre palais ceux dont sont

portés ci-dessous les noms et les marques. Pas de sénéchal. Du bouteiller Étienne. Du chambrier Jean. Du connétable Amaury. Donné alors que la chancellerie était vacante.

Annexe 9

Une autre charte de saint Louis IX (1260)

Lescornay édite une charte de saint Louis en date du 30 juin 1260 où ce roi, exactement comme il l’avait fait en 1240 pour sa mère, redéfinit le douaire de sa femme Marguerite de Provence en y intégrant notamment Étampes et Dourdan.

Cette édition a échappé à l’attention de dom Basile Fleureau qui portant s’était appuyé visiblement sur lui pour son texte de charte de 1240. À quoi cela est-il dû ? La raison en est toute bête, c’est que Jacques de Lescornay, par cette faute d’attention qu’on appelle le saut du même au même, a sauté dans sa copie

la mention d’Étampes. Ce défaut de l’édition du texte par Lescornay n’a pas manqué d’ailleurs de déconcerter Fleureau58, qui est obligé de prouver par un autre biais qu’Étampes aussi avait appartenu au douaire de la reine Marguerite.


58 Antiquitez d’Estampes, Paris, Coignard, 1683, pp. 135-136 : « Le domaine d’Estampes ayant été reüny à celuy de la Couronne par la mort de la Reine Blanche, decedée le trentiéme de Novembre de l’an 1252. quelques années aprés, le Roy son fils le mit derechef hors de sa main, assignant dessus, et sur les autres villes, et Seigneuries que la Reine Blanche avoit tenuë en doüaire, et sur celle de la Ferté Aalés, celuy de Marguerite de Provence son épouse, qui avoit été assigné par son Contract de Mariage sur |136 la ville, et Comté du Mans, qu’il donna à Charles son frere, Duc d’Anjou, pour augmentation de l’appanage qu’il luy avoit donné. Encore que je n’aye pû recouvrer de copies des lettres de ce changement, et nouvelle assignation de doüaire sur Estampes, de la Reine Marguerite, pour l’inserer icy : Neanmoins, ce que j’ay dit, est hors de doute, l’ayant appris de 1’Histoire, et des Memoires de du Tillet, dans l’inventaire du Roy saint Loüis, où il remarque que ce changement du premier doüaire de cette Reine fut fait dans les années 1272. et 1281. et il est tres-clairement justifié par les titres que je rapporteray, que cette Reine a jouy d’Estampes en doüaire. »

Le texte a été heureusement réédité en 1875 au tome 3 des Layettes du Trésor des chartes59. La comparaison du texte de ces deux éditions est à nouveau très intructive et favorable dans l’ensemble à la qualité du travail de Lescornay. On reste étonné de la modernité de sa transcription qui respecte presque systématiquement l’orthographe de l’original.


Édition de Lescornay (1624)

Édition Teulet-Laborde (1875)

Au nom de la saincte et non divisée Trinité, Amen.

Ou nom de sainte e non devisée Trinité. Amen.

Loois par la grace de Dieu Rois de France : Nous fesons à savoir à tous qui present sont et qui à venir sont, que

Loois, par la grace de Dieu, rois de France. Nous fesons à savoir à touz qui presenz sont e qui à venir sont, que,

comme nous eussons jadis donné è octroyé en doüaire à nostre tres- chere fame Marguerite Reine de France quant nous la preismes à fame, la cité dou Mans avec ses appartenances, si comme la Reine Berrangiere la tenoit quant elle trespassa de cest secle, è le chastel de Maretaigne è Manvel si comme la Contesse dou Perche la tenoit ou tens que ele trespassa, sans lez fiefz è les aumosnes qui y estoient,

comme nous eussons jadis donné e otroié |536 en douaire à nostre tres chiere fame, Marguerite, reine de France, quant nous la preimes à fame, la cité dou Mans oveques ses apartenances, si comme la reine Berengiere la tenoit quant ele trespassa de cest secle, e le chastel de Moretaingne e Manves, si comme la contesse dou Perche les tenoit ou tens que ele trespassa, saus les fiez e les aumosnes qui i estoient,

è après ce nous eussons donné è assigné pour partie de terre, à nostre tres-cher frere è nostre feeil Charle

e après ce nous eussons donné e assigné pour partie de terre à nostre tres chier frere e nostre feeil,


59 Jean-Baptiste Teulet et Léon de Laborde, Layettes du Trésor des chartes, Volume 3, H. Plon, 1875, pp. 535-536.


Conte de Prouvence è à ses hoirs, la devant dicte cité dou Mans avecques les appartenances è avecques aucunes autres choses,

Charle, conte de Prouvence, e à ses hoirs, la devant dite cité dou Mans oveques ses apartenances e oveques aucunes autres choses,

è pour ce eussiens |63 ordené que la devant dicte Reine Marguerite eust en lieu dou devant dict doüaire la cité d’Orliens è Chastiau nuef è Checi è Nonvillier, si comme la Reine Isabel les avoit jadis en doaire, sans en excepter Clari è les autres dons è les fiefs è les aumosnes qui avoient esté fetes, lequel jusques adoncques, se icelle Reine vousist avoir à gré cet eschange :

e pour ce nous eussiens ordené que la devant dite reine Marguerite eust en lieu dou devant dit douaire la cité d'Orliens, e Chastiau Nuef, e Checi e Neuville, si comme la reine Ysembors les avoit jadis en doaire, saus e exceptez Clari, e les autres dons, e les fiez, e les aumosnes qui avoient esté fetes ileques jusques à donques, se icele reine vousist avoir à gré cest eschange,

à la parfin nous vousismes fere à la devant dicte Reine, pour les desertes, greigneur grace è assigner luy ailleurs son devant dict doaire, en lieux plus prochains è plus proufitables, è porvooir par ce à la pes è au repos de sa vie :

à la parfin nous vousimes fere à la devant dite reine Marguerite pour ses desertes greigneur grace, e assigner lui ailleurs son devant dit doaire, en lieus plus prochains e plus proufitables, e porvooir par ce à la pes e au repos de sa vie.

si l’i muâmes è eschanjames de sa bonne volenté è de l’assentement expres de nostre fil Phelipe ainzné de nos fils qui ores vivent, le devant dic doaire è assignames à icele Reine Marguerite expressement en doaire, en lieu des devant dictes choses,

Si li muames e eschanjames, de la bonne volenté e de l'assentement esprès de nostre fil Phelipe, ainzné de noz filz qui ores vivent, le devant dit doaire, e assignames à icele reine Marguerite espresseement en doaire, en lieu des devant dites choses,

Corbeil o les appartenances, Poissi o les blez è o les autres appartenances, Meullent o les appartenances, Veirnon o les bois è

Corboil o les apartenances, Poissi o les blez e o les autres apartenances, Meulent o les apartenances, Veirnon o les bois e o


o les autres appartenances, Pontoise o les appartenances, Dordan o les bois è o les |64 autres appartenances, la Ferté Aeles o les appartenances, sans les fief è les aumosnes qui ont esté octroyez à qui que ce soit jusques à ores en toutes les devant dictes choses,

ses autres apartenances, Pontoise o les apartenances, Asnieres o le parc e o les autres apartenances, Estampes o les apartenances, Dordan o les bois e o ses autres apartenances, la Ferté Aelès o les apartenances, saus les fiez e les aumosnes qui ont esté otroiez à qui que ce soit, jusques à ores, en toutes les devant dites choses.

è retenons à nous tant comme nous vivrons, pleniere è franche proprieté, de donner à Eglises è à personnes à quelles que nous voudrons, è tant comme nous voudrons, è d’octroier franche-ment è de confermer à nostre volenté, les dons, les ventes è les autres alienations, se aucunes en sont fetes :

E retenons à nous, tant comme nous vivrons, pleniere e franche poesté de donner à eglises e à persones, à queles que nous voudrons e tant comme nous voudrons, e d'otroier franche-ment e de confermer à nostre volenté les dons, les ventes, e les autres alienations, se aucunes en sont fetes.

E que ce soit ferme è stable à tousjours, nous avons fet garnir ceste presente page de l’auctorité de nostre scel è dou .... de nostre royal nom qui est desouz noté.

E que ce soit ferm e estable à touz jors, nous avons fet garnir ceste presente page de l'auctorité de nostre seel e dou karaute (signe) de nostre roial non qui est desouz noté.

-

Ce fut fait à Paris en l’an de l’Incarnation de nostre Seigneur mil deux cens et sexante, ou mois de Juin, ou trentisme è quart an de nostre Royaulme :

Ce fu fet à Paris, en l'an de l'incarnation Nostre Seigneur mil deus cenz e sexante, ou mois de juing, ou trentisme e quart an de nostre roiaume.

ceuz presenz en nostre palez, desquieuz les noms è les seings sont desouz mis, nul Seneschal, le seigneur Jehan le bouteillier, le

Ceus presenz en nostre palés des quieus les nons e les seinz sont desouz mis : Nul seneschal. S. le seigneur Jehan, le bouteillier. S. le

seigneur Aufors le chamberier, le seigneur Gile le conoistable. Ce fut donné que il n’y avoit nul chancellier. |65

seigneur Aufors, le chamberier. S. le seigneur Gile, le connoistable. - Ce fu donné que il n'i avoit nul chancelier.


Les très rares fautes de Delescornay s’expliquent maintenant par la méconnaisance où on est au début du XVIIe siècle des particularités du moyen français, et par l’absence d’outils à la disposition des pionniers de la science diplomatique, comme nous avons vu que c’était le cas pour le latin médiéval.


Outre la lacune déjà signalée, et quelques minuties graphiques, Delescornay n’a pas su déchiffrer le mot rare karaute (caractère, c’est-à-dire monogramme) ; surtout il a lu par erreur sans au lieu de saus (qui signifiait saufs), ce qui produit un contre-sens remarquable : « saus e exceptez » (saufs et exceptés) devenant : « sans en excepter » ; ces erreurs de détail n’ayant d’ailleurs aucun impact sur l’objet de son travail, qui est ici l’histoire de Dourdan.


Notons tant que nous y sommes que Teulet et Laborde ont pris la peine de donner aussi en note le texte que l’original latin de cette charte de saint Louis, que certains lecteurs auront peut- être plaisir à trouver ci-après en synopse bilingue.


Latin (Teulet-Laborde, 1875)

Français (id., 1875)

In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen.

Ou nom de sainte e non devisée Trinité. Amen.

Ludovicus, Dei gratia Francorum rex. Notum facimus universis, tam presentibus quam futuris, quod,

Loois, par la grace de Dieu, rois de France. Nous fesons à savoir à touz qui presenz sont e qui à venir sont, que,


cum olim karissime uxori nostre, Margarete, regine Francorum, dedissemus et concessimus in dotalicium, quando eam duximus in uxorem, civitatem Cenomannensem cum pertinenciis suis, sicut regina Berengaria eam tenebat quando migravit a seculo, necnon castrum Mauritanie et Manvas, sicut comitissa Pertici ea tenebat tempore quo decessit, salvis feodis et elemosinis in eisdem,

comme nous eussons jadis donné e otroié |536 en douaire à nostre tres chiere fame, Marguerite, reine de France, quant nous la preimes à fame, la cité dou Mans oveques ses apartenances, si comme la reine Berengiere la tenoit quant ele trespassa de cest secle, e le chastel de Moretaingne e Manves, si comme la contesse dou Perche les tenoit ou tens que ele trespassa, saus les fiez e les aumosnes qui i estoient,

et postmodum dedissemus et assignassemus pro parte terre karissimo fratri et fideli nostro, Karolo, comiti Provincie, et ejus heredibus, una cum quibusdam aliis, predictam civitatem Cenomannensem cum pertinenciis ejus,

e après ce nous eussons donné e assigné pour partie de terre à nostre tres chier frere e nostre feeil, Charle, conte de Prouvence, e à ses hoirs, la devant dite cité dou Mans oveques ses apartenances e oveques aucunes autres choses,

et propter hoc ordinavissemus. quod predicta Margarita regina, loco dicti dotalicii, civitatem Aureliani haberet, necnon Castrum Novum, Checiacum, Novillam, sicut olim regina Ysemburgis in dotalicium hec habebat, salvis et exceptis Clariaco et aliis donis, feodis et elemosinis usque tunc ibi factis, si hanc commutationem acceptaret,

e pour ce nous eussiens ordené que la devant dite reine Marguerite eust en lieu dou devant dit douaire la cité d'Orliens, e Chastiau Nuef, e Checi e Neuville, si comme la reine Ysembors les avoit jadis en doaire, saus e exceptez Clari, e les autres dons, e les fiez, e les aumosnes qui avoient esté fetes ileques jusques à donques, se icele reine vousist avoir à gré cest eschange,

nos tandem eidem Margarete regine, suis gratis exigentibus meritis, gratiam facere volentes ampliorem, et alias in locis

à la parfin nous vousimes fere à la devant dite reine Marguerite pour ses desertes greigneur grace, e assigner lui ailleurs son devant dit


vicinioribus et utilioribus sibi dictum dotalicium assignare, ac per hoc providere vite sue transquillitati pariter et quieti,

doaire, en lieus plus prochains e plus proufitables, e porvooir par ce à la pes e au repos de sa vie.

de voluntate spontanea et assensu expresso Philippi, filii nostri, filiorum nostrorum modo vivencium primogeniti, supra- dictum dotalicium conmutamus eidem Margarete regine, assignantes eidem expresse in dotalicium, loco predictorum,

Si li muames e eschanjames, de la bonne volenté e de l'assentement esprès de nostre fil Phelipe, ainzné de noz filz qui ores vivent, le devant dit doaire, e assignames à icele reine Marguerite espressee- ment en doaire, en lieu des devant dites choses,

Corbolium cum pertinenciis, Pissiacum cum bladis et aliis pertinenciis, Mellentum cum pertinenciis, Vernonem, cum boschis et aliis ejus pertinenciis, Pontissaram cum pertinenciis, Asnerias, cum parco et aliis pertinenciis, |536 Stampas cum pertinencias (sic), Dordanum cum boscis et aliis ejus pertinenciis, Feritatem Alesis cum pertinenciis, salvis feodis et elemosinis, usque in presens, in predictis omnibus quibuscumque concessis,

Corboil o les apartenances, Poissi o les blez e o les autres apartenances, Meulent o les apartenances, Veirnon o les bois e o ses autres apartenances, Pontoise o les apartenances, Asnieres o le parc e o les autres apartenances, Estampes o les apartenances, Dordan o les bois e o ses autres apartenances, la Ferté Aelès o les apartenances, saus les fiez e les aumosnes qui ont esté otroiez à qui que ce soit, jusques à ores, en toutes les devant dites choses.

retinentes etiam nobis, quamdiu vixerimus, plenam et liberam potestatem donandi ecclesiis et personis quibus et quantum nobis placuerit, necnon donaciones seu vendiciones, ceterasque alienaciones, si que fiant in predictis, libere concedendi seu eciam comfirmandi pro nostre libito voluntatis.

