BHASE n°31 (août 2016)
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Le monde des Saint-Périer — tome 1 LE SUD-ESSONNE PRÉHISTORIQUE

Préface. — Bibliographie. — 01. Les temps préhistoriques dans la région d'Étampes.—02. Sur la présence de l'industrie magdalénienne aux environs d'Étampes. — 03. Station de l'âge du Renne aux environs d'Étampes. — 04. Le Burin tardenoisien. — 05. L'époque néolithique dans l'arrondissement d'Étampes. — 06. Le Dolmen de Guiry. — 07. Haches non polies et polissoir détruit à Bouville. — 08. Découverte d'une roche à pétroglyphes à Moulineux. — 09. À propos des enceintes en rapport avec les roches à pétroglyphes.—10. Lames de silex du Grand-Pressigny provenant de Boutigny. — 11. Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d'Étampes. —

12.    Lame pressignienne découverte prés d'Étampes. —

13.    L'exportation des silex pressigniens serait-elle une légende ?—14. Les pièces pressigniennes de la Croix-Blanche à Moigny. — 15. La Trouvaille de Saint-Yon. —16. Hache à bords droits avec encoche découverte à Puiselet-le-Marais. — 17. Le Tumulus Hallstatien de Puiselet-le-Marais. — 18. Sépultures gauloises à Congerville.—19. Le dieu gaulois de Bouray.

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ISSN 2272-0685

Publication du Corpus Étampois Directeur de publication : Bernard Gineste 12 rue des Glycines, 91150 Étampes redaction@corpusetampois. com

BHASE n°31

Bulletin historique et archéologique du Sud-Essonne

publié par le Corpus Étampois

août 2016

Le monde des Saint-Périer. Tome 1

Le Sud-Essonne

préhistorique

Édité par le Corpus Étampois

COMITÉ DE LECTURE

Bernard Gineste Bernard Métivier Bernard Minet f Bernard Paillasson

Préface

Nous commençons avec ce trente et unième volume du BHASE la série des Œuvres Locales Complètes du comte de Saint-Périer. Ce sont celles de ses publications qui présentent un intérêt direct pour l’histoire de la région d’Étampes ; et plus généralement de tout ce qui constitue aujourd’hui la partie méridionale de l’actuel département de l’Essonne.

Le présent volume réunit tous les articles consacrés par René Poilloüe de Saint-Périer, à ce qu’on pourrait aujourd’hui appeler le Sud-Essonne préhistorique, ou si l’on préfère la Préhistoire sud-essonnienne, de 1922 à sa mort survenue en 19501.

Il y a bien de la disparité dans ces publications, en date, en volume et en technicité. Pour organiser cette matière variée d’une manière claire et utile au commun des lecteurs, nous avons choisi de les ranger par ordre chronologique des sujets traités.

1° Généralités. — On trouvera donc ci-après, tout d’abord, une présentation générale des périodes de la Préhistoire publiée par le comte en 1913 : « Les temps préhistoriques dans la région d’Étampes » (01).

2° Magdalénien — Un article sur la période dite magdalénienne : « Sur la présence de l’industrie magdalénienne aux environs d’Étampes » (02).

3° Tardenoisien — Deux sur l’époque tadenoisienne : « Station de l’âge du Renne aux environs d’Étampes » (03) et « Le Burin tardenoisien » (04).

4° Néolithique — Cinq publications : « L’époque néolithique dans l’arrondissement d’Étampes »    (05),    « Fouilles

archéologiques de Seine-et-Oise, le dolmen de Guiry » (06) ; « Haches non polies et polissoir détruit à Bouville (Seine-et-Oise) » (7), « Découverte d’une roche à pétroglyphes à Moulineux » (08) ; « À propos des enceintes en rapport avec les roches à pétroglyphes » (09).

5° Néolithique tardif — Cinq articles : « Lames de silex du Grand-Pressigny provenant de Boutigny » (10) ; « Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d’Étampes » (11) ; « Lame pressignienne découverte près d’Étampes (S.-&-O.) » (12), « L’exportation des silex pressigniens serait-elle une légende ? » (13) ; « Les pièces pressigniennes de la Croix-Blanche à Moigny » (14) ; « La Trouvaille de Saint-Yon » (15).

6° Période gauloise — Quatre études : « Hache à bords droits avec encoche découverte à Puiselet-le-Marais » (16) ; « Le Tumulus Hallstatien de Puiselet-le-Marais », (17) ; « Sépultures gauloises à Congerville » (18) ; « Le dieu gaulois de Bouray » (19).

B. G. et B. M., août 2016.

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René de Saint-Périer (1877-1950)

Bibliographie des articles ici réédités

A.    — Les périodes de la Préhistoire

01.    René de Saint-Périer, « Les temps préhistoriques dans la région d’Étampes », in L ’Abeille d’Étampes (15 mars 1913), pp. 1-2. — Réédition : Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 1 (1913), pp. 39-47.

B.    — Le Magdalénien

02.    « Sur la présence de l’industrie magdalénienne aux environs d’Étampes », in Bulletin de la Société préhistorique française 3 (27 mars 1913), pp. 174-183 (séance du 27 mars 1913) —. Tiré à part (in-8° ; 12 p. ; figures), Le Mans, Monnoyer, 1913.

C.    — Le Tardenoisien

03.    « Station de l’âge du Renne aux environs d’Étampes », in Bulletin de la Commission des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise 33 (1913), pp. 90-92. —. Tiré à part Extrait aux ADE.

04.    « Le Burin tardenoisien », in Revue anthropologique 32/9-10 (septembre-octobre 1922), pp. 315-321. — Tiré à part (in-8° ; paginé 315-321 ; figures), Paris, E. Nourry, 1922.

D.    — Le Néolithique

05.    « L’époque néolithique dans l’arrondissement d’Étampes », in Bulletin de la Société des Sciences de Seine-et-Oise 1/8 (1920), pp. 47-49.

06.    « Fouilles archéologiques de Seine-et-Oise : le dolmen de Guiry », in L ’Abeille d’Étampes 2 (1919), pp. 48-50.

07.    « Haches non polies et polissoir détruit à Bouville (Seine-et-Oise) », in L’Homme préhistorique 2 (1913), pp. 48-50. — Tiré à part (in-8° ; paginé 48-50 ; figures), Paris, J. Gamber, 1913.

08.    « Découverte d’une roche à pétroglyphes à Moulineux (S.-et-O.) », in Bulletin de la Société préhistorique française 1 (janvier 1912), p. 74-83 (séance du 28 décembre 1911) —. Tiré à part (in-8° ; 8 p. ; figures), Le Mans, Monnoyer, 1912.

09.    « À propos des enceintes en rapport avec les roches à pétroglyphes », in Bulletin de la Société préhistorique française 46/3-4 (mars-avril 1949), pp. 106-108.

E.    — Fin du néolithique

10. « Lames de silex du Grand-Pressigny provenant de Boutigny (Seine-et-Oise) », in Bulletin de la Société Préhistorique Française 30/2 (1933), pp. 141-143.

11. « Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d’Étampes », in Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny 1 (1951), pp. 13-15.

12.    Raymonde-Suzanne de Saint-Périer, « Lame pressignienne découverte près d’Étampes (S.-&-O.) », in Bulletin de la Société préhistorique du Grand-Pressigny 4 (1953), p. 19-20.

13.    « L’exportation des silex pressigniens serait-elle une légende ? », in Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny 7 (1956), pp. 23-38.

14.    « Les pièces pressigniennes de la Croix-Blanche à Moigny (Seine-et-Oise) », in Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny 13 (1962), pp. 27-29.

15.    René de Saint-Périer, « La Trouvaille de Saint-Yon (Seine-et-Oise) », in L’Homme préhistorique 12/8 (août 1914), pp. 247251.

F. — Période gauloise

16.    « Hache à bords droits avec encoche découverte à Puiselet-le-Marais », in Bulletin de la Société préhistorique française XVIII (1921), pp. 84-86. —. Tiré à part (in-8° ; 3 p. ; 1 figure), Le Mans, Monnoyer, 1921.

17.    « Le Tumulus Hallstatien de Puiselet-le-Marais », in Bulletin de la Société des amis du musée d’Étampes 5 (1922), pp. 16-21. —. Tiré à part (in-8° ; 8 p. ; figures), Étampes, Terrier frères et Cie, 1922.

18.    « Sépultures gauloises à Congerville (Seine-et-Oise) », in

Bulletin de la Société préhistorique française (1913), pp. 366369 —. Tiré à part (2 p.)

19.    « Le dieu gaulois de Bouray », in L ’Abeille d’Étampes (1er juillet 1933), p. 1.

Le polissoir de la Charmille à Villeconin en 1919

01. Les temps préhistoriques dans la région d’Étampes 2

La présence, aux environs d’Étampes, de silex taillés par la main de l’homme, indiquant d’une manière certaine l’existence de civilisations préhistoriques dans cette région, a été reconnue par M. Maxime Legrand, dès 1875.

Nous allons passer en revue, dans un rapide résumé des périodes préhistoriques, les gisements de nos environs, qui attestent la présence de l’ homme depuis les temps les plus anciens de son existence3.

Mais, tout d’abord, il nous faut dire quelques mots de la méthode employée pour classer ces différentes époques et pour établir leurs âges respectifs.

On sait que les géologues ont divisé l’immense espace de temps écoulé depuis les temps primitifs du globe jusqu’à l’époque actuelle, en ères primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Ces divisions reposent sur l’étude des terrains superposés au cours des âges, et dont la date relative est donnée précisément par leur ordre de superposition. D’ une manière générale, un terrain est d’autant plus ancien qu’il est plus profondément situé dans l’épaisseur du sol, et la couche géologique qui le surmonte est, lorsqu’il n’y a pas eu dislocation, à la période qui lui a immédiatement succédé. L’étude des fossiles, ou restes conservés dans le sol, des animaux et des plantes qui ont vécu pendant ces périodes, complète cette donnée et nous permet de nous faire une idée de l’apparence qu’offrait notre monde dans ces temps si anciens.

fut désigné pour le remplacer comme secrétaire. — Enfin plusieurs communications intéressantes furentfaites à la Société. Et parmi ces travaux une claire exposition des données générales de la science préhistorique et l’application à ces données des gisements, des vestiges rencontrés dans la région d’Étampes, et y attestant la présence de l ’homme « depuis les temps les plus anciens de son existence. » — Nous avons demandé à M. le comte de Saint-Périer, notre érudit compatriote, de bien vouloir écrire son utile conférence, et puisque la Société des Amis du Musée fait appel à tous pour enrichir ses collections, aux possesseurs d’objets d’art comme aux propriétaires et aux travailleurs de la terre, gardienne encore de documents précieux pour l histoire du monde... avant l histoire.Il nous a semblé que publier ce clair résumé pouvait être pour les futurs adeptes de la Société, profanes encore, une claire introduction à la connaissance de ces documents, silex, fossiles ou autres, et, comme l’a fort bien dit l’auteur, « un encouragement pour les chercheurs que séduisent l’incomparable majesté de ces études », et le mystère de la vie de nos premiers ancêtres. — O. L. »

Bien qu’un peu arbitraires, car il n’y a pas de divisions tranchées dans la nature, et ces ères ont passé de l’une à |40 l’autre d’une manière insensible, ces divisions sont commodes et permettent de fixer les idées.

C’est des premiers vestiges de la présence de l’homme à la surface de la terre, que l’on fait dater le début de l’ère quaternaire, la seule dont nous ayons à nous occuper ici.

Panthera leo spelæa

Cette époque, nommée Chelléenne, du nom de Chelles (Seine-et-Marne) où elle a été bien étudiée, correspondait à un climat plus chaud que le nôtre. Dans les alluvions de la Seine, à Chelles et en d’autres localités, on a retrouvé des restes fossilisés de figuiers, de lauriers, d’arbres de Judée, végétaux qui ne poussent plus actuellement à l’état sauvage sous notre climat. Les animaux que l’on rencontre à cette époque sont : l’Éléphant antique, le Rhinocéros de Merck, le grand Hippopotame, de grands félins, le Felis Spelæa, le lion, le tigre et le Machairodus, dont la mâchoire était armée de dents formidables. Outre ces animaux, disparus aujourd’hui ou émigrés, il y avait aussi des chevaux sauvages, des cerfs, des bœufs, etc...

L’homme de cette époque taillait dans des blocs de silex, ou d’autres roches, lorsque le silex était rare, de grossiers instruments, à la fois armes et outils, en forme d’amande. Débités à grands éclats, que l’on a nommé coups-de-poing, parce |2 que l’on a supposé que l’homme s’en servait en les tenant directement à la main, forme tout ce que nous connaissons de l’outillage humain de cet âge.

De cet homme, nous n’avons actuellement qu’un seul débris. C’est une mâchoire inférieure, découverte en 1907, près du village de Mauër, non loin d’ Heidelberg, en Allemagne, par le DSchætensack. Cette mandibule est extrêmement curieuse par ses caractères anatomiques : absence de la saillie du menton, très grande largeur de la branche montante, extrême puissance de toute la pièce, jointe à une dentition qui est véritablement humaine.

On trouve des coups-de-poing sur les plateaux des environs d’Étampes, à la surface du sol, mélangés à des industries humaines d’âges postérieurs. Le Musée de notre ville en possède trois et notre collègue et ami G. Courty en a trouvé un, en 1911, dans les graviers anciens déposés par la Juine dans la vallée de Morigny4. |41

La période Acheuléenne (de Saint-Acheul dans la Somme), qui fait suite à la période chelléenne, forme la transition avec une période plus froide, dont nous allons nous occuper. Cet acheuléen est caractérisé par un coup-de-poing mieux taillé et à retouches plus fines que l’outil chelléen ; on trouve aussi des disques, éclats circulaires du silex, taillés à grands coups, qui devaient servir d’armes de jet.

Nous arrivons maintenant à l’époque Moustérienne, qui donne son nom de la grotte du Moustier (Dordogne). Les conditions climatériques ont changé ; une période, plus froide et extraordinairement pluvieuse, a remplacé le climat méditerranéen de l’âge chelléen. Les cours d’eau s’étendent bien au-delà de leurs limites actuelles. L’emplacement où sera bâti Paris est complètement immergé ; du fleuve immense que forme la Seine, émergent seulement la colline de Montmartre et celle du Mont-Valérien. La Juine, aujourd’hui si paisible roule tumultueusement dans toute la largeur de la vallée et dépose ses graviers jusqu’au pied des coteaux. Les espèces animales, adaptées à un climat chaud émigrent vers le Sud ; elles sont remplacées par des espèces mieux adaptées au froid : le Mammouth, éléphant pourvu d’une abondante toison, le Rhinocéros à fourrure, l’Ours des cavernes, qui atteignent la taille d’un bœuf. etc. Certaines espèces ont cependant persisté ; ce sont celles qui supportent facilement des variations assez considérables de température : le cheval, le cerf, le bison, etc.

L’homme d’alors vit encore sur les plateaux ; mais il commence à rechercher l’ abri que lui offrent les grottes naturelles creusées dans les parois rocheuses. Dans ces grottes, il accumule les débris provenant de sa nourriture, ses outils et ses armes. Ce mélange d’os d’animaux, brisés pour en extraire la moëlle, et de silex taillés, forme dans certaines cavernes un remplissage que l’on a vu atteindre jusqu’à trente mètres d’épaisseur. On peut juger par là de la prodigieuse durée des temps moustériens.

L’outillage est restreint ; à part quelques survivances de forme du coup-de-poing primitif, que l’on trouve à la base du moustérien, il ne comprend que deux types : le racloir et la pointe, simples éclats de silex retouchés sur une seule face. C’est de cette époque que date le début de l’utilisation |42 de l’os, qui deviendra plus tard une matière première d’industrie très importante pour l’homme primitif. L’homme moustérien commence à être bien connu aujourd’hui, grâce aux découvertes faites à Néanderthal, en Allemagne ; à Spy, en Belgique ; à La Chapelle-aux-Saints, dans la Corrèze, en 1908 ; à La Quina, dans la Charente, en 1911, etc. Le type de cet homme est remarquablement homogène : de taille plutôt petite, avec une tête énorme, très allongée d’avant en arrière, il possédait des orbites très développées, formant un bourrelet saillant au-dessus des yeux ; sa musculature était extrêmement puissante.

Rare aux environs d’Étampes, l’industrie moustérienne y est cependant représentée par quelques trouvailles isolées, soit à la surface des eaux, soit dans les éboulis des pentes des vallées, où les pièces ont été entraînées du plateau supérieur par le ravinement intense dû aux incessantes pluies moustériennes.

Il y a donc dans notre région quelques traces de cette époque, bien que nous ne puissions y rencontrer d’importants dépôts comme ceux que l’on trouve dans les grottes, qui n’existent pas chez nous, à cause de la constitution géologique de notre sol.

Avec l’époque Solutréenne, de Solutré (S.-et-L.) nous arrivons à un perfectionnement de la taille du silex, qui n’a jamais été atteint depuis. Les pointes à crans, les pointes lancéolées, dites en feuille de laurier et en feuille de saule, présentent une finesse de retouche et une perfection de détails qui dénotent une extraordinaire habileté de la part de l’homme préhistorique dans l’art de tailler une matière aussi dure et aussi cassante que le silex.

Cette industrie solutréenne, qui comprend également des instruments en os, est assez peu abondante partout ; quelques trouvailles isolées en ont été faites en Seine-et-Oise5 ; nous n’en connaissons pas aux environs d’Étampes. Il est probable que la durée de cette période préhistorique a été infiniment moins longue que celle de la période moustérienne.

Puis vient l’âge de la Madeleine, ou Magdalénien, qui tire son nom de la grotte de la Madeleine, dans la Dordogne. Les conditions climatériques se sont encore une fois modifiées. Il fait plus froid et plus sec qu’au moustérien. Les |43 grands glaciers, qui couvraient nos montagnes, et qui ont laissé des traces de leur extension pendant les âges antérieurs, bien au-delà de leurs limites actuelles, commencent à se retirer. Ces glaciers, favorisés par la grande humidité et le froid de l’âge moustérien, couvraient, en effet, des étendues considérables. Celui des Alpes, atteignait l’emplacement actuel de Lyon, et celui des Pyrénées, l’emplacement actuel de Toulouse.

L’homme du magdalénien recherche les cavernes ; il possède un outillage en silex de formes extrêmement variées et propre à de multiples usages : grattoirs, burins, scies, perçoirs, petites lames retouchées, etc. Il a porté l’industrie de l’os à un très haut degré de perfection, taillant dans celui-ci et dans les bois de rennes et de cerfs, des pointes de sagaies, des harpons, des aiguilles, etc. Grâce au burin de silex, qui lui permet de travailler l’os, il utilise les loisirs que lui procure le long hiver magdalénien, pour copier, par la sculpture et la gravure, les figures des animaux et des plantes qui l’environnent. C’est à cet humble chasseur de rennes, voisin comme type de l’esquimau de nos jours, qu’il faut faire remonter l’origine de l’art. La vérité d’observation, l’exactitude des détails, la vie intense qui se dégage de ces œuvres si anciennes, donnent à cet art magdalénien une justesse d’expression et une beauté qui n’ont pas été dépassées.

Très rares dans tout le bassin de Paris, à cause de l’absence des grottes, l’industrie magdalénienne ne renferme, dans cette région, qu’un gisement important en plein sol : celui du Beauregard, près de Nemours (Seine-et-Marne). Jamais elle n’avait été signalée aux environs d’Étampes ; les fouilles, que j’ai pratiquées en 1912 sur le plateau de Fontaine-Liveau, près d’Étréchy, permettent de combler cette lacune. J’ai, en effet, recueilli sur ce point, au milieu d’une industrie d’un âge postérieur, quelques pièces, dont un burin, qui sont incontestablement magdaléniennes. Malheureusement, dans nos sables siliceux, la matière osseuse ne s’est pas conservée, et les silex taillés sont les seuls témoins qui nous restent de la civilisation magdalénienne de notre région. Ils suffisent, néanmoins, pour pouvoir affirmer que les magdaléniens ont habité ce plateau, surplombant le plateau de la Juine. |44

J’ai recueilli également, à Fontaine-Liveau, un silex appartenant à l’époque tardenoisienne, période postérieure au magdalénien, mal connue encore et caractérisée par de petits silex à formes géométriques.

Négligeant les phases intermédiaires qui ne sont pas représentées dans notre région, nous arrivons maintenant à l’époque néolithique, mot qui signifie nouvelle pierre, par opposition à l’époque paléolithique ou ancienne pierre, que l’on donne à tous les âges antérieurs. C’est à dessein que nous avons négligé de parler de l’ époque aurignacienne, dont l’ âge relatif donne encore lieu à de vives discussions.

Avec l’époque néolithique finit l’ère quaternaire des géologues ; nous entrons dans la période actuelle, bien que nous soyons séparés du néolithique par plusieurs milliers d’années.

Un profond changement s’est opéré dans le climat ; il est plus doux et plus humide qu’au magdalénien. Les espèces animales de climat froid, répandues chez nous depuis le moustérien, émigrent vers le Nord et sont remplacées par la plupart des espèces que nous connaissons aujourd’hui. Le renne, si abondant autrefois que l’on a donné le nom d’âge du renne aux époques allant du moustérien à la fin du magdalénien, cède la place au cerf. La civilisation humaine s’est profondément transformée. Jusqu’alors exclusivement chasseur et pêcheur, l’homme possède maintenant des végétaux cultivés et des animaux domestiques. Il a inventé la poterie, et s’il utilise encore la pierre taillée, il a imaginé aussi de la polir, en usant régulièrement sa surface par le frottement sur une roche de grès. Les grottes ne servent plus d’habitations, mais souvent de sépultures ; les néolithiques ensevelissent aussi leurs morts dans des dolmens, monuments élevés en pierres brutes, souvent de dimensions colossales, que l’on croyait autrefois, par une interprétation erronée, autels druidiques. Ils dressent des menhirs dont la signification est encore très obscure, gravent les rochers de figurations conventionnelles, qui constituent l’origine lointaine de l’écriture, mais ils ont perdu l’art si remarquable des magdaléniens.

L’homme néolithique nous est bien connu ; il ne diffère de nous que par des détails anatomiques très secondaires ; plusieurs races sont déjà mélangées. |45

L’industrie néolithique et les monuments de cet âge sont très communs aux environs d’Étampes ; citons seulement : le dolmen de Janville, le menhir de Pierrefitte, celui de Milly, la grotte sépulcrale de Buno-Bonnevaux, les polissoirs de Villemartin, de la Briche, du bois de La Guigneraye, etc...

Quant aux silex et aux haches polies, les stations où on les trouve sont innombrables. La collection que M. Dujardin a léguée au musée de notre ville, et qui provient en majeure partie du plateau du Temple, au-dessus de Valnay, nous montre la plupart des types de l’industrie néolithique de notre région. M. M. Legrand a bien voulu nous signaler qu’il avait rencontré des silex néolithiques aux points suivants : Champdoux, Tourot, Mondésir, Nonserve, Guinette, Brières, Lhumery, Ormoy, Saclas, Les Émondants, La Briche, Rimoron, Saint-Yon, etc.

À Fontaine-Liveau j’ai trouvé également du néolithique, associé au magdalénien et au tardenoisien, ce qui prouve une habitation successive de l’homme en ce point.

À partir de l’âge de la pierre polie, les progrès de la civilisation humaine deviennent plus rapides. L’homme découvre les métaux, le bronze d’ abord, probablement importé chez nous d’ Orient. Une trouvaille, remontant à cette époque, a été faite, il y a plusieurs années, à Boutigny.

Puis, ils forgent le fer, matière précieuse d’abord, employée au premier âge du fer ou hallstattien, pour orner les armes et outils de bronze, avant de constituer la matière principale de l’industrie métallurgique.

Au deuxième âge du fer, époque marnienne ou gauloise, nous arrivons à la fin des temps protohistoriques, c’est-à-dire de ceux qui ont immédiatement précédé l’histoire.

De ces âges du fer datent la découverte, faite en 1876 près d’Auvers, de tombes contenant des corps ornés d’anneaux de bronze, et celle de Congerville, en 1912, signalée par M. M. Legrand. Nous n’avons cependant que peu de découvertes de cette époque dans notre région.

Enfin, en l’an 50 avant notre ère, la Gaule est conquise par les Romains et entre dans l’histoire. César a donné dans ses Commentaires le récit de cette conquête, et des renseignements, qui sont précieux pour nous, sur l’état dans lequel vivaient nos ancêtres, à son arrivée dans leur pays. |46 On sait que, malgré une résistance acharnée, les Gaulois, divisés en un grand nombre de petits peuples, durent plier sous le poids des armes romaines. Le sort malheureux de Vercingétorix, traîné en captivité, et égorgé, après le triomphe de Jules-César, malgré l’héroïsme de sa défense d’ Alésia, est dans toutes les mémoires comme épisode de notre histoire nationale.

Les Romains, dont la clémence envers les chefs vaincus n’était pas la qualité dominante, étaient, par contre, d’ admirables colonisateurs ; sous leur administration, la Gaule, devenue province de l’Empire, vit se développer une brillante civilisation, dont les témoins sont encore abondants autour d’Étampes.

À Saint-Yon, on voyait encore, il y a peu d’années, les restes d’une voie romaine ; une autre de ces routes, près de laquelle on a trouvé une borne milliaire aujourd’hui conservée au Musée d’Orléans, passait à Saclas, village dont l’origine remonte peut-être au Salioclita gallo-romain, indiqué dans l’itinéraire romain d’Antonin. À Mérouville, à Villeconin, etc., les trouvailles romaines ont été nombreuses et l’on sait qu’à Souzy-la-Briche, il existait un ou peut-être plusieurs édifices, à coup sûr très importants, ornés de belles mosaïques et de marbres précieux.