E retenons à nous, tant comme nous vivrons, pleniere e franche poesté de donner à eglises e à persones, à queles que nous voudrons e tant comme nous voudrons, e d'otroier franchement e de confermer à nostre volenté les dons, les ventes, e les autres alienations, se aucunes en sont fetes.


Quod ut ratum et stabile permaneat in futurum, presentem paginam sigilli nostri auctoritate et regii nominis karactere inferius annotato fecimus conmuniri.

E que ce soit ferm e estable à touz jors, nous avons fet garnir ceste presente page de l'auctorité de nostre seel e dou karaute (signe) de nostre roial non qui est desouz noté.

Actum Parisius, anno Incarnacionis Dominice millesimo CC°. sexagesimo, mense junio, regni vero nostri anno XXX° IIII°.

Ce fu fet à Paris, en l'an de l'incarnation Nostre Seigneur mil deus cenz e sexante, ou mois de juing, ou trentisme e quart an de nostre roiaume.

Astantibus in palacio nostro quorum nomina supposita sunt et signa : Dapifero nullo. S. Johannis, buticularii. S. Alfonsi, camerarii. S. Egidii, constabularii. Data vaccante cancellaria.

Ceus presenz en nostre palés des quieus les nons e les seinz sont desouz mis : Nul seneschal. S. le seigneur Jehan, le bouteillier. S. le seigneur Aufors, le chamberier. S. le seigneur Gile, le connoistable. - Ce fu donné que il n'i avoit nul chancelier.

(JJ. 30a, n°IIIIc VII, fol. CXXXVIII r°.)

(J. 408. Mariages, I, n°2. 1.)

Annexe 10

Une charte de Philippe III le Hardi (1307)

Lescornay édite en 1624 une charte de Philippe III le Hardy définissant l’apanage de son frère Louis d’Évreux et y intégrant notamment Étampes et Dourdan. Il est à remarquer que dom Basile Fleureau, lorsqu’il fait à la génération suivante (vers 1668) l’histoire d’Étampes, s’appuie à nouveau sur lui pour ce document, qu’il lui reprend sans le dire, avec moins de rigueur, d’ailleurs, puisque, outre quelques légères fautes de copie, il n’indique plus les passages abrégés que Lescornay signalaient par des « etc. », pas même lorsqu’il s’agit précisément de l’item concernant Étampes. Fleureau va même jusqu’à abréger le passage concernant Dourdan que Lescornay avait copié en entier.


Texte de Jacques de Lescornay (1624)

Texte de Basile Fleureau (1681)

Philippus Dei gratia Franco-rum Rex, notum facimus universis, tam præsentibus, quàm futuris, quod

Philippus Dei gratia Franco-rum Rex, Notum facimus universis, tàm præsentibus, quàm futuris, quòd

cum |69 nos tam ex donationibus et assignationibus per inclitæ recordationis domi-num et progenitorem nostrum Philippum quondam Regem Franciæ, quàm per nos factis charissimo et fideli fratri nostro Ludovico tenemur eidem fratri nostro assidere in terra cum nobilitate et baronia quindecim milia librarum …… turonensium annui et perpetui redditus per eundem fratrem nostrum et

cum nos tam ex donationibus, |144 et assignationibus per inclitæ recordationis Dominum, et pro- genitorem nostrum Philippum, quondam Regem Franciæ quàm per nos factis Charissimo fratri nostro Ludovico, tenemur eidem fratri nostro assidere in terra cum nobilitate, et Baronia quindecim millia librarum …… Turonensium annui et perpetui redditus, per eundem fratrem nostrum, et


successores suos in perpetuum ex suo corpore descendentes hæreditariè possidendas

successores suos in perpetuum, ex suo corpore descendentes, hereditariè possidendas.

nósque dudum per dilectos et fideles Joannem Chaiselli et Joannem Venatorem milites nostros informationem fecimus fieri diligentem de valore eorum quæ habebamus in locis infrà scriptis, et eorum pertinentiis in quibus locis assidere dictum annuum redditum dicto fratri nostro volebamus facta nobis diligenti relatione per dictos milites, etc.

Nosque dudùm per dilectos et fideles Ioannem Chaiselli, et Ioannem Venatorem, milites nostros, informationem fecimus fieri diligentem, de valore eorum quæ habebamus locis infra scriptis, et eorum pertinentiis, in quibus assidere dictum annuum redditum dicto fratri nostro volebamus facta nobis diligenti relatione per dictos milites.

In primis fecimus et facimus dictum |70 fratrem nostrum Comitem Ebroicensem, et tradi- dimus et tradimus et assidemus sibi civitatem et præposituram et castellaniam Ebroicensem cum earum pertinentiis, et item assidemus et tradimus sibi præposituram de Albiniaco, etc.

Imprimis fecimus, et facimus dictum fratrem nostrum Comitem Ebroicensem: et tradi-dimus, et tradimus sibi Civitatem, Præposituram, et Castellaniam Ebroïcensem cum earum pertinentiis, et item assidemus, et tradimus præposituram de Albiniaco.

Item assidemus et tradimus sibi castrum et castellaniam de Gieno supra ligerim, etc.

Item assidemus, et tradimus sibi castrum et Castellaniam de Gieno supra Ligerim.

Item assidemus et tradimus locum et præposituram et Castellaniam de Feritate Alesis, etc.

Item assidemus, et tradimus locum, et præposituram, et Castellaniam de Feritate Alesis.

Item assidemus et tradimus villam, præposituram et castel- laniam de Stampis, etc.

Item assidemus, et tradimus Villam, præposituram, et Castel- laniam de Stampis.

Item assidemus et tradimus modo et forma præmissis castrum et

Item, assidemus, et tradimus, modo et forma præmissis, Castrum,


præposituram et Castellaniam de Dordano cum earum pertinentiis pro mille 206 libris decem et octo solidis et novem denarios.

præposituram, et Castelleniam de Dordano, cum earum pertinentiis.

Item assidemus et tradimus præposituram de Meulento et castellaniam, etc.

Item, assidemus, et tradimus præposituram de Meulento, et Castellaniam.

Prædicta igitur omnia modo et forma præmissis et nunc sibi assidemus |71 et tradimus pro redditu supra dicto,

Prædicta igitur omnia, modo et forma præmissis, ex nunc sibi assidemus, et tradimus pro redditu supradicto.

retinemus tamen nobis et successoribus nostris Regibus Franciæ in prædictis omnibus civitate, comitatu, castris, castellaniis, præposituris, villis et earum pertinentiis superius expressatis et assignatis dicto fratri nostro, superioritatem, resortum et homagium ligium

Retinemus tamen nobis, et Successoribus nostris Regibus Franciæ in prædictis omnibus, Comitatu, Castris, Castellaniis, præposituris, villis, et earum pertinentiis superiùs expressatis, et assignatis dicto fratri nostro, superioritatem, resortium, homa- gium ligium ;

et omnia judeorum bona quæ habebant judei ipso tempore expulsionis eorum,

et omnia Iudæorum bona, quæ habebant Iudæi ipso tempore expulsionis eorum :

justitiam, gardam, ressortum et superioritatem

Iustitiam, Gardiam, et superioritatem

omnium Ecclesiarum et Eccle- siasticarum personarum

omnium Ecclesiarum, personarum,

et quorumque aliorum, in personis et bonis eorum qui sunt privilegiati, etc.

et quorumcumque aliorum, in personis, et bonis eorum qui sunt privilegiati, etc.

Actum Pyssiaci, anno Domini 1307. mense Aprili. |72

Actum Pissiaci, an. Domini MCCCVII. mense Aprili.

Annexe 11

À propos du testament de Louis de Graville


Lescornay paraît avoir été le premier à avoir édité le testament remarquable de l’amiral de Graville. On doit noter à ce sujet qu’il avait été déjà signalé par du Tillet dans son Recueil des rois de France dès 1580 ; et d’autre part que cette édition a servi plus tard à Claude Joly pour son Traité des Restitutions des Grands en 1695. Voici les textes en question.


  1. En amont de Lescornay : Jean du Tillet (1580) 60


    Ne sera hors de propos faire mention du second codicile de Messire Loys Malet, sieur de Graville, Admiral de France, estant ou dit thresor des Chartres, par lequel il legua au commun peuple és Bailliages du Royaume, les plus chargez de tailles, pour la diminution d’icelles,quatrevingts mil livres par luy fournies au Roy Loys douzieme, pour subvenir à ses guerres, pour laquelle somme il tenoit plusieurs terres du domaine engagées, qu’il ordonna estre renduës sans remboursemenr, adjoustant la raison qu’il avoit eu des Roys qu’il avoit servis par longues années, grands estats, dons et biensfaicts, dont le dit peuple avoit esté chargé, et il en faisoit scrupule de conscience : qui pourra servir d’instruction aux officiers et serviteurs des Roys, pour se contenir moderez, moyen du bon traictement des sujets, et eux garder,


    60 Recueil des rois de France, leur couronne et maison, ensemble, le rengs des grands de France, par Jean du Tillet, sieur de La Bussière, Paris, Jacques du Puys, 1580, p. 250.

    s’enrichissans outre mesure, d’estre cause de leur foulle : (les dits roys n’ayans autre bourse que celle des dits sujets) s’ils n’en veulent estre comptables à Dieu, encores que la liberalité de leurs maistres les descharge envers les hommes. Pource disoient sagement Isocrates et Tacite, qu’il n’y a meilleur instrument d’Empire, ne tant profitable que les bons amis du Prince.


  2. En aval de Lescornay : Claude Joly (1665) 61

    Du Tillet en son recueil des Rois de France62 adjouste à leurs Testamens, qu’il avoit veus aux Chartes du Roy le second Codicille63 de M. Louys Malet, S. de Graville, Admiral de France ; qui depuis a esté imprimé dans les memoiresde la ville de Dourdan64, dont voicy l’extrait dans les |219 termes de l’acte65. Nous Louys sire de Graville, admiral de France, etc. considerans qu’en servans les rois nos souverains seigneurs, avons par long-temps eu gros estat, grands dons et proffìts de la chose publique : en quoy a esté la dit chose publique chargée, et de quoy faisons conscience, veu la jeunesse qu’avions quand premierement commenceasmes à avoir les estats et grosses pensions, combien que pensons avoir servi les dits sieurs et la chose publique loyaument et de tout nostre pouvoir, sans y espargner nostre personne. Considerans outre que, &c. les quatre vingts mille livres, qui est venue partie de la dite chose publique, etc. ont esté et sont pour les urgens affaires


    61 Traité des Restitutions des Grands, Amsterdam, Daniel Elzevier, 1665,

    p. 219-221 (plusieurs rééditions jusqu’en 1695).

    62 Ch. des derniers Rois, etc. p. 249 de l’edition in 4. (note de Joly).

    63 Du 21. May, 1513. (note de Joly).

    64 Par Jaques de Lescornai advocat du roy à Dourdan, in 8. en 1624 (note de Joly).

    65 P. 155. 156.157.158 (note de Joly).

    du dit seigneur de subvenir à la chose publique que les Anglois anciens ennemis du Royaume invadent, etc. avons de nostre propre science, mouvement et deliberé vouloir, apres y avoir pensé, repensé, donné et legué purement et simplement, et à la dite chose publique toute la dite somme de quatre vingts mille livres, ou tout ce que à l’heure de nostre trespas sera deu, etc. Et entendons que le dit seigneur et ses successeurs reprennen

    |220 et remettent en leurs mains les villes de Melun, Corbeil et Dourdan quittement, etc. Et supplions si tres-humblement qu’il

    nous est possible au roy nostre dit seigneur, et à ses successeurs rois, que si tost apres nostre trespas que bonnement faire se pourra, il luy plaise diminuer és bailliages les plus grevés de son royaume la dite somme de quatre vingt mille livres, ou ainsi qu’il luy semblera bon, afin que le pauvre peuple prie Dieu pour luy et pour moy. Et de ce en deschargeons nostre conscience et chargeons tous ceux et celles qui voudroient empescher l’effet de cette presente nostre ordonnance, etc.


    Cette restitution est tres-considerable. Car combien y a-t-il de Courtisans au monde qui se flattent de n’avoir point de bien qui ne soit bien acquis, puis qu’il leur a esté donné par le Prince, se fondans volontiers en cecy sur le proverbe, qu’il n’y a si bel acquest que de don? Mais ils ne considerent pas que les deniers, qui sont fournis par les peuples aux souverains sont pour les affaires publiques et non pour les ministres ni favorits. à |221 qui le Prince ne les peut departir sans injustice. C’est pourquoy le mesme du Tillet faisant reflexion sur ce Testament du Seigneur de Graville, parle tout-à-fait en homme de bien, quand il dit66 : Qui pourra servir d’instruction aux officiers et serviteurs des rois, pour se contenir moderés, moyen du bon traittement des


    66 P. 249 au recueil des Rois de France (note de Joly).

    subjets, et eux garder, s’enrichissans outre mesure, d’estre cause de leur foule (les dits Rois n’ayans autre bourse que celle des dits subjets) s’ils n’en veulent estre contables à Dieu, encores que la liberalité de leurs Maistres les descharge envers les hommes, etc.


  3. Note de Joseph Guyot (1869) 67


Ce testament, cité comme modèle, fut imprimé dans plusieurs livres d’église de l’époque, et on prétend que Richelieu le fit réimprimer pour le comparer au sien. Voir, pour la biographie de l’amiral de Graville, les intéressants détails donnés par M. Malte-Brun dans son Histoire de Marcoussis, charmant volume, chronique d’une châtellenie voisine de la nôtre. — In-8°, Paris, 186768.