Arrivés au terme de ce trop rapide exposé de l’histoire de l’homme primitif, il aurait été intéressant de pouvoir fixer, aux périodes que nous avons passées en revue, une durée précise. Malheureusement, il est impossible, avant la période historique, d’apprécier, en termes d’années, l’espace de temps de périodes préhistoriques ; cependant d’ une manière générale, se basant sur l’étude des phénomènes glaciaires dus à ces grandes oscillations de températures, dont la cause nous échappe encore, et sur la durée de la formation des dépôts alluvionnaires, on peut dire que le moustérien a eu une durée prodigieusement longue, occupant presque la moitié des temps préhistoriques et qui ne peut être évaluée que par centaines de siècles, succédant à une période chelléenne un peu moins longue. Le solutréen et le magdalénien réunis ont duré moins longtemps ; le néolithique, comme nous l’avons vu, n’est plus qu’à quelques milliers d’années de nous. Et le progrès des civilisations s’accentue rapidement ensuite. |47

Cette chronologie, toute relative, ne s’applique pas, d’ailleurs, à tous les pays ; favorisés par un climat plus doux, les hommes du littoral méditerranéen ont prononcé plus rapidement que nous l’évolution de leur civilisation. L’Égypte et l’Asie antérieure possédaient déjà une histoire nationale, alors que nous étions encore à l’âge de la pierre polie, tout comme certains primitifs de nos jours utilisent encore la hache de pierre, à côté de nos engins modernes très perfectionnés.

En résumé, nous avons vu l’ immense progrès accompli par l’homme, depuis l’époque lointaine où la race de Mauër errait dans la forêt primitive, n’ ayant pour se défendre des fauves formidables qui l’entouraient, qu’un grossier silex, jusqu’à la brillante civilisation que nous révèle l’occupation romaine de notre pays. Ce perfectionnement lent, interrompu par de longues stagnations, nécessitant de cruelles expériences, de pénibles adaptations aux variations climatériques, témoignent du labeur obstiné et patient de l’homme primitif ; il indique la constance de son effort pour triompher des causes multiples de destruction qui le menaçaient et de sa victoire finale sur la nature.

Les phases diverses de cette évolution nous sont rendues sensibles par les silex que l’on trouve, nous l’avons vu, dans notre région, et leur présence aux environs d’Étampes, à presque toutes les époques des temps préhistoriques, doit être un encouragement pour les chercheurs que séduisent l’incomparable majesté et la haute portée philosophique de ces études.

R. de Saint-Périer, Docteur en médecine.

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02. Sur la présence de l’industrie magdalénienne aux environs d’Étampes «

Par le Dr de Saint-Périer (Paris).

On sait combien est rare la présence de stations magdaléniennes dans le bassin de Paris, et, d’une façon plus générale, dans tout le Nord-est de la France.

On a signalé quelques grottes de cet âge dans le Pas-de-Calais et quelques trouvailles isolées dans le Nord ; mais le bassin de la Seine, dit G. de Mortillet6 7, n’a fourni que quelques rares gisements magdaléniens très disséminés.

Aux environs de Compiègne, à Mouy (Oise), de Roucy et A. Baudon ont récolté des silex, très probablement magdaléniens ; plus près de notre région d’Étampes, à la Chapelle-la-Reine, à Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne), il en a été recueilli également. Mais le gisement le plus important de ce département est celui du plateau du Beauregard, sur les hauteurs qui bordent

la vallée du Loing, en amont de Nemours, signalé par E. Doigneau8.

Dans les environs d’Étampes, aucune découverte de silex magdaléniens n’a été publiée encore, à ma connaissance. J’ai examiné, au |175 musée d’Étampes, la série, fort intéressante, de pièces préhistoriques recueillies par A. Dujardin et laissée par lui à la ville, mais qui, malheureusement, ne portent pas d’ indications de provenance précises.

Cependant, je sais, par les renseignements qu’ont bien voulu me donner des personnes qui avaient accompagné A. Dujardin dans ses excursions, que la grande majorité des silex récoltés par lui et qui viennent tous d’un rayon de 12 à 15 kilom. autour de la ville, ont été trouvés, en surface, sur le plateau du Temple, au Sud-ouest d’Étampes, entre la Croix de Vaux-Mil-Cent et les ruines du Temple, en face de Valnay et du moulin de Vaujouan. Or, toutes ces pièces appartiennent à l’ industrie néolithique ; aucune ne présente l’apparence du paléolithique supérieur.

Sur le plateau faisant face à celui du Temple, dominant la vallée de la Chalouette, entre les Monts-Poussins, et Châlo-Saint-Mars, Paul Tomasi9, signale bien l’atelier de l’Humery, remontant, dit-il, aux époques moustérienne, magdalénienne et robenhausienne, mais il n’a figuré aucune pièce paléolithique et les silex, recueillis en ce point, qu’il m’a été donné d’examiner, sont tous néolithiques.

Enfin, M. Maxime Legrand a bien voulu me permettre d’étudier les nombreux silex récoltés par lui depuis 1875, dans toute la région étampoise et me communiquer les notes inédites de ses recherches sur les gisements préhistoriques de notre arrondissement. Là encore, l’industrie néolithique est abondamment représentée ; mais je n’ai trouvé aucune pièce qui puisse être rapportée à l’époque magdalénienne10. |176

Je pense donc intéressant de signaler, dès maintenant, à la Société, le résultat des fouilles que j’ai commencé à exécuter au mois d’ octobre 1912, sur le plateau qui domine la vallée de la Juine, en face du hameau de Fontaine-Liveau, à six kilomètres du nord d’Étampes, bien que les silex paléolithiques que j’y ai rencontrés soient très peu nombreux encore et bien que, selon toute apparence, ce gisement, comme je le dirai plus loin, doive être très pauvre et ne soit pas destiné à fournir la grande abondance de belles pièces magdaléniennes que la station du Beauregard, à Nemours, a permis de récolter aux nombreux palethnologues, qui l’ont explorée.

Les pièces de Fontaine-Liveau sont très certainement du Paléolithique supérieur : ce mot signifiant pour moi une époque allant du solutréen au magdalénien. Je ne peux, sans pièces osseuses, préciser davantage et l’ os, en ce gisement siliceux, ne s’est pas conservé.

C’est à notre collègue et ami G. Courty que revient le mérite d’ avoir reconnu le point où les fouilles pouvaient être intéressantes à pratiquer et il n’ est que juste que je le rappelle ici. Au cours d’une conversation sur les gisements jusqu’alors reconnus de notre région, il me fit remarquer, avec sa très grande connaissance de la géologie du pays d’Étampes, que le plateau de Fontaine-Liveau avait échappé, dans une certaine mesure, à l’érosion qui, s’exerçant sur les coteaux voisins, avait entraîné le sol des hauts niveaux dans la vallée, dénudant les grès de Fontainebleau sous-jacents et éparpillant complètement les témoins de l’ industrie humaine qui pouvaient exister sur les crêtes surplombant les vallées. Si le paléolithique, ajoutait-il, a été représenté dans nos environs, c’est en ce point qu’il y aurait lieu de le rechercher. Le résultat de mes premières fouilles confirme entièrement cette manière de voir.

Sur ces indications, au mois d’octobre dernier, j’ai donc commencé à explorer le sommet du plateau, au pied duquel passe la ligne du chemin de fer de Paris à Orléans, au lieudit Les Friches de Fontaine-Liveau, commune d’Étréchy, section E du cadastre, numéros 1 et 411.

En ce point, situé à 133 mètres d’altitude, existe une sorte de promontoire, qui s’avance perpendiculairement au grand axe de la vallée de la Juine, dont le cours, à part quelques sinuosités, est assez sensiblement orienté du Sud au Nord. Ce petit plateau qui se prolonge |177 à l’Ouest par la grande plaine de Beauce, affecte une forme triangulaire ; le sommet du triangle, dirigé vers l’Est, fait face au bois de la Barre, qui couronne la hauteur symétrique de l’autre versant de la vallée ; son côté Nord domine le village d’Étréchy, le côté Sud surplombant le hameau de Fontaine-Liveau, Jeurres et à six kilomètres environ, Étampes. Au pied du plateau, dont, sauf à l’Ouest, les pentes d’accès sont très abruptes, passent la ligne du chemin de fer, la route de Paris à Bordeaux et la Juine. Ce lieu constitue ainsi un point d’habitation élevé, facile à défendre, dominant une rivière et favorable à un établissement de campement ; il est actuellement boisé, sauf à l’ extrême pointe, où des pins existaient encore il y a quelques années.

La coupe du sol montre les couches suivantes :

0 m 20 environ de terre de bruyère : sable siliceux mélangé d’ humus ;

0 m 50 environ de sable de Fontainebleau, coloré en jaune par de l’oxyde de fer, ou blanc par endroits.

Au-dessous de-cette couche sableuse, règne le banc des grès de Fontainebleau qui, puissant de quatre mètres en moyenne dans la région, repose sur l’importante assise des sables oligocènes du terrain de Fontainebleau, atteignant une épaisseur de 00 à 70 mètres.

C’est au-dessus du banc, depuis la surface du sol jusqu’au grès, c’est-à-dire sur une hauteur d’environ 0 m 70 que j’ai recueilli des silex taillés. Le banc de grès, dénudé sur presque toutes les pentes de nos vallées par l’érosion, a conservé ici son sol sus-jacent ; malheureusement, ce grès a été exploité pour la fabrication des pavés et les gisements, de ce fait, ont été complètement bouleversés. Cette exploitation doit remonter à une date assez reculée, car les plus anciens habitants du hameau de Fontaine-Liveau n’ en ont jamais eu connaissance ; mais les traces, laissées par ce travail, en sont des témoins irrécusables.

Au Sud et au Nord, sur les bords du plateau, le banc de grès montre une section à l’air libre ; à la pointe, à l’Est, on voit également des blocs entamés par la fabrication ; sur le plateau lui-même, de nombreuses cavités et un grand nombre d’éclats de taille de pavés attestent le bouleversement qu’a subi le terrain. 12

Le 19 octobre, j’ai commencé à fouiller à la pointe du plateau, sur son bord Sud. Dès les premiers coups de pioche, les éclats de silex apparaissent ; très disséminés, ils se montrent depuis la surface jusqu’au banc de grès. Quelques-uns sont appliqués sur lui, dissimulés |178 dans les fentes et les anfractuosités de la table rocheuse. Ces éclats de taille sont en silex de la craie, de couleurs variées, jaspoïde, noir ou calcédonieux et en silex d’eau douce ; quelques-uns ont subi l’action du feu et sont fortement craquelés.

À cet endroit, j’ai recueilli beaucoup d’éclats de débitage et une industrie qui est uniquement néolithique. Les pièces, sur lesquelles je reviendrai plus tard, s’il y a lieu, comprennent des grattoirs, des perçoirs, des tranchets, une ébauche de pointe de flèche, des nucléus, quelques lames ; enfin trois pièces, en grès très dur, lames retouchées, intéressantes, parce qu’elles appartiennent à l’industrie de la station de la Vignette (Seine-et-Marne) qui est caractérisée par l’emploi du grès siliceux ou cliquart.

L’ emploi de ces silex de couleurs variées pourrait, seule, faire présumer de leur âge paléolithique, mais les pièces achevées sont certainement postérieures.

De nombreux débris de pavés montrent que les déchets de fabrication moderne ont été répandus sur tout le plateau.

À l’ Ouest de ce point, au pied de grands pins et au centre à peu près du petit promontoire, un sondage m’a donné la même composition du sol et de nombreux éclats, mais aucune pièce terminée.

J’ ai fouillé alors le côté Nord, en face d’ Étréchy ; là, le banc de grès a été coupé sur toute sa hauteur et forme une paroi à pic. Un amas énorme de déchets de pavés, sur la pente du coteau, montre combien celui-ci a été modifié dans sa forme primitive par l’ exploitation.

Les éclats de silex se montrent comme au point précédemment exploré, depuis le sol jusqu’au banc ; mais les pièces, que j’ai l’honneur de présenter à la Société, ont une apparence magdalénienne, qui les distingue de celles précédemment recueillies.

Ces pièces comprennent :

Un grattoir en silex brun, long de 0 m 065, épais et massif, taillé aux dépens d’un fragment de nucléus. Son bord convexe fait suite à une région très surélevée, sur laquelle se montrent des traces du cortex du rognon siliceux. Les retouches du bord marginal de la pièce succèdent à de longs éclats descendant de la partie élevée du grattoir, qui forme une véritable tête.

Cette forme de grattoir est connue à l’époque magdalénienne ; Lartet y voyait une pierre à feu, destinée à produire des étincelles par son choc avec un fragment de pyrite de fer : hypothèse difficilement vérifiable, d’ailleurs. D’autres auteurs13 ont supposé que ces grattoirs, assez particuliers, étaient employés en guise de rugine, pour |179 creuser le bois ; peut-être aussi, à notre sens, pour dépouiller les os de leurs insertions musculaires et tendineuses, détacher le périoste et aplanir leur surface.

Ce genre d’ outil, de forme robuste et trapue, à puissant tranchant, à face inférieure souvent concave (cette disposition est très accentuée sur notre pièce), que l’on a nommé grattoir-rabot14, ou simplement rabot15 existait incontestablement à l’époque magdalénienne.

Fig. 1.Silex magdaléniens de Fontaine Liveau.--l. Grattoir nucléiforme.2.

Nucléus.3. Burin.4, 5, 6. Petites lames.7. Lame à dos rabattu.8, 9, 10, 11, 12. Lames.Toutes ces pièces sont grandeur naturelle.

Paul Girod16 a figuré, sous le nom de grattoir nucléiforme, un de |180 ces silex, absolument comparable à notre pièce de Fontaine-Liveau, recueilli au cours de ses fouilles, en collaboration avec Élie Massénat, à Laugerie-Haute, dans un niveau solutréo-magdalénien. Il est vrai que ce genre de grattoirs, dont la dénomination et l’ emploi ont fait l’ objet de nombreuses discussions, n’est pas particulier au magdalénien. Le Dr Henri Martin17 en a recueilli un exemplaire dans le niveau moustérien supérieur du gisement de La Quina (Charente) et cette forme, partout assez rare, a traversé une partie des temps paléolithiques, pour aboutir et peut-être se prolonger à l’époque néolithique.

Mais, la différence des grattoirs recueillis sur le plateau de Fontaine-Liveau par moi et certainement néolithiques, avec cette pièce, la présence de cette forme au paléolithique, me font attribuer à notre exemplaire un âge remontant à l’époque magdalénienne, opinion qui est confirmée par son voisinage avec les pièces suivantes, dont l’ industrie néolithique ne nous fournit pas d’exemple.

La seconde pièce est un nucléus, long de 0 m 036 seulement, sur une épaisseur à la base de 0 m 030, de forme conique. En silex de la craie, comme le grattoir, ce nucléus a subi l’action du feu qui a craquelé sa surface.

Depuis le plan de frappe presque horizontal, jusqu’au sommet du cône, on voit les faces d’éclatement des lames enlevées du nucléus. Celles-ci, très étroites, très minces, étaient au nombre de douze, quelques-unes allant de la base au sommet de la pièce d’ autres, minuscules, longues seulement de 0 m 010 à 0 m 015 sur 0 m 005 à 0 m 006 de largeur.

Je considère ce nucléus comme ayant servi à obtenir ces lamelles, souvent retouchées au dos, qui sont si abondantes dans les gisements paléolithiques, du solutréen au magdalénien supérieur et dont l’emploi pouvait être très variable, alênes à tatouer, perçoirs à chas, etc. Ces petits nucléus, à utilisation maximum, à enlèvement de lames si fines, appartiennent donc au paléolithique.

Puis viennent : une lame, en silex calcédonieux, à dos convexe obtenu par une série de retouches, dont l’extrémité est brisée et une autre lame, de même matière, dont l’extrémité opposée au bulbe de percussion est retouchée transversalement, avec une grande finesse, formant une coche ou grattoir concave, que j’ attribue à la même époque. La finesse des retouches, la délicatesse de taille de ces deux pièces contrastent, en effet, avec l’ apparence plus robuste et moins achevée des outils analogues, de l’ époque néolithique.

Six petites lames, très soignées, bien que sans retouches latérales, doivent aussi, à mon sens, être attribuées au magdalénien. Elles sont |181 en silex calcédonieux presque transparent, à l’exception d’une d’entre elles, qui est en silex jaspoïde rouge ; cette diversité de variétés dans la matière employée est souvent observée dans l’industrie magdalénienne. Il semble que les artisans de cet âge aient recherché les silex de couleurs diverses, avec plus de soin que les néolithiques, dont l’industrie, dans la région d’Étampes, est le plus souvent obtenue au dépens de silex d’eau douce.

Une autre petite lame triangulaire possède un dos rabattu, au moyen de très fines retouches et fait partie de l’outillage microlithique, si employé à la fin de l’époque paléolithique. Cette petite pièce pourrait même être attribuée au tardenoisien.

Enfin, la pièce la plus typique et dont aucune pièce néolithique ne peut être rapprochée, celle qui date à elle seule, d’une manière certaine, l’ âge du gisement, est un burin, en silex calcédonieux presque transparent

Ce burin est taillé au dépens d’ une lame de 0 m 060 de longueur sur 0 m 022 de largeur ; l’épaisseur de la lame va en augmentant à partir du bulbe où elle est très faible, jusqu’à l’extrémité de l’outil, dont l’angle dièdre a été obtenu par deux « coups de burin », très nets et sans reprises. Ce beau burin en bec de flûte, a été trouvé à quelques centimètres du grattoir nucléiforme déjà décrit, sur le banc de grès, à une profondeur d ’environ 0 m 60. Cette pièce est certainement du paléolithique supérieur, du solutréen à la fin du magdalénien.

L’industrie du Beauregard a fourni une grande quantité de burins, très voisins de notre pièce ; j’ai pu m’en rendre compte en examinant la remarquable série provenant des fouilles de notre collègue, M. G. Fouju, qui a bien voulu, avec une extrême amabilité, me la communiquer.

J’ai remarqué, notamment, l’identité, non seulement de forme, mais encore de matière et de patine des pièces de ces deux stations. Ni au Beauregard, ni à Fontaine-Liveau, on n’observe une véritable patine des silex ; à part les pièces exposées à l’air qui ont été superficiellement cachalonnées, les autres silex n’offrent qu’un vernis causé par le frottement des sables. La matière première n’a pas été altérée dans sa composition, à cause de l’ absence totale de calcaire dans le milieu où ces silex ont été conservés. Les sables siliceux ont poli leur surface, sans altérer leur structure ; celle-ci subit, au contraire, une modification dans les grottes calcaires où s’infiltrent des eaux chargées de sels de chaux.

Les pièces que je viens de décrire, sont peu nombreuses ; elles ne peuvent, non plus, être rapportées à un niveau exactement situé. J’ai trouvé, en effet, non loin de leur emplacement, en arrière et dans le prolongement de la fouille, des silex qui sont eux, nettement néolithiques et même un fragment de poterie qui peut être rapportée |182 également à l’âge de la pierre polie. Je ne crois donc pas que le plateau de Fontaine-Liveau soit destiné à fournir des séries importantes d’ industrie paléolithique. Peut-être, aussi, la station magdalénienne s’étendait-elle, en avant de la coupe actuelle du banc de grès, faisant face au village d’Étréchy, sur un plateau aujourd’hui détruit, mais dont les énormes tas de débris de pavés indiquent l’ existence, avant l’exploitation du grès.

Le point, où j’ ai fouillé, serait alors la limite postérieure de la station paléolithique, dont la plus grande partie serait définitivement détruite par le bouleversement de la pente et du plateau nord du coteau.

Quoi qu’il en soit, je reprendrai, s’il m’est possible de le faire, cette exploration, afin d’obtenir des données complémentaires sur l’importance qu’a pu avoir ce gisement.

En résumé, malgré le petit nombre de pièces que j’ai recueillies, je me crois en droit de formuler les conclusions suivantes :

Le plateau de Fontaine-Liveau a été habité à l’époque paléolithique supérieure et les pièces que j’y ai recueillies ne laissent aucun doute sur la présence, en ce point, d’une station, dont l’importance n’est pas encore déterminée, de l’âge de la Madeleine ou de Solutré.

Postérieurement, les populations néolithiques ont occupé aussi ce point, où elles ont laissé des traces plus importantes de leur industrie.

Aux temps modernes, l’exploitation du banc de grès a modifié l’état du sol de cette région, a détruit la superposition des couches archéologiques et peut-être enseveli à jamais une partie importante de ces gisements anciens.

Quelque incomplet que soit encore le résultat de ma première exploration, il met en lumière l’existence, jusqu’ici ignorée, de la présence de stations humaines, aux environs d’Étampes, à l’âge du renne18.

puisse exister, vers Lardy, vers Pocancy, au-dessus de la table gréseuse, une industrie paléolithique. Si notre région du bassin de Paris est pauvre en trouvailles d’ossements quaternaires de surface, c’est que les eaux météoriques ont, à la longue, détruit le tissu osseux enfoui dans un sol très perméable. Mais le fait de ne rencontrer point d’ossements de surface n’implique pas l’inexistence d’une industrie lithique, qui devait servir au travail de l’os. C’est pourquoi on ne saurait trop encourager notre collègue de Saint-Périer à poursuivre ses premières recherches paléolithiques dans la région d’Étampes.

03. Station de l’âge du renne aux environs d’Étampes >s

J’ai l’honneur de porter à la connaissance de la Commission que les fouilles pratiquées par moi, en octobre 1912, sur le territoire de la commune d’Étréchy, au lieudit Les Friches de Fontaine-Liveau, section E du cadastre, nos 1 et 4, m’ont révélé en ce point, situé à six kilomètres au Sud d’Étampes, la présence d’un gisement qui peut être rapporté à la fin du quaternaire, à l’époque solutréenne ou magdalénienne.

Les pièces que j’ai recueillies et que je soumets à l’examen de la Commission, sont très peu nombreuses encore, mais assez caractérisées pour pouvoir être attribuées, sans aucun doute, à la fin de l’âge du renne. Elles consistent en petites lames en silex de la craie, de couleurs variées, dont une retouchée au dos, de forme triangulaire, présente l’apparence des pièces de l’époque dite tardenoisienne, qui forme la transition entre le paléolithique et le néolithique. Un gros grattoir, à tête surélevée, à retouches longitudinales, fait partie de cette catégorie d’outils auxquels on a donné le nom de rabot, de nucléiforme, etc., que l’on trouve depuis la fin du moustérien jusqu’au néolithique. Un petit nucléus conique porte la trace de l’enlèvement de douze petites 19 lames très fines, rappelant cet outillage microlithique dont les gisements solutréens et magdaléniens fournissent de si nombreux exemplaires. Enfin, un beau burin, en bec-de-flûte, taillé aux dépens d’une lame de silex calcédonieux de 0 m. 07 de longueur, est, sans conteste, tout à fait caractéristique de l’industrie lithique du quaternaire supérieur. Cette pièce suffit, à elle seule, à dater ce gisement, qui ne m’a fourni aucun témoin de l’industrie osseuse qui devait accompagner l’outillage en silex. Les |91 os ne se sont pas conservés, en effet, dans cette station en plein sol, où ils ont dû être dissous par les eaux météoriques. Le plateau de Fontaine-Liveau, où les silex ont été recueillis, est composé de sables de Fontainebleau sur une épaisseur de 60 à 80 cm ; au-dessous des sables, règne le banc des grès, qui atteint une puissance moyenne de quatre mètres, et qui a été exploité à diverses époques pour la fabrication des pavés. C’est à la surface du banc et entre les fentes de la table rocheuse que gisaient les silex, au nord du promontoire que forme le plateau, faisant face au village d’Étréchy. Ce point a été moins dénudé par l’érosion que les pentes voisines, qui bordent la vallée de la Juine et cette circonstance a permis la conservation relative du gisement préhistorique. Malheureusement, l’exploitation des grès a modifié profondément la stratigraphie du plateau et bouleversé les couches archéologiques du gisement. C’est ainsi que l’industrie néolithique, si abondante sur la plupart des plateaux de la région d’Étampes, se trouve mélangée, à Fontaine-Liveau, avec les pièces paléolithiques. Il n’y a aucun moyen de retrouver les niveaux en place et les pièces doivent être distinguées seulement, par leurs caractères extérieurs. Cependant, la présence d’un burin en silex suffit à affirmer l’ancienneté de cette station humaine, car on sait que cet outil est inconnu au néolithique.

Aucune trouvaille de cette période du paléolithique n’avait encore été signalée aux environs d’Étampes, à notre connaissance et le bassin de Paris est très pauvre en gisements de cette nature, à cause de la constitution géologique du sol de cette région de la France, où les grottes, si recherchées par les hommes des âges froids de Solutré et de la Madeleine, font défaut. La station du Beauregard, près de Nemours (Seine-et-Marne), a fourni cependant de belles séries de cette époque les conditions de gisement de Fontaine-Liveau et celles du Beauregard sont d’ailleurs très voisines. Les hommes habitaient alors dans notre région, les plateaux dominant les cours d’eau, sans doute dans des huttes de branchages ou des tentes de peaux, dont aucun vestige n’a subsisté.

Pas plus qu’à Fontaine-Liveau, la station du Beauregard n’a conservé l’outillage en os et en corne, si intéressant, des âges du renne, que l’on retrouve dans les stations sous roches et les grottes. Enfin, la patine des silex vernis par le frottement des sables, mais non cachalonnés, est tout à fait semblable dans les deux gisements.

Il n’est pas inutile de rappeler que, si l’outillage en silex de la fin du quaternaire était inconnu à Étampes, la présence de la faune |92 froide de cet âge y avait été reconnue depuis longtemps déjà. Le naturaliste Guettard, originaire de notre ville, avait, dès 1768, signalé le renne et le mammouth (?) au lieu-dit Saint-Lazare, dans la vallée de Brières, à 5 kilomètres environ de Fontaine-Liveau et au même niveau géologique. Mais, cette découverte que l’Académie des Sciences accueillit avec défiance, était restée isolée ; elle est d’autant plus intéressante à remémorer aujourd’hui que la trouvaille d’une industrie humaine de l’âge du renne en souligne l’importance et aussi parce que cette découverte de Guettard est la première mention qui ait été faite en France, de l’existence du renne fossile.

Malgré le petit nombre de pièces que m’ a fourni ma première fouille, dont j’ai communiqué avec plus de détails le compterendu à la Société préhistorique de France20, j’ai pensé qu’il y avait quelque intérêt à en entretenir la Commission, car elle apporte un nouvel élément à nos connaissances sur les stations préhistoriques de la région d’Étampes.

René de Saint-Périer, Docteur en médecine.

Autres pièces conservées au musée dÉtampes

04. Le burin tardenoisien >

Par le Docteur de Saint-Périer

Le petit outil, auquel je consacre cette note, a été signalé déjà, en quelques lignes, par plusieurs auteurs. Mais il me semble qu’il mérite une étude un peu plus détaillée.

J’ai trouvé plusieurs de ces burins au cours des fouilles d’un gisement des environs de Paris et M. l’abbé Breuil, à qui j’exprime ici ma vive reconnaissance, a bien voulu me communiquer des pièces analogues, encore inédites, qui font partie des collections de l’institut de Paléontologie humaine. Les uns et les autres vont nous permettre de faire ressortir l’intérêt de cette forme peu connue de l’outillage tardenoisien.

Tout d’abord, il faut éliminer un certain nombre de petits silex qui ont été publiés sous le nom de burins par M. Debruge21 22 et qui proviennent des hauts plateaux de l’Atlas. M. Debruge classe en quatre séries : burins droits retouchés des deux côtés, burins retouchés d’un seul côté, burins anguleux et burins en croissant, des petits silex fort distincts du burin dont nous nous occupons. Sans préjuger de l’utilisation possible, comme burins, des silex de l’Atlas dont M. Debruge a publié les figures, nous verrons que notre outil est d’une forme bien différente et qu’il se rattache plus étroitement à la morphologie du burin de l’outillage paléolithique.

Fig. 1 Burin tardenoisien (figure schématique)


Description. — Dans sa forme la plus habituelle, le burin tardenoisien est constitué par une petite lame, ou parfois par un éclat plus épais, qui porte, à l’extrémité opposée au bulbe de percussion, la retouche caractéristique du burin. L’ un des pans du burin (le pan droit le plus souvent, dans les exemplaires que j’ai observés, la lame étant considérée par sa face supérieure, c’est-à-dire par la face opposée au bulbe de percussion) est retouché en forme d’encoche. |316 L’autre pan est constitué par une surface plane, trace de l’enlèvement dû au coup de burin.

Si nous nous reportons à la classification des burins proposée par le lieutenant Bourlon23, qui a le grand mérite de fixer les idées, en attribuant à chaque variété de burins une dénomination précise, nous verrons que le burin tardenoisien est toujours un burin à biseau rectiligne et qu’il rentre dans la série des burins sur lames appointées, « limite, dit l’auteur, vers laquelle tendent des burins d’ angle, quand on augmente à la fois l’ obliquité du coup de burin et de la partie retouchée ». Nous distinguerons le burin tardenoisien du micro-burin, type de Noailles, qui est un burin d’angle véritable, alors que le nôtre, qui présente une troncature retouchée concave sur un de ses pans, est du type bec-de-flûte par l’autre de ses pans.

Une particularité se remarque le plus souvent sur le burin tardenoisien : c’est l’obliquité du pan opposé au pan retouché. La lamelle de coup de burin n’ est pas perpendiculaire au bord de l’outil, mais inclinée sur lui ; elle passe ainsi sous la lame et empiète fortement sur la face inférieure du burin. Cette disposition est exactement celle du burin-plan.

Nous pouvons donc dire, en définitive, que le burin tardenoisien est une combinaison du burin sur lame appointée et du burin-plan. Cette morphologie typique est d’ailleurs sujette à quelques variations. Parfois, l’inclinaison de la lamelle est peu prononcée, d’autres fois, l’encoche, faiblement retouchée, est peu accentuée et nous arrivons par gradations insensibles à un type voisin du burin bec-de-flûte. Il est toutefois facile, dans la plupart des cas, de retrouver les détails morphologiques que nous avons indiqués plus haut. Les dimensions de ce burin sont, le plus souvent, très réduites elles correspondent aux dimensions de l’outillage microlithique du tardenoisien. Je connais des burins tardenoisiens qui n’atteignent pas 5 millimètres de longueur. D’autre part, l’exemplaire de la figure 2 peut passer pour un outil d’ une grandeur tout à fait exceptionnelle.

Historique. — C’est M. Siret24 qui le premier, à ma connaissance, a figuré les burins tardenoisiens. Cet auteur ne les considérait pas |317 comme des burins, mais comme des déchets de la fabrication des trapèzes. « On produisait, dit-il, dans une lame, une encoche jusqu’au tiers environ de sa largeur, puis on la brisait, en ce point, par un effort adroitement appliqué ; un des bouts garde la forme ici figurée (c’est notre burin) ; l’autre fournit un des côtés d’un trapèze, presque terminé, et surtout une pointe plus perçante que par aucun autre procédé. » Cette hypothèse ingénieuse soulève quelques difficultés. Tout d’abord, en admettant que telle ait été l’origine de notre outil, il ne s’ensuit pas que ce fût un déchet. Ce fragment détaché de la lame, après la fabrication du trapèze, pouvait être utilisé lui-même et devenir un outil autonome. Ne voyons-nous pas des lamelles de coup de burin, véritables déchets de la fabrication des burins, employées comme armatures d’armes, comme grattoirs et même comme burins, elles aussi, ainsi qu’en témoignent leurs biseaux usagés25 ? D’autre part, il est nombre de gisements où l’on trouve nos burins et qui ne renferment plus un seul trapèze26.

Cette hypothèse est contredite également par l’existence de burins tardenoisiens taillés aux dépens de gros éclats. Il en est ainsi notamment du burin que j’ai recueilli à Fontaine-Liveau (Seine-et-Oise), (fig. 2) et qui, de dimensions énormes pour un burin tardenoisien, n’en montre pas moins la retouche latérale et la lamelle empiétant sur la face inférieure, double caractéristique de notre burin. Il n’est pas possible d’admettre que ce gros éclat soit un déchet de fabrication d’un trapèze. Il a donc été taillé intentionnellement pour constituer un outil parfaitement défini, de même que le second burin, beaucoup moins volumineux, mais absolument semblable morphologiquement (fig. 2) que j’ai recueilli dans le même gisement. Je me suis efforcé de reproduire expérimentalement les déchets de fabrication dont parle M. Siret, en brisant de petites lames du gisement de Fontaine-Liveau. Je pensais ainsi obtenir la section oblique de nos burins, sur le côté opposé à l’encoche retouchée. Je n’ai pu réaliser qu’une section plane, qui ne rappelle point la trace d’enlèvement de la lamelle inclinée sur le bord de la lame caractéristique de nos burins. Il est vrai que l’ on peut objecter à cette expérience le manque d’ habileté technique de l’ expérimentateur.

Fig. 2. Burins tardenoisiens. Fontaine-Liveau (Seine-et-Oise)

Quoi qu’il en soit, je ne crois pas, comme le pense M. Siret, que la fabrication des trapèzes ait été la cause, ou du moins la seule cause, de l’existence de ces déchets que nous étudions sous le nom de burins. |318

Gabriel de Mortillet27, dans une excellente étude sur la répartition géographique de l’ industrie tardenoisienne, signale, d’ après E. de Pierpont, des « lames taillées en forme de burins », recueillies avec un outillage microtithique en Belgique. Mais la figure qui accompagne cette indication n’est pas très caractéristique de notre outil.

M. Henri Quilgars28, qui note, dans les silex à contours géométriques de la station du Croisic, « des burins avec un côté taillé en biseau », figure, par contre, un outil qui est incontestablement un de nos burins.

Le capitaine Octobon29 a signalé et fort exactement décrit notre burin, sous la dénomination d’ « outil spécial », dans le gisement de la ferme de Montbani (Aisne).

Il faut indiquer aussi que M. Deffontaines30 a reconnu l’existence du burin tardenoisien dans la Haute-Vienne.

D’autre part M. Francis Buckley31 a récemment noté sa présence dans le Yorkshire, à Cupwith Will et près de March Hill. |319 M. Buckley fait observer que le tranchant des burins est émoussé par un long usage. Il pense qu’une encoche latérale de l’un de ces burins, située à la base de l’outil, a pu être utilisée pour sa préhension. Enfin, je citerai les burins tardenoisiens que j’ai recueillis moi-même au lieu-dit les Friches de Fontaine-Liveau, commune d’Étréchy, près d’Étampes (Seine-et-Oise)

(fig. 2). Sur ce plateau, qui domine la vallée de la Juine de cent mètres environ, j’ai observé la présence de silex et de grès taillés de diverses époques. La stratigraphie, déjà incertaine dans les sables stampiens qui forment le plateau de Fontaine-Liveau, à cause de la facilité avec laquelle les glissements peuvent se produire en un semblable terrain, est rendue plus difficile encore par l’existence, en ce point, d’anciennes exploitations de la taille du grès de Fontainebleau, qui couronne l’assise des sables. J’ai noté cependant qu’une industrie à facies magdalénien31 paraît sous-jacente aux industries tardenoisienne et néolithique, qui sont tout à fait superficielles. On recueille, en effet, les silex microlithiques dans la couche de terre de bruyère, épaisse de 0 m. 20 environ, qui s’étend à la surface du sol. Cette industrie comprend surtout des lames, quelques triangles, de petits grattoirs je n’y ai point rencontré de trapèzes.

Les deux burins que je figure ici sont taillés dans le silex local, qui provient des galets roulés des alluvions anciennes de la Juine, déposées au pied du plateau. Le premier, en silex calcédonieux, à demi transparent, est constitué par un gros éclat, retouché avec soin sur les bords latéraux de sa face supérieure. L’encoche du burin est située à droite et la trace d’enlèvement de la lamelle de coup de burin du pan opposé a laissé une surface concave qui occupe la face inférieure de l’outil. La lamelle a donc été enlevée sur cette face seulement et d’ un seul coup. M. Buckley avait signalé déjà ce fait sur les burins qu’il a recueillis dans le Yorkshire. Par suite de l’enlèvement oblique de la lamelle, le biseau n’est pas perpendiculaire à l’axe longitudinal de l’outil, mais fortement incliné sur lui. Le second burin, de dimensions bien plus réduites, est en beau jaspe rouge brun ; il montre

31 Bull. de la Soc. préhist. franç., 1913, p. 173.

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également une encoche retouchée à droite et la trace d’enlèvement de la lamelle à la face inférieure du burin.

Fig. 3.Burins tardenoisiens : 1 et 2, Hastings (Angleterre) ; 3 à 10, Ouahila (Sahara).Collections de l 'Institut de Paléontologie humaine.

Distribution géographique. — On sait que l’industrie tardenoisienne occupe une vaste aire de dispersion. Il est probable que le |320 burin tardenoisien sera retrouvé dans la plupart des stations de cet âge, lorsqu’il sera recherché systématiquement. M. l’abbé Breuil a déjà donné une liste des stations où il a observé cette forme32. Nous voyons que ce burin a été recueilli à Hastings (Angleterre), (fig. 3) en Écosse, aux

32 L \Anthropologie, t. XXXI, 1921, p. 350.

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environs de Metz, en Espagne, dans le Sahara. Je figure ici quelques-uns de ces burins qui proviennent d’Ouahita (Sahara).

M. l’abbé Breuil m’a fait remarquer que ces burins sont en grès, alors que l’industrie néolithique de cette région est en silex. On notera que la plupart de ces burins, que je ne décrirai pas, car ce serait répéter ce que j’ai déjà dit de ce petit outil, ont leur encoche retouchée à droite. Quelques-uns d’entre eux passent aux burins bec-de-flûte, comme je l’ai déjà signalé.

Conclusions. — Il résulte de l’ étude que nous venons de faire que le burin tardenoisien doit être considéré comme un outil individualisé, comme une forme parfaitement intentionnelle. Il est possible que la fabrication des trapèzes ait procuré des fragments de lames dont la forme a inspiré le mode de fabrication de ce burin. Mais je crois |321 que ces déchets, repris et réutilisés, ont fait partie de l’outillage du tardenoisien au même titre que les autres microlithes de cette industrie. Je crois aussi que cet outil a été systématiquement fabriqué en dehors de toute préparation de trapèzes, en tant qu’instrument autonome.

Je n’ai point envisagé le mode d’utilisation de ces burins, car nous en sommes réduits, sur ce point, aux hypothèses. Les très petits burins (moins de 5 millim.) ont dû être montés sur un manche avec une gomme ou une résine, leur préhension directe n’étant pas possible. II semble bien, d’après l’usure de certains de ces burins, qu’ils ont travaillé par leur biseau, comme les burins paléolithiques. Cet outil, qu’il y aura lieu de rechercher dans toutes les stations à silex géométriques, établit un lien morphologique nouveau entre l’outillage paléolithique et l’industrie à petits silex du Tardenois. Il est, à mon avis, très intéressant, car il date ces derniers gisements.

De même que certains fossiles datent avec précision, pour les géologues, les terrains dans lesquels on les rencontre, de même, notre burin doit être considéré comme caractéristique des gisements d’âge tardenoisien.

Morigny, le 19 mars 1922.

Musée d ’Étampes


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Plan du dolmen de la Pierre Levé à Janvi lie sur Juine par Paul AU orge

05. L’époque néolithique dans l’arrondissement d’Étampes 32

Nous résumons, dans cette petite note, quelques données sur l’industrie néolithique dans l’arrondissement d’Étampes, sans avoir la prétention d’en donner un inventaire complet, mais en signalant seulement les trouvailles les plus importantes, et en les accompagnant de quelques références bibliographiques.

Mégalithes. — Le très beau dolmen dit de La Pierre Levée, situé sur le territoire de la commune de Janville-sur-Juine, a été décrit souvent et figuré33. Au moment de sa découverte, en 1860, il contenait une quinzaine de squelettes reposant sur un lit de galets roulés, apportés, sans doute, des alluvions anciennes de la Juine. Ces squelettes ne paraissent pas avoir été conservés ni étudiés.

Menhirs. — Nous citerons le menhir de Pierrefitte, près d’Étampes, étudié par MM. Delessart, Tomasi, etc.34 et le menhir de Milly dit La Pierre Droite35. Comme le dolmen de Janville ces monuments sont constitués par des blocs de grès oligocène, qui sont très abondants sur les pentes des vallées de l’arrondissement d’Étampes, où l’érosion a dénudé le ban de ces grès qui couronnent les sables stampiens.

Polissoirs. — Les polissoirs sont si nombreux qu’il n’est pas possible dans un travail aussi restreint, d’en donner une énumération complète. Nous nous bornerons à citer les plus remarquables de ces monuments.

À Morigny (à 3 km d’Étampes) existe un fort beau polissoir portant cinq rainures et dix cuvettes de polissage, classé comme monument, grâce aux démarches de notre ami G. Courty.36 |48

À Villeconin, dans le bois de la Guigneraye, se trouve également un beau polissoir ; non loin de là, sur le territoire de la même commune, plusieurs roches, encore inédites, ont montré des rainures et des cuvettes de polissage.

À Souzy, dans le bois de la Briche, M. G. Courty a découvert une roche portant une longue rainure polie.

Citons enfin un petit polissoir, situé dans un jardin à Chamarande et un autre de ces monuments portant sept rainures, qui a été apporté près l’église de Buno-Bonnevaux et qui avait été découvert sur le territoire de cette commune. On le connaît dans ce pays sous le nom de Pierre des septs coups d’Épée. 38

Ces polissoirs sont en grès, mais il faut remarquer que les blocs qui ont été utilisés par les populations néolithiques pour polir leurs haches ont été choisis par elles parmi les variétés les plus siliceuses et par conséquent les plus résistantes du grès stampien.

À la suite des mégalithes, il nous faut signaler deux sépultures néolithiques. La sépulture des Boutards39, dominant la vallée de la Louette, a été bouleversée, dès sa découverte, par les carriers qui l’avaient mise à jour. Cependant, M. Maudemain40 a pu encore y recueillir des silex néolithiques dont une scie très fine portant 22 encoches et un crâne montrant une trépanation, faite pendant la vie du sujet qui la portait.

L’autre sépulture, actuellement encore bien conservée, est la curieuse grotte sépulcrale de Buno-Bonnevaux, signalée par Philippe Salmon en 1869 un an après sa découverte. Cette grotte artificielle a été creusée dans le banc de grès en place qui forme son plafond et ses parois sont constituées par des murs en pierres sèches. Elle contenait une quarantaine de squelettes et un mobilier funéraire, dont l’inventaire a été donné par Salmon.41 Ce monument est le seul de son genre que nous connaissons dans la région.

Industrie néolithique. Haches. — Les trouvailles de haches taillées et polies sont si nombreuses dans toute l’étendue de 37 38 39 40 l’arrondissement qu’il nous est impossible de citer les communes sur le territoire desquelles on a recueilli ces objets. Ces haches sont en roche locale : silex et grès, et aussi en roches étrangères. Les haches en grès sont très abondantes ; bien que constituées par un grès très dur, voisin du Cliquart ou grès siliceux résistant du gisement de la Vignette (S. et M.) elles devaient s’émousser plus rapidement que les roches en silex, car nous avons observé que le plus grand nombre d’entre elles ont subi un deuxième polissage, afin de reconstituer leur tranchant altéré par l’usage. Quant aux haches en roches étrangères |49 à la région, on trouvera, dans un excellent travail de notre ami G. Courty41, un inventaire de beaucoup de ces pièces, avec une indication précise de leur constitution minéralogique.

Lames. — Nous devons signaler la cachette de La Croix-Blanche à Moigny42 contenant 13 à 20 grandes lames retouchées en silex du Grand Pressigny, dont la plus grande mesure 323 mm de longueur. Ces lames sont les unes retouchées en forme de pointes ou poignards, les autres en grattoir ; elles ne présentent aucune usure ni trace d’utilisation. Il s’agissait sans doute d’un dépôt fait par un colporteur néolithique, comparable aux cachettes de l’âge du bronze. Dix de ces admirables pièces sont conservées dans l’intéressante collection de M. Gorneau à Étampes.

Nous avons pu examiner une pointe assez analogue en silex du Grand-Pressigny, trouvée en labourant à Bonvilliers, près d’Étampes, par un cultivateur.

Broyeurs.    — Ces instruments, abondants dans tous

l’arrondissement, offrent un certain intérêt, car ils prouvent que, dès l’époque néolithique, la culture des céréales était pratiquée sur une assez grande échelle dans notre région.

Grattoirs, pointes de flèches etc. — En surface, sur des points variés dans tout l’arrondissement, on trouve des grattoirs, quelques tranchets, des meules, des percuteurs, qui témoignent de stations néolithiques abondantes. Cependant on n’a pas signalé jusqu’ici de véritable atelier dans l’arrondissement d’Étampes. Des pointes de flèches ont été trouvées un peu partout dans la région (Chalou, Moulineux, Valnay, Chauffour etc.) Quelques stations semblent cependant avoir été des centres d’habitation plus nettement délimités, comme les cavités ou mardelles du Four-Blanc (anciens fonds de cabanes ?), la station du Terrier Blanc à Morigny (trouvailles de M. Bozon, instituteur à Morigny) etc.

Pétroglyphes. — Enfin, nous ne pouvons terminer cette petite note, sans rappeler des travaux de M. G. Courty sur les nombreuses roches de grès portant des gravures ou pétroglyphes. C’est dans notre arrondissement que notre ami a commencé ses intéressantes recherches et qu’il a, le premier, signalé les rapprochements entre ces gravures et les signes figurés sur les roches d’autres régions, éclairant ainsi d’une manière frappante, les analogies entre les divers modes d’expression de la pensée des primitifs, à l’aurore de leurs essais encore incertains de langage écrit.

Dr. de St. Périer.

06. Le Dolmen de Guiry *>

Fouilles Archéologiques de Seine-et-Oise

Le Dolmen de Guiry

Les lecteurs de L’Abeille n’ont, sans doute, pas oublié l’attrayante conférence, faite à Étampes, le 3 mai 1914, par M. Adrien de Mortillet qui avait bien voulu, sur la demande de la Société des Amis du Musée d’Étampes, prêter le concours de sa vaste érudition et le charme de sa parole, à la réunion organisée par cette Société.

Aussi croyons-nous qu’il n’est pas sans intérêt de résumer brièvement la communication, faite le 2 octobre dernier, par M. Adrien de Mortillet, à la Société d Anthropologie de Paris sur les fouilles pratiquées par lui dans un dolmen de notre département.

On sait que l’on nomme dolmens des monuments préhistoriques, constitués par une grande dalle de pierre horizontale ou table, supportée par des blocs verticaux, ou piliers. La chambre du dolmen est la cavité intérieure que limitent la table, les piliers et les dalles verticales, qui ferment le monument en avant et en arrière.

44 L’Abeille d’Étampes (8 novembre 1919), pp. 1-2 (B.G.).

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Ces constructions en pierre sèche, dont un bel échantillon existe à Janville-sur-Juine, non loin d’Étampes, ont depuis longtemps attiré l’attention des hommes. On leur a attribué un sens légendaire et superstitieux, dont rendent compte les noms de Pierres des Fées, Pierres au Diable, etc., sous lesquels on les désignait autrefois.

On a voulu ensuite y voir les autels sur lesquels les druides ou prêtres gaulois pratiquaient des sacrifices humains et, l’imagination aidant, on a décrit les dépressions longitudinales naturelles que l’on rencontre parfois sur les blocs, comme les rigoles par lesquelles s’écoulaient, en ruisseaux de pourpre, le sang fumant des victimes.

La vérité est moins dramatique. En réalité, les dolmens sont bien plus anciens que le culte des druides et ceux-ci ignoraient déjà la signification de ces monuments. Des fouilles méthodiques, pratiquées dans la chambre de dolmens encore intacts, ont prouvé qu’il s’agissait de sépultures, renfermant souvent un grand nombre de squelettes et remontant à l’époque dite néolithique, alors que les hommes ignoraient encore l’usage des métaux et utilisaient des instruments de pierre qu’ils polissaient sur des roches gréseuses ou polissoirs, dont un certain nombre se rencontrent dans nos environs, à Morigny, notamment, à Villeconin, à Souzy, etc. Nous ignorons l’âge exact de cette civilisation reculée, mais elle remonte, à n’en pas douter, à plusieurs milliers d’années avant l’ère chrétienne.

M. Adrien de Mortillet a eu la bonne fortune de fouiller un dolmen à peu près intact et cela est rare, car la plupart de ces monuments ont été bouleversés à diverses époques, la tradition populaire leur attribuant, en outre de leur origine légendaire, le privilège de cacher des trésors ils renferment, il est vrai, de précieux documents, mais accessibles seulement à ceux qui savent les interroger avec méthode et interpréter avec sagacité le résultat de leurs explorations.

Le dolmen de Guiry, arrondissement de Mantes, est situé sur les terres de M. le comte de Létourville, propriétaire du château de Guiry, qui a permis à M. de Mortillet d’ explorer le monument dans les conditions les meilleures.

Ce dolmen a montré une disposition fort intéressante et qui n’avait jamais encore été observée avec une aussi grande netteté. La dalle verticale, formant l’entrée de la chambre, est perforée en son centre. Le trou de perforation d’un diamètre suffisant pour livrer passage à un homme, était obturé par une sorte de bouchon en pierre calcaire portant une anse en relief sculptée dans la pierre, et s’adaptant parfaitement à l’orifice de la dalle, grâce à une saillie circulaire qui répondait à une dépression symétrique, ménagée dans la dalle. On pouvait ainsi obturer la chambre, après y avoir placé les cadavres et pénétrer de nouveau à son intérieur pour y déposer d’autres corps.

M. de Mortillet estime à près de deux cents le nombre de squelettes que contenait le dolmen de Guiry. Il a fait, au sujet de ces ossements, de curieuses observations. Les enfants en bas âge et les vieillards y sont en majorité ; comme aujourd’hui donc, la mortalité, chez les néolithiques, était plus grande dans la première enfance et dans l’âge avancé. Ces hommes n’étaient point à l’abri des souffrances que nous connaissons encore ; beaucoup de crânes montrent des dents cariées qui auraient nécessité des soins. Quelques squelettes montrent des traces de blessures, dues peut-être à la guerre (l’âge d’or du poète latin où tous les hommes étaient frères était loin déjà !) ou peut-être seulement à des accidents. Ces lésions osseuses se cicatrisaient, mais comme la réduction des fractures était ignorée, il en résultait des difformités qui devaient être fort gênantes et que la chirurgie actuelle nous permet d’éviter. Enfin, M. de Mortillet a trouvé à Guiry un crâne trépané et un crâne portant des traces de grattage, premier stade de la trépanation. C’est là une coutume singulière et dont l’explication précise nous échappe encore, mais que l’on retrouve assez souvent, à la période néolithique. Idée religieuse ? Traitement médical ? Il est impossible de conclure. Quoi qu’il en soit, on découpait parfois sur le crâne, au moyen de lames de silex, des rondelles osseuses, qui paraissent avoir été conservées ensuite comme amulettes. Cette opération, qui devait être longue, pénible pour l’opérateur et surtout pour l’opéré, réussissait cependant souvent, puisque la cicatrisation osseuse prouve que le malade a survécu à l’opération. Tel est le cas des crânes trouvés à Guiry.