67 Guyot, Chronique…, p. 71 note 5.

68 Victor-Adolphe Malte-Brun, Histoire de Marcoussis, de ses seigneurs et son monastère, Paris, Aubry (même éditeur que Joseph Guyot…), 1867,

  1. 108 : « Son testament, qui est cité comme un modèle de religion et d’abnégation chrétienne, fut imprimé dans plusieurs livres d’église de l’époque. On dit que le cardinal de Richelieu le fit réimprimer pour le comparer au sien (note : Marquis de la Queuille. — Anne de Graville, ses poésies et son exhérédation [Edmond de Laqueuille, Anne de Graville, ses poésies, son exhérédation (in-8°; 15 p), Chartres, Garnier, 1858]. Il y a aux Archives d’Eure-et-Loir un testament de Louis de Graville, écrit de sa main, en date de 1514.) » (B.G.).

    Annexe 12

    Un poème latin de 1624

    à la gloire de l’archevêque de Rouen


    image

    François de Harlay, archevêque de Rouen (1585-1653)

    Jacques de Lescornay donne le texte d’un poème latin qui aurait été composé en 1624, et qu’il introduit en ces termes après avoir fait de notre archevêque de Rouen un portarit des plus courtisans : « Je n’en diray rien davantage, peur de ternir sa gloire ne la representant pas assez naïfvement, et me contenteray de rapporter ce qui en a esté dict par l’un de ses Academistes ».


    Il y a bien de l’apparence que cet Académiste est Jacques de Lescornay lui-même, d’une part parce qu’il ne donne aucune autre indication sur l’auteur de ces vers, et d’autre part parce le contenu de ces vers est étroitement imbriqué dans la suite des idées du chapitre où il est inséré.


    Quoi qu’il en soit, il s’impoe ici d’examiner la forme et le contenu de cette pièce de vers bien dans le goût maniéré de cette époque.


    1. Texte


      Quanta per herbosas decurrunt flumina valles, Cùm torrens alto vertice fudit aquas :

      Eloquii nuper tantos spectavimus imbres, Quos sacro et docto Præsul ab ore dedit.

      5 Præsule sed maior, summa quem Neustria sede Præsulibus cunctis jure præire videt. |231

      Cuius quinque viros similes si nostra dedisset

      Gallia, quam numquam monstra tulisse ferunt, Heu ! quanto citiùs cessisset Lerna malorum

      10 Hæresis, ad Stygios ire coacta lacus.

      Quàm sub Nestoribus cecidissent Pergama quinque, Nec Priamus tanti, Troia nec ipsa fuit.

    2. Scansion


      Quāntă pĕr | hērbō|sās // dē|cūrrūnt | flūmĭnă | vālles, Cūm tōr|rēns āl|tō // vērtĭcĕ | fūdĭt ă|quas :

      Ēlŏquĭ|ī nū|pēr tān|tōs // spēc|tāvĭmŭs | īmbres, Quōs sā|cro ēt dōc|tō // Prǣsŭl ăb | ōrĕ dĕ|dit.

      Prǣsŭlĕ | sēd mā|iōr, // sūm|mā quēm | Neūstrĭă | sēde Prǣsŭlĭ|būs cūnc|tīs // jūrĕ præ|īrĕ vĭ|det.

      Cūiūs | quīnquĕ vĭ|rōs // sĭmĭ|lēs sī | nōstră dĕ|dīsset Gāllĭă, | quām nūm|quām // mōnstră tŭ|līssĕ fĕ|runt,

      Heū ! quān|tō cĭtĭ|ūs // cēs|sīssēt | Lērnă mă| lōrum Hǣrĕsĭs, | ād Stўgĭ|ōs // īrĕ cŏ|āctă lă|cus.

      Quām sūb | Nēstŏrĭ|būs // cĕcĭ|dīssēnt | Pērgămă | quīnque, Nēc Prĭă|mūs tān|tī, // Trōiă nĕc | īpsă fŭ|it.


      La scansion de ces six distiques élégiaques est régulière (même si au vers 6 on peut être surpris que la diphtongue ǣ devienne brève par position).


    3. Traduction


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      « Aussi grandioses que les fleuves qui traversent les vallons herbeux lorsqu’un torrent verse ses eaux du haut d’une montagne, nous venons- d’admirer de grandioses averses d’éloquence tombées de la sainte et savante bouche d’un prélat.

      « Mais c’est plus qu’un prélat, puisque la Normandie

      le voit sur son siège suprême guider à bon droit tous les autres prélats.

      « Si notre chère France avait produit cinq hommes qui lui soient semblables, elle qui passe pour ne produire jamais de monstres, hélas ! combien plus vite se serait retirée cette Lerne de maux, l’hérésie, bien forcée de gagner les lacs stygiens !

      « Que ne serait tombée Pergame sous les coups de cinq Nestor ! Ni Priam, ni même Troie n’eurent de valeur si grande. »


    4. Éléments de commentaire


Le premier vers, Quanta per herbosas decurrunt flumina valles, est une réminiscence de la cinquième égloque des Bucoliques de Virgile, dont voici une transposition en vers français par le Comte de Marcellus en 1840 :


« De quel bonheur, ami, tes chants m’ont fait jouir !

« J’aime moins que tes vers le souffle du zéphyr,

« Le doux frémissement des feuilles du bocage,

« Le bruit des flots pressés qui battent le rivage,

« Le murmure enchanteur des fleuves écumeux

« Qui roulent en torrents dans des vallons pierreux. » (Nec percussa juvant fluctu tam littora, nec quæ Saxosas inter decurrunt flumina valles).


« Mais c’est plus qu’un prélat » (præsule sed maior). François de Harlay est archevêque de Rouen. Sous l’ancien régime l’archidiocèse de Normandie (Neustria) comprenait sept diocèses dont six étaient suffragants du siège archiépiscopal de Rouen (summa sede) : Bayeux, Avranches, Évreux, Sées, Lisieux et Coutances.

« Cette Lerne de maux » (Lerna malorum). Le tour Lerna malorum, qui en lui-même ne paraît pas classique, est attesté et expliqué dès la fin du XVe siècle par l’humaniste italien Polydore Virgile dans ses Adages69. Il désigne des maux toujours renaissants comme l’hydre du marais de Lerne, qu’Hercule avait eu tant de mal à vaincre parce qu’il lui repoussait autant de têtes que l’on en coupait.

Cette métaphore s’est appliquée tout naturellement à l’hérésie protestante, de nature multiforme, qui donnait d’autant plus de fil à retordre aux controversistes catholiques que chaque hérésiarque protestant ou presque développait ses doctrines particulières.


Nous donnons ci-après l’extrait d’une gravure allégorique qui précisément représente notre bon roi Louis XIII, terrassant l’hérésie personnifiée sous la forme d’une hydre.


69 Proverbe n°113 du Proverbiorum libellus, ouvrage paru à Venise en 1498, plusieurs fois réédité et augmenté : Lerna malorum. CXIII. Lerna, et Argivorum et Myceneorum agro communis lacus est, in quo poëtæ finxerunt hydram multorum capitum fuisse, quorum aliquot exciss, totidem continuò renascebantur. Quod quidem monstrum cum totam eam regionem devastaret, tandem post multas purgationes, ab Hercule clava primo ictum, deinde post pestiferum afflatum sagittis petitum, postremo cum sese in solitas cavernas abdidisset, lignorum congesta strue, igne consumptum est. Vergilius : Quinquaginta atris immanis hiatibus hydra. et Seneca : Quid sæva Lernæ monstra numerosum malum, nonne ignis demum vicit, et docuit mori ? Hinc igitur ortum proverbium de iis, quæ haud facile expiari purgarique ; possunt, autore Strabone libro VIII. Geographiæ qui ita inquit : Lerna Argivi Myceneique lacus est, in qua hydram constitisse scriptores tradunt, in illa cum facta sunt purgamina, proverbium quoddam vulgo manavit, Lerna malorum. Nec minus apte in sceleratos quadrabit, quod illi velut pestilens pelagus omnia contaminent.

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Louis XIII foulant aux pieds l'hydre de l'hérésie


Le dernier hémistiche du poème, qui en constitue la pointe, Troja nec ipsa, « Troie elle-même », est un lieu commun qu’on retrouve ailleurs dans la controverse religieuse du temps, par exemple dans un distique de Théodore de Bèze, hérésiarque protestant qui s’adressait ainsi au poète Des Mazures dès 1574 dans une pièce liminaire :

Dum Masuri, grandi ore tonas Balylona ruentem, Cantata est quanta Troja nec ipsa tuba.

« Quand, Des Mazures, tu tonitrues de ta grande gueule la chute de Babylone (c’est-à-dire du catholicisme romain, selon l’interprétation luthérienne de l’Apocalypse), Troie elle-même n’a pas été chantée par une trompette si puissante. »

Mais il s’agit ici d’une réminiscence plus complète des Héroïdes d’Ovide, et précisément du deuxième dystique de sa Lettre de Péléloppe à Ulysse :

Troja jacet certe Danais invisa puellis Vix Priamus tanti, totaque Troja fuit,

distique qu’on me permettra peut-être de rendre ainsi :

Troie c’est vrai est en ruine, odieuse aux femmes grecques, Mais enfin, Troie, Priam, valaient-il bien tout ça ?


La poésie néolatine est bien souvent une rapsodie de rémiscences un peu scolaires, et c’est ainsi que

Vix Priamus tanti, totaque Troja fuit,

devient ici, par exemple, et peut-être sans que le poète lui- même n’y songe :

Nec Priamus tanti, Troia nec ipsa fuit.


En résumé, cette pièce de vers est bien, sur le fond, dans le goût de celles que brocarde son comtemporain Cyrano de Bergerac, tel que du moins l’a fait revivre Edmond Rostand.


B.G., 2016

Annexe 13

Un autre visage de François de Harlay : Son portrait par Tallemant des Réaux 70


Il est difficile de résister au plaisir de citer ici tout du long le portrait posthume que fit Gédéon Tallemant des Réaux de notre archevêque de Rouen, portrait bien différent de celui que nous en fait Jacques de Lescornay, et de plus ici enrichi des notes savante et savoureuse de son éditeur Monmerqué.

B.G., 2016


LE FEU ARCHEVÊQUE DE ROUEN.


François de Harlay, archevêque de Rouen71, étoit fils de ce M. de Chanvallon, qui fut le plus célèbre galant de la reine Marguerite. Ce M. de Chanvallon, persuadé du mérite du marquis de Bréval72 et de l’archevêque de Rouen, ses enfants, disoit en parlant de la cour : « Je leur ai donné des hommes, que ne s’en servent-ils ? »


M. de Bréval s’est plus piqué de lettres que de guerre ; il avoit traduit Tacite ; mais il eut bien de la peine à trouver qui le voulût imprimer, car on savoit déjà que d’Ablancourt y


70 Louis-Jean-Nicolas Monmerqué (éd.), Les historiettes de Tallemant des Réaux. Mémoires pour servir à l’histoire du XVIIe siècle, publiés sur le manuscrit autographe de l’auteur. Tome 5, Paris, Garnier 1861, pp. 106- 111 (n°CXLVIII).

71 Né en 1685, mort en 1653.

72 Achille de Harlay, marquis de Bréval, seigneur de Chanvallon, mourut le 3 novembre 1657.

travailloit ; ce fut ce qui le fit hâter : ce livre ne s’est point vendu.


Pour M. de Rouen, il n’y eut jamais un plus grand galimatias. On écrivit sur un de ses livres : Fiat lux, et lux facta non est73. Il avoit envoyé un de ses livres manuscrits à quelqu’un pour lui en dire son avis. Cet homme avoit mis en un endroit à la marge :

« Je n’entends point ceci. » M. de Rouen ne se souvint pas d’effacer l’observation, et l’imprimeur l’imprima. Cela faisoit rire les gens de voir qu’à la marge d’un livre il y eût : Je n’entends point ceci, car il sembloit que ce fût l’auteur lui- même qui le dît74.

Un jour qu’il avoit promis d’expliquer la Trinité le |107 plus clairement du monde en un sermon, il dit du grec, puis ajouta :

« Voilà pour vous, femmes. »


C’est le plus prolixe prédicateur, harangueur et compositeur de livres qu’on ait jamais vu. À Gaillon, qu’il appelle notre palais royal et archiépiscopal de Gaillon, il a une imprimerie qu’il appelle aussi notre imprimerie archiépiscopale.


73 Parodie du 3e verset de la Genèse : « Que la lumière soit ! Et la lumière… ne fut pas. »

74 M. de Harlay, archevêque de Rouen, dit Vigneul de Marville, étoit un abîme de science où l’on ne voyoit goutte. » Il dédia un livre de

controverse à Jacques Ier : « J’ai voulu une fois en ma vie lire ce gros ouvrage, et je m’y appliquai avec contention d’esprit, sans qu’il me fût

jamais possible de trouver le moindre principe pour me conduire dans un si profond labyrinthe, qui commence partout et finit partout, qui dit tout et qui ne dit rien. » (Mélanges d’histoires et de littérature de Vigneul de Manille (d’Argonne). Paris, 1713, II, 140.) Nous n’avons pu trouver le titre d’un livre que vraisemblablement peu de lecteurs consulleroient.

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Il fit une fois je ne sais quel livre75 où il étoit peint avec sa barbe longue et étroite; car, quoique jeune, il la portoit longue. On l’appelle barbe de natte, car elle étoit d’un blond fort doré76. Le pape Urbain, à qui il fit présenter ce livre, n’en dit autre chose, sinon : Bella

barba. — Mais, saint Père, lui dit-on, que vous semble de ce

livre ? — Veramente, bellissima barba L’archevêque, mal satisfait de cela et de quelque autre chose encore, écrivit un livre de la puissance des papes, où il les vouloit réduire au rang des évêques. Le pape s’en plaignit, et le nonce eut charge de le citer à Rome. Ses amis accommodèrent la chose, et il fut conclu qu’en présence de deux jésuites il feroit satisfaction au pape et


75 C’étoit ce livre dédié au roi Jacques {Mélanges de Vigneul de Marville, ibid.)

76 M. d’Albi (d’Elbène), celui qui se sauva en Catalogne du temps de M. de Montmorency, fit la pièce suivante :

Epitaphe de M. de Rouen, faite de son vivant.