Il semble, d’après les observations de M. de Mortillet, que les cadavres étaient introduits dans le dolmen, repliés sur eux-mêmes et les membres fléchis, comme si on les avait ligottés. On ignore la raison de cette coutume, qui a été observée ailleurs, notamment dans les sépultures néolithiques d’Égypte. Pas plus à Guiry que dans d’autres dolmens, on ne peut recueillir un squelette complet d’un individu, avec tous ses os en connexions anatomiques. On trouve un bras, un membre inférieur, une colonne vertébrale, avec leurs segments se suivant, mais les autres os du squelette sont dispersés Il paraît établi qu’au moment de l’ introduction d’ un nouveau cadavre, on déplaçait les corps gisant dans la sépulture et qu’on rejetait alors à droite et à gauche les squelettes déjà inhumés. Ainsi s’explique le désordre des ossements constatés dans des dolmens, que les chercheurs de trésors n’avaient point visités avant les archéologues Enfin, des traces de foyers sont souvent apparents à l’entrée des dolmens. Ce fait s’explique par la purification nécessaire de l’air de la chambre sépulcrale. Le bouchon enlevé, on jetait, dans l’intérieur du dolmen, des fascines enflammées : l’air intérieur, vicié par les émanations cadavériques, était dilaté par la chaleur et s’échappait au dehors ; l’air frais pénétrait dans la chambre ; les fossoyeurs néolithiques pouvaient accomplir, sans trop de répugnance, leur funèbre besogne.

Que pensaient ces hommes, si éloignés de nous dans le temps ? Avaient-ils un culte des morts ? Quelles étaient leurs conceptions philosophiques ou religieuses ? Nous sommes peu instruits de ces questions. Nous savons seulement, avec certitude qu’ils plaçaient près des morts quelques-uns des objets qui avaient servi à ces derniers pendant leur vie. Dans l’Île-de-France, ce mobilier funéraire des dolmens est peu abondant ; à Guiry, M. de Mortillet a trouvé seulement deux haches polies, quatre grattoirs, deux racloirs, un retouchoir en grès, une petite lame en silex, un percuteur en silex et un poinçon en os.

Telles sont, rapidement résumées, les constatations générales que M. de Mortillet a pu faire au cours des journées de fouilles laborieuses, pénibles et parfois dangereuses, qu’il a consacrées au dolmen de Guiry. Il nous a semblé qu’il était intéressant d’en donner ici un aperçu, parce que les traces de la civilisation néolithique sont fréquentes aux environs d’Étampes et que ces vestiges d’un âge si reculé méritent, à plus d’un titre, de retenir l’ attention.

R. de Saint-Périer.

07. Haches non polies et poussoir détruit à Bouville «

Par le Dr de Saint-Périer (Paris).

Une découverte, qu’il me paraît intéressant de signaler, a été faite au mois de mai 1912, sur le territoire de la commune de Bouville, petit village du canton d’Étampes, à 7 km. de cette ville.

À l’occasion des travaux d’établissement de la voie du tramway d’Étampes à Milly, une tranchée, pratiquée au pied du coteau qui forme le versant Sud de la vallée de Bouville, a mis à jour une roche de grès, qui paraît bien, d’après les renseignements qu’il m’a été possible d’obtenir, avoir pu être utilisée comme Polisssoir. Au pied de cette roche, quatre Haches en silex, non polies, se trouvaient réunies côte à côte. 43

L’auteur de la découverte, chef de chantier à la Compagnie des tramways, a fait don de trois de ces haches au Musée d’Étampes. Je dois à l’obligeance de M. Clavier, architecte, membre de la Société des Amis du Musée d’Étampes, d’avoir pu examiner ces pièces ; et je lui en adresse ici tous mes remerciements.

Fig. 1.Haches non polies, néolithiques, trouvées dans une cachette, au pied d’un polissoir.

La plus grande de ces haches mesure 0m178 de longueur, sur une largeur maximum de 0m056 et une épaisseur maximum de 0m027 seulement. En silex blond non patiné, cette pièce est presque plane sur une face, l’autre étant légèrement bombée.

Taillée à petits éclats, elle présente des bords retouchés avec une admirable finesse. Le tranchant, absolument à vif, et les bords latéraux sans aucune esquillure, montrent qu’il s’agit là d’une hache qui n’a jamais servi (Fig. 1). |49

Les deux autres pièces, mesurant respectivement 0m149 et 0m141 de longueur, sont plus bombées que la précédente ; elles ne sont pas non plus patinées. Leurs retouches sont également très fines, et leurs tranchants très habilement préparés (Fig. 1).

Je n’ ai pu voir la quatrième hache.

Je me suis rendu, le 8 août 1912, à Bouville, afin d’obtenir quelques renseignements complémentaires sur cette trouvaille.

C’est au lieu-dit La Roche Clairon, à 500 mètres environ du village, et au pied du coteau, que les haches ont été découvertes. En ce point existe un éboulis de roches de grès, provenant du banc gréseux qui surmonte l’assise des sables de Fontainebleau, dénudés au moment du creusement de la vallée. Eboulés des pentes supérieures, ces blocs sont à demi enterrés |50 dans le sol sableux de la vallée sèche de Bouville. Quelques-uns ne se révèlent que par un pointement superficiel au-dessus du sol.

En arrachant un chêne pour établir le passage de la voie, M. Lefèvre, chef de chantier, découvrit les haches, à 0m80 environ de profondeur. Elles étaient, m’ a-t-il dit, rangées côte à côte, à une très faible distance les unes des autres, se présentant par un de leurs bords latéraux. Il continua la tranchée, et mit à jour, immédiatement après, une roche de grès, à côté de laquelle se trouvaient placées des haches. Cette roche, dont la partie supérieure était plane, montrait une série de stries profondes, dont il n’a pu m’indiquer le nombre. Ces stries, en forme de V, dont la longueur ne put être non plus déterminée, étaient polies sur leurs faces latérales ; elles lui ont semblé produites par l’usure régulière de la roche, due au frottement prolongé d’un corps dur.

Malheureusement la roche se trouvait sur le passage de la ligne ; et, sans s’y attarder davantage, les ouvriers l’ont fait sauter à la poudre de mine. J’ai cherché, en vain, à retrouver un fragment de grès, portant une partie de strie ; les éclats de débitage sont accumulés en ce point, et beaucoup sont enterrés sous le remblai de la voie, afin de lui constituer un sol solide.

Il ne me semble pas douteux cependant, étant donnée la précision des détails que m’a fournis l’auteur de la découverte, qu’il se soit agi d’un polissoir, à côté duquel existait une cachette ou un dépôt de haches non polies.

Dans quel but ces haches avaient-elles été déposées là ? S’agissait-il de ces pièces « préparées pour le polissage », dont l’existence est très contestée ; ou bien n’y avait-il en cet endroit qu’une cachette, faite par une coïncidence au moins singulière, au pied même d’un polissoir ?

Il m’est impossible, sans avoir vu le polissoir, d’être plus affirmatif ; mais il m’a semblé qu’il y avait lieu de signaler, malgré les renseignements très incomplets que j’ai pu obtenir, la présence, au pied d’une roche, enterrée depuis un temps très ancien et portant des stries polies, de quatre haches néolithiques, finement retouchées, et n’ ayant certainement pas encore été utilisées.

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08. Découverte d’une roche à pétroglyphes à Moulineux 6

Par le Dr René de Saint-Périer (Paris).

À 15 kilomètres au Sud-Ouest d’Étampes, la petite rivière, la Chalouette, prenant naissance près du village de Chalou-Moulineux, et issue des eaux d’infiltration du plateau de la Beauce, a creusé une vallée étroite, orientée du Sud-Ouest au Nord-Est. Dénudant le calcaire de Beauce du plateau et la puissante assise des sables de Fontainebleau, qui forment le sous-sol de la région, les eaux ont frayé leur passage au travers des grès oligocènes, qui surmontent les sables, où ils constituent un banc d’une épaisseur moyenne de quatre mètres. Les pentes de la vallée sont ainsi bordées de roches gréseuses : les unes encore en connexion avec le banc ; les autres éboulées par suite de la dépression du sol.

C’est sur une de ces roches en place, que j’ai découvert, le 27 septembre 1911, les pétroglyphes, qui font l’objet de cette communication.

46 Bulletin de la Société préhistorique française 9/1 (janvier 1912), p. 7481 (séance du 28 décembre 1911) (B.G.).

La roche que j’ai étudiée est située sur la pente Ouest de la vallée, au-dessus de l’étang de Moulineux, que la Chalouette traverse, et qui a été formé par un barrage établi en travers de la vallée au XIIIe siècle. Elle fait face, dans un site très pittoresque, au village de Moulineux, que dominent les ruines de la chapelle ogivale de la commanderie des Templiers, fondée par Blanche de Castille.

Pour se rendre à la roche, il faut, en venant d’Étampes, prendre la route qui gagne les bords de l’étang, suivre la levée qui traverse la vallée, et, devant le petit hameau de la Brigalerie, tourner à gauche par l’ancienne route d’Étampes, aujourd’hui simple chemin vicinal. À droite, sur la pente boisée du coteau, à 60 mètres environ de la Brigalerie et à 40 mètres seulement du chemin, on aperçoit la roche à demi recouverte par le sable de la pente.

Cette roche présente en avant une paroi verticale, regardant la vallée et orientée à l’Ouest, d’une hauteur de 3 mètres ; sa partie supérieure en table est couverte par la végétation ; au Nord, elle s’abaisse vers le sol en formant une excavation, où j’ai observé des pétroglyphes, mais mal conservés. Au Sud s’ouvre une grande cavité, anfractueuse, sans signes rupestres tandis que, plus haut, mais faisant partie du même bloc, une cavité en forme de voûte renferme les pétroglyphes que j’ai étudiés. Enfin, à l’Est, la roche se continue avec le banc, et se trouve engagée sous le sable du coteau.

Ainsi exposé aux pluies qui fouettent la pente, avec violence à cette orientation, le grès, très friable, s’est profondément |75 altéré. La face et les parois latérales sont corrodées, excavées et présentent des anfractuosités et des cavités, qui défient toute description.

C’est dans une niche naturelle, en forme de four, longue de 1m20 sur 0m80 de largeur et lm50 de hauteur, que se trouvent les signes rupestres.

Eclairée par la partie postérieure, une ouverture naturelle à l’Ouest et la partie inférieure, cette cavité est entièrement tapissée de gravures. La paroi latérale gauche, le fond de la cavité, le plafond, la paroi latérale droite, dans toutes les surfaces accessibles, sont ornés de signes : les uns très bien conservés que j’ai relevés et que je présente aujourd’hui ; d’autres plus effacés, à cause de l’altération du grès friable, due aux agents atmosphériques, et sur lesquels je reviendrai à l’occasion, s’il m’est possible, ultérieurement, d’en obtenir des calques fidèles. — Ces signes sont tous de la même époque ; en effet, leur tracé identique et leur patine prouvent qu’ils ont été exécutés ensemble, ou à un très court intervalle de temps les uns des autres ; de plus, le même signe, la croix, par exemple, se trouvant sur tous les points de la cavité avec le même aspect, mélangé à d’autres signes également répétés, on peut difficilement admettre qu’il n’y ait pas là une gravure d’ensemble, correspondant à une idée que nous aurons à rechercher. |76

Je ferai remarquer la position cachée de certains signes au fond de petites dépressions rocheuses, où leur tracé a dû être singulièrement difficile à exécuter ; au plafond par exemple, la gravure a dû être faite par un personnage couché sur le dos, la tête très en arrière et recevant sur la face les débris du grès entamé par le trait. Il a donc fallu une intention, bien déterminée, de signaler certains faits au moyen de ces signes, en un point caché ou du moins peu accessible à l’observation, pour faire surmonter ces difficultés aux auteurs de ces pétroglyphes.

Fig. 1.Marelles.

Parmi les signes que je présente aujourd’hui, l’un deux, souvent observé sur des roches, se rapporte à la Marelle. — J’ai trouvé à Moulineux quatre de ces signes, dont un, gravé verticalement sur la paroi droite est remarquable par sa grande dimension et le nombre de cases qu’il comporte (Fig. 1). |77

Un autre signe, cruciforme, est abondamment représenté (Fig. 2). À l’entrée, sur la paroi latérale gauche, une série de six petites croix, mesurant de 0m016 à 0m048, est accompagnée d’une croix plus grande mesurant 0m070. Ces croix sont tracées nettement sur le grès ; et les extrémités de leurs branches sont ornées de cupules circulaires, creusées dans la roche. Je ferai observer, de suite, que des croix semblables ont été signalées par M. Reber44, directeur du Musée épigraphique de Genève, sur des roches, à Salvan, dans le Valais.

Celles-ci, que j’ai indiquées à mon excellent collègue et ami G. Courty, dont on connaît les recherches si intéressantes sur les pétroglyphes de Seine-et-Oise, ont été signalées par lui, de suite après leur découverte, dans une communication sur le Chariot préhistorique faite à la Société d’Anthropologie de Paris, le 5 octobre 1911.

En plusieurs autres points de la cavité, au fond, sur le plafond, sur la paroi droite, j’ai retrouvé cette croix, plus grande, mais de même dessin. Une seule ne présente pas les cupules des branches. Je ferai remarquer l’extrémité en pointe d’une des croix de la Figure 2, qui pourrait faire penser, sur le dessin, à un glaive. Cette pointe provient de ce que, tracé, comme je le dirai plus loin, par le va-et-vient d’un outil de pierre (grès ou silex), et n’étant pas arrêté par la cupule, le trait s’est prolongé en biseau sur la roche, faisant une queue, qui ne détruit pas la signification de ce signe, semblable aux autres.

Deux autres signes figurent un triangle arrondi, traversé par un trait perpendiculaire ; dans l’un d’eux est inscrit un trait demi-circulaire (Fig. 3).

Enfin, j’ai trouvé trois gravures, qui n’ont pas été signalées encore en Seine-et-Oise, et qui représentent une étoile à huit rais, dont les axes sont formés par quatre traits, perpendiculaires deux à deux. Le premier, et le plus net, est sur la paroi gauche, à l’entrée, faisant face à l’Ouest. Le trait en est précis et régulier ; le centre de l’étoile est occupé par une cupule, en tout point semblable à celles qui forment les extrémités des branches des croix déjà signalées. À côté de cette étoile, quatre lignes, perpendiculaires deux à deux, forment le squelette d’une étoile semblable, soit que celle-ci n’ait pas été terminée, soit plutôt, comme je le crois, que ce signe représente la schématisation par simplification de dessin précédent. Sur la paroi droite, en face de ces deux étoiles, se trouve un troisième signe, analogue, mais complet, formé par les lignes perpendiculaires et les branches tracées, avec cupule centrale. Quelques points des traits latéraux de côté des branches s’étant effacés par altération de la roche, je n’ai pas voulu les figurer sur les dessins, qui sont des calques absolument exacts ; mais il est facile de les rétablir par la pensée. (Fig. 4).

Fig. 4.Étoiles.

De quelle époque faut-il dater ces pétroglyphes ? Je crois qu’il faut éliminer l’emploi du métal dans leur tracé. Une lame métallique donne un trait net, précis, sans pointe, surtout sur un grès aussi tendre que celui de la Roche de Moulineux. Le trait de ces gravures se termine, en effet, en coin ; il est vraiment cunéiforme, comme si le burin ou le biseau de pierre qui les a tracés était peu à peu sorti du trait, en donnant une rainure, dont la profondeur s’est atténuée à mesure que l’instrument s’est rapproché de son extrémité. Le fait est très net pour la croix (Fig. 2) ; il est visible également à l’extrémité d’un rais de la première étoile, où l’outil a tracé plusieurs lignes entrecroisées, dues à un tremblement de la main de l’opérateur. C’est ici le lien de rappeler la découverte de fragments de grès, taillés en biseau, faite par G. Courty, en 1901, au pied de la roche à pétroglyphe du bois des Fonceaux, près d’Étampes, qui s’adaptaient parfaitement aux traits gravés sur la roche. Des recherches, faites au pied de la Roche de Moulineux, ne m’ont fourni que des fragments de grès si corrodés que leur forme n’était plus caractéristique ; néanmoins, et à cause de la similitude si grande entre les gravures de ces deux roches, je ne mets pas en doute qu’elles n’aient été obtenues par le même procédé.

Quant aux traits fins et aux cupules, ils ont été produits, à mon avis, par une pointe en os ou en silex ; ils sont assurément de la même époque que les croix plus grandes, faites par un outil de pierre ; et le moulage des cupules montre un fond arrondi, que n’aurait pu produire un poinçon métallique à extrémité plus aiguë.

C’est donc de l’époque Néolithique que je fais dater la gravure de la Roche de Moulineux. Par la plupart de ses signes, elle se rattache, en effet, au groupe des roches à pétroglyphes de la même région |79 d’Étampes, que notre collègue Courty a étudiées, et qu’il attribue, avec juste raison, à mon sens, à cette époque. On a trouvé d’ailleurs des restes néolithiques non loin de Moulineux. Il suffit de citer les fonds de cabane du Four-Blanc, la sépulture néolithique des Boutards, fouillée par notre collègue M. Maudemain, les pieux des palafittes de Saint-Hilaire, pour voir que, dans un rayon de quelques kilomètres autour de Moulineux, la civilisation néolithique possédait une réelle importance.

Que signifient ces signes ? Je crois qu’ils constituent un des premiers essais du langage écrit, par schématisation conventionnelle |80 de l’objet figuré. L’interprétation de ce schéma est souvent très difficile pour nous, qui avons perdu le sens attribué par leurs auteurs à ces signes ; mais leur réunion et leur étude comparative permettront peut-être d’approcher, un jour, de cette compréhension. C’est dans ce but que j’ai reproduit ces gravures, comme contribution à l’étude, si intéressante, de la mentalité et des procédés d’expression des hommes de cette époque. Si, mettant à part la marelle, dont la signification comme jeu me paraît très probable, et qui a été souvent décrite comme telle, nous considérons les autres signes de Moulineux, nous serons amenés à penser que la Croix à cupules peut figurer la schématisation du chariot, vu d’en haut, la branche horizontale figurant l’axe des roues, et la branche verticale, le timon et le corps du chariot.

On connaît, en effet, des gravures rupestres, où les bœufs sont figurés de chaque côté du timon, au-dessus de la branche horizontale de la croix. Il suffit, ensuite, de figurer la croix à cupules pour évoquer la même image, par simplification conventionnelle du dessin complet. De semblables gravures, avec les bœufs, et, à côté, des croix plus simples, ont été publiées par M. Montelius (Civ. prim. Italie, II, pl. 127). Je crois donc, et pour les raisons données plus haut, ces signes cruciformes très antérieurs au Christianisme.

Le signe en triangle peut représenter, soit l’arc et la flèche45, soit la charrue primitive ou araire, qui est encore en usage dans certaines contrées du midi de la France.

Fig, 5.Étoile.Roche du Puiselet, près Nemours (S. -et-M.). |


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Enfin, l’étoile est d’une compréhension plus complexe. Elle représente assurément un objet ; mais sa nature m’échappe. Sachant qu’il faut être prudent dans l’interprétation de ces gravures, je me borne à soumettre la question à ceux de nos collègues qui ont des éléments de comparaison de ce signe. Je veux seulement rapprocher l’étoile de Moulineux d’une gravure semblable, qui se trouve sur la roche du Puiselet, près Nemours (S.-et-M.), découverte en 1907 par MM. Guillon et Lemaire, et que j’ai visitée avec MM. Paul de Mortillet et Courty, le 19 novembre 1911. Cette étoile du Puiselet (Fig. 5) possède neuf raies ; elle est creusée dans le grès sans les axes, dont sont pourvues les étoiles de Moulineux ; mais, malgré ces petites différences, je lui attribue une même signification, qui reste, d’ailleurs, pour moi, aussi mystérieuse. Au pied de la Table gravée du Puiselet, j’ai trouvé des fragments de grès taillés en biseau, et qui, malgré leur altération, semblent bien avoir pu être utilisés pour tracer les gravures de la roche.

Conclusions. — En résumé, les signes rupestres de Moulineux, doivent, pour moi, être considérés comme tracés tous à une même époque, par des hommes voulant conserver le souvenir d’événements de leur existence, dont le sens souvent nous échappe ; ils sont un rudiment du langage écrit le plus simple, celui qui a succédé immédiatement à la représentation directe de l’objet ou de la scène qu’il s’agissait de conserver, et que représentent certaines gravures paléolithiques.

Ils datent de l’époque néolithique, tant à cause de leur tracé, exécuté sans l’emploi du métal, qu’à cause de leur analogie avec des gravures de la même région, qui semblent dater de cette époque. Leur signification reste encore obscure, mais, rapprochés de gravures analogues, ils constituent un document à ajouter à l’étude des premières manifestations de l’expression écrite de la pensée humaine aux temps préhistoriques.

* *

[Discussion : contributions de Baudouin et Courty]

M. Marcel Baudouin49. — À propos des interprétations données sur les pétroglyphes en forme d'étoile, je crois devoir rapprocher de ceux ici indiqués une magnifique étoile, sculptée, qui se trouve sur un bloc du monument des Vaulx, à Saint- Aubin-de-Baubigné, sculpture qui a donné son nom à ce morceau de granulite, appelé la Pierre à l Étoile, quoiqu’il y ait d’autres sculptures à côté.

J’ai moulé au plâtre cette étoile ; et je me propose d’offrir, à la Société Préhistorique Française, un exemplaire de ce moulage. Cette sculpture a d’ailleurs été signalée déjà en 1904 et en 1907, par des auteurs différents ; mais les dessins et les figures publiées sont un peu inexactes : ce qui m’engage à reproduire ici mon décalque, réduit exactement au quart de sa grandeur naturelle (Fig. 1). |82

Cette étoile mesure du centre de la Cupule à l’extrémité des branches : I, 0m155 ; II, 0m185 ; III, 0m135 ; IV, 0m145. Les quatre branches sont donc inégales, et la différence maximum est de 0m185 - Om135 = 0m050. Cela prouve qu’elle n’a pas été, théoriquement, inscrite dans un Cercle avant d’être gravée, et qu’elle résulte bien d’un travail primitif. Par suite la longueur des traits gravés, qui la constituent, varie. Ils ne sont d’ailleurs pas droits et n’ont pas été tirés au cordeau. Les branches à leur base ont de 0m075 à0m10, et à leur sommet 0m030 à 0m040. — On remarquera que cette étoile a été obtenue, en somme, par la disposition, en position voulue, de quatre traits gravés, en forme d accents circonflexes ! D’autre part, chaque accent circonflexe n’est pas autre chose que deux traits gravés, presque droits, à peu près semblables, comme longueur, largeur et épaisseur, aux traits gravés que sur les Blocs-statues des Vaulx, représentant les espaces interdigitaux des mains. 46 47

fig. 1.L ’étoile à 4 branches de la Pierre à l ’Étoile du Monument des Vaulx, de Saint-Aubin-de-Baubigné (Deux-Sèvres).Echelle : 1/4 grandeur [décalque réduit à la photogravure].Légende : I à IV, les 4 Branches ;— C, cupulette centrale ;C’, schéma, représentant en a’b’, une coupe verticale de cette cupulette, en suivant le diamètre a,b ;B’, coupe verticale en m’n’ du trait gravé B, perpendiculairement au grand axe, en m-n ;A, extrémité d’une branche, montrant que les accents circonflexes [I-II, II-III, etc.] ne se réunissent nulle part.

La coupe des traits est d’ailleurs typique du Néolithique, puisqu’elle reproduit, pour ainsi dire, les rainures du polissoir, étant en V, ou en triangle à sommet profond, et non en U, comme beaucoup de sculptures faites avec des métaux (Fig. 1).

D’autre part, la cupulette centrale est tout à fait semblable aux quatre petites cupulettes cardinales qui, à l’Ile-d’Yeu (Vendée), entourent, à la manière des pointes d’une étoile à quatre branches, une grande écuelle, centrale (Les Rochettes). |83

La cupulette mesure 0m023 de diamètre et a 0m007 de profondeur. Les traits, larges de 0m010 à 0m011, parfois plus petits, ont une profondeur qui varie de 0m005 à 0m008 ; ils atteignent en peu d’endroits 0m010. Comme les cupulettes de l’Ile-d’Yeu sont absolument néolithiques [cupules identiques sur menhirs enfouis], il est démontré, par ce seul fait, que cette Étoile est, elle aussi, de la fin du Néolithique. D’ailleurs, les traits gravés en accent circonflexe sont tout à fait comparables à ceux de l’Écusson du Mané-err’-Hoek, en Locmariaquer (Morbihan).

Cette très jolie étoile est un des plus beaux spécimens du travail sur pierre qu’on trouve dans l’Ouest de la France ; il est à rapprocher48 des œuvres d’art de l’Orient (Égypte ; etc.).

Pour moi, l’étoile, c’est le soleil. Il est très facile de prouver qu’elle représente la roue de son char.

*

* *

Autour des Pétroglyphes de la Roche de Moulineux (Seine et-Oise) 49

Par G. Courty (Paris).

À propos de l’intéressante communication de notre collègue et ami M. de Saint-Périer sur sa découverte d’une Roche à pétroglyphes au village de Moulineux, dans les environs d’Étampes, je tiens à constater ici, avec plaisir, que cette roche rentre parfaitement dans la catégorie de celles que j’ai signalées depuis 1901, tant dans l’arrondissement d’Étampes que de Milly. La facture cunéiforme des pétroglyphes de Seine-et-Oise me paraît même le meilleur critère pour déceler leur origine préhistorique, qui me semble d’autant moins contestable aujourd’hui que des pétroglyphes du même groupe se retrouvent sous le dolmen de l’Éthiau (Maine-et-Loire), sur le menhir de Congeniès (Gard), sur les roches de Salvan (Suisse) [fide Reber], sur les roches des Apennins [fide A. Issel], ainsi que dans l’intérieur des cavités naturelles du « vieux grès rouge », dévonien, d’Irlande et du Pays de Galles. Comme on le peut constater, la répartition géographique des pétroglyphes, analogues à ceux de Seine-et-Oise, laisse entrevoir les conditions dans lesquelles l’homme s’est trouvé sur le continent européen à une certaine époque, qui, selon nous, pourrait bien être le début du Néolithique. Cette manière de voir n’est pas uniquement subjective ; elle ressort d’une comparaison avec d’autres gravures sur rochers de Scanie ou du lac des Merveilles, gravures que les archéologues compétents sont unanimes à rapporter à la période du Bronze. Les pétroglyphes de Scanie ou du Val Fontanalba ont encore beaucoup plus de rapprochements |84 avec ceux de l’Armorique, ou avec ceux d’Eure-et-Loir : ce qui donnerait à penser que les dessins gravés sur les dolmens de Locmariaquer (Morbihan), et sur le dolmen de Maintenon dit « Le Berceau » (Eure-et-Loir), dateraient plutôt de la fin du Néolithique. Leur facture, du reste, résultant d’un piquage de la roche granitique et gréseuse, diffère complètement de celle qui résulte d’un frottement répété. Je reviendrai, d’ailleurs, prochainement sur cette importante question.

J’ai tenté d’identifier les pétroglyphes de Seine-et-Oise avec les objets qu’ils étaient censés représenter. C’est ainsi qu’avec beaucoup de prudence, j’ai successivement reconnu des jeux analogues à la marelle, de véritables marelles, des harpons, des flèches, des barques, des chariots, des charrues, des arbres, des empreintes de pieds humains, de mains humaines, des pieds de cheval, de bovidés, etc.

Actuellement, j ’ai publié les jeux préhistoriques au Congrès de Nîmes ; les chariots, les charrues, les huttes préhistoriques à la Société d’Anthropologie ; et j’espère donner des pieds humains et des pieds d’animaux préhistoriques ultérieurement, dans différentes publications. Il nous a semblé que la meilleure façon d’interpréter les Pétroglyphes en général consistait à les grouper de façon à les reconnaître, en partant de la représentation la plus complète jusqu’à la plus schématique. M. de Saint-Périer nous montre un signe de Moulineux en forme d’étoile ; or ce signe est pour moi actuellement une énigme, bien que d’autres signes du même genre nous révéleront peut-être sa véritable signification.

Je suis en somme parti de ce principe que chaque signe pétroglyphique devait vraisemblablement correspondre à une représentation concrète, et que cette représentation devait être la première forme du langage écrit. Je crois, aujourd’hui, que l’écriture préhistorique remonte au Magdalénien. Les dessins sur ossements de cette époque nous donnent des lignes cunéiformes et des indications identiques à celles que nous allons retrouver pendant le Néolithique.

On conçoit dès lors l’intérêt qu’il y a à signaler et à publier tous les dessins gravés sur rochers ou monuments mégalithiques, car leur élude permettra de se rendre mieux compte qu’on ne se trouve pas en présence de figurations ayant un simple caractère d’ornement, mais un sens purement idéographique.

*

* *

Bibliographie.

G. Courty, « Petits grès taillés en biseau »,. Soc. Anthropol., Paris, 21 nov.

1901.

—    « Sur les signes rupestres de Seine-et-Oise », A. F. A. S., Montauban,

1902.

—    « Recherches nouvelles sur les signes rupestres de Seine-et-Oise », Grenoble, A. F. A. S., 1904. |85

—    « Les pétroglyphes de Seine-et-Oise », Bull. Soc. préhist. de France, 7 déc. 1904.

—    « Sur les pétroglyphes armoricains », Rev. préhist. [Annales de Palethn.], n° 3 mars 1907.

—    « Sur les pétroglyphes à travers le monde », Bull. Soc. Anthropol., Paris, 4 avril (note lue en séance le 20 déc. 1906).

—    « Note sur un rocher gravé des environs d’Étampes », Bull, duMuseum, n° 1, p. 90, Ann. 1907.

—    « Sur la signification présumée de quelques pétroglyphes de Seine-et-Oise », A. F. A. S., Reims, 1907.

—    « Nouvelles preuves de l’âge néolithique des pétroglyphes de Seine-et-Oise (France), de la Grande-Bretagne, et de l’Irlande », Rev. préhist. [Annal. de palethn.], n° 1, janvier 1908.

—    « Les pétroglyphes préhistoriques et leur interprétation », Revue préhist. [Ann. de palethn.], n° 4 avril 1909.

—    « À propos d’une découverte récente de pétroglyphes néolithiques au Pays chartrain », Homme préhist., 8e année, n° 2.

—    « Écriture préhistorique : genèse de sa découverte, son interprétation : ‘Les Jeux’ », VIIe Congrès préhistorique de France, Nîmes, 1911.

—    « Le Chariot et les charrues à l’époque préhistorique », Bull. Soc. Anthropol., 5 oct. 1911.

—    « La Hutte à l’époque préhistorique », Bull. Soc. Anthropol., 7 déc. 1911.

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09. à propos des enceintes en rapport avec les roches à pétroglyphes «

Par R. de Saint-Périer.

Dans le Bulletin de la S. P. F., 1948, p. 105, M. Baudet signale que dans la région d’Étampes à Nemours, d’après la carte qu’il publie, « chaque caverne ornée » (c’est-à-dire chaque roche à pétroglyphes) « correspond à un système d’enceintes, constitué de murailles de deux techniques différentes... dont le plan est très complexe ». Cette observation générale nous a inspiré les réflexions suivantes pour ce qui concerne cette région d’Étampes à Nemours, hors du grand massif forestier de Fontainebleau. Il est certain que le nombre des roches éboulées du banc gréseux, en place au moment du creusement de la vallée de la Juine et des rivières voisines, a été beaucoup plus considérable qu’il ne l’est actuellement. Nous avons connu nous-même, dans la vallée de la Renarde, à Souzy, par exemple, une grande quantité de gros blocs qui avaient roulé jusqu’au fond de la vallée et qui ont disparu aujourd’hui, soit par suite de leur exploitation en pavés, soit pour faciliter la culture. Des faits qu’il serait facile de rappeler montrent que la quantité des blocs dans les vallées et sur les pentes a diminué de façon très sensible ; il s’ensuit que leur distribution ancienne a été fortement modifiée. |107 50

D’autre part, les coteaux exposés à l’Ouest, qui bordent les vallées de l’École, de l’Essonnes [sic], de la Juine, sont aujourd’hui boisés, mais ce mode de culture est très récent. Il y a seulement une centaine d’années, les pentes de ces collines étaient presque entièrement plantées de vignes, principalement celles qui étaient exposées à l’Ouest, en raison d’une meilleure insolation. Cette culture a été abandonnée depuis que les vins du Midi ont concurrencé avantageusement les vins locaux et que le phylloxera a fait périr les plants français. On remplaça alors les vignes par des plantations de bois, qui n’ont pas été défrichées depuis. La preuve de cette culture ancienne de la vigne nous est donnée d’abord par la persistance, en bien des points de nos collines, de pieds de vignes revenus à l’état sauvage. En outre, des textes nous offrent des témoignages irrécusables tels que les registres paroissiaux de nos communes, où le nombre des vignerons est au moins égal à celui des laboureurs et bien supérieur à celui des bûcherons. Enfin, un compte de Philippe-Auguste, du début du XIIIe siècle, nous apprend de façon très précise que le vin du clos d’Auvers (à 8 kilomètres au Nord d’Étampes, dans la vallée de la Juine) était admis à la table royale et que des dépenses étaient autorisées par le roi pour extraire les roches qui encombraient ce clos : Pro rupibus frangendis in clauso Auvers51. Ce dernier texte nous montre par surcroît que les vignes étaient cultivées au milieu même des roches de grès éboulées sur la pente.

Or, ces vignes étaient le plus souvent entourées de petits murs en pierres sèches qui étaient destinés à limiter les propriétés, à déterminer par leur exposition au soleil un certain réchauffement dans l’enclos, enfin, à retenir le sable qui forme le sol du coteau et qui s’éboule davantage sur la pente Ouest exposée aux pluies

et aux vents humides. La disposition très compliquée de ces murs était en rapport avec le grand morcellement de la propriété : chaque famille possédait un clos de vigne souvent divisé lui-même par d’autres murs au moment des successions. Après l’abandon de la culture de la vigne, ces murs n’avaient plus de raisons d’être et devenaient souvent une gêne. Aussi, non entretenus, ils tombèrent çà et là ou bien leurs pierres furent rassemblées en amas dits meurgers, d’autres furent arrachés jusqu’aux fondations et n’ont laissé de traces que sous forme de levées de terre, qu’on n’a pas pris soin d’aplanir.

Quant aux cabanes observées par M. Baudet, elles peuvent répondre à l’emplacement des petites huttes que contenaient presque toujours ces enclos pour y ranger les outils et abriter le propriétaire en cas d’intempéries.

Comme ces divisions murales existaient depuis un temps fort ancien, elles ont pu être superposées ou alternées, ainsi que le remarque M. Baudet qui a observé différentes époques dans leur construction.

En d’autres régions où la culture de la vigne s’est poursuivie, on trouve souvent de ces enclos limités par de petits murs et contenant une cabane, ainsi dans le Vaucluse, dans une partie de l’Ardèche, et, plus près de nous, en Seine-et-Marne, pour la culture du raisin de |107 table. En cas d’abandon dans l’avenir, ces murs ruinés pourront donner lieu à des difficultés d’interprétation. Nous croyons donc que, dans bien des cas sinon dans tous, les murs observés par M. Baudet doivent être rapportés à d’anciennes limites de propriétés et à des gradins favorables à la culture de la vigne plutôt qu’à un système de fortifications. La patience qu’il apporte à ses recherches lui permettra peut-être de distinguer entre ces murailles celles qui peuvent être attribuées à ce simple usage agricole et celles qui ont pu constituer des enceintes éventuelles.


Lames en silex, de Boutigny (Seine-et-Oise) (1/2 grandeur naturelle)


10. Lames de silex du Grand-Pressigny provenant de Boutigny »

Par R. de Saint-Périer.

Les deux lames de silex, dont nous publions ici les figures, ont été découvertes à Boutigny, par M. Sauviat, carrier, au lieu-dit « La Pouilleuse », sur le flanc du coteau de sable stampien exposé à l’Ouest, qui forme un des versants de la vallée de l’Essonne. La découverte remonte à 1926 ou 1927 ; en dégageant une grosse roche de grès de Fontainebleau éboulée sur la pente, le carrier mit à jour les deux lames qui gisaient dans le sable, sous la roche. À une quinzaine de mètres plus bas sur la pente et à une profondeur beaucoup plus grande (7 à 8 mètres d’après le carrier), on avait recueilli, quelque temps auparavant, des ossements, volumineux, paraît-il, que nous n’avons pas vus, M. Sauviat les ayant donnés à cette époque à une personne de Corbeil. Une seule dent, une incisive de Cheval, est encore en sa possession. Nous pensons qu’il n’existe aucun lien entre ces deux découvertes et qu’il faut considérer les lames comme ayant constitué un dépôt isolé. M. Sauviat les garda quelques années ; l’une d’elles fut brisée accidentellement après sa découverte. En juillet 1932, il les remit à M. Fongeallaz, instituteur à Boutigny, 52 qui voulut bien en faire hommage au Musée d’Étampes, où elles sont actuellement conservées.

La plus grande est en silex gris jaunâtre, certainement originaire du Grand-Pressigny. Elle mesure 0m350 de longueur, sur une largeur maximum de 0m042 vers son tiers supérieur. Il s’agit d’une lame de dégagement, dont le très petit conchoïde de percussion est visible à la base, qui n’est pas appointée. Elle est très peu arquée ; la flèche de l’arc que forme la pièce reposant sur un plan horizontal est de 0m012 près de la base. Son poids est de 190 grammes. Elle porte des retouches sur toute sa longueur : peu accentuées à la base, elles sont très nettes, courtes et rapprochées sur le bord droit, mais dépassant toujours largement le bord ; du côté gauche, elles affectent la forme de larges enlèvements réguliers, qui atteignent l’arête dorsale. La pointe, en forme d’ogive, est particulièrement soignée : elle montre de longues et belles retouches symétriques et rayonnantes. Le dos présente, sur son arête médiane, des traces de polissage ; la face inférieure ne montre aucune retouche.

L’autre lame, également lame de dégagement à petit conchoïde, a été brisée en trois fragments. Elle est aussi en silex du Grand-Pressigny, mais d’une teinte blonde, veinée de rose. Elle mesure 0m320. La flèche de l’arc de courbure, près de la base, n’est que de 0m005. Son poids est de 140 grammes. La base seule est plus retouchée que 141| |143 la base de la grande, mais le reste de la lame présente des retouches moins régulières et moins profondes, encore que sa pointe offre la même belle disposition de retouches rayonnantes. Le dos ne montre pas de polissage ; la face inférieure n’est pas retouchée. Ces deux admirables pièces, qu’on doit considérer plutôt comme des poignards que comme des pointes de lance à cause de leur grande dimension, sont absolument intactes et n’ont certainement jamais servi. Ce fait, joint à leur présence isolée sous un bloc de grès, permet de penser qu’il s’agit d’une cachette de colporteurs, comme celles qui ont déjà été signalées en plusieurs points de France et de l’étranger. Mais l’une de ces cachettes nous intéresse particulièrement parce qu’elle se trouvait à moins de 6 km. à vol d’oiseau de Boutigny, à Moigny, dans la vallée de l’École, au lieudit la Croix Blanche. La découverte remonte aux environs de 1890, elle comprenait seize à dix-huit lames, dont dix ont été recueillies par le même collectionneur, M. Gorneau, et publiées par Adrien de Mortillet53 ; deux autres étaient en 1907 en la possession de M. Desloges, de Rugles (Eure) et M. Gorneau, la même année, put en retrouver une onzième54. En outre, ces lames présentent avec les nôtres une remarquable analogie, bien qu’aucune n’atteigne la longueur de la plus grande lame de Boutigny, ni même la beauté des retouches d’aucune des deux. Il est permis d’en conclure qu’il s’agissait d’un même lot d’objets provenant du Grand-Pressigny, divisé ensuite en deux dépôts. On pense aujourd’hui que ces grands poignards à belles retouches, dont l’Égypte et la Scandinavie nous ont fourni de si notables exemples, appartiennent aux débuts de l’Âge du Bronze ou tout au moins à l’Énéolithique, alors qu’on les attribuait autrefois au Néolithique.

11. Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d’Étampes -

par R. de Saint-Périer

On sait que les environs de Paris et le département de Seine-et-Oise, en particulier, ont fourni un grand nombre d’instruments en silex du Grand-Pressigny, près d’une centaine. Lors du Congrès préhistorique qui s’est tenu à Tours en 1910, le Grand-Pressigny fut l’objet d’excellents travaux et notamment, d’une étude sur la distribution géographique de l’ industrie en silex pressignien. Tous les Amis du Musée du Grand-Pressigny connaissent ce précieux inventaire, publié en 1911 dans le volume du Congrès préhistorique. Les silex dont je vais vous entretenir n’y figurent pas, ayant été découverts bien des années après, en 1927. En outre, leurs dimensions et leur beauté sont assez remarquables pour qu’ils m’aient paru dignes de vous être communiqués, au moins sous la forme de dessins grandeur naturelle, à défaut des pièces elles-mêmes que j’ai le grand regret de n’avoir pu vous apporter, et bien qu’elles aient fait l’objet d’une note dans le Bulletin de la Société préhistorique en 1933. 55


Lames en silex du Grand-Pressigny trouvées à Boutigny (S. -et-O.) en 1927. (G grand. Nat.) (Au Musée d'Étampes)


Il s’agit de deux lames, qui gisaient dans le sable, sous une grosse roche de grès, au flanc d’une colline de sable stampien, près du village de Boutigny. Un carrier les découvrit en dégageant la roche pour l’extraction du grès. Il les remit quelques années plus tard à l’instituteur de Boutigny, M. Fongeallaz, qui voulut bien les offrir au Musée d’Étampes, dont je suis le conservateur. L’une d’elles a malheureusement été dérobée par les Allemands, qui occupèrent d’une façon massive la ville d’Étampes pendant quatre ans et particulièrement le Musée, dont quelques officiers allemands avaient fait un atelier de sculpture à leur usage. Par une juste revanche, cependant, la plus belle des deux lames leur a échappé. Elle est d’une taille exceptionnelle, 0 m. 350 de longueur, sur une largeur de 0 m. 042, d’un silex gris-jaunâtre, qui doit provenir de l’atelier de La Bonnetière, à Abilly. Elle est peu arquée, entièrement retouchée sur ses deux bords, à grands éclats sur la moitié gauche, à petites retouches sur l’autre ; la pointe, en forme d’ogive, est d’une admirable symétrie et porte de belles retouches rayonnantes. Son |14 poids est de 190 grammes. La seconde, d’une teinte plus blonde, mesurait 0 m. 320 et pesait 140 grammes. Ses retouches étaient moins régulières et moins profondes, sauf à la base, et sa pointe, également un arc en tiers-point56, moins harmonieuse, mais offrant la même disposition de retouches rayonnantes. Ces deux pièces doivent être rapprochées de celles qui furent découvertes à Moigny (à moins de 6 kilomètres à vol d’oiseau de Boutigny), environ l’année 1800. Au lieu-dit la Croix Blanche, 15 à 20 grandes lames de silex du Grand-Pressigny, également gris jaunâtre, furent trouvées à 80 centimètres de profondeur. Dix d’entre elles, dont trois étaient retouchées en grattoirs, furent remises à M. Gorneau, instituteur à Moigny, sous le nom pittoresque de « côtes de vaches pétrifiées » et il put en retrouver une onzième, en 1907, à Moigny. À la même époque, deux autres lames se trouvaient en la possession de M. Desloges, à Rugles, dans l’Eure. On ignore le sort des autres. Mais les onze lames de M. Gorneau ont été données par ses enfants, nous a dit son gendre M. Courty, au Musée de l’Homme, à Paris.

Ces lames de Moigny sont si semblables à celles de Boutigny, bien qu’elles soient plus petites, qu’il est permis de penser qu’elles proviennent d’une même origine et qu’elles furent divisées en deux dépôts. En outre, les unes et les autres ne portent aucune trace d’usure et paraissent absolument neuves. Est-ce parce qu’elles n’avaient pas encore été utilisées ? Nous serions bien plutôt tentés de croire que ces pièces trop fragiles, trop longues, trop minces pour avoir pu constituer des poignards ou des pointes de lance, n’ont jamais eu qu’un usage cérémoniel. |15

D’autre part, une lame très comparable à celles de Boutigny et de Moigny, a été trouvée l’ année dernière par M. Pierre Lefebvre, au pied d’une roche dans le sable stampien, au bois du Roussay, commune d’Étréchy, canton d’Étampes. Sa pointe est malheureusement cassée, ce qui ne permet pas d’évaluer exactement sa longueur.

Enfin, il y a plus de trente ans, on a trouvé sur le territoire de ma commune, Morigny, à 3 kilomètres d’Étampes, une pièce en silex couleur de cire, vraisemblablement de La Claisière, de forme losangique, à deux pointes mousses, retouchée sur ses deux bords, qui n’est pas en ma possession et dont j’ignore la destinée.

La diffusion à travers l’espace du silex pressignien se montrera sans doute de plus en plus grande au fur et à mesure des découvertes nouvelles et il en est de même pour sa diffusion dans le temps. Ainsi, l’on parlait encore avec hésitation, en 1910, des silex du Grand-Pressigny se rattachant au Paléolithique, à part les pièces des alluvions anciennes de la Claise. Mais il semble certain maintenant que le Paléolithique supérieur a connu des gisements pressigniens. Nous citerons, en particulier, la grotte d’Angles-sur-l’Anglin, dans la Vienne : des objets d’art magdaléniens viennent d’y être découverts accompagnés d’un outillage en silex du Grand-Pressigny. Le premier fouilleur, Rousseau, l’avait déjà signalé en 1933 et le fait vient de se confirmer au cours des nouvelles fouilles. Nous espérons obtenir de nos collègues, qui explorent cette grotte actuellement, des échantillons pour le Musée du Grand-Pressigny, que nous joindrons à des objets de nos fouilles personnelles, bien qu’elles ne nous aient donné aucun silex pressignien, comme on pouvait s’y attendre pour les deux départements de la Haute-Garonne et des Basses-Pyrénées, qui n’ en ont jamais fourni un seul à notre connaissance. Mais vous avez voulu, avec raison, élargir le cadre trop étroit du Musée local et de l’Association purement régionale. Et ainsi, vous avez non seulement réalisé, mais encore dépassé, le vœu qu’émettaient à l’unanimité les congressistes de Tours en 1910 au sujet de la création d’un Musée au Grand-Pressigny. Que notre Conseil d’Administration, qui a montré tant d’intelligente activité et tant de dévouement, reçoive ici toutes les félicitations et tous les remerciements des préhistoriens.

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12. Lame pressignienne découverte près d’Étampes »

par la comtesse de Saint-Périer

Cette lame a été trouvée en 1949 aux environs d’Étampes, sur la commune d’Étréchy (S.-&-O.), dans les bois du Roussay, qui entourent un très ancien et important domaine féodal, dont il subsiste d’intéressants vestiges autour desquels s’est élevée uns grande ferme moderne.

Cette pièce gisait au pied d’une roche, dans le sable stampien, dit, à l’époque, l’inventeur M. Lefebvre, habitant d’Étréchy, sans préciser à quelle profondeur.

C’est une lame incomplète, la pointe ayant été brisée ; les retouches sont soignées et régulières sur un bord, beaucoup moins sur l’autre. Le silex en est sombre, autant qu’il m’en souvienne. La pièce n’est malheureusement plus entre nos mains. Son possesseur nous l’avait confiée, dans l’intention, nous avait-il dit, de l’offrir au Musée d’Étampes, dont nous sommes Conservateur. Mais il est revenu sur sa décision. Nous en avions 57 58 heureusement fait faire un dessin et un cliché, ce qui nous permet de vous en communiquer une épreuve, de grandeur naturelle.

On sait que la région d’Étampes a fourni un certain nombre de ces belles lames pressigniennes retouchées. Une vingtaine ont été trouvées vers 1890 à Moigny, à 80 cm de profondeur. Une dizaine d’entre elles, réunies par M. Gorneau, instituteur alors à Moigny, font partie maintenant de la collection du Colonel Vésignié, qui doit en disposer en faveur du Musée de l’Homme. Nous ne désespérons pas d’en obtenir au moins une pour le Musée d’Étampes, afin de la joindre aux deux belles lames découvertes en 1927 à Boutigny, à 6 kilomètres de Moigny. Un carrier, en extrayant du sable, les avait trouvées sous une roche de |20 de grès. Il les remit plus tard à M. Fongeallaz, instituteur à Boutigny, qui eut la générosité de les offrir au Musée d’Étampes. Ces deux lames, d’une beauté et d’une dimension exceptionnelles, ont été publiées par mon mari dans notre Bulletin de 1950. Mais il signalait alors la disparition de l’une d’elles, en raison de l’occupation du Musée par les Allemands durant plus de quatre ans, occupation accompagnée de pillage. Or, j’ai eu la bonne fortune, en procédant à la réorganisation de notre malheureux Musée, de retrouver cette lame en deux fragments séparés, au fond d’une caisse de débris. J’ai pu réadapter les deux fragments et ces deux admirables pièces sont un des joyaux du Musée d’Étampes, que je souhaite avoir l’honneur et le plaisir de montrer un jour à nos collègues.

Il semble qu’une destinée singulière soit attachée aux instruments de silex du Grand-Pressigny

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Nucleus à lames, dit livre de beurre, conservé au musée d'Étampes


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13. L’exportation des silex pressigniens serait-elle une légende ? »

R.-S. de Saint-Périer

Il semble qu’une destinée singulière soit attachée aux instruments de silex du Grand-Pressigny. Dès les premières découvertes, en 1863 et 1864, à La Claisière, à La Doucetterie, à La Leimerie, l’authenticité des pièces fut violemment contestée en tant qu’outils préhistoriques. La lutte était menée par des savants éminents, le président de l’Académie des Science lui-même, Decaisne, qui était, il est vrai, un pomologue, ce qui ne prédispose pas particulièrement à l’ intelligence de la préhistoire. Mais le géologue Élie de Beaumont le soutenait vigoureusement, avec quelques autres mystifiés, comme on les qualifiait alors, pour affirmer que nos beaux silex pressigniens n’étaient que de vulgaires déchets de la fabrication des pierres à fusils et des garnitures de pistolets. On sait que Gabriel de Mortillet parvint à détruire cette erreur capitale, mais il y fallut non seulement de longs débats qui occupent de façon pittoresque, d’ailleurs, des 59 pages entières de la célèbre revue anthropologique de l’ époque60, mais encore le concours de nombreux savants de diverses disciplines, français et étrangers.