Ci-gît un prélat honoré Qui porta la barbe prolixe,

De couleur de vermeil doré, Brillant comme une étoile fixe. Prêchant sur un enterrement

Il sermonna si longuement, Qu’il en trépassa de détresse,

Non sans laisser un savoir mon (a) Laquelle de ces deux choses est-ce Qui fut plus longue en son espèce,

De sa barbe ou de son saint Vinon? (T.)

(a) Savoir-mon, expression explétive et affirmative, qu’on rencontra dans Desperriers, Rabelais, et autres vieux écrivains.

écriroit une rétractation. Cette rétractation fut imprimée ; mais elle étoit si obscure, qu’on ne savoit ce que c’étoit, et il eût pu se vanter, s’il eût voulu.de ne s’être point rétracté. Le pape, pourtant, s’en contenta. Depuis, il s’avisa mal à propos de se mêler entre Balzac et du Moulin, qui s’écrivirent quelques lettres, et fit je ne sais quel petit écrit intitulé : Avis judicieux. En ce temps-là, il lui vint une vision de faire certaines conférences à Saint-Victor ; il étoit là comme un régent dans sa classe. Il disoit que de prononcer du grec à la garde-robe, cela le lâchoit ; mais que le latin le constipoit.


Une fois que Bois-Robert lui louoit fort la politique du cardinal de Richelieu, il lui dit : « Vous connoissez de plus grands politiques que lui ; vous en voyez. » Bois-Robert eut la malice de feindre toujours, et de ne pas entendre qu’il vouloit qu’on lui dît : « Qui ? vous ? » Et, au lieu de cela, il lui dit :

« Mais que blâmez-vous à sa politique ? —Baillez-le-moi mort, baillez-le-moi mort, répondit-il, et je vous le dirai. »


Une autre fois il entreprit de prouver que Démosthène, Cicéron, et tous les plus grands orateurs de l’antiquité, n’avoient rien entendu à l’éloquence en comparaison de saint Paul, et dit un million de grotesques. Balzac, qui y étoit allé par curiosité, ne put s’empêcher d’en faire des contes, et de là vint la grande querelle. Il voulut faire passer Balzac pour un écolier, et Balzac fit le Barbon, que depuis il a donné lorsque Ménage persécuta tant Montmaur, le grec : c’est pour cela qu’on y

trouve si peu de choses qui conviennent à ce pédant77.


Madame des Loges disoit de l’archevêque de Rouen que c’étoit une bibliothèque renversée ; mais il n’y a rien qui


77 Voyez l’Histoire de Pierre de Montmaur, professeur royal en langue grecque dans l’Université de Paris, par Sallengre. La Haye, 1715, II, 81.

représente mieux l’humeur de cet homme que le sonnet acrostiche de ce fou de Dulot78.


SONNET


Où le poète royal et archiépiscopal Dulot fait bouffonner monseigneur l’archevêque de Rouen dans l’étendue de son acrostiche.


Franc de haine, d’amour, ris, pleurs, espoir et crainte,

Rentrons au cabinet et lisons saint Thomas. Apporte-moi, laquais, de tout ce grand amas, Nicola de Lira, Pline et la Bible sainte.

Certes, le trait est bon, ma chandelle est éteinte. Oh! oh! dedans si peu, vraiment trompé tu m’as. Ici du feu, mes gens, ma robe de Damas.

Six heures ont sonné, disons prime en contrainte.


Dieu ! que j’ai mal au cœur ! qu’on m’apporte du vin.

Entre ce qu’aujourd’hui j’ai lu de plus divin,


Hilaire de Poitiers m’a ravi par sa plume,

Aristote est là faux : voyez, ce papillon

Rouant79 à nos flambeaux comme c’est sa coutume,

Le trait est excellent ! avalons ce bouillon. Apprête les chevaux, cocher. Le beau volume ! Irenée est charmant ; retournons à Gaillon.


78 Dulot, inventeur des bouts-ritnés n’est guère connu que par le poème de Sarrasin, intitulé : Dulot vaincu, ou la Défaite des bouts-rimés, badinage très-ingénieux.

79 Rouer, tourner, de rotare. (Nicot, Trésor de la langue françoise.)

II y avoit pourtant du bon en ce myrifique prélat: il étoit bon homme, franc et sincère; mais jamais il n’eut un grain de cervelle.


Une fois qu’il fit quelque entrée à Dieppe, le ministre du lieu le harangua et lui plut extrêmement. Quand cet homme eut achevé : « Voilà, dit-il, en se tournant vers les ecclésiastiques qui le suivoient, voilà haranguer cela ; » et se mit à leur remarquer toutes les parties de l’oraison : « voilà haranguer, cela, et non pas vous autres, qui manquez en ceci, en cela, et qui ne pensez qu’à la bonne chère. » Il ne la faisoit pourtant pas mauvaise, la chère, à Gaillon. Il avoit toutes ses heures réglées pour ses occupations sérieuses et pour ses divertissements. Il recevoit des nouvelles de tous les endroits de l’Europe. Il avoit musique, et n’étoit jamais sans quelques gens de lettres.


Sur la fin, il se laissoit si fort gouverner à je ne sais quelle femme qui étoit sa ménagère, qu’il commençoit à s’incommoder, et elle à s’accommoder très-fort. Enfin, on le fit résoudre à donner son archevêché à son neveu Chanvallon, qui étoit déjà son coadjuteur ; il le fit, et mourut bientôt après. Son successeur ne lui en doit guère pour l’éloquence80. Patru, qui a entendu prêcher l’oncle, dit qu’il n’admire qu’une chose en lui, c’est comme il peut retenir par cœur tout ce qu’il dit, car il n’y a ni pieds ni tête à son discours, et il récite tout cela avec une insolence qui n’est pas imaginable. Il avoit écrit sur la porte de Gaillon : Legem non observabo, sed adimplebo81. On ajouta


80 Harlay de Chanvallon, archevêque de Rouen, devint archevêque de Paris en 1671. Il mourut en 1695.

81 « Je n’observerai pas la loi mais je la la satisferai ». L’idée est théologique : le chrétien à la suite du Christ n’est pas l’esclave servile de la

loi, mais il réalise et accomplit l’esprit de la Loi divine (littéralement : il la remplit). Mais une main malicieuse remplaça « la loi » par « Coullardin ».

Couillardin ; il concubinoit alors avec mademoiselle Couillardin.

Annexe 14

Sur le bailli Nicolas de Bautru (1624)

Jacques de Lescornay rend d’assidus hommages à un certain personnage qui en 1624 vient d’être nommé gouverneur de Dourdan, et dont il ne cesse de vanter la charité, la vivacité d’esprit et le plaisir qu’il a d’assister les affligés à tel point qu’on l’appellerait déjà « l’avocat des pauvres ». Il précise seulement qu’il était antérieurement l’un des maîtres d’hôtel du roi.


Joseph Guyot ne nous en apprend guère davantage et dit même par erreur qu’il serait mort plus tard « lors du passage du Rhin », en quoi il le confond visiblement avec son fils et homonyme, comme nous allons le voir.


Guyot nous apprend que Bautru avait fait couper des arbres comme il apparaît lors d’une enquête de 1665 :


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À la Fresnaye, tous les grands arbres sont coupés. C’est M. de Bautru qui les a fait prendre, « pour le feu des cheminées du chasteau, pour la conservation des meubles. » Or, personne n’ose ajouter que le brave gouverneur a commencé par faire disparaître lesdits meubles jusqu’au dernier. (p. 135)


Sur cette dernière affirmation, Joseph Guyot revient en parlant de la nomination d’un nouveau bailli en 1661, dont le lieutenant se trouve être Jean de Lescornay, que Guyot identifie au frère de notre Jacques de Lescornay :


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De Bautru avait obtenu du comte de Montbazon ce titre de

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gouverneur à la condition que la charge reviendrait après lui aux Montbazon. La condition fut remplie : par provision royale du 26 septembre 1661, Louis de Rohan, prince de Guéménée, duc de Montbazon, pair et grand veneur de France, fut nommé capitaine et gouverneur de Dourdan et prêta son serment ; mais satisfait du titre il « donna au sieur Jean de Lescornay, écuyer, seigneur de Fortin82, conseiller, maistre d’hostel ordinaire du Roy, commissaire ordinaire de ses guerres et capitaine de ses chasses et plaisirs dans l’étendue du présidial de Saint-Pierre-le-Moutier, cause de sa fidélité et de ses services, la lieutenance ès dites capitainerie et gouvernement de la ville, chasteau et comté de Dourdan, pour l’y représenter et agir comme s’il était présent, vacquer à la garde, défense et tuition desdits ville, chasteau et comté, et pour avoir plus de moyens de s’en bien acquitter, tous les fruits, profits, émoluments, gages, droits, prérogatives, priviléges y attachés83. »

Les comptes de l’ordinaire pour l’année 1646 nous apprennent qu’en fait de profits, Monsieur de Bautru avait, comme gouverneur, une gratification de 25 livres et 30 cordes de bois de la forêt. Le prince de Guéménée prend soin de se réserver le bois. Nous ignorons quel pouvait être le grand bénéfice du sieur de Lescornay. Le logement dans le château, presque abandonné alors, n’avait guère de quoi le séduire ; désirant toutefois en prendre possession, il eut soin de demander au bailli un procès-verbal de l’état des lieux,

« pour ne répondre que de ce qui s’y sera trouvé. » L’état des meubles ne fut pas long à faire, Monsieur de Bautru avait emporté jusqu’au dernier. (p.158)


Nous reproduisons ci-après une généalogie des Bautru que l’on trouve dans le Mercure François de janvier 175884 à l’occasion du décès de la dernière porteuse de ce nom :


82 Le frère de l’historien (note de Guyot).

83 Archives de la mairie. — Fonds Roger (note de Guyot).

84 Pages 197-199.

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Le 23 octobre 1757, Henriette-Émilie de Bautru, comtesse de Nogent-le-Roi, femme de Louis, marquis de Melun, comte de Nogent-le-Roi, seigneur cle la Mothe-Saint-Androny, mourut à Paris, âgée de 48 ans 7 mois 6 jours, étant née le 21 mars 1709. Elle étoit fille unique et héritiere de Louis-Armand de Bautru, comte de Nogent-le-Roi en Beausse, lieutenant général des armées du roi, et de la basse-Auvergne, chevalier de l'ordre royal et militaire de saint Louis, mort d’apoplexie aux Eaux de Bourbon-l’Archambaut, le 6 juin 1736, et de Marie-Julie Julistanne, fille du Pacha de Neuhausel, en Hongrie ; elle avoit pour bisayeul Nicolas de Bautru, comte de Nogent-le-Roi, marquis du Tremblay, capitaine des gardes de la porte du roi, gouverneur de Dourdan, conseiller du roi en ses conseils d’État et privé, mort le 10 septembre 1661, laissant de son mariage avec Marie Coullon, entr’autres enfans, 1°. Armand de Bautru, qui suit ; 2°. Nicolas de Bautru, marquis de Vaubrun et du Tremblay, lieutenant général des armées du roi, gouverneur de Philippeville, tué le premier août 1675, au combat d’Altenheim sur le Rhin, commandant alors en chef l’armée du Roi , laissant de son mariage avec Marguerite-Thérese de Bautru-Vaubrun, sa niece, à la mode de Bretagne, fille du Comte de Serrant, en Anjou ; Guillaume- Nicolas de Bautru-Vaubrun, abbé de Cormery |198 et de S. Georges sur Loire, lecteur de la chambre du Roi, mort en 1746, âgé de 35 ans, et Magdeleine-Diane de Bautru-Vaubrun, veuve de François Annibal, duc d’Estrées, pair de France, chevalier des ordres du roi, gouverneur de l’Isle de France, morte à Paris au mois de février 1753, âgée de 85 ans ; 3°. Louis de Bautru, marquis de Nogent, mestre de camp d’un régiment de cavalerie, gouverneur de Sommiere, mort sans enfans.

Armand de Bautru, comte de Nogent, maréchal des camps et armées du roi, lieutenant général de la basse-Auvergne, capitaine des gardes de la porte, et maître de la garderobe du roi, ayeul de la marquise de Melun, derniere du nom de Bautru, qui donne lieu à cette article, fut tué au passage du Rhin près du fort de Tolhuis, le

12. juin 1672. Il avoit épousé le 28 avril 1663, Diane-Charlotte de Caumont-Lauzon, fille d'honneur de la reine, mere du roi, sœur du duc de Lauzun, et fille de Gabriel, non pas de Caumont, comte de

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Lauzun, et de Charlotte de Caumont-la Force. Elle mourut le 4 novembre 1710, ayant eu de son mariage Louis-Armand de Bautru, comte de Nogent, pere de la marguise de Melun ; Louis-Nicolas de Bautru-Nogent, ancien capitaine des vaisseaux du roi, chevalier de l’ordre de S. Lazare, mort sans être marié le 3 septembre 1736 ; Louiſe-Thérese-Diane de Bautru-Nogent, femme de Blaize, comte d’Aydie, morte le 6 février 1732 ; Marie-Antonine de Bautri- Nogent, morte en 1742, femme de Charles-Armand de Gontault, duc de Biron, pair de France, chevalier des ordres du roi, gouverneur de Landeau, mort en juillet 1756, doyen des maréchaux de France, âgé de |199 93 ans, père de Jean-Louis de Gontault, duc de Biron, pair de France, abbé de Moissac et de Cadouin ; de Louis-Antoine de Gontault, duc de Biron, pair et maréchal de France, chevalier des ordres du roi, gouverneur de Landrecis, colonel du régiment des gardes françoises, et de Charles-Armand, marquis de Gontault, lieutenant général des armées du roi et de la province de Languedoc, chevalier des ordres du Roi, gouverneur de Landeau ; de madame la comtesse du Roure, et de madame la marquise de Seignelais, actuellement vivante.


On voit que Joseph Guyot a confondu notre Nicolas « mort le 10 septembre 1661 » (ce qui explique entre parenthèses la date des provisions de son successeur donnée par Guyot : « du 26 septembre 1661 »), avec son fils et homonyme « tué le premier août 1675, au combat d’Altenheim sur le Rhin ».


À cette intéressante nécrologie du Mercure François il faut ajouter l’article que le Dictionnaire de la noblesse de La Chesnay-Desbois85 a consacré à cette famille, et qui lui est complémentaire.