Aujourd’hui, l’authenticité ne saurait être remise en question et les allégations des membres de l’Institut de 1865 ne prêtent plus qu’à sourire, ce qui doit nous incliner tous à la modestie. Mais une contestation d’un autre ordre s’est élevée, certes moins ample et moins grave. Elle a été exposée l’an dernier au Congrès préhistorique à Poitiers, par M. Cordier, d’une manière excellente, avec une argumentation précise et serrée, qui ne laisse pas d’être troublante, sinon convaincante. Elle mérite, par conséquent, d’être examinée et d’autant plus qu’elle a été révélée au grand public par une inscription placée dans une vitrine du Musée de Pressigny, au |24 milieu de diverses pièces en silex. « Il est couramment admis, dit cette étiquette, que les ateliers pressigniens exportaient divers objets, notamment ces lances et poignards. De nombreux préhistoriens ont attribué au Grand-Pressigny des pièces rencontrées en diverses régions de France, en Belgique, en Suisse. D’autres préhistoriens estiment que ces faits ne sont pas suffisamment établis et qu’il n’est pas possible en l’état actuel des connaissances, d’attribuer avec certitude un silex au Grand-Pressigny ».

La controverse a été ainsi mise au grand jour d’une manière inattendue dans un milieu où, généralement, ne pénètrent jamais les querelles des savants, un Musée devant demeurer au-dessus de la mêlée. Mais il importe peu si la recherche des faits exacts en est stimulée et la vérité mieux servie.

Notre premier soin fut d’établir l’époque à laquelle des préhistoriens et des conservateurs de musées qualifiés ont commencé d’observer, dans les gisements et les Musées de diverses régions de la France, et même de l’étranger, la présence d’instruments de silex dont la matière et la facture étaient singulièrement analogues au silex pressignien et au caractère des outils trouvés au Grand-Pressigny même. Ces observations ont été faites, au moins en France, d’ abord par Mortillet, peu après qu’on eut conclu, en raison de l’extraordinaire abondance des éclats sur le territoire pressignien, à l’existence d’ateliers au Grand-Pressigny, bien plutôt que d’habitations nombreuses, ce qui laissait supposer une exportation des outils, fabriqués sur place puisqu’on n’en retrouvait in situ qu’une faible quantité par rapport aux éclats. Mais c’est seulement en 1890 qu’un exposé de la question fut présenté au cinquantenaire de la Société archéologique de Touraine, dans une conférence, publiée l’année suivante, de J. de Saint-Venant61. À partir de cette date, la dissémination de l’industrie pressignienne se confirme et se précise dans une série d’études et de publications faites par des savants autorisés : Mortillet, John Evans, Breuil, encore Saint-Venant, Camille Jullian, Déchelette. Enfin, au Congrès préhistorique de 1910, Saint-Venant apporte les résultats d’une longue et magistrale enquête sur la distribution géographique des silex du Grand-Pressigny. C’est, en effet, une véritable enquête qu’il avait poursuivie depuis près de 20 ans, en visitant lui-même la plupart des Musées et des collections particulières de la France, de la Belgique et de la Suisse, d’autre part, en recherchant et en contrôlant toutes les indications bibliographiques. Il était particulièrement qualifié, à tous points de vue, pour mener ce travail à bien. Nous avons trop bien connu personnellement cet érudit, d’une culture étonnamment vaste et approfondie, dont la conscience égalait la science, comme sa large expérience enrichissait toutes ses observations, pour ne pas être assurée de la valeur de son étude. Elle fut, dès l’époque, approuvée par tous et n’a pas cessé de faire autorité depuis lors. Aussi notre propos a-t-il été bien moins de vérifier ses constatations |25 que d’en rappeler et d’en souligner la qualité, puis, d’essayer de les appuyer par des moyens d’investigation non employés il y a cinquante ans.

Nos recherches jusqu’ici ont été limitées à la Suisse occidentale. Nous avons examiné nous-mêmes les collections de la plupart des Musées, sinon de tous, qui s’échelonnent entre Genève et Berne. L’intérêt que portent les Suisses à leurs richesses archéologiques est tel que de petites villes, comme Yverdon et Morat, même de simples bourgades, comme Estavayer et Doudry, possèdent des Musées, toujours installés dans de jolis édifices anciens, qui contiennent des vestiges plus ou moins abondants de quelques cités lacustres des lacs voisins de Morat, de Neuchâtel, de Bienne. Dans chacun de ces Musées, nous avons relevé la présence d’une dizaine ou d’une vingtaine de pièces, selon l’importance du Musée, qui présentent tous les caractères pressigniens : silex couleur de cire, lames pour la plupart et de grande dimension, couramment de 15 cm., parfois légèrement courbes, à retouches marginales très soignées, par esquilles, sur une seule face, souvent ta nervure centrale, non toujours à pointe, parfois à deux pointes, mais presque toujours à base arrondie ou aménagée en grattoir. Aucun éclat, aucun nucléus, et les conservateurs n’ en avaient pas connaissance dans leurs réserves. Les pointes de flèches, au contraire, ne peuvent être attribuées au silex pressignien qu’avec une grande hésitation.

Au Musée d’Art et d’Histoire de Genève, où sont conservées les collections préhistoriques, il n’existe qu’un petit nombre de pièces en silex d’aspect nettement pressignien provenant du Léman, dans sa partie occidentale ou « petit lac », mais une très belle lame carénée, étroite et robuste, très travaillée, qui vient de la cité même de Genève (fig. 1, n° 2). Au-delà du petit lac, les bas-fonds, favorable à la construction des palafittes, cessent et les stations sont beaucoup moins nombreuses. Mais le Musée de Genève possède de belles pièces encore pressigniennes de la station de Champreveyres, sur le lac de Neuchâtel (fig. 1, nos 1 et

3).

Le Musée de Nyon conserve seulement des objets lacustres de la cité voisine de Nyon-Prangins, d’âge néolithique et du bronze tardif approchant du « Champ d’Urnes » : on n’y a trouvé que des outils en pierre polie, aucun silex, un seul nucléus, qui n’est pas en silex de Pressigny.

En continuant de suivre la rive septentrionale du Léman, on trouve l’importante station de Morges. Les collections constituées par les fouilles des Forel père et fils ne sont pas au Musée de Morges, mais au Musée de Lausanne et nous n’y avons pas vu de pièce pressignienne. Cependant, un auteur allemand d’un ouvrage sur l’outillage en silex des cités lacustres63 signale dans l’inventaire qu’il dresse des silex pressigniens recueillis en Suisse, une pièce de la station de Morges qui serait conservée au Musée de Lyon. |27

Nous n’avons pas encore eu confirmation de ce fait et, d’autre part, nous devons signaler que notre propre inventaire n’a pas toujours été d’ accord avec celui de cet auteur.

63 Strobel, Die Feuersteingerate der Pfahlbaukultur, Leipzig, 1939.

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Le Musée d’Archéologie et d’Histoire à Lausanne offre, dans ses vitrines, une belle série pressignienne typique, provenant pour la plus large part (une cinquantaine de pièces variées, lames diverses, grattoirs, racloirs, et peut-être quelques pointes de flèches sont-elles aussi de Pressigny) de l’importante station de Chevroux, le reste de Concise, deux localités situées sur le lac de Neuchâtel (fig. 3, fig. 4, nos 1, 3, 4 et fig. 5 nos 1, 2 et 4). En outre, dans les réserves du Musée, que nous avons longuement examinées, nous avons relevé plus de 60 pièces certainement pressigniennes, qui ne sont aucunement des éclats ou des déchets, mais des instruments de la même facture classique et soignée. Et toujours aucun nucléus.

Figure 2 - Principales stations du lac de Neuchâtel.

De tous les Musées suisses, celui de Neuchâtel est le plus riche en collections lacustres par sa situation au centre même des plus importantes stations, qui se succédaient presque sans interruption sur des kilomètres (fig. 2). On traverse ainsi en suivant le lac de chaque côté de la ville une longue suite de villages modernes dont les noms évocateurs font surgir dans l’esprit toute une civilisation disparue. Cette densité d’habitations humaines s’explique non seulement par les facilités que donnait la pente douce de la rive, mais encore par la falaise calcaire qui s’élève au bord même du lac sur une longue distance offrant un abri contre le vent du Nord en même temps qu’une muraille ensoleillée dont on sent la tiédeur même seulement au passage.

Figure 3. - Pièces du Musée de Genève, 1 et 3, de Champreveyres (lac de Neuchâtel), de la cité de Genève (lac Léman) (gr. nat.).

Figure 5. - Pièces du Musée de Genève, 1 et 3, de Champreveyres (lac de Neuchâtel), de la cité de Genève (lac Léman) (gr. nat.).

Comme on pouvait s’y attendre, c’est au Musée de Neuchâtel que sont réunies les plus nombreuses et les plus belles pièces de Pressigny. On y trouve tous les types d’outils pressigniens, parfois des pièces absolument identiques de forme, de dimensions, de retouches à celles que nous avons revues tout récemment encore à Pressigny, ainsi des scies à doubles coches symétriques (fig. 6. n° 1 ), comme celles, jadis nombreuses, de l’atelier de l’Épargne, toutes les variétés de lames, dont quelques-unes à sillons parallèles obliques (fig. 6, n°6), d’autres, courtes, carénées, à retouches abruptes, à pointe acérée, sans doute des javelots (fig. 6. nos 2, 3). Deux grandes lames méritent une mention spéciale, l’une, d’Auvernier, de 23 cm., |30|31|32 présente, d’une part, des traces très nettes d’emmanchement presque en son milieu, d’autre part, un lustrage très particulier qui peut être attribué au frottement répété des herbes et des chaumes, la pièce ayant longtemps servi de faux. L’autre, de Concise, est célèbre pour sa grande dimension, 33 cm. 5, c’est la plus grande des pièces pressigniennes de Suisse, mais non la plus belle, elle porte seulement de courtes retouches périphériques et sa couleur est sombre, rappelant celle du miel cuit, identique à celle d’éclats recueillis par nous à notre dernier passage à Pressigny.

Le relevé de Saint-Venant en 1910 dépassait 200 pièces pour le Musée de Neuchâtel. Il atteindrait une centaine de plus aujourd’hui, par l’apport de collections qui sont encore dans les réserves et des fouilles effectuées depuis cinquante ans. Nous citerons, en particulier, celles de Vouga, en raison de l’autorité de leur auteur qui a établi une stratigraphie rigoureuse exposée dans plusieurs publications importantes. Il y signale que la plupart des instruments, à l’exception des pointes de flèches, comme nous l’avions remarqué, et de quelques scies, sont en silex importé de Pressigny et que les fouilles ne lui ayant jamais livré aucun nucléus, les importations devaient être des objets manufacturés. Nous noterons, en outre, qu’il considère comme une preuve de l’importation la présence des belles lames à sillons parallèles obliques « caractéristiques des célèbres ateliers de Pressigny » et nous citerons sa conclusion : « La grande innovation de l’Enéolithique est, avec l’arrivée du métal, l’importation des silex de Pressigny ».

D’autres fouilles ont été entreprises en 1948, à Auvernier, par un préhistorien français, le Pr Leroi-Gourhan62. Elles lui ont donné de fructueux résultats quant à la poterie, un petit nombre d’instruments en silex typiquement pressigniens (qui sont au Musée de l’Homme) parmi lesquels, découverte exceptionnelle, une admirable pointe de flèche, d’une dimension (53 mm.) et d’une qualité de retouches tout à fait remarquables (fig. 7. n°1).

Si le Musée de Bienne est moins riche en ce qui nous occupe, il offre encore une centaine de pièces, dont quelques-unes sont très belles et présentées avec un art qui les met grandement en valeur (fig. 5. nos 3 et 5). Une lame, admirablement symétrique, de Cortaillod, à deux pointes terminales et deux médianes, nous a rappelé aussitôt une pièce de Panzoult et le silex, truité de taches blanches, est bien caractéristique aussi de Pressigny (fig. 7, n°2).

Au Musée historique de Berne, enfin, les instruments en silex des stations lacustres sont très nombreux, mais on ne peut y relever avec la même certitude autant de pièces pressigniennes qu’à Neuchâtel. Nous avons noté, cependant, outre des lames classiques, une trentaine de petits grattoirs qui semblent bien pressigniens et surtout une très belle lame carénée, minutieusement travaillée, de |33 27 cm. 5, provenant de Schaffis-La Neuville, sur le lac de Bienne. Elle est si proche, comme matière et comme dimension, de la grande lame de Concise dont nous avons parlé qu’elle pourrait avoir été tirée du même nucléus. Une autre, moins longue (24 cm. 5), à deux pointes centrales et deux pointes terminales, est très voisine de la pièce de Cortaillod, réplique elle-même d’une pointe de Panzoult. On voit quels étroits rapprochements peuvent être faits entre les divers gisements lacustres et Pressigny.

L’examen de ces collections suisses fortifie donc, selon nous, le crédit qu’on peut accorder aussi bien à l’enquête de Saint-Venant qu’à l’opinion de maints préhistoriens avertis qui l’ont suivi. Nous avons pensé, cependant, qu’il pourrait être utile d’y ajouter une étude microscopique comparative de coupes minces prélevées sur le silex même de Pressigny, sur des instruments suisses estimés d’origine pressignienne, enfin, sur du silex régional, du Jura, que les populations lacustres pourraient avoir utilisé. Ce projet put être réalisé en partie jusqu’ici grâce à l’extrême obligeance et à la compréhension de quelques-uns de nos collègues conservateurs des Musées suisses, Mad. Reinbold, du Musée de Lausanne, M. Samuel Perret, du Musée de Neuchâtel, M. Bourquin, du Musée de Bienne. Outre l’aide qu’ils m’ont sans cesse apportée dans mes visites et mes recherches, ils m’ont autorisée à faire faire des coupes sur des pièces fragmentées de leurs collections, faveur dont je ne saurais trop leur être reconnaissante.

Un premier examen a été fait, à Lausanne sur un fragment de nucléus recueilli par nous au Grand-Pressigny et sur deux silex taillés de la station de Chevroux par M. Arnold Bersier, géologue attaché au Musée géologique de l’ Université de Lausanne, dont les travaux sont connus en France. Il a bien voulu rédiger la conclusion suivante à la suite de son étude :


Figure 7. - Pointe de flèche d’Auvernier (cliché Leroi-Gourhan, agrandi d’1/5) et lame de Cortaillod (Musée de Bienne, gr. nat.).



« Dans les trois cas, la pâte est formée d’éléments calcédonieux granulaires, dans toutes les orientations, et de dimensions semblables. Les débris organiques sont rares, fondus dans la calcédonite, sans orientation particulière des fibres. Des facules de couleur jaune brun, irrégulièrement réparties, donnent à la roche sa teinte macroscopique. Enfin, fait remarquable, tous ces silex contiennent des fins débris de quartz clastiques à accroissement secondaire, passant par places en chevelu à la calcédonite de la pâte. Toutes ces observations et tout particulièrement la dernière montrent une similitude frappante de composition pétrographique entre la pièce du Grand-Pressigny et celles de Chevroux. »

Nous avons fait faire une autre série de coupes au laboratoire de Géologie de la Sorbonne, qui ont été étudiées ensuite à Genève par le professeur de Minéralogie Marcel Gysin et M. Albert Carozzi, attaché à l’Université de Genève. Celui-ci y a joint un examen de coupes des silex du Jura et il nous a remis la note ci-dessous. |34 |35

« Les coupes marquées Grand-Pressigny 1, 3, 4, 5 sont identiques entre elles ; pâte calcédonieuse irrégulièrement cristallisée et dessinant des zones à contours diffus qui indiquent une hétérogénéité de la roche-mère et la présence de débris organiques non entièrement épigénisés. Ceux-ci ne se prêtent pas à une diagnose complète, mais des spicules de Spongiaires et des radioles d’Echinides sont observables à l’état de fantômes. La roche est, en outre, caractérisée par des concentrations de pigments ferrugineux et par des grains de quartz souvent à formes cristallographiques qui résultent d’accroissements secondaires autour de grains de quartz détritique. Les coupes minces marquées Concise, Neuchâtel, Chevroux, sont identiques à celles du Grand-Pressigny marquées 1, 3, 4, 5, autant en ce qui concerne l’allure irrégulière de la pâte de fond, les débris d’organismes (radioles d’Echinides et cellules de Bryozoaires dans la coupe de Concise) et la présence des grains de quartz accrus secondairement. En l’absence d’étiquettes, il serait difficile pétrographiquement de distinguer ces coupes l’une de l’autre. Les silex rencontrés dans le Jura, Aptien de la Perte du Rhône, Crétacé supérieur de Leyssard, Éocène de la Perte du Rhône, par exemple, sont plus ferrugineux, plus riches en résidus calcaires, avec, en général, peu ou pas de grains de quartz. »

Il nous paraît certain que l’œil le moins exercé à ces examens de coupes microscopiques ne peut manquer d’apercevoir la ressemblance qui existe entre les coupes du silex de Pressigny (fig. 8, n° 1 et fig. 9, nos 1 et 2) et celles des instruments suisses (fig. 8, n° 2 et fig. 9, nos 3 et 4) et, au contraire, l’aspect différent que présentent les coupes du silex du Jura (fig., 8, n° 3 et fig. 9, nos 5 et 6).

D’ autre part, nous avons examiné toutes nos coupes avec M. Valensi, docteur ès-sciences, professeur au Lycée de Fontainebleau, spécialisé dans l’étude des microfossiles du silex dont il a fait l’objet de sa thèse et qui prépare un nouveau travail sur les microorganismes du Grand-Pressigny et d’autres régions. Il a reconnu dans nos coupes des instruments lacustres des microfossiles relevés par lui dans le silex pressignien, en particulier, dans une coupe de Chevroux, des loges qui peuvent être attribuées à des fragments de bryozoaires qui apparaissent dans certaines coupes de La Claisière. Il ne m’est pas permis de donner plus de précisions puisque M. Valensi n’a pas encore publié son étude, mais sa conclusion rejoignait exactement celle de M. Carozzi : sans étiquetage, les coupes du silex de Pressigny pourraient être confondues au microscope avec celles des instruments lacustres.

Nous ne prétendrons certes pas que nous avons fourni, par cette voie, la preuve de l’origine pressignienne des instruments suisses. D’abord, nos examens n’ont pas été très nombreux et il faut en cette matière de longues et laborieuses recherches. M. Deflandre, Directeur du Laboratoire de Micropaléontologie de l’École des Hautes- Études, a bien voulu se charger de faire des examens de nos silex par un autre procédé, celui de l’éclatement, dont nous donnerons ultérieurement |36 les résultats s’ils apportent des éléments de comparaison nouveaux. En outre, on sait que les preuves véritables sont exceptionnelles en matière scientifique. Alors même que des espèces semblables de plancton seraient reconnues dans le silex pressignien et dans tous les outils lacustres, on ne pourrait encore en conclure de façon absolue que ceux-ci venaient de Pressigny, les mêmes microorganismes pouvant se retrouver dans un silex d’autre origine. Néanmoins, nos examens, si modestes qu’ils soient, apportent une présomption sérieuse en faveur de l’exportation pressignienne en Suisse. Ils renforcent les autres arguments, dont aucun n’est insignifiant ou négligeable, mais qui apparaissent surtout convaincants par leur ensemble. Ainsi, la couleur, d’ailleurs variée, du silex pressignien, toujours mise en avant, serait insuffisante pour affirmer l’origine d’un outil — on sait que dans la région de Bergerac se trouve un silex d’une teinte tout à fait comparable — s’il ne s’y ajoutait le grain caractéristique, la propriété de ne pas se patiner, ni se cacholonner, les dimensions exceptionnelles de ses nucléus et ainsi des lames qu’on en peut tirer, enfin la facture particulière des instruments pressigniens.

Il faut y joindre le fait qu’aucun nucléus pressignien n’a jamais été trouvé dans les fouilles des cités lacustres, qu’aucun silex de la région suisse ou française voisine de la Suisse n’est propre, selon l’avis des minéralogistes suisses les plus autorisés, ni à fournir de pièces d’aspect pressignien, ni à se laisser tailler comme celui de Pressigny. Dans le reste de la France, nous n’avons connaissance d’aucun gîte de silex, ni d’aucun atelier susceptible d’avoir fourni ces belles lames qui peuvent être appelées les filles des grandes livres de beurre.

Un argument adverse qu’il y a lieu d’examiner bien qu’il soit négatif, consiste dans l’absence d’objets d’échange suisses qui devraient se retrouver au Grand-Pressigny. Mais une seule visite de collections lacustres apporte une réponse péremptoire à cette objection : les choses dont nos Hommes de Pressigny pouvaient souhaiter la possession y apparaissent encore vivantes en quelque sorte, grâce à la vase ou à la tourbe qui les ont préservées de la destruction tandis que, faites de matière périssable, elles ont disparu du Grand-Pressigny si elles y ont été apportées, ainsi les tissus, les nattes, les corbeilles, les filets, les cordes, le fil, des récipients et des outils en bois, des graines de céréales. Et ces dernières conduisent à l’hypothèse que des êtres vivants ont pu servir d’échange : le bétail, les chiens pour le garder, la main-d’œuvre humaine, esclave ou libre, les femmes enfin.

Le trajet que devaient suivre les porteurs de ces objets d’échange n’est pas une supposition sans fondement. Il a laissé des traces qui ont été mises en lumière d’une façon frappante par l’enquête de Saint-Venant et par la carte qu’elle lui a permis d’établir (nous en donnons une reproduction partielle (fig. 10). Les départements de France qui séparent le Grand-Pressigny de la Suisse suivant une ligne horizontale Ouest-Est, c’est-à-dire la route la plus courte, ont |37 tous livré des silex ouvrés pressigniens avec une abondance beaucoup plus grande que le reste de la France, si l’on en excepte seulement la région parisienne et le Morbihan. Un détour de ce chemin direct devait être fait parfois pour fournir en silex la région de Paris et la vallée de la Loire, mais par l’Yonne et la Côte-d’Or, on regagnait la route de la

Suisse : tout au long de ce trajet comme du précédent, on retrouve nos silex.

Figure 10.Répartition des silex pressigniens dans les régions qui séparent le Grand-Pressigny de la Suisse. Les hachures et les quadrillés plus ou moins serrés indiquent la densité plus ou moins grande des silex (d’après Saint-Venant).

Cet ensemble de faits, observés et confirmés par des savants de bonne foi depuis plus d’un demi-siècle, est trop cohérent pour ne pas entraîner la conviction que l’exportation vers la Suisse d’instruments venus de Pressigny est bien une réalité et non point une légende, qu’il conviendrait certes de détruire si cela était. Ce mouvement |38 commercial dut être très actif, aussi bien par la richesse des ateliers pressigniens que par la densité de la population lacustre suisse, mais sans doute fut-il d’une durée assez limitée. Dans ses fouilles du Néolithique lacustre ancien, Vouga a noté qu’aucun des silex — qui vont du brun foncé au brun olive — ne se rattache à Pressigny, ni par la teinte, ni par la forme, ni par les retouches. L’importation commence beaucoup plus tard, au seuil de l’Énéolithique, à peu près en même temps qu’apparaît le cuivre. Mais le bronze aura bientôt raison du silex, tout au moins auprès des installations prospères. Les foyers pauvres durent souvent se contenter du silex et même du silex régional : nous avons remarqué ça et là dans les collections suisses tardives des pièces en mauvais silex qui furent probablement faites sur place à l’ imitation de nos belles pièces de Pressigny.

L’exportation pressignienne au surplus, envisagée d’une façon générale et non plus limitée à la Suisse, n’a pas lieu de nous surprendre. Il serait beaucoup plus surprenant qu’elle n’ait pas existé. Elle est dans l’ordre de l’évolution humaine. L’abondance et la qualité du silex local, les conditions de climat et de vie certainement favorables, ont engendré l’adresse des Pressigniens à travailler leur matière première. Munis bientôt d’instruments qui dépassaient en nombre les besoins de leurs foyers, sans doute encore peu peuplés, ils ont eu évidemment l’idée de les offrir ailleurs, en échange de cc qui leur manquait. Les difficultés de transport ne les arrêtèrent pas. L’homme préhistorique est voyageur dès une haute époque du Paléolithique, tantôt par nomadisme, tantôt pour se procurer l’indispensable : bêtes de chasse, matériau de ses outils, ou même déjà le superflu qui l’attire : coquilles marines, roches brillantes des torrents de haute montagne, tantôt pour des raisons plus obscures, comme en témoignent les répliques lointaines des œuvres d’art. Même devenu sédentaire, l’Homme reste avide de déplacement. Les marques en abondent aux époques néolithique et protohistorique63. Comment notre Pressignien aurait-il échappé à cette tentation, alors que ses magnifiques instruments étaient propres à lui fournir de grands avantages et qu’il connaissait sûrement la prospérité des cités lacustres et leur carence en silex ?

Nous nous refusons à dénier cet esprit d’entreprise et de progrès à l’Homme de Pressigny, qui donne par ailleurs des preuves de sa maîtrise. Nous trouvons plus juste de le considérer, au contraire, comme un des premiers messagers de l’habileté technique et du sens esthétique des Hommes qui vivent sous notre ciel.

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14. Les Pièces pressigniennes de la Croix-Blanche a Moigny (S.-et-O.) -

Par Mme la Comtesse de Saint-Périer

Conservateur du Musée d’Étampes

Notre propos est seulement de rappeler ici une découverte ancienne, puisqu’elle remonte au moins à soixante-dix ans, qui mit au jour le plus remarquable ensemble de grandes pièces pressigniennes retouchées qui fût sans doute jamais trouvé hors de la région du Grand-Pressigny.

Il s’agissait très probablement d’une cachette, dans une petite cavité mi-circulaire, creusée à 0,80 m. de profondeur dans un sol argileux. Quinze à vingt lames y reposaient côte à côte, d’une qualité exceptionnelle aussi bien, par leur matière que par la technique des retouches et par leurs grandes dimensions. Malheureusement dix en subsistent seules à notre connaissance. Les autres ont disparu presque aussitôt après leur découverte, la valeur de telles pièces n’ayant pas échappé à l’inventeur. Ce fut encore une bonne fortune que l’instituteur d’une commune voisine en fût averti rapidement et pût recueillir ainsi les dix qui 64 restent connues. Longtemps après lui, elles ne furent données ni au Musée d’Étampes, tout proche du lieu de la trouvaille, en dépit des promesses qui en avaient été faites, ni au Musée de l’Homme à Paris, comme il a été dit, mais vendues, pour un prix élevé, à un riche collectionneur, heureusement grand mécène, qui légua toutes ses collections à divers organismes scientifiques. Par cette voie, les pièces de la Croix-Blanches de Moigny sont aujourd’hui conservées dans les réserves de l’Institut de Paléontologie humaine (1, rue René-Panhard, à Paris), où elles sont visibles sur demande. Nous avons pu en faire exécuter par le chef d’atelier du Muséum national d’Histoire naturelle, M. Richir, de si beaux moulages qu’ils constituent, même sous cette forme, un des joyaux du Musée d’Étampes.

L’ensemble des dix pièces se compose de sept grandes lames et de trois grattoirs longs et étroits. La plus longue lame mesure 0,325 m., la plus courte 0,185 m. ; deux sont exactement de la même longueur, 0,321 m. La largeur des six plus grandes est très voisine, de 0,037 m. à 0,041 m., tandis que la plus petite n’atteint que 0,0030 m. Leur épaisseur, remarquablement mince, varie seulement de 0,009 m à 0,012 m. Leur poids va de 60 grammes pour la plus courte à 190 grammes, mais la plus longue n’est pas la plus lourde (145 gr.) en raison de sa moindre largeur. Les grattoirs mesurent 166, 150 et 140 millimètres de longueur sur 50, 45 et 42 de largeur, avec une forte épaisseur pour le plus long, qui va avec un poids assez élevé, 115 gr.

Les lames ont une faible courbure, sauf l’une d’elles : la flèche de son arc atteint 17 millimètres. Les grattoirs sont sensiblement plus arqués que les autres lames.

Les dix pièces ont une face inférieure totalement lisse. Le conchoïde de percussion est demeuré très visible sur trois lames, encore sensible sur trois autres, mais il a disparu sur une lame dont la base a été aménagée en grattoir.

Toutes les lames présentent une retouche fort étudiée, plus que celle des grattoirs, sur la face supérieure, par des grands éclats réguliers, en général d’un seul côté d’une arête longitudinale ; plus rarement, une seconde arête, |29 moins longue et moins droite, suit la grande. Il s’y ajoute des retouches jointives, extrêmement fines sur toute la périphérie de la pièce. Les pointes sont particulièrement soignées sur quatre lames, à belles retouches rayonnantes autour d’une ogive parfaitement symétrique, assez aiguë pour donner à penser qu’elles ont pu représenter des poignards ou des pointes de lance, mais peut-être d’une manière symbolique pour un usage cérémoniel ? La dimension de ces pièces, leur évidente fragilité, leur état de fraîcheur si frappant ne permettent guère de croire à leur utilisation pratique. Nous ne pouvons rester que dans le domaine des hypothèses, comme tant de fois en préhistoire.

Le silex de ces objets est également remarquable, par sa teinte plus claire et plus nuancée que celle du silex classiquement pressignien, teinte de miel tantôt cendré, tantôt rosé plutôt que de miel doré, avec de longs rubans ondulés d’ un gris tendre ou d’ un mauve plus ou moins violacé.

Cette gamme de nuances, qu’elle soit le fait du hasard ou d’une recherche, ajoute encore à la similitude saisissante de ces pièces avec celles qui furent découvertes, près de quarante ans plus tard, à six kilomètres de Moigny, dans une carrière appartenant au territoire de la commune de Boutigny : ces deux lames gisaient sous une roche de grès qui, sans doute, avait aussi constitué une cachette. Elles ont été généreusement offertes au Musée d’Étampes par l’instituteur de Boutigny, M. Fongeallaz, auquel les avait remises l’ouvrier qui les avait découvertes en extrayant le grès de la carrière65. Leur analogie avec les lames de Moigny porte à la fois sur la nature du silex, sur leurs dimensions respectives, sur les détails de la retouche, sur l’absence totale d’usure. Mais une lame de Boutigny est plus longue encore, 0,350 m., dimension vraiment exceptionnelle, à notre connaissance la plus grande qui ait été relevée parmi les belles lames retouchées de Pressigny.

Il n’est donc pas interdit de penser que les pièces de Moigny et celles de Boutigny ont dû être exécutées par la même main ou le même atelier et, peut-être, appartenir au même homme ou au même groupe, qui les avait divisées en deux abris, bien dissimulés et proches l’un de l’autre. Ces cachettes, extrêmement rares à l’époque paléolithique, sont très connues à l’âge du Bronze, mais elles ont été moins souvent signalées au Néolithique, ce qui accroît l’ intérêt de celles-ci.

En outre, ces deux découvertes ont confirmé, et de façon remarquable, la faveur dont fut l’ objet l’industrie pressignienne dans la Beauce et les environs d’Étampes qui la touchent de très près. Nous avons relevé dans notre seule région des trouvailles plus modestes, oubliées ou inédites, à Morigny, à Étréchy et M. l’Abbé Nouel en a constaté la présence dans toute la Beauce lors de son importante enquête sur les collections préhistoriques concernant cette vaste région.

La diffusion des beaux instruments pressigniens est incontestable, bien qu’elle ait suscité des discussions et qu’elle exige certainement des précautions dans les conclusions qui la concernent. Mais elle montre des aspects divers, souvent inattendus, qui font de notre Grand-Pressigny un objet d’études dont la lumière n’est pas près de s’éteindre.

15. La trouvaille de Saint-Yon 8

Par le Dr R. de Saint-Périer (Paris).

Le village de Saint-Yon, près d’Arpajon (Seine-et-Oise), composé de quelques maisons seulement, est bâti au sommet d’une butte escarpée, dominant de 146 mètres la vallée de la Renarde.

Cette position élevée, facile à défendre, commandant une vallée, avait été utilisée à l’ époque romaine pour établir un camp fortifié, dont les fossés sont reconnaissables et dont une porte, regardant le Sud et nommée par les habitants « Porte de Bordeaux », est encore debout. Bien qu’aucune fouille systématique n’ait été pratiquée sur le plateau de la butte où se trouve l’emplacement du camp antique, de nombreux objets gallo-romains ont été recueillis à Saint-Yon : notamment un vase, contenant une grande quantité de monnaies du Haut-Empire.

Cette occupation romaine n’a-t-elle pas été précédée par une station antérieure, datant des époques protohistorique et néolithique ? C’est ce que tendrait à faire croire la trouvaille, déjà

68 L’Homme préhistorique 12/8 (août 1914), pp. 247-251 (B.G.)

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ancienne, mais inédite jusqu’ici, qui fait l’objet de cette petite note.

Vers 1870, un cultivateur, en défrichant un bois et en démolissant des meurgers en pierre sèche, au lieu-dit la Butte à Faucheux, à l’Ouest de la colline de Saint-Yon, trouva un vase en terre, sept bracelets en micaschiste, et deux objets perforés, également en micaschiste, qu’il apporta à M. Collas. Ce dernier habitait alors à Rimoron, près de Saint-Yon, et s’occupait à recueillir les trouvailles fortuites faites dans la région, constituant ainsi une collection importante et fort intéressante pour le pays.

M. Maxime Legrand, qui se trouvait précisément à ce moment |248 chez M. Collas, vit les objets dès leur découverte ; c’est à son obligeance que nous devons ces détails.

Cette trouvaille, après la mort de M. Collas, est entrée au Musée d’Étampes, où elle est actuellement conservée.

Les conditions de la découverte ne sont malheureusement pas connues. S’agissait-il d’une sépulture, comme le croit M. Maxime Legrand ; et celle-ci était-elle en plein sol ou sous tumulus ? S’agissait-il au contraire de fonds de cabane, mis à jour par le défrichement ? Il nous est impossible d’être affirmatif sur ces points, étant donnée l’absence de renseignements sur une trouvaille datant déjà de plus de quarante ans. Il est probable que ces objets n’ont pas été rencontrés ensemble, car ils ne semblent pas appartenir à une même époque.

Le vase est en terre assez grossière, d’un brun noirâtre ; il mesure 0m105 de hauteur sur un diamètre maximum de 0m 13 ; l’ouverture est large de 0m08. Son fond est sphérique (cette forme est peu visible sur la figure 1) et porte les traces du feu ;

ses parois ne montrent aucune ornementation ; au 1/3 supérieur environ, trois paires de mamelons pleins, disposés sur une ligne circulaire, forment la seule décoration de la pièce.

Les anneaux sont au nombre de sept ; cinq entiers et deux fragmentés ; ils sont de dimensions inégales. Le plus grand mesure 0m105 de diamètre extérieur, ses bords sont presque rectangulaires et polis, son disque mesure 0m012 de largeur, sur une épaisseur de 0m005 seulement. Deux autres anneaux, de même type, mesurent seulement 0m095 de diamètre et un autre semblable, 0m085. Nous trouvons ensuite deux anneaux, à section plus arrondie, mesurant respectivement 0m085 et 0m076 de diamètre, enfin un dernier anneau de 0m06 seulement de diamètre (Fig. 1).

Les deux objets perforés (Fig. 1) présentent une forme quadrangulaire ; brisés à leur partie inférieure, leur longueur n’atteint que 0m042 et 0m046. La partie supérieure se termine en biseau ; deux des faces sont un peu plus élargies que les autres, donnant aux pièces une section rectangulaire. Les perforations affectent la forme de deux cônes opposés par leur sommet ; les objets ont été percés en deux temps ; les perforations débutant sur deux faces opposées des pièces et se réunissant au centre de leur masse.

Ces anneaux et ces objets perforés sont en micaschiste noir à |249 |250 grain fin ; quelques pièces présentent une teinte un peu verdâtre, due à une altération superficielle de la roche.

À quelle époque faut-il attribuer cette trouvaille ? Nous pensons qu’il doit s’agir d’objets d’âge différent. Le vase est certainement néolithique. Cette forme sphérique est commune, en effet, à l’âge de la pierre polie, ainsi que la décoration des poteries à l’aide de mamelons pleins. Faut-il penser que ces mamelons simples ont suivi les mamelons troués, qui procèdent eux-mêmes du66 trou pariétal primitif67 ? C’est là une question qu’il n’y a pas lieu d’examiner ici ; il nous suffit de savoir que ce mode de décoration, par soudure de masses supplémentaires au moment de la fabrication du vase, est fréquent sur les poteries néolithiques. La qualité de la pâte et la forme du vase permettent également de le dater avec une approximation suffisante. Ces vases à fond sphérique, qui reposaient sur un support en terre cuite, sont abondants au Camp de Chassey68, en Bretagne69 ; et nous les trouvons dans les dolmens, répartis dans presque toute l’Europe. Nous citerons, notamment, un vase de forme et de dimensions très voisines du vase de Saint-Yon, bien qu’il ne soit pas muni de mamelons et qu’il porte une décoration incisée et ponctuée, qui manque au vase de Seine-et-Oise ; cette pièce est au Musée de Mayence et provient du cimetière de Montheim, près Worms70.

Nous datons donc cette poterie de l’époque néolithique, tant à cause de la nature de sa pâte que de sa forme et de son mode de décoration.

Nous estimons également que c’est à cette période qu’il faut rapporter les anneaux, trouvés avec le vase. Ces anneaux, destinés à servir de bracelets, sont, en effet, très répandus, dès le néolithique, bien qu’on retrouve des objets de parure analogues à l’âge du bronze, en même temps que des bracelets métalliques.

On connaît au bronze, un ou deux bracelets en jais, provenant des palafittes de Suisse et un plus grand nombre |251 trouvés dans le lac du Bourget71. Mais l’atelier de bracelets en schiste de Montcombroux (Allier), qu’il faut attribuer, d’après Déchelelle, au Néolithique, montre, dès cette époque, l’importance de la fabrication de ces objets. Peu d’entre eux, d’ailleurs, sont comparables, par leur perfection de forme, leur poli régulier et la finesse de la matière employée, à ceux de Saint-Yon.

Enfin, les deux objets perforés, que nous avons décrits, sont plus difficiles à classer, à cause de leur fragmentation. Nous ne croyons pas qu’il s’agisse de pendeloques, ainsi qu’on pourrait tout d’abord le penser, car ces objets ne présentent pas la forme ovoïde et les contours arrondis habituels aux pendeloques. Leurs arêtes vives, déterminant des faces planes, nous font plutôt supposer qu’il s’agit d’aiguisoirs pour des pièces métalliques, et, bien que la matière dont sont formés ces objets soit identique à celle des bracelets, nous pensons qu’il faut les dater de la fin de l’Âge du Bronze ou du commencement du premier Âge du Fer.

En résumé, la trouvaille de Saint-Yon donne une intéressante indication sur l’existence, au sommet de cette colline escarpée, de stations humaines, certainement préromaines. — A-t-il existé, sur cet emplacement, occupé postérieurement par les Romains, des camps néolithiques et gaulois importants ? Cette découverte est insuffisante pour l’établir. Seules des fouilles, méthodiques et un peu prolongées, permettraient, peut-être, d’obtenir sur ce point, des données vraiment précises et dignes d’attention.

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1. Hache à encoche ; —

2. Section au niveau de l’encoche.


16. Hache a bords droits avec encoche découverte a Puiselet-le-Marais -

Par le Dr de Saint-Périer (Morigny, Seine-et-Oise).

La hache figurée ci-contre a été découverte il y a une dizaine d’années par un ouvrier agricole, dans un champ de betteraves, à 25 ou 30 centimètres de profondeur, au lieu-dit sur le bois de la Boissière, commune de Puiselet-le-Marais, arrondissement et à neuf kilomètres d’Étampes, à gauche de la route de Puiselet à La Montagne.

L’objet demeura entre les mains de l’ouvrier qui voulut l’utiliser à couper du fil de fer. Ces tentatives, aussi infructueuses qu’intempestives, ont produit une petite entaille sur le tranchant, intact au moment de la découverte.

Le 26 février 1921, M. Moullé, secrétaire de la mairie de Puiselet-le-Marais, eut l’obligeance de me signaler cette hache, dont je me rendis acquéreur. 72 73

Il s’agit d’une hache en bronze, d’une belle patine verte, d’un métal sonore et homogène. L’analyse n’en a point été faite. La hache mesure 0m143 de longueur sur une largeur de 0m067 au tranchant et de 0m023 à la base. Son poids est de 375 grammes. La forme élégante de cette pièce se rattache à l’un des types de haches à bords droits répandu dans toute l’Europe, mais elle offre un détail de technique qui lui donne un intérêt tout particulier.

On remarque, en effet sur les deux faces de la pièce, à 60 millimètres de la base, une encoche à simple biseau, profonde de 3 millim. 5, suivie d’un bourrelet arrondi, haut de 3 millimètres. Cette encoche a été creusée dans le métal qui, repoussé par la pression d’un ciseau, a formé le bourrelet qui surmonte le biseau. À la loupe, les traces de la pression d’un ciseau sont très visibles sur le biseau, où le métal montre de |85 petites dépressions irrégulières qui correspondent aux chocs transmis au ciseau par l’instrument contondant. L’arête du bourrelet montre que le métal, chassé par le ciseau, a été martelé ensuite et ramené en arrière, de façon à constituer au biseau, creusé tout d’abord, une lèvre perpendiculaire assez régulière et surmontant, comme une arête, le plan régulier, de la face de la hache.

Ainsi a été formé, au milieu de la face de l’objet, un talon fort analogue au talon rudimentaire des haches qui forment la transition entre les haches à bords droits et les haches à talon véritable. Dans ce modèle de transition74, l’ébauche de talon est constituée par un bourrelet perpendiculaire aux bords de la hache comme dans notre pièce, mais ce bourrelet a été fondu avec l’objet, et les moules de ces haches montrent une dépression qui correspond à la surélévation du bourrelet sur l’objet moulé. Ici,

au contraire, l’ébauche de talon a été produite, après la fonte de la hache, grâce au repoussage du métal par l’action d’un ciseau à froid percuté au marteau.

Hache de Puiselet, conservée au musée d’Étampes

Quel est l’instrument qui a pu ainsi repousser le bronze de notre hache et amener la réalisation du talon cherché ? Très probablement, un de ces ciseaux de bronze riche en étain, ou métal de cloche, qui devaient servir à travailler le bronze des haches et des instruments contenant moins d’étain et par suite d’une moins grande ténacité77.

J’ai cherché en vain une pièce analogue à la hache de Puiselet dans les publications françaises. M. Viollier, vice-directeur du Musée national suisse à Zurich, a bien voulu répondre à ma demande qu’il ne connaissait pas de hache semblable dans les musées suisses, ni dans la littérature. Nous sommes donc très probablement en face d’une tentative isolée d’un métallurgiste de l’Âge du Bronze. Nous pouvons supposer que cet artisan a voulu

77 Cf. ibid. pl. LXXVI. Nos 820, 821-822.

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transformer une hache à bords droits en hache à talon rudimentaire, peut-être parce qu’un modèle de ce dernier type venait de lui être connu et qu’il a imaginé alors de creuser au ciseau cette encoche pour obtenir le talon qu’il voulait réaliser. Le but qu’il poursuivait a été atteint, mais la technique qu’il employait ne s’est pas généralisée et la hache ainsi modifiée paraît jusqu’ici unique.

Il est bon d’ajouter que les découvertes de haches en bronze sont rares dans la région d’Étampes, soit que ces objets vendus à des brocanteurs n’aient plus d’indication d’origine lorsqu’elles sont retrouvées par des archéologues, soit que les haches de bronze se |86 rencontrent peu fréquemment dans le pays. Quelques découvertes certaines ont cependant été publiées75. L’origine de notre pièce et la particularité de technique qu’elle présente méritaient donc d’attirer l’attention sur elle.

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Musée d’Étampes

17. Le Tumulus hallstatien de Puiselet-le-Marais 76

La découverte d’un tumulus du premier âge du fer à Puiselet-le-Marais remonte à l’année 1879.

Cette année-là, nous apprend une note manuscrite conservée dans les archives de la mairie de Puiselet et dont je dois la communication à l’obligeance de M. Moullé, secrétaire de la mairie, « au lieu-dit le Haut-de-la -Butte, lieu le plus élevé du territoire de la commune, un ouvrier carrier fouillant un amas de pierres dit murger ou meurger ayant la forme d’un cône affaissé, dont les dimensions pouvaient être de 20 à 25 mètres de diamètre sur 1 m 20 de hauteur au centre, a découvert vers le milieu du tumulus, 40 à 50 cadavres humains placés horizontalement parmi les pierres. Quelques-uns, de très haute taille, étaient sans doute des guerriers de l’époque, d’autres de taille moyenne on inférieure semblaient appartenir à des femmes ou des enfants. Il se trouvait aussi, parmi ces cadavres, plusieurs anneaux en cuivre de différentes grandeurs, l’un de 0 m. 12 de diamètre, passé au cou d’un squelette, un autre de 0 m. 08 dans lequel se trouvait un tibia. Enfin, une espèce de branche de fer ou autre métal, pouvait avoir été un éperon. Les cadavres ont été enterrés sur le lieu même de la découverte et les autres objets, ainsi qu’une des têtes (la mieux conservée), ont été déposés au Musée d’Étampes, par l’ ouvrier. »

Nous trouvons, effectivement, dans le registre des délibérations de la Commission du Musée, à la date du 1er avril 1878, la mention suivante : « Un anneau en bronze, trouvé au centre d’un meurger, entre Mézières et la ferme des Buis, territoire de Puiselet-le-Marais, vers le 12 mars 1878, par Géroix, journalier, fouillant des pierres pour le compte d’un entrepreneur de routes. Un intervalle de terre, de couleur très foncée, entourait des ossements presque en poussière. On n’a pu en recueillir d’entiers. Don de M. Servant. » |17

Et à la date du 6 mai 1878 : « Deux anneaux en bronze, un crâne et une mâchoire paraissant avoir appartenu à un homme de 40 à 45 ans, débris d’un vase et un objet en fer absolument oxydé : le tout provient du tumulus gaulois découvert sur le territoire de Puiselet-le-Marais, au lieu-dit Montaigut77. »

Il est donc entré au Musée à cette époque, comme le constate le registre de délibérations de la Commission, à la suite de deux séances successives de cette Commission, trois anneaux en bronze, un vase fragmenté, une mandibule et un crâne humains et un objet indéterminé en fer, qui provenaient du tumulus découvert à Puiselet-le-Marais. Cela est peu s’il est vrai que le tumulus contenait 40 à 50 squelettes et il est possible que tout ce qui a été découvert n’ait point été envoyé au Musée. Cependant, nous verrons que le mobilier de ce tumulus ne devait pas être très riche.

J’ai complété les indications que nous donnent les notes ci-dessus par une recherche sur place. Il n’existe plus de traces de tumulus à Puiselet et la région où fut découverte la sépulture, en 1878, est aujourd’hui cultivée. Mais il y a peu d’années encore, ce point était en friche et son abandon avait préservé le tumulus de la destruction.

M. Caillet, ancien entrepreneur de travaux publics, pour qui travaillait Géroix, au lieu de la découverte, m’a dit se souvenir du tumulus, malgré la date déjà ancienne de sa démolition. C’est au moment de la construction de la route de Puiselet à Mespuits que cet entrepreneur fit exploiter, pour empierrer la nouvelle route, des carrières de calcaire de Beauce et fit démolir les meurgers qui existaient sur les maigres landes de Montaigut. M. Caillet avait noté que les squelettes portaient des anneaux au cou, aux bras et aux jambes et qu’ils étaient séparés du sol sur lequel était édifié le tumulus par une rangée de pierres plates. Il avait remarqué aussi que le sommet du tumulus était affaissé, comme cela fut souvent observé lorsque la voûte de la chambre funéraire de la sépulture s’est effondrée.

J’ai retrouvé facilement, au Musée, les objets qui proviennent de la sépulture, à l’exception du fragment de fer |18 « absolument oxydé » qui a été jugé, sans doute, de peu d’intérêt. Nous verrons cependant que la présence d’un objet en fer, dans ce tumulus, n’est pas un élément d’information négligeable.

Les anneaux (fig. 1) sont en bronze, d’une belle patine verte ; leur analyse n’a point été faite. Le plus grand, qui doit être un torque ou anneau porté au cou, mesure 140 m/m de diamètre intérieur ; son poids est de 70 grammes. Ce torque est formé d’une tige de bronze arrondie et pleine, épaisse de 2 m/m 5, qui ne porte aucune décoration. Le mode de fermeture de ce torque est difficile à préciser. Il semble, à la loupe, que le cercle ait été obtenu en faisant pénétrer une branche de l’anneau dans la branche opposée préalablement évidée à son extrémité et en martelant ensuite le point de réunion des deux branches. Mais l’emploi de cette technique ne pourrait être affirmé qu’après examen d’une coupe de l’anneau, faite au point de réunion des deux branches. |19

Fig. 1. - Anneaux en bronze.

Le second anneau mesure 78 m/m de diamètre intérieur et pèse 35 gr. Sa section n’est point circulaire comme celle du torque, mais en ovale aplati à l’intérieur de l’anneau. Un élargissement de l’objet, sur une longueur de 20 m/m environ peut correspondre à la fermeture, dont la technique n’est pas discernable sous la couche de patine qui recouvre le bronze. Cet anneau, constitué par une tige pleine, a un bien faible diamètre pour un anneau de jambe, même pour un anneau destiné à une femme. Il a pu constituer un bracelet porté par une femme d’une musculature moyenne.

Enfin le troisième anneau, d’un diamètre intérieur de 33 m/m et d’un poids de 15 gr. est moins régulièrement circulaire et présente une solution de continuité sur son pourtour. Mais cette perte de substance est récente, car on voit des traces de limage sur les lèvres de la section, qui ne sont pas patinées. Cet anneau, qui était peut-être destiné à un enfant, a dû être sectionné par un témoin de la découverte pour examiner le métal dont il est composé.

La poterie (fig. 2) est un fragment de vase, fait au tour, d’une terre rougeâtre, fine et bien cuite. Elle ne porte pas de décor, mais une ébauche de carène lui donne un galbe assez élégant.

Je ne figure pas ici le crâne fort incomplet, ni la mandibule | 20 de Puiselet. La calotte crânienne présente quelques caractères archaïques : très dolichocéphale, elle montre une protubérance occipitale externe très saillante, formant un « chignon » proéminent. Les lignes courbes supérieure et inférieure sont particulièrement développées ainsi que la crête occipitale externe. Cette disposition indique l’existence, chez ce sujet, de muscles de la nuque particulièrement développés. La mandibule, qui n’a peut-être pas appartenu au même individu, n’offre aucun caractère particulier ; la saillie mentonnière est normalement développée.

Que devons-nous conclure des documents que nous possédons sur cette découverte ?

Tout d’abord, remarquons que les pièces ostéologiques ne nous apportent aucun élément d’information. Les caractères de la calotte crânienne, malgré leur archaïsme, sont, sans doute, individuels, car ils ne correspondent pas aux caractères de la mandibule. Ces documents sont insuffisants pour nous permettre d’en tirer quelque conclusion relative à la race des hommes du tumulus de Puiselet.

Mais la description du tumulus, le nombre des squelettes, la présence certaine d’un fragment de fer nous permettent de penser qu’il s’agissait d’une sépulture de l’époque de Hallstatt ou du premier âge du fer (900 à 500 environ av. J. C.).