85 François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois (1699-1783) et Jacques Badier, Dictionnaire de la noblesse contenant les généalogies,

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BAUTRU, famille originaire d'Anjou, qui a produit des personnages recommandables, tant par leur esprit que par leurs services rendus à l'Etat.

NICOLAS BAUTRU, Capitaine des Gardes-de-la-Porte, obtint que Nogent-le-Roi fut érigé en Comté, par Lettres du mois d'Août 1636, enregistrées au Parlementes en la Chambre des Comptes, les 3, 7 et 23 Décembre 1636. Il obtint aussi que la Seigneurie de Tremblai fut érigée en Marquisat par Lettres du mois de Juin 1655, enregistrées le 14 Avril 1657. II fut père de :

ARMAND DE BAUTRU, Comte de Nogent, tué, en 1672, au passage du Rhin, laissant de Diane-Charlotte de Caumont-Lauzun :

Louis-ARMAND, qui suit ;

Et MARIE-ANTOINETTE DE BAUTRU, morte le 4 Août 1742.

Elle avoit épousé, le 12 Août 1686, Charles-Armand Gontaut-de- Biron, mort Doyen des Maréchaux de France.

LOUIS-ARMAND DE BAUTRU, Comte de Nogent, Seigneur d'Ormoy, Vacheresse, Ruffin, etc. Lieutenant-Général des Armées du Roi. II avoit été fait successivement Mestre-de-Camp du Régiment de Dragons du Roi, en 1693, Brigadier le 8 Octobre 1696, Lieutenant-Général de la Basse-Auvergne au mois d'Août 1700, Maréchal-de-Camp le 23 Décembre 1702. II avoit servi, en 1703, au siège de Brizac, sous les Ordres du Duc de Bourgogne, |590 et s'étoit trouvé, le 15 Novembre 1703, à la bataille de Spire, où il s'étoit distingué à la tête du Régiment-Dragons du Roi. II se trouva le 11 Août 1705 à la bataille d'Hochstett, et fut Lieutenant-Général le 26 Octobre 1706. II mourut le 7 Juin 1736, âgé de 68 ans, laissant :

HENRIETTE-EMILIE, morte le 27 Octobre 1757. Elle avoit épousé, par contrat du 14 Avril 1743, Louis, Marquis de Melun, avec lequel elle a vendu le Comté de Nogent au Duc d'Ayen, aujourd'hui Duc de Noailles, pour joindre à la Terre de Maintenon.

De la même famille étoit GUILLAUME DE BAUTRU, Comte de


l'histoire et la chronologie des familles nobles de France (3e édition, 19 volumes), tome 2, Paris, Schlesinger frères, 1863-1876, tome 2 (1863), pp.

579-580.

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Serrant, Conseiller d'Etat ordinaire, Introducteur des Ambassadeurs, Ambassadeur vers l'Archiduchesse en Flandres, et Envoyé du Roi en Espagne, en Angleterre et en Savoie. C'étoit un des beaux esprits de son siècle. II eut de Marthe Bigot :

GUILLAUME DE BAUTRU, IIIe du nom, Comte de Serrant, Chancelier de PHILIPPE, fils de France, Duc d'Orléans, mort en 1711, âgé de 93 ans, qui n'a laissé que des filles. Voyez Moréri.

Les armes : d'azur, au chevron, accompagné en chef de deux roses, et en pointe d'une tête de loup arrachée, le tout d'argent.


*

Quant à l’amitié admirable qui régnait en 1624 à Dourdan entre l’avocat du roi Jacques de Lescornay et le nouveau bailli Nicolas de Bautru, il nous faut noter qu’elle ne dura pas indéfiniment ; car la Bibliothèque nationale de France conserve un factum qui atteste de l’existence d’un procès entre eux, qui avait cours au moins en l’année 1645 :

Sommaire du procès d’entre Me Jacques de Lescornay, avocat en la cour, appelant d’une sentence des Requêtes du Palais, du

3 août 1645,... contre messire Nicolas de Bautru, comte de Nogent-le-Roi.

DOSSIER DE DOCUMENTS SUR JACQUES DE L’ESCORNAY

ANNEXES 15-24


  1. Généalogie de ses collatéraux les Garrault


  2. Les Delescornay selon Joseph Guyot


  3. Cahier de doléances, par Mathieu de Lescornay (1560)


  4. Blason des Lescornay


  5. Jacques de Lescornay héritier de sa mère (1629)


  6. Jacques de Lescornay avocat du roi (1639)


  7. Fonctions de Delescornay à Dourdan en 1646


  8. Trace du décès de Jacques de Lescornay (1660)


  9. Quelques appréciations sur Delescornay


  10. Bibliographie

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Annexe 15

Jacques de Lescornay : Généalogie de ses collatéraux Garrault


Nous rééditons ici la généalogie d’une partie des collatéraux Jacques de Lescornay, celle des descendants de Thibault Garrault.

C’est Jacques de Lescornay lui-même qui l’a publiée, à une date difficile à préciser, mais sans doute antérieure à 1713, concentrée sur un seul folio dont nous donnons ci-contre un fac-similé.

Pour transposer cette généalogie au format du BHASE nous avons affecté un numéro à chacune des personnes mentionnées de 01 à 200, en les répartissant en sept générations.

B.G., 2016


*


A Messieurs de la famille des Garrault.


Messieurs,


Puis que le nombre et les dignitez des Enfans sont la marque de la vertu des Peres ; et puis que la vertu des Père est le fondement de la Noblesse des Enfans ; je n’ay pû mieux faire pour honorer la mémoire de Thibault Garrault lon quatriesme Ayeul ; et pour vous rendre des tesmoignages de mon affection à vostre service, que de rechercher ceste Genealogie : car faisant voir en quelle quantité, et en quels dregrez d’honneur vous estes, on jugera sans difficulté, que celuy duquel vous estes issus n’a pas esté fort esloigné de la perfection, puis qu’il a tant merité de benedictions en sa Posterité ; et faisant voir par vous mesmes quelle a esté la vertu de vostre grand Ayeul, on ne

pourra douter de la verité, et de l’anciennenté de vostre Noblesse, ny consequemment de la bonté de vos actions. Il est vray que pour mieux executer ce dessein, il eust fallu faire une description generale de toute la F amille, mais la multitude presque infinie qui s’y trouve m’a empesché, et m’a contraint de me contenter de ceux qui dans Paris sont en Offices et charges, qui les rendent recommandables, pource qu’ils sont en assez grand nombre pour favoriser mon entreprise. Seulement à l’exemple des Peintres qui se crayonnent le plus souvent dans quelque coin de leurs plus grands ouvrages, j’ay osé me placer avec mes freres dans cestuy-cy, sans toutes fois me vouloir glorifier d’aucun autre tiltre, que de celuy de


Vostre tres-humble serviteur

Delescornay Advocat.


*


L’affluence des personnages de qualité qui ont deub avoir place dans ceste Genealogie, ont obligé l’Imprimeur à abreger tant qu’il a pû : c’est pourquoy lors qu’on y verra qu’elqu’un qualifié, President, Conseiller, ou Advocat, il faudra souz- entendre au Parlement de Paris. Et lors qu’aux autres qualitez le nom de lieu ne sera point exprimé, il faudra pareillement souz-entendre Paris.


*

[Première génération]


[01] Thibault Garrault, sieur du Luet, et qualifié Maire de Sully, à cause d’un fief qu’il possedoit, nommé la Mairie de Sully, vivoit en l’an 1454. Jeanne Maillau sa femme, fille de Richard Maillau, et d’Aleps sa femme, gens riches, et bourgeois de Sully, qui vivoient en l’an 1409. [Enfants : 02.03.04.05]


[Deuxième génération]


[02] Thibault Garrault, Maire de Sully, demeurant à Orleans, et Anne Roillart sa femme, sœur d’Anthoine Roillard, Prevost d’Orleans vivoient en l’an 1502. [Enfants : 06.07.08.09.10.11]

[03] Marion [Garrault], femme de Jean Durant, demeurant à Orleans, fils de Jean Durant, Prevost de Sully, vivoit en l’an 1485. [Enfant : 12]

[04] [05] Il y a encores eu 2. enfans.


[Troisième génération]


[06] Thibault Garrault, Maire de Sully, demeurant à Orleans. Jacquette Turpin sa femme. [Enfants : 13.14.15.16.17.18.19.20] [07] Jean [Garrault] sieur de la Canté, demeurant à Orleans,

Anne Paris sa femme. [Enfants : 21.22.23]

[08] François [Garrault] demeurant à Paris, Marie Gobelin sa femme. [Enfants : 24.25.26.27.28.29]

[09] Christophle [Garrault], abbé de la Plice.

[10] Jeanne [Garrault], femme de Jacques Groslot, Conseiller au grand Conseil et Chancelier d’Alençon. [Enfants : 30.31]

[11] Anne [Garrault], femme d’Aignan Luillier, demeurant à Orleans. [Enfants : 32.33.34.35.36.37]

[12] François Durant, sieur du Boignon, demeurant à Orleans, Jeanne de la Saussaye sa femme. [Enfants : 38.39.40.41.42. 43.44]

[Quatrième génération]


[13] Claude Garrault, Tresorier de l’Espargne, Loise Moreau sa femme.

[14] Jean [Garrault], sieur de Villaumoy, Conseiller, a laissé

5. Enfants habituez à Orleans et és environs de Dreux. [Enfants : 46.47.48.49.50]

[15] Anne [Garrault], femme de Jacques Bourdineau, sieur de Baronville, demeurant à Orleans. [Enfants : 51.52]

[16] [17] [18] [19] [20] Il y a encores eu 5. enfans

[21] Anne Garault femme d’Estienne Petau. [Enfants : 53.54] [22] Jacqueline [Garrault], femme de Pierre Stample, sieur de

Villarçon. [Enfants : 55.56.57.58.59]

[23] Radegonde [Garrault], femme de Louis Phelypeaux, sieur de Vrilliere, Conseiller à Blois. [Enfants : 60.61.62.63.64. 65.66]

[24] Hierosme Garrault, Tresorier de l’Extraordinaire des Guerres, Catherine Barthelemy sa femme. [Enfants : 67.68]

[25] Catherine [Garrault], femme de Jacques Vivien, demeurant à Paris. [Enfants : 69.70.71.72]

[26] Gillette [Garrault], femme de François Belot, demeurant à Paris. [Enfants : 73.74]

[27] [28] [29] Il y a encores eu 3. enfans.

[30] Henry Groslot Conseiller au grand Conseil, Anne de Lautier, sa femme. [Enfants : 75.76]

[31] Il y a encores eu 1. fils.

[32] François Luillier, demeurant à Paris, Marguerite Perrot sa femme. [Enfants : 77.78.79.80.81.82.83.84]

[33] [34] [35] [36] [37] Il y a encores eu 5. enfans.

[38] François Durant, demeurant à Orleans, Marguerite Compan sa femme. [Enfant : 85]

[39] Michel [Durant], sieur de Malmusse, demeurant à Orleans, Jacqueline Petau sa femme. [Enfant : 86.87.88]

[40] Jean [Durant], Advocat, Marie Lecoigneux sa femme. [Enfant : 89]

[41] Jeanne [Durant], femme de François Colas, sieur Deffranc, Grenetier à Orleans. [Enfants : 90.91.92.93.94. 95.96.97]

[42] [43] [44] Il y a encores eu 3. enfans. dont les descendans sont dans les principales dignitez d’Orleans.


[Cinquième génération]


[45] Claude Garrault, sieur de Bellassise, Conseiller, Chalotte le Clrec sa femme. [Enfant : 98]

[46] [47] [48] [49] [50] [5. enfants habituez à Orleans et és environs de Dreux.]

[51] Anne Bourdineau, femme de Germain Rebours, Prevost d’Orleans. [Enfants : 99.100.101]

[52] Marie [Bourdineau], femme de Mr de Vic, Garde des Sceaux de France. [Enfants : 102.103.104.105.106.107.108]

[53] Hierosme Petau, Françoise Hanapier sa femme. [Enfants : 109.110.111.112.113.114.115.116]

[54] Anne [Petau], femme de Jean Bauduin. [Enfants : 117.118.119]

[55] Anne Stample, femme de Jacques Deschamps. [Enfants : 120.121.122]

[56] [57] [58] [59] Il a encores eu 4. enfans.

[60] Reimond Phelypeaux, Secretaire d’Estat, Claude Gobelin sa femme. [Enfants : 123.124.125.126.127.128.129]

[61] Salomon [Phelypeaux], Maistre des Comptes.

[62] Jacob [Phelypeaux], Abbé de Bourgmoyen, Conseiller Clerc.

[63] Paul [Phelypeaux], sieur de Pont Chartrain, Secretaire d’Estat, Anne de Beauharnois sa femme. [Enfants : 130.131.132.133]

[64] Jean [Phelypeaux], sieur de Villesavin, Conseiller d’Estat, Anne Blondeau sa femme. [Enfant : 134]

[65] Marguerite [Phelypeaux], femme de Daniel de Launay, Tresorier de France. [Enfant : 135]

[66] Susanne [Phelypeaux], femme de Paul Ardier, Tresorier de l’Espargne. [Enfants : 136.137.138.139.140.141.142]

[67] Jacques Garrault, sieur de Bucan, Conroleur General de l’extraodinaire.

[68] Catherine [Garrault], femme de Claude de Kerkifinem, Conseiller. [Enfant : 143]

[69] Magdelaine Vivien, femme de Jean Dubois, et en 2. nopce de Jean Galand. [Enfants : 144 (1er lit) ; 145 (2e lit)]

[70] Anne [Vivien], femme d’Anthoine le Fevre, Greffier au Bureau des Finances. [Enfants : 146.147.148]

[71] [72] Il y a encores eu 2. enfans.

[73] François Belot, Tresorier Provincial en Guienne, Isabel Vigor sa femme. [Enfant : 149]

[74] Catherine [Belot], femme de Sebastien Hardy, Receveur des Tailles du Mans. [Enfants : 150.151.152.153.154.155.156]

[75] Diane Groslot, femme de Georges de Selve, et en 2. Nopce de Pierre de Signac. [Enfants : 157.158.159.160.161]

[76] Jacques [Groslot] sieur de Chambaudouin, Conseiller au grand Conseil, Anne Vetus sa femme.