Cette découverte doit être rapprochée de celle qui fut faite à Auvers-Saint-Georges, en 187678. II s’agissait, dans ce dernier cas, de tombes isolées, mais le mobilier funéraire présentait trop d’analogies avec celui du tumulus de Puiselet pour qu’il ne soit pas permis de les rapporter à la même époque. Là aussi on a recueilli des torques et des anneaux en bronze, à peu près identiques à ceux de Puiselet, là aussi on a constaté la présence du fer. Enfin, deux amulettes en rouelles, publiées par M. Maxime Legrand79, se rapportent nettement à l’époque hallstattienne.

Les découvertes de sépultures de cet âge sont d’une extrême rareté dans notre région et même dans tout le centre et le Nord-Ouest de la France. Je ne connais, dans l’arrondissement d’Étampes, que le tumulus de Puiselet et les |21 tombes d’Auvers qui soient de cet âge. Quelques découvertes isolées, dans la région de Rambouillet, peuvent être aussi hallstattiennes. Mais le flot des populations du premier Âge du Fer qui envahit l’Europe à la fin de l’âge du bronze n’atteignit qu’exceptionnellement notre région. Cantonnés autour des gisements de minerais de fer et des gisements de sel gemme, dont ils paraissent avoir pratiqué un commerce étendu, ces peuples ont laissé des sépultures importantes en Bourgogne, en Franche-Comté, en Lorraine, dans le Midi de la France et en Autriche. Dans ces pays, les tumulus, dont la disposition est tout à fait semblable à la disposition du tumulus de Puiselet, ont livré à leurs explorateurs un mobilier funéraire infiniment plus riche et plus intéressant.

Mais il n’est pas indifférent de relever la trace de cette civilisation dans notre région, malgré la pauvreté des tribus qui l’occupaient alors et c’est à ce titre que j’ai cru de quelque intérêt de signaler le tumulus de Puiselet, jusqu’ici inédit, bien que sa découverte remonte à une date déjà ancienne.

R. de Saint-Périer

18. Sépultures gauloises à Congerville 3

Par le Dr de Saint-Périer (Paris).

Une découverte, qu’il me paraît intéressant de signaler à la Société, a été faite, au mois d’octobre dernier, aux environs d’Étampes, non loin du village de Congerville, sur le plateau de la Beauce, dans une région où les trouvailles de ce genre sont extrêmement rares. En fouillant de la pierre, un ouvrier mit à jour deux squelettes et des armes de fer, qu’il emporta chez lui. Pensant qu’il s’agissait de cadavres de Huguenots (la trouvaille ayant été faite près du Chemin dit des Huguenots), il avisa M. Maxime Legrand, à Étampes, et lui remit les armes qu’il avait découvertes. |367

M. Maxime Legrand, comprenant tout l’intérêt de ces sépultures, se rendit à Congerville pour les examiner et c’est à son extrême obligeance que je dois la photographie des armes et les renseignements suivants. Qu’il me soit permis de le remercier ici très vivement.

Les sépultures étaient en plein champ, à 500 mètres environ du chemin de Congerville à Mérobert, sur la droite de ce chemin et 80

à quelque distance d’un petit bois, dans un léger vallonnement de terrain, amorce de ces petits plissements du sol qui vont rejoindre la vallée de la Chalouette, rivière qui prend sa source à Moulineux, à 15 kilomètres au sud-ouest d’Étampes.

Les deux corps reposaient sur le Calcaire de Beauce, recouverts par la couche de terre arable, à une profondeur d’environ 0m60.

Du côté du bois, était un squelette d’homme, à l’ossature puissante ; du côté de Congerville, un autre squelette d’homme, dont le développement musculaire devait être moins accusé. Les deux fosses n’étaient pas parallèles, mais en V, les têtes étant plus rapprochées que les pieds. Les deux cadavres, séparés par une distance d’environ 1 mètre, avaient les pieds orientés sensiblement vers l’est-sud-est.

Malheureusement, les documents osseux de ces sépultures sont fort incomplets. M. Maxime Legrand n’a pu recueillir qu’un fragment de fémur et de tibia du premier squelette et une partie d’un os long du second : les autres pièces ont été dispersées ou brisées, avant sa venue, par l’auteur de la découverte.

Les fragments du premier squelette que j’ai pu examiner appartenaient à un homme probablement de grande taille, extrêmement musclé ; la ligne âpre du fémur est saillante et rappelle certains de ces fémurs dits à pilastre ; le tibia paraît légèrement platycnémique ; l’autre squelette, comme je l’ai dit, se rapporte à un homme à musculature moins développée.

Chacune des tombes renfermait deux armes en fer ; près du plus grand des deux squelettes, une épée à soie ronde, assez massive, longue de 0m65, et large de 0m05 et à gauche du corps une pointe de lance repliée, longue de 0m48 sur 0m08 de large. Près du squelette de droite, une grande épée, dont la pointe était tournée du côté de la tête et qui mesure 0m65 de longueur sur 0m04 de largeur et une pointe de lance, très effilée, longue de 0m47 sur 0m055 de largeur composaient le mobilier de la sépulture ( Fig. 1).

Lorsque M. Maxime Legrand se rendit à Congerville, il put recueillir dans les fosses quelques fragments en fer des fourreaux des épées ; malgré leur oxydation, ces fragments montrent encore des traces de rainures sur leurs bords, qui ont dû servir à fixer des revêtements en os ou en bois.

Les tombes ne renfermaient aucun autre mobilier : aucun bijou ni |368 |369 aucun fragment de poterie ; les fosses étaient creusées en plein sol, sans aucun entourage de pierres.

À quelle époque devons-nous attribuer ces sépultures ? Il ne me semble pas douteux qu’il s’agisse là d’une inhumation gauloise, de l’Âge de la Tène, assez voisine des sépultures de cette époque, si nombreuses, de la Marne.

Ces grandes épées de fer, à soie ronde, sans aucune trace de rivets, ne peuvent, en effet, être rapportées à l’époque de Hallstatt ; les grandes lances et les fourreaux en fer me semblent également bien caractéristiques de l’époque marnienne. On a signalé souvent, et même avant cette époque, les armes pliées comme la grande lance de Congerville : soit que cette coutume ait eu un sens rituel ; soit, plus simplement, que l’arme ait été pliée pour diminuer son volume et permettre plus facilement son introduction dans la tombe (Fig. 1).

La disposition des fosses en forme de V a, d’ailleurs, été signalée souvent dans des sépultures marniennes, notamment aux Crons de Vertus, dont on connaît les singulières tombes doubles.

Il s’agit incontestablement, à Congerville, d’une inhumation de fortune et non pas d’une sépulture faisant partie d’un Cimetière important ; on n’a, en effet, trouvé aucune autre tombe dans la région et la pauvreté du mobilier, ainsi que la disposition des tombes en plein sol, montrent qu’on a enterré deux cadavres accidentellement en ce point, loin d’un centre habité à cette époque.

Les découvertes de l’époque marnienne sont extrêmement rares dans l’arrondissement d’Étampes. Je rappellerai seulement qu’en 1876 on mit à jour, près du village d’Auvers-Saint-Georges, à 8 kilomètres au nord d’Étampes, un petit cimetière, contenant 12 à 15 individus, ornés de bracelets et de torques en bronze. Ce cimetière ne contenait aucune arme ; on y aurait trouvé des fragments de fer ; mais cette découverte ne paraît pas avoir été suffisamment étudiée et il semble difficile de lui attribuer une époque précise : hallstattienne ou marnienne.

La découverte de Congerville offre donc un grand intérêt pour l’histoire de la période gauloise aux environs d’Étampes ; et c’est pourquoi je suis reconnaissant à M. Maxime Legrand de m’avoir permis de la signaler à l’attention de la Société préhistorique française.

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19. Le Dieu gaulois de Bouray j

Le Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye vient de s’enrichir d’un objet d’art précieux qui nous appartient en quelque mesure, puisque c’est près d’Étampes qu’il fut découvert. Aussi pensons-nous que les lecteurs de L’Abeille nous saurons gré de leur faire connaître ce petit monument, que les archéologues seuls ont jusqu’ici examiné et commenté.

La découverte n’en est pas récente : c’est vers 1845 qu’un ouvrier, en curant la Juine, dans sa traversée du parc du Mesnil-Voisin à Bouray, amena au jour du fond de la rivière une statuette singulière en bronze, haute de 42 centimètres et représentant un personnage humain à tête volumineuse, surmontant un corps trop grêle et dissymétrique, accroupi sur ses jambes repliées. Les bras manquaient déjà à ce moment, l’un avait été brisé et l’autre arraché au niveau de la soudure qui le reliait au corps.

La statuette demeura au château du Mesnil-Voisin sans attirer l’attention du monde savant, jusqu’en 1912, date à laquelle Héron de Villefosse, Conservateur des Antiquités grecques et romaines au Musée du Louvre, connut son existence grâce à M. l’abbé Bonno qui avait eu l’occasion de le voir. Héron de Villefosse obtint l’autorisation de photographier et d’étudier

84 L’Abeille d’Étampes 122/26 (1er juillet 1933), p. 1 (B.G.).

177

l’objet, auquel il consacra en 1913 un excellent mémoire dans les publications de la Société des Antiquaires de France. Mais il ne parvint pas à en réaliser l’acquisition pour un de nos Musées nationaux. Les démarches tentées depuis cette époque par MM. Salomon Reinach, Hubert, Lantier, Conservateur et Conservateurs-adjoints du Musée de Saint-Germain, par nous-mêmes enfin, ne purent aboutir et les lettres demeurées sans réponse faisaient craindre que cette statuette, comme tant de nos trésors nationaux, n’eût elle aussi traversé l’Atlantique, sans doute pour toujours. Mais la mort déjoue les calculs des hommes et trompe leurs prévisions. À l’occasion d’une succession, le dieu de Bouray quitta le château du Mesnil-Voisin et devint la propriété d’un marchand d’antiquités. M. Raymond Lantier, l’actuel et zélé conservateur du Musée de Saint-Germain, que l’ on ne saurait trop féliciter de sa prévoyance et de son activité en cette affaire, avait, si nous osons dire, jeté l’embargo sur notre dieu gaulois et signalé son arrivée possible dans le commerce aux négociants de ces objets. Il fut ainsi prévenu de la vente et put acquérir la statuette pour le Musée de Saint-Germain, où elle est actuellement et, autant que les vicissitudes humaines permettent de l’espérer, définitivement conservée. C’est là que nous avons pu l’admirer récemment, avec la curiosité que l’on devine et aussi en quelque sorte avec la joie de voir revenu au foyer un être cher que l’on croyait disparu.

Certes notre Dieu de Bouray n’est pas beau. Il ne faut pas lui demander la grâce d’un Apollon, ni la sereine majesté d’un Jupiter promenant sur le monde des hommes et des dieux un regard altier et dédaigneux. Cependant sa tête n’est pas dénuée de charme, l’ ovale est régulier, le nez droit, les cheveux en mèches ondées que sépare une raie centrale sont traités avec art, la bouche semble sourire, mais le menton est lourd, le regard hébété, les oreilles énormes. L’œil gauche, seul conservé, en pâte de verre, montre un iris d’ un bleu dur, peu humain. Cependant, on reconnaît dans cette facture grossière, une influence hellénique ayant inspiré maladroitement un métallurgiste, très habile dans l’art de fondre et d’assembler des pièces de bronze, moins sûr de son art dans le modelé des traits du visage. Cette influence de l’ art grec et cette imitation malhabile du plus beau type humain qu’on ait jamais connu, sont communs à l’époque gauloise. C’est ainsi que les monnaies gauloises nous montrent des déformations des types monétaires helléniques qui, répandus dans le monde celtique, ont été imités plus ou moins grossièrement dans les ateliers de la Gaule.

Nous ne décrirons pas l’assemblage des plaques de bronze traitées au repoussoir qui constitue la statuette. On trouvera dans le mémoire déjà cité et dans la belle publication que prépare M. Lantier tous les détails techniques et les comparaisons qu’appelle cette œuvre singulière, avec les rares figures gauloises que nous connaissions jusqu’ici. Mais nous appellerons l’attention sur quelques particularités. Le collier terminé par deux boules qui entoure le cou de notre statuette permet d’affirmer qu’il s’agit d’ une représentation gauloise, car cet ornement était caractéristique, dans le monde antique, du costume de nos ancêtres. On voit ce torque sur la statue du Gladiateur mourant, conservée au Musée du Capitole à Rome et sur toutes les figurations gauloises de quelque importance. Parfois même, le personnage est non seulement orné d’un torque au cou — torquatus comme disaient les Romains — mais tient encore un torque à la main, comme pour affirmer la valeur symbolique ou nationale de cet ornement. La position accroupie a été relevée sur d’ autres figurations celtiques, sur le chaudron en argent de Gundestrup notamment, découvert dans le Jutland. Enfin, notre statuette présente une ressemblance frappante avec une tête en bronze découverte dans les dragages de la Saône, qui a fait partie de la collection Danicourt au Musée de Péronne, pillé, lors de la dernière guerre, par les envahisseurs.

Moulage conservé au Musée d’Étampes

Il est donc hors de doute que nous avons, dans la statuette de Bouray, une figure gauloise et non romaine, assez récente, d’après son style, que l’on peut dater du premier siècle de notre ère. Héron de Villefosse a montré, avec beaucoup de clarté, qu’il s’agit de l’image d’un dieu et non d’un portrait. Les Romains furent tolérants, on le sait, pour les cultes des peuples conquis : ils laissèrent les vaincus adorer leurs dieux auxquels, par une diplomatie religieuse bien comprise, ils assimilèrent les leurs de manière à permettre un culte commun aux divinités indigènes et aux divinités impériales. On adora le dieu gaulois de la guerre et le Mars du panthéon gréco-romain sous un double nom, ce qui mit en repos la conscience des Gaulois soumis et des fonctionnaires romains. Et de cette tolérance si sage naquirent l’unité morale et la paix religieuse, qui devaient permettre à la Gaule romaine de connaître cinq siècles de prospérité et de développement intellectuel.

Ce n’est donc pas à l’envahisseur latin qu’il faut attribuer la destruction du sanctuaire qui, à Bouray même peut-être, abrita notre statuette et auquel nos ancêtres apportèrent le tribut de leurs offrandes, de leurs prières et de leurs larmes. Est-ce à l’époque de la prédication chrétienne en Gaule qu’il faut faire remonter la ruine du temple, la mutilation de l’image et son immersion dans la Juine ? Nous l’ignorerons sans doute toujours, mais l’iconoclaste sacrilège qui précipita dans notre paisible petite rivière, l’image vénérée de Bouray lui assurait, bien contre son gré, une conservation prolongée. La vase recouvrit lentement l’image sacrée qui pendant près de deux mille ans, ignora les luttes qui ensanglantaient le monde. Revenue à la lumière du jour, elle ne retrouva plus ses fidèles, ni son culte disparu à jamais, mais elle connaîtra d’autres adorations. Tous ceux que le passé ne laissent point indifférents et ceux qui comprennent l’éternel désir d’idéal de l’humanité contempleront avec une curiosité émue cette effigie barbare qui symbolisa les rêves et les aspirations de ces hommes lointains dont nous descendons, devant qui peut-être des mères ont pleuré, qui donna peut-être,

en dépit de sa grossière apparence une apaisement à l’éternelle douleur des hommes.

espérance et un R. de Saint-Périer


CREDITS PHOTOGRAPHIQUES

Logo du Corpus Étampois dessiné par Gaëtan Ader. — Ex-libris du comte de Saint-Périer, p. 1. — Archives des Saint-Périer aux AD91, cote 76J 17 (cliché de Bernard Métivier), p. 6 — Archives des Saint-Périer aux AD91, cote 76J 5 (scan d’Yves Morel), p. 11. — Site internet du Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse, p. 14. — Clichés de Bernard Gineste (surtout au Musée d’Étampes, grâce à la courtoisie de son personnel toujours serviable et sympathique), pp. 22, 26a, 42, 47, 59, 106, 116, 148a, 148b, 151, 159, 162, 180. — Illustrations des éditions d’origines, pp. 26b, 35, 48, 50, 53, 56, 72, 74, 78, 82, 83, 85, 86, 89, 92, 102, 108, 112, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 131, 134, 135, 138, 142,

156, 166, 167, 170, 176.--Dessin de Paul Allorge (bulletin

de la SHACEH de 1907), p. 60 — Cliché de B. Boursin (utilisée dans une carte postale imprimée par Lescuyer à Lyon), p. 66. — Carte de Baudet (Bulletin de la SPF de 1948), p. 105.

184

Table des Matières

Préface    2-4

Bibliographie    6-9

01    Les temps préhistoriques dans la région

d’Étampes (1913)    10-25

02    Sur la présence de l’industrie magdalénienne

aux environs d’Étampes (1913)    26-41

03    Station de l’âge du Renne aux environs

d’Étampes (1913)    42-47

04    Le Burin tardenoisien (1922)    48-59

05    L’époque néolithique dans l’arrondissement

d’Étampes (1920)    60-65

06    Le Dolmen de Guiry (1919)    66-71

07    Haches non polies et polissoir détruit à Bouville

(1913)    72-76

08    Découverte d’une roche à pétroglyphes à

Moulineux (1911)    78-96

09    À propos des enceintes en rapport avec les

roches à pétroglyphes (1949)    98-101

10    Lames de silex du Grand-Pressigny provenant

de Boutigny (1933)    102-105

11    Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs

d’Étampes (1951)    106-111

12    Lame pressignienne découverte près d’Étampes

(1953)    112-114

13    L’exportation des silex pressigniens serait-elle

une légende ?(1956)    116-140

14    Les pièces pressigniennes de la Croix-Blanche

à Moigny (1962)    142-147

15    La Trouvaille de Saint-Yon (1914)    148-154

16    Hache à bords droits avec encoche découverte

à Puiselet-le-Marais (1921)    156-160

17    Le Tumulus Hallstatien de Puiselet-le-Marais

(1922)    162-169

18    Sépultures gauloises à Congerville (1913)    170-174

19    Le dieu gaulois de Bouray (1933)    176-181

Crédits photographiques    183

Table des matières    185-186

Le monde des Saint-Périer — tome 1 LE SUD-ESSONNE PRÉHISTORIQUE

Préface. — Bibliographie. — 01. Les temps préhistoriques dans la région d'Étampes.—02. Sur la présence de l'industrie magdalénienne aux environs d'Étampes. — 03. Station de l'âge du Renne aux environs d'Étampes. — 04. Le Burin tardenoisien. — 05. L'époque néolithique dans l'arrondissement d'Étampes. — 06. Le Dolmen de Guiry. — 07. Haches non polies et polissoir détruit à Bouville. — 08. Découverte d'une roche à pétroglyphes à Moulineux. — 09. À propos des enceintes en rapport avec les roches à pétroglyphes.—10. Lames de silex du Grand-Pressigny provenant de Boutigny. — 11. Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d'Étampes. —

12.    Lame pressignienne découverte prés d'Étampes. —

13.    L'exportation des silex pressigniens serait-elle une légende ?—14. Les pièces pressigniennes de la Croix-Blanche à Moigny. — 15. La Trouvaille de Saint-Yon. —16. Hache à bords droits avec encoche découverte à Puiselet-le-Marais. — 17. Le Tumulus Hallstatien de Puiselet-le-Marais. — 18. Sépultures gauloises à Congerville.—19. Le dieu gaulois de Bouray.

1

On y a joint deux articles publiés ultérieurement par sa veuve.

2

   Cet article paru d’abord dans L’Abeille d’Étampes du samedi 15 mars 1913, pp. 1-2 (ici en pagination verte), a été ensuite repris par le n°1 du

Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes, de la même année, pp. 39-47 (ici en pagination rouge) (B.G.)

3

   Les circonstances de cette allocution sont ainsi résumées par Ollivier Lecesne-Allien, directeur de L ’Abeille d’Étampes :

« Une séance de la Société des Amis du Musée d’Étampes.Il y a peu de jours, la Société des Amis du Musée tenait, sous la présidence de M. Dosithée Bourdeau, son président, sa réunion générale dans la salle de la Bibliothèque à la Mairie. Après lecture du procès-verbal du secrétaire M. Girondeau, relatant les circonstances de la fondation de la Société, il y a un an, et le juste hommage rendu à la mémoire de M. Charles Forteau, conservateur du Musée, et auteur de tant d’utiles recherches historiques, il fut procédé à la nomination d’un conservateur en son remplacement ; ce fut M. Girondeau qui fut appelé à remplir cette tâche, et M. Lignier, professeur,

4

Morigny-Champigny, commune touchant à celle d’Étampes et lieu de résidence de l’auteur, au château de Morigny (B.G.).

5

Seine-et-Oise (1792-1968), département formant un anneau autour de Paris et divisé depuis en : Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne, Yvelines et Val-d’Oise (B.G.).

6

   Bulletin de la Société préhistorique française 10 (1913), pp. 174-183 (B.G.).

7

   G. et A. de Mortillet, La Préhistoire, Paris, Schleicher, 1900, in-8°, p. 637.

8

   E. Doigneau, Nemours, Paris, E. Garcet et Nisius, in-8°, p. 93.

9

   P. Tomasi, Notice sur les temps préhistoriques et l’homme primitif à Étampes, Étampes, Lecesne-Allien, 1886, in-8°, p. 5.

10

Si la présence de l’outillage du Paléolithique supérieur n’a pas été signalée encore aux environs d’Étampes, la faune froide de cet âge y est connue depuis longtemps. Le naturaliste Guettard, originaire d’Étampes, avait indiqué, en 1768, la découverte faite, une vingtaine d’années auparavant, d’un grand nombre d’ossements d’animaux fossiles dans une gresserie (exploitation de grès), sur une côte de montagnes qui dominent la vallée de Brières-les-Scelés et qui est du côté de la Maladrerie, appellée Saint-Lazare (Guettard, Mémoires sur différentes parties des Sciences et Arts, Paris, L. Brault, 1768, in-4°, t. I, p. 29). Ces ossements, trouvés sous les rochers de grès et entre celles-ci, à 5 kilomètres environ du point où ont été faites nos fouilles et au même niveau géologique, ont été présentés à l’Académie des Sciences, qui ne décida pas de leur nature. Cependant, dès cette époque, on pensa à identifier certains d’entre eux, avec les ossements « d’une Renne de Laponie, apportés par les flots de la mer ». (Alléon Dulac, Mélanges d'histoire naturelle, Lyon, chez B. Duplain, 1763, in-8°, T. II, p. 419). Cuvier (Recherches sur les ossemens fossiles, 4e édit. H. Cousin, 1840, in-8°, T. VI., p. 180) rendant compte de la publication de Guettard, attribue les bois, trouvés à Saint-Lazare, au Renne, ainsi qu’un métacarpien et une portion du crâne.

Avec le renne, signalé pour la première fois en France, Guettard avait recueilli un os de grande dimension, qu’il pensait pouvoir être rapporté à un bœuf gigantesque ou à un éléphant, bien que la présence de cet animal le surprît fort aux environs d’Étampes. Il se l’expliquait difficilement, malgré l’opinion qui voulait que les os d’éléphant trouvés en France, aient été ceux d’animaux amenés dans notre pays par les armées romaines.

Ce gisement, qui devait être très important, car l’ouvrier, auteur de la découverte, mit à jour des ossements pendant des années, est complètement perdu, Guettard nous dit que l’ouvrier « importuné par l’idée qu’il étoit dans un cimetière, enfouit les os sous les découpes de pavés qu’il faisoit ».

11

M. Camax, propriétaire du Château de Fontaine-Liveau, a bien voulu m’autoriser, avec une extrême amabilité, à pratiquer ces fouilles sur sa propriété qu’il veuille bien trouver ici l’expression de mes très vifs remerciements.

12

est donc impossible de relever, avec précision, la stratigraphie des gisements ; ceux-ci ont été remués, mélangés ou même détruits, comme je le dirai plus loin.

13

Dr Henri Martin, Bulletin de la Société Préhistorique de France, 1906, p. 107 et p. 237.

14

   Ed. Piette et J. de Laporterie, « Les fouilles de Brassempouy en 1894 »,

Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris, 1894, p. 636.

15

   A. Doisneau, Bulletin de la Société Préhistorique de France, 1906, p. 19 et p. 102.

16

   Dr Paul Girod, Les Stations de l’âge du Renne dans les vallées de la Vézère et de la Corrèze, Paris, Baillière, 1906, pl. XXIX, 4a et 4h.

17

   Dr H. Martin, loc. cit., p. 237.

18

On trouve à la suite de la communication de Saint-Périer le commentaire suivant de son ami Georges Courty :

M. G. Courty (Paris). — La communication de notre ami, M. de Saint-Périer, sur l’existence du Magdalénien à la Butte Saint-Martin-d’Étréchy, au-dessus de Fontaine-Liveau, est d’une grosse importance pour notre région étampoise. Nous connaissions déjà la présence du Chelléen et du Moustérien dans les alluvions quaternaires de la Juine ; or, la rencontre d’un burin très nettement caractérisé sur la côte Saint Martin d’Étréchy nous indique que la vallée était dans une phase positive de creusement, lorsque le Magdalénien occupait les hauteurs de Fontaine-Liveau. L’industrie que nous montre notre collègue me paraît se présenter dans les mêmes conditions de gisement que celle de Beauregard, près Nemours. Le néolithique se trouve mêlé au paléolithique ; cependant chaque industrie est caractérisée par sa forme, sa taille, son aspect extérieur.

Pour nous, le travail de l’os s’est vraisemblablement fait sur les lignes de faîte de la vallée de la Juine ; et je ne serais pas éloigné de |183 croire qu’il

19

Bulletin de la Commission des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise 33 (1913), pp. 90-92 (B.G.).

20

Bulletin de la Société préhistorique