[77] François Luillier, sieur d’Interville, Conseiller d’Estat, Anne Brachet sa 1. femme, Anne Le Prestre la 2. [Enfant : 162.163.164.165.166.167 (1er lit) ; 168 (2e lit)]

[78] Hierosme [Luillier], Maistre des Comptes, Isable Dreux sa femme. [Enfants : 169.170.171]

[79] [80] [81] [82] [83] [84] Il y a encores eu 6. enfans.

[85] Marguerite Durant, femme de Jean Acarie, Correcteur des Comptes. [Enfants : 172.173.174.175]

[86] Jacqueline Durant, femme de Jean Delescornay, sieur du Mont. [Enfants : 176.177.178]

[87] [88] Il y a encores eu 2. enfans.

[89] Gilles Durant, Lieutenant general à la Table de Marbre, Marie Liedet sa femme. [Enfants : 179.180]

[90] Gilles Colas, sieur de Senneville, Maistre des Requestes, Marie Chambon sa femme. [Enfant : 181]

[91] François [Colas], sieur Deffrans, Marie Paumier sa femme. [Enfants : 182.183.184.185.186.187]

[92] [93] [94] [95] [96] [97] Il y a encores eu 6. enfans, dont les descendans tiennent les premiers rangs dans Orleans.


[Sixième génération]


[98] Charlotte Garrault, femme de M. de Castille, President aux Requestes.

[99] Germain Rebours, Procureur general au grand Conseil. [100] François [Rebours], sieur de la Leu, Escuyer de la R. M. [101] Marie [Rebours], femme de Joachim Marchant sieur du

Mée, Controleur General des Guerres. [Enfant : 188] [102] Dominique de Vic, Archevesque d’Auxerre.

[103] Gedeon [de Vic], Cornette des chevau-Legers du Roy. [104] Diane Claire [de Vic], femme en 1. nopce de M. Gamin,

Conseiller et en 2. de M. Sevin, aussi Conseiller. [Enfants : 189.190.191]

[105] Mery [de Vic], Comte de Fiennes.

[106] Charles [de Vic], sieur de More, Abbé de la Nouvelle. [107] Charlotte [de Vic], femme du Baron de Bligny.

[108] Denise [de Vic], femme du sieur de Courcelles. [109] Denys Petau, Jesuite.

[110] [111] [112] [113] [114] [115] [116] Il y a encores et 7.

enfans, recommandables par leur merite.

[117] Pierre Bauduin, Controleur des Decimes à Clermont. [118] André Bauduin, Conseiller au Parlement de Metz. [119] Il y a encore eu une fille.

[120] Elisabeth Deschamps, femme d’Abel Brunier, premier Medecin de Monsieur Frere du Roy.

[121] Anne [Deschamps], femme de Gaspard Masclary, Secretaire du Roy.

[122] Jeanne [Deschamps], femme de Jacques du Vidal, Controleur General des Gabelles en Languedoc.

[123] Baltazard Phelypeaux, sieur d’Herbault.

[124] Lois [Phelypeaux], sieur de la Vrilliere, Secretaire d’Estat.

[125] Anthoine [Phelypeaux], sieur de la Vrilliere, Secretaire d’Estat.

[126] Anne [Phelypeaux], femme du Comte de Palluau. [127] Claude [Phelypeaux], femme du Marquis du Sel. [128] Marie [Phelypeaux], femme du Comte de Bury.

[129] Isabel [Phelypeaux], femme du Marquis de Humieres. [130] Marie Phelypeaux, femme de Monsieur Mangot, sieur

de Villarceau, Maistre des Requestes.

[131] Claude [Phelypeaux], femme de Monsieur de Hodic, President aux Enquestes.

[132] Louis [Phelypeaux], Conseiller. [133] Charlotte [Phelypeaux].

[134] Anne Phelypeaux, feme de Monsieur Boutillier, Chancelier de Monsieur Frere du Roy et Secretaire d’Estat.

[135] Marguerite de Launay, femme de Monsieur Magdelaine, Conseiller. [Enfant : 192]

[136] Paul Ardier, President des Comptes.

[137] Anne [Ardier], femme de Gaspard Fieubet, Tresorier de l’Espargne.

[138] Suzanne [Ardier], femme de M. des Hameaux, Premier President en la Cour des Aydes de Rouen.

[139] Izabel [Ardier], femme de Monsieur Gobelin, Maistre des Requestes.

[140] Henry [Ardier], Conseiller à Rouen. [141] Reimond [Ardier], Conseiller à Tholose. [142] Louis [Ardier], Secretaire du Roy.

[143] Magdelaine de Kerkifinem, femme de Monsieur Barentin, Maistre des Comptes.

[144] Marie du Bois, femme de Guillaume Tarteron, Secretaire du Roy. [Enfants : 193.194]

[145] Claude Galland, Auditeur des Comptes. [146] Antoine le Febvre, Conseiller aux Requestes. [147] François [le Febvre], Auditeur des Comptes.

[148] Elizabet [le Febvre], femme de Jean Picot, Receveur general des Finances à Moulins. [Enfants : 195.196]

[149] François Belot, Conseiller de la Cour des Aydes en Guyenne.

[150] Claude Hardy, Conseiller au Chastelet.

[151] [152] [153] [154] [155] [156] Il y a encores eu 6.

enfans.

[157] Jean de Selve, sieur de Cromiere, Maistre d’Hostel du Roy.

[158] [159] [160] [161] Il y a encores eu plusieurs enfans du

2. lict.

[162] François Luillier, sieur d’Interville, Conseiller au grand Conseil.

[163] Anne [Luillier], femme de Monsieur Tambonneau, President des Comptes. [Enfants : 197.198]

[164] Jacques [Luillier], sieur du Coudray. [165] Heleine [Luillier], religieuse.

[166] Marie [Luillier], femme de M. Marcel, Maistre des Requestes. [Enfant : 199]

[167] Jeanne [Luillier], femme de Monsieur d’Aligre, Conseiller d’Estat.

[168] Jean [Luillier], Conseiller au Grand Conseil.

[169] Isabel Luillier, femme de Monsieur Moreau, Lieutenant Civil.

[170] Magdelaine [Luillier], femme de M. de Champigny, Maistre des Requestes.

[171] François [Luillier], Maistre des Comptes.

[172] Marie Acarie, femme de Claude le Ragois, sieur de Bretonvilliers, Secretaire du Conseil. [Enfant : 200]

[173] [174] [175] Il y a encores eu 3. enfants.

[176] Jacques de Lescornay, Advocat86.

[177] Claude [de Lescornay], President en l’Eslection de Dourdan.

[178] Jean [de Lescornay], Commissaire des Guerres. [179] Anthoine Durant, Secretaire du Roy.

[180] Marie [Durant], femme de Nicolas de Flexelles, Controlleur General des Finances à Rouën.

[181] Regnault Colas, sieur de Senneville, Conseiller.

[182] François Colas, sieur de Marolles, Auditeur des Comptes.

[183] Jeanne [Colas], femme de Monsieur de Chanvalins, Conseiller au grand Conseil.

[184] [185] [186] [187] Il y a encores eu 4. enfans.


[Septième génération]


[188] Jean Bertand Marchant, sieur du Mée, Conseiller à Metz.

[189] Henry Gamin, Conseiller.

[190] Denise [Gamin], femme de Monsieur le Fevre, Conseiller.

[191] Isabel [Gamin], femme de Monsieur Lotin, Conseiller. [192] Marguerite Magdelaine, femme de Monsieur le Coq,

Conseiller.

[193] Hierosme Tarteron, Auditeur des Comptes.

[194] Marguerite [Tarteron], femme de Martin Pigay, Secretaire du Roy.

[195] Marguerite Picot, femme de M. Pinon, Conseiller.


86 Il faut remarquer que Jacques de Lescornay a été avocat du roi à dater de 1612 environ, ce qui permet de dater cette généalogie d’avant cette date.

[196] Suzanne [Picot], femme de Monsieur Hardy, Maistre des Comptes.

[197] Hierosme Tanbonneau, President des Comptes. [198] François [Tanbonneau], Conseiller.

[199] Marie Marcel, femme de Monsieur de Vautorte, Advocat general au grand Conseil.

[200] Claude le Ragois, Conseiller.

Annexe 16

Les Delescornay selon Joseph Guyot

Nous réunissons ici différents passages où Joseph Guyot parle de membres de la famille Delescornay dans sa Chronique de Dourdan (1869).


*

Le 12 novembre 1560, par une lettre datée d’Orléans, le jeune roi François II fait savoir à son amé et féal le bailli de Dourdan que, changeant la résolution qu’il lui avait fait antérieurement connaître, de rassembler, le 10 décembre, les États-généraux à Meaux, il venait de décider que ces États se rassembleraient à Orléans, ville plus commode et mieux approvisionnée pour ce grand concours. Dourdan possède la lettre originale de cette convocation, qui porte la longue et mince signature du pauvre roi de seize ans. Ce n’est pas lui qui devait présider les orageux débats auxquels il invitait. Vingt-cinq jours plus tard, le 5 décembre, il mourait après quelques mois de règne, et on voyait paraître aux États d’Orléans, tenus du 13 décembre au 31 janvier, Charles IX, son frère, un roi de dix ans. Or, à Dourdan, le 5 décembre, à l’heure même où expirait François, se réunissaient, en vertu de la missive royale, les trois états du bailliage. Comme représentants étaient élus : pour l’état d’Église, discrète personne messire Robert Donde, vicaire de la paroisse Saint-Germain ; pour l’état de noblesse, Ollivier Dugueregnard ; et pour le tiers-état, noble personne Michel de Lescornay, sommelier-bouche de la reine-mère et bourgeois de Dourdan, tous trois chargés de présenter au roi les doléances dudit bailliage (p. 81).

*

Pendant ce temps, la Dame de Dourdan était toujours la veuve de François de Lorraine, duc de Guise, Anne d’Este, remariée depuis 1566 à Jacques de Savoie, duc de Genevois, et de Nemours. Pour bailli et pour gouverneur, Dourdan avait le brave général de 1567, M. de Bonnelle. Nous avons trouvé une lettre fort amicale que lui adressait Anne d’Este, le 6 mars 1570, pour affaire d’administration : « Je veux vous avertir, lui dit-elle, que j’ai permis à Jehan de Lescornay, officier de la reine-mère, de faire paistre quatre vaches dans la forest de Dourdan, aux allées des gardes de ladite forest, pour le désir que j’ai de luy faire plaisir en aultre plus grande chose que cela, et je vous prie de tenir la main que, sous ombre de cette permission, il ne soit fait par d’aultres aucuns dégâts en icelle forest, laquelle je vous recommande ; et pour l’assurance que j’ai que nos affaires vous sont en si bonne souvenance, il me semble n’êstre besoing de vous en faire plus ample persuasion. Votre meilleure amie, Anne d’Este. »


Quelques mots, si le lecteur le veut bien, sur les de Lescornay, qui paraissent, à cette époque, jouir à Dourdan de beaucoup de considération et d’influence. Dans une histoire locale, le souvenir des familles importantes du pays trouve naturellement sa place.


Noble homme Toussaincts de Lescornay, marié à noble femme Jehanne de Malicorne, figure au nombre des écuyers et des officiers de la reine Anne de Bretagne. Leur fils, Michel de Lescornay, attaché comme écuyer et sommelier de panneterie bouche, à mesdames la Dauphine et Marguerite de France, est qualifié natif et demeurant à Dourdan, dans son contrat de mariage avec Pasquette Léomont, fille d’honorable homme

Mathurin Léomont, sieur du Mont (paroisse d’Aunay) et bourgeois d’Orléans. À ce contrat (13 juin 1538) sont assistants et consentants, du côté du mari, son cousin honorable et sage personne maître Giles Lucas, procureur du roi en tous les sièges royaux de Dourdan ; du côté de la femme, ses frères, maître Guy Léomont, avocat, licencié ès-lois, et Laurent Léomont, marchand, tous deux demeurant à Dourdan, avec son beau- frère, maître Jehan Triffouillet, procureur fiscal audit lieu, dont une rue de Dourdan porte encore aujourd’hui le nom.


Par lettres du 9 août 1543, Michel de Lescornay est exempté de tout subside pour la clôture et fortification de Dourdan, et tout ce qui avait été exigé de lui à cet égard lui est restitué. Nommé sommelier de panneterie de la reine Catherine de Médicis en 1558, c’est Michel que nous avons vu élire pour représenter le tiers-état de Dourdan aux États de 1560. C’est certainement à sa plume intelligente et hardie qu’on doit le cahier des doléances.


Son fils Jehan de Lescornay, sieur du Mont, président en l’élection de Dourdan, reprend, dès 1557, la survivance de l’office de sommelier ordinaire de panneterie de la reine Catherine, et nous avons eu entre les mains bon nombre de certificats revêtus de la masculine signature de l’altière régente, nécessités sans doute par les exigences et les défiances des partis dans ces temps de factions, et attestant que le porteur fait partie des « officiers domestiques et commensaux de la reine, actuellement servant aux gages de 60 écus par an. » C’est lui qui obtient de la duchesse de Nemours la faveur qu’on vient de voir ; nous le retrouverons bientôt à deux époques mémorables de nos annales. (pp. 84-85)


*

On était au dimanche [22 septembre 1587], les soldats étaient las et les chevaux harassés. On laissa les reîtres enterrer leurs morts, et tout le monde revint se reposer à Dourdan. Le duc de Guise assista aux offices et le reste du jour se passa en conseil de guerre. Le château de Dourdan vit ce soir-là réunie dans ses murs une noble et brillante assemblée, la fleur de la jeunesse française et toute cette cour de gentilshommes catholiques serrés autour du duc de Guise comme autour d’un drapeau. Nous savons leurs noms et nous pouvons d’ici décrire les groupes animés qu’ils formaient autour du chef illustre dont ils partageaient ou combattaient alors les audacieux projets.


Nous reconnaissons d’abord aux côtés du duc de Guise, qui ne cesse de l’interroger, notre concitoyen Jehan de Lescornay. Le duc l’a vu souvent chez la reine-mère et est fort heureux de le retrouver ici pour prendre sur la topographie du pays les renseignements d’un habitant intelligent de la contrée. De Lescornay connaît les environs d’Auneau aussi bien que ceux de Dourdan, puisqu’il a sa maison du Mont dans la paroisse d’Aunay. Avec eux est Claude de la Chastre maréchal général de camp, et l’alter ego du duc. (p. 89)


*

Cependant, à Dourdan, l’anxiété était grande ; grande fut la joie, quand, sur le soir du mardi [24 septembre 1587], arriva, comme messager de la victoire, le sieur Jehan de Lescornay, qui s’était tenu, pendant l’action, aux côtés du duc de Guise, et qui venait de sa part, en toute hâte, pour faire chanter un Te Deum. (p. 91)


*

M. de Garantières avait été donné à Dourdan pour gouverneur. La tranquillité se rétablissait, mais les propriétaires qui avaient participé à la résistance étaient toujours plus ou moins en butte, à la défiance du parti nouveau. Dourdan s’était signalé comme ville catholique et éminemment rebelle au gouvernement d’un prince hérétique. Même après l’abjuration de Henri IV (juillet 1593), ce fut une défaveur et un souvenir difficile à faire effacer. Beaucoup de gentilshommes du pays qui avaient été de très-zélés ligueurs durent prendre des lettres d’abolition ; entre autres le lieutenant général du bailliage, le sieur Boudon, qui avait soutenu de tout son pouvoir le capitaine

Jacques87. Bien entendu, au contraire, ceux qui s’étaient abstenus par prudence, ceux surtout qui avaient manifesté des

opinions favorables au prétendant, ne manquèrent pas de s’en faire un mérite et de demander des attestations et des certificats de leur bonne conduite.


Au premier rang, nous trouvons Jehan de Lescornay, sieur du Mont. Dès 1592, comme la guerre civile n’est pas finie et que les représailles de la Ligue sont encore à craindre, il obtient, en considération « de sa fidélité et bons services, » que tous ses biens, sa maison de Dourdan, celle du Gravier près Dourdan, celle du Mont à Aunay, soient mis sous la sauvegarde du roi, avec promesse de n’être inquiété par aucun logement de troupes ni subside de guerre. Aussi Jehan de Lescornay est-il conservé comme président en l’élection de Dourdan, et, pour qu’il ne reste aucun soupçon sur son passé, un certificat en bonne forme lui est délivré le 28 janvier 1593 par M. de Sainte- Colombe, maréchal des logis de M. de Sourdis. Cet officier, qui a pris part au siége de Dourdan atteste que ledit de Lescornay


87 M. P.-V. Roger, lieutenant général au XVIIIe siècle, dit, dans une note qu’il a a laissée, avoir vu ces lettres d’abolition (note de Guyot).

« est et a toujours esté ton serviteur du roi ; » que lui-même l’a vu réfugié, lors du siége, dans le château de Brétencourt, appartenant à M. le chancelier Huraut de Cheverny ; qu’il a même entendu dire au capitaine Jacques, alors qu’il le conduisait en lieu sûr, après sa reddition, que « si de Lescornay tomboit jamais entre ses mains, il le chastiroit bien pour ce que de Lescornay luy avoit touiours esté contraire et que c’estoit ung vray royaliste88.


Ce n’était pas un mince privilége alors d’être exempté des subsides de guerre et des logements de troupes. Pour les habitants, cet impôt était une lourde charge, et, durant les années 1595 et 1596, une de leurs grandes préoccupations paraît avoir été de faire alléger à tout prix le fardeau. » (p. 103)


*

Faisant face à la porte d’Étampes, baignée par le second bras de la rivière et séparée du carrefour par un pont de pierre, apparaît, comme une sorte de petit château, avec ses trois corps de logis et sa haute toiture de tuiles, la maison d’Orgemont. L’empreinte du grand siècle se reconnaît à première vue. Là, en effet, l’historiographe de Louis XIII, notre ami Jacques de Lescornay, s’est fait sur la fin de ses jours une noble demeure, digne de son rang et de la haute position de sa famille. Derrière la maison s’étendent un parterre, un verger et un beau parc correctement tracé suivant le goût du temps, et percé en éventail d’allées bordées de charmilles.


88 Nous avons eu entre les mains les originaux de ces deux pièces, signées l’une Henry, l’autre Saincte-Coulombe, et conservées parmi les papiers de famille de M. Roger.

Sur l’emplacement de la maison que Guillaume Thibault déclarait au terrier de 1537 pour 12 sols parisis de cens, et qu’occupèrent Denis Jonquet et le sieur Abraham-Joseph de Cassenave. — Jacques de Lescornay s’en fait acquéreur par contrat passé devant Claude Michau, 3 février 1680. — Écuyer, sieur du Mont, ancien avocat, conseiller du roi et commissaire directeur général des hôpitaux de l’armée du roi en Allemagne, premier marguillier de la paroisse Saint-Germain (1678), bourgeois de Paris, y demeurant en l’île Notre-Dame, rue et paroisse Saint-Louis (1668), de Lescornay, octogénaire, veut mourir à Dourdan. Son fils, Thomas de Lescornay, son petit- neveu, messire François de Saint-Pol, habitent tour à tour la maison d’Orgemont. Acquise en 1758 par M. Poussepin, elle

passe par héritage à M. Lefort et à ses enfants, M. et Mme Collin, les propriétaires actuels89. — Déclarations censuelles devant Me Héroux. (p.180)


89 Le site internet Topic Topos continue ainsi l’histoire de cette maison :

« Le musée municipal conserve un dessin de la maison d’Orgemont, noble demeure à trois corps de logis, bâtie pour Jacques de Lescornay. (…) En 1901, Léon Lejars achète la demeure, qu’il fait raser afin d’édifier une maison moderne. Il est maire de Dourdan de 1920 à 1923. Bernard Rouillon, son gendre, vend la propriété à la commune en 1981. Après l’ouverture du parc, en 1983, la maison accueille la bibliothèque municipale. (fr.topic-topos.com, page en ligne en 2016)

Annexe 17

Cahier de doléances de 1560 rédigé par Mathieu de Lescornay 90


Extraits du cahier des Doléances pour le Tiers-Etat de Dourdan aux États-Généraux d’Orléans.

— 5 Décembre 1560. —


Quant aux gens de guerre. — Les rois, pour faire cesser les anciennes vexations, ont ordonné aux gens de guerre de payer leurs dépenses ; pour cela on a augmenté les tailles afin de grossir leurs gages et ceux des prévôts des maréchaux, et des receveurs desdites tailles ; or les gens de guerre reviennent à leur ancienne manière et ne paient plus, ou donnent ce qu’ils veulent et contraignent leurs hôtes à certifier qu’ils sont « bien vivans » et paient leurs dépenses. Faute en est aux prévôts des maréchaux qui ont charge et grands gages pour y veiller :

« même un prévost des maréchaux prend sur l’élection de Dourdan la somme de mil ou douze cents livres tournois pour lesquels sans nulz mérites, il fait seullement chevaulchée une ou deux par an audit Dourdan et aux environs pour seullement prendre certifficat de sa dite chevaulchée, et de punitions de malfaicteurs faictes par ledit prévost, n’en est aucune mémoire. »


90 Joseph Guyot, Chronique…, 1869, pp. 417-418 (Pièce XIV), « d’après le manuscrit retrouvé chez M. Roger. ». Guyot précise, page 81, note 3 :

« Ce manuscrit sur parchemin, expédition du temps signée par le greffier Rousselet, est également la propriété de la ville. Il avait été conservé par la famille Roger, qui était alliée aux de Lescornay. »

Quant aux gens de cour. — Tant ceux qui vivent aux champs en l’absence de leurs maîtres gens de cour, que ceux qui suivent le train de la cour, ne paient rien en général à leurs hôtes. « De sorte que le peuple est grandement foullé et travaillé pour les vivres et choses qu’ils prennent sur le peuple et dommages qu’ils font à leurs domiciles, les rompant pour loger et approprier sans rien païer, ne récompenser leurs hostes de leur logis et ustanciles, licts et aultres choses dont se servent. »


Quant à ceux qui ont des offices. — « Nommés sans respect pour leur suffisance, se récompensent des deniers déboursez pour leurs états par des moyens insuportables. »


Quant à la noblesse. — « Le dict tiers-état dit estre grandement foullé et vexé par les gentilshommes du païs qui ordinairement et sans cesse dissipent et gastent les grains et vignes estans en maturité par le moien de la chasse à laquelle ils vacquent journellement. — Aussi aulcuns nobles et aultres aians moullins à vent ou à eau veullent adstraindre les subjects de leurs terres et leurs voisins aller faire mouldre en leurs moullins où ils ont gens depputez pour ce faire qui sont de mauvaise foy et ne rendent de moulture que le tiers des grains qui leur sont baillés à faute de prendre et rendre lesdits grains aux poix. »


Quant à justice. — « Que la justice est mal administrée par les moyens des formalitez qu’il convient garder ès justices inférieures sans peine au but et poinct principal de la vérité, et par les moyens des ressorts qui sont ès justices inférieures du Royaulme, et advient telle longueur de procès que à peine les enffans des pères qui commencent les procès peuvent voir le bout d’iceulx. De là advient que la plus part des maisons et subjects du Royaulme se ruynent et dissipent par procès, qui est une excessive foulle au pauvre peuple. — Et si en plusieurs

lieucx sont seullement oys en justice les prélats et grands seigneurs, et le pauvre peuple renvoyé sans estre oy ni receu mesme. Par le moïen des privilèges octroiez à plusieurs prélats, nobles officiers du Roy à la suite de sa court, présidens et conseillers en la court du Parlement, advocats et procureurs en icelle, le tiers-état est attiré en première instance par devant les gens tenant les requestes du palais à Paris, ores qu’il ne soit question que d’un denier de cens ou aultre petite somme, en quoy il est grandement vexé et travaillé, et le plus souvent plusieurs pauvres personnes sont contrainctes quitter leurs terres et laisser perdre leurs droicts pour être travaillés et poursuivis par devant aultres que leurs juges naturels. »


« Pour le comble des doléances dudict tiers-état de Dourdan, le froict à présent si picquant et si urgent les fait resentir d’un grand bien qu’ils recepvoient par le passé de se chauffer du bois mort de la forest de Dourdan qui leur avoit esté octroyé de la grâce et bénignité des prédécesseurs Roys auxquels pour raison de ce ils paioient aulcunes reddevances. Comme aulcune desquelles reddevances ils ne sont encores deschargés et néantmoins puis douze ou quinze ans on leur a osté leur dict chauffaige et pasturaige pour leurs bestes, en sorte qu’ils n’ont moïen de se chauffer et tenir vaches pour la nourriture de leurs petits enfants. — Supplie humblement ledict tiers-état qu’il plaise au Roy de voulloir de sa bénigne grâce remettre auxdicts drpits et privillèges de chauffaige et pasturaige en la dicte forest de Dourdan, et en ce faisant offrent contynuer volontairement lesdictes reddevances. » Ainsi signé « Hébert, Joncquet, Dutertre et plusieurs aultres. »

Annexe 18

Blason des Lescornay


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01. Selon Besongne (1674)91.


« De Lescornay, porte êcartelé, au premier et quatriême d’or au double tréscheur de sinople, au chevron de gueule sur le tout ; au

2. et 3. d’azur à la licorne rampante d’argent. »



02. Selon Montoux (1979). 92

Blason décrit par Besongne (ici dessiné par B.G., 2016)


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Cet auteur signale, dans le château de Jallanges à Vernou en Touraine, une plaque de cheminée visiblement arrivée là par hasard

« représentant un blason : une licorne. Sous la plaque, un nom : Jean de Lescornay, escuyer, Seigneur du Fortin — 1635 ».


Blason décrit par Montoux (ici dessiné par B.G.)


91 Nicolas Besongne, L’ état de la France: tome II. Contenant les dignités génerales pour tout le Roïaume, Henry Loyson, au Palais, 1674, p., p. 513.

92 André Montoux, Vieux logis de Touraine. Tome 4, Chambray-lès- Tours, C.L.D, 1979, p. 243.

Annexe 19

Jacques de Lescornay héritier de sa mère (1629) 93


Nous donnons ici le texte d’un acte passé le 19 novembre 1629 par Jacques de Lescornay devant Camuset et Trouvé, notaires à Paris, dont une photographie a été heureusement mise en ligne par le site Familles Parisiennes.

B.G.


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Fut present en sa personne noble homme maistre Jacques de Lescornay advocat en la cour de parlement demeurant à Paris rue Quinquempoix, paroisse Saint Nicolas des Champs, heritier de deffuncte Jacqueline Durant sa mere, au jour de son decedz veufve de feu Jehan de Lescornay, vivant sieur du Mont, controlleur des officiers de la feue royne Catherine de Medicis ; lequel a recognu et confessé avoir eu et receu comptant de


93 Archives nationales MC/ET/LXIX/1 (saisie par B.G. 2016 d’après un cliché mis en ligne par le site www.famillesparisiennes.org).

monsieur Piere Lacquette (Laguette)94 secretaire de monsieur de Lesrac president en la dite cour demeurant rue Sainte Avoye paroisse Saint Mederic, à ce present et acceptant, la somme de deux cens quatre vingts dix livres tournois, à sçavoir deux cens quarante livres pour le fort principal, acquit, rachapt et admortissement de vingt livres tournois de rente constituez par deffunct monsieur Pierre Lacquette (Laguette), vivant controlleur au grenier à sel de Gien sur Loire, à la dite deffuncte Durant ou son tuteur, à cause de l’acquisition faicte par icelluy Lacquette (Laguette) d’une maison scize à Sully, rue aux Prebtres, où soulloit pendre pour enseigne les Trois Escuyers, par contract passé par devant Liphar Langlois, notaire au chastelet d’Orleans, le vingt deuxiesme jour du may mil cinq cens quatre vingt quatre ; et cinquante livres tournois pour deux années et demye d’arrerages, faisant le reste et parfait payement de tous et chacun les arregages qui estoient deubz et eschuz, à cause de la dite rente de tout le temps passé jusques à huy, laquelle rente est advenue et eschue au dit sieur de Lescornay par le partage faict entre luy et ses coheritiers en la succession de la dite deffuncte ; de laquelle somme de deux cens quatre vingtz dix livres à lui baillée, payée, comptée, nombrée et entierement delaissée, à sçavoir par le dit sieur Lacquette (Laguette) au dit sieur Delescornay, par devant et en la presence des notaires soubsignez, en pistolles d’Espagne et pieces de seize sols et en monnoye, le tout bon etc. Et le dit sieur Delescornay s’est tenu et tient pour contant et en a quité et quite le dit sieur Lacquette (Laguette) et tous autres, auquel sieur Lacquette (Laguette) le dit sieur Delescornay a promis et promet rendre l’original du dit contract dans trois sepmaines prochaines ; consentant et accordant icelluy sieur Delescornay


94 Le notaire écrit tout du long Lacquette mais il faut lire Laguette, comme d’ailleurs le porte la signature (B.G.).

que sur icelluy, ensemble sur la minute, il soit faict mention en substance du present rachapt et admortissement par le premier notaire requis sans que sa presence y soit requise et necessaire ; ce qui ne servira avec ces presentes que d’une seulle et mesme quittance et descharge ; promettant etc. obligeant etc. renonçant etc. Faict et passé en la maison du dit sieur Delescornay susdite rue Quiquampoix l’an mil six cens vingt neuf le dix neufiesme jour de novembre après midy, et ont signé. — [Signé :] Delescornay [paraphe] — Laguette [paraphe] — Camuset [paraphe] — Trouvé [paraphe].

Annexe 20

Jacques de Lescornay avocat du roi en la maîtrise particulière des eaux et forêt de Dourdan (1639)


Nous donnons ici le résumé d’une affaire où intervient incidemment Lescornay, en temps qu’Avocat du roy en la maîtrise particulière des eaux et forêt de Dourdan ; le rôle qu’y joue notre avocat du roi est très secondaire ; mais ce document nous donne à voir de manière vivante à qui il avait affaire dans le petit monde des officiers royaux concernés par la gestion de la forêt de Dourdan. Le souvenir de cette affaire a été conservé par un recueil d’arrêts édité

par Pierre Néron en 165395. – B.G.


Autre Arrest du Conseil d’Estat


(Pour la fonction et exercice des controlleurs des Eauës et Forests).


Entre Pierre de Chavanes escuyer sieur de Pinceloup conseiller et secretaire de sa Majesté, controolleur ancien et triennal en la maistrise particuliere des eauës et forests de Dourdan, et maistre François Hault-temps aussi conseiller du roy, et controolleur alternatif en ladite maistrise, demandeurs en execution d’arrest du conseil du 24. juillet 1638. et aux fins des exploits du troisiesme may dernier requerans le profit des


95 Pierre Neron et Estienne Girard, Les Edicts et ordonnances des tres- chrestiens roys, François I, Henri II. François II. Charles IX. Henri III.Henri IV. Louis XIII. et Louys XIV. sur le fait de la justice et abreviation des procez, avec annotations, apostilles, et conferences sous chacun article d’iceux, divisé en trois livres. Premiere edition. Tome premier, Paris, Simon Rigaud, 1653, p. 486 (autres éditions : Paris, Pierre Rocolet, 1666, p. 1046 ; Lyon, Jean Radisson, 1677, p. 486).

defauts par eux levez au greffe du conseil des 27. juin, et 8. aoust, aussi dernier, d’une part, et Philibert Michel escuyer sieur de Grinville et de Lumesy, gentil-homme servant ordinaire sa Majesté, et maistre des eauës et forests, defendeur, et Estienne Guiot commis au greffe des eauës et forests de Dourdan, adjourné et defaillant d’autre. Et Jean Maillard sergent traversier, Jean Viam, René Bedeau, Noël le Sourd et Jean le Guay sergens gardes en la forest de Dourdan, intervenans suivant la requeste par eux presentée au conseil le [blanc] jour d’octobre, 1639. Veu au conseil du roy, le dit arrest du conseil du 24 juillet, 1638. rendu sur la requeste des dits demandeurs, par lequel sans s’arrester aux jugemens des 6. fevrier 1637. et 9. juin, 1638. ny aux modifications portées par iceux, que sa Majesté auroit levées et ostées, auroit esté ordonné qu’iceux demandeurs jouyront des preéminences, exercice de justice, chauffage et autres droicts portez par leurs quittances de finance, et lettres de provision conformément aux

edict, declaration et arrest du conseil, et enjoint |485 auz grands

maistres des eauës et forests de France, maistres particuliers de Dourdan, ausquels et à toutes personnes, sa dite Majesté auroit fait defenses de les troubler ny empescher en la fonction de leurs charges, jurisdiction et droicts y attribuez, à peine de deux mille livres d’amende pour chacune contraventíon, au payement de laquelle ils seroient contraints en vertu dudit arrest, comme pour les propres deniers et affaires de sa Majesté : lequel arrest seroit executé, nonobstant oppositions ou appellations et tous autres empeschement quelsconques, pour lesquels ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, sa Majesté s’est reservé, et à son conseil la cognoissance, et icelle interdite à toutes cours et juges quelsconques, et les contrevenans assignez au conseil en vertu dudit arrest, et iceluy registré au greffe de la table de marbre du palais à Paris, et par tout ailleurs. Acte d’enregistrement d’iceluy au dit greffe du 23.octobre 1638. Autre acte de publication d’iceluy au greffe des eauës et forests

de Dourdan du 4. novembre au dit an. Exploicts d’assignations données à la requeste des demandeurs aux deffendeurs, et Estienne Guiet greffier, aux fins de se voir condamner de leur faire delivrance de leurs droicts de chauffage, leur donner rang et seance, et les intituler és actes du dit Siege, avec defenses de les troubler en l’exercice de leurs chauffages , du 3. may 1639. Appoinctement de reiglement pris entre les dites parties le 28 juin audit an. Defauts obtenus au greffe du dit conseil les 27. juin et 8. aoust dernier, à l’encontre du dit Guiet. Declaration du roy, portant attribution de fonctions et droicts aux controolleurs generaux et particuliers des eauës et forests, creez par edict du mois de decembre 1635. Arrest du conseil du 17. octobre 1637. par lequel est attribué aus dits demandeurs pareil droict de chauffage, qu’aux grands maistres et maistres particuliers. Autre arrest du conseil du 10. mars 1638. pour le droict de chauffage des dits maistres des eauës et forests. Edict du roy, portant attribution d’heredité d’augmentation de gages hereditaires aux officiers des eauës et forests, et autres droits du mois de mars 1637. Lettres de provision du dit de Chavannes du dit office de controolleur hereditaire de la maistrise particuliere des eauës et forests, du comté, bailliage et chastellenie de Dourdan, du 14. may 1638. Attache des tresoriers de France du

1. juillet 1638. Copie des lettres de provision du dit Maillard de l’office de sergent traversier du 26. du dit mois. Quittance de finance payée par les dits intervenans des 1. fevrier 1638. Jugement rendu par le dit le Roux le 14. novembre 1638. contenant l’empeschement par luy fait au dit de Chavanne, de prendre seance. Sommation faite aux deffendeurs à la requeste des demandeurs, deles appeller aux assignations. Deliberations et autres actes concernans le fait des forests du 6. avril dernier. Declaration faite par les dits defendeurs contenant leur refus de delivrer aux demandeurs les dits droicts de chauffage, en datte du dit jour 6. avril. Autre acte de sommation faite au dit le Roux, à la requeste du Greffier au dit siege des eauës et forests

de Dourdan, à ce qu’il eust à declarer s’il entendoit que les demandeurs soient installez et intitulez aux actes du dit siege, contenant l’empeschement du dit le Roux du quatorzième may au dit an, mil six cens trente neuf. Extraict du compte de la recepte des tailles de Dourdan, auquel est fait mention des gages de Jean le Febvre sergent traversier de l’année 1598. Extraict de l’edict de creation de six grands maistres enquesteurs et generaux reformateurs des eaux et forests du mois de may 1575. Arrest de la chambre des comptes de Paris

|486 du sixiéme octobre 1610. contenant l’advis donné au roy par icelle sur le remboursement de plusieurs officiers de Dourdan.

Requeste presentée au maistre des eauës et forests de Dourdan par le dit Maillard, afin d’avoir delivrance de son droict de chauffage, sur laquelle est ordonné qu’il se pourvoiroit ainsi qu’il aviseroit bon estre, du 23. may 1639. Actes de sommations faites par maistre Jacques de Lescornay advocat du roy en la maistrise particuliere de Dourdan aux sergens verdiers de la forest de Dourdan du 12. Et 14. may 1638. Procez verbal du dit Maillard de plusieurs delits commis en la forest de Dourdan du 20. fevrier 1639. et autres jours suivans. Acte signifié à la requeste du dit Michel aus dits demandeurs le 10 may 1639. portant qu’il n’est plus en exercice, auquel le dit de Chavanes auroit fait sa response pour inserer au bas d’iceluy consentement du dit de Lescornay cessionnaire du dit de Seuilly que les dits intervenans jouyssent des droicts de chauffage du

17. octobre 1639. Certificat du dit greffier de Dourdan du 15. juillet dernier, portant que le sieur de Nogens est en exercice l’année presente. Requeste presentée au Conseil par les dits intervenans du 15. octobre dernier, afin d’estre receus parties intervenantes, et ce faisant qu’il soit ordonné qu’à l’advenir il sera fait fonds comme pour les autres officiers, et que pour la presente année delivrance leur sera faite d’arbres de la qualité de l’ordonnance jusques à la concurrence de six cordes pour chacun, et que pour le dény fait au dit Maillard par les dits

Roux et le Febvre, ils seront condamnez en ses dommages et interests, et aux despens : laquelle requeste ils auroient employée pour moyens d’intervention, sur laquelle est l’ordonnance du conseil, par laquelle ils sont receus parties intervenantes en la dite instance, et à iceux donné acte de l’employ signifié le 15 su dit mois d’octobre 1639. Defauts sauf huictaine, pur et simple, levez au greffe du conseil par les dits demandeurs contre le dit Guiet commis au dit greffe des eauës et forests de Dourdan : escritures et productions des partie, et tout ce que par elles a esté mis et produit par devers le sieur le Tellier commissaire à ce deputé, Ouy son rapport et tout consideré : Le roy en son conseil, a declaré et declare les dits defauts bien et deuëment obtenus, pour le profit d’iceux, et faisant droict sur les dites instances, a ordonné et ordonne, que l’arrest du dit conseil 24. juillet 1638. et declaration du mois de decembre au dit an, seront executez selon leur forme et teneur : ce faisant a condamne le dit Michel de delivrer aus dits demandeurs pour la presente et derniere année le chauffage attribué à leurs charges : et ce fait defenses au dit le Roux, de les troubler au droict à eux accordé par la dite declaration d’avoir seance au dit siege, immediatement apres le dit maistre particulier à peine de 1500. livres d’amende, et de tous despens, dommages et interests : et sur la requeste des intervenans a mis et met les parties hors de cour et de procez, et si a condamné les dits Michel, le Roux, le Febvre et Guiet aux despens. Fait au conseil d’estat du roy tenu à Paris le 10. jour de decembre 1639. Signé, LE RAGOIS.

Annexe 21

Fonctions de Delescornay à Dourdan en 1646

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Nous reprenons ici la pièce justificative n°15 de Joseph Guyot96.


Gages des officiers du bailliage de Dourdan pour l’année 1646

À M. de Beaultru, bailli 12 liv. 10 s.

À M. Richard le Boistel, prévost 15 l. À M de Beaultru, gouverneur de la ville et château 25 l.

À M. Hector le Fébure, procureur du Roy au

bailliage et prévosté 10 l.

À M. François Hervé, geollier et garde des prisons

royalles de Dourdan 10 l. 5 s.

À M. Paul Labbé, conservateur du domaine de

Dourdan 100 l.

À M. Jacques de La Loy, comptable 26 l.

À M. Jacques de Lescornay, propriétaire de l’office

de concierge du château 100 l.

Au même, comme advocat du Roy au bailliage 100 l. Au même, comme conseiller 50 l.

Officiers des eaux et forêts.

À M. Nicolas Gardebled, conseiller du Roy, maître particulier antien des eaux et forêts de Dourdan 200 l.


96 Chronique d’une ancienne ville royale, Dourdan, Paris, Aubry, 1869, pp. 418-419, alléguant la source suivante : « Extrait du compte-rendu pour les années 1646 et 1647, par Jacques de La Loy, receveur du domaine de Dourdan. — Archives de l’Empire, Q. 1514.) ».


Au même, comme maître particulier alternatif des eaux et forêts

300

l.

À M. de Beaultru, maître particulier triennal desdites eaux et forêts de Dourdan

300

l.

À M. André le Roux, lieutenant des eaux et forêts

150

l.

À M. Pierre de Chauannes, conseiller antien et héréditaire des eaux et forêts

150

l.

À M. François Haultemps, conseiller alternatif héréditaire

150

l.

À M. Jean Boutet, conseiller triennal

150

l.

À M. Michel le Fébure, procureur du Roy ès eaux et forêts

100

l.

À M. François Fayet, propriétaire du greffe des eaux et forêts

25

l.

À chacun des 4 sergens

20

l.


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Suivent les taxations des officiers des eaux et forêts « pour avoir vacqué aux délivrances des ventes, baillivage et martelage. »

Annexe 22

Trace du décès de Jacques de Lescornay (1660) 97


Du XXe decembre 1660, benefice d’inventaire Delescornay.

  1. Dossier sur Jacques de Lescornay 215-271

15. Généalogie par Delescornay de ses collatéraux les Garrault. — 16. Les Delescornay selon Joseph Guyot. — 17. Cahier de doléances, par Mathieu de Lescornay (1560). —18. Blason des Lescornay. — 19. Jacques de Lescornay héritier de sa mère (1629). — 20. Jacques de Lescornay avocat du roi (1639). — 21. Fonctions de Delescornay à Dourdan (1646). —

22. Trace du décès de Jacques de Lescornay (1660). — 23. Quelques appréciations sur Delescornay. — 24. Bibliographie.

Table des matières 273-275



ISSN 2272-0685

Publication du Corpus Étampois

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BHASE n°27 avril 2016

MÉMOIRES DE DOURDAN (1624)

PAR JACQUES DE LESCORNAY

Préface 3-8

MÉMOIRES DE DOURDAN 1-112


Gnéralités sur Dourdan

10-26

Sous les premiers capétiens

26-52

Dourdan tombé en apanage

53-90

Dourdan revenu à la Couronne

91-107

Dourdan sous Louis XIII

107-140

VINGT-QUATRE ANNEXES 141-271


01-14. Notes et compléments

141-214

15-24. Dossier sur Delescornay

215-271

Table des matières détaillée

273-275




BHASE n°27 (avril 2016)
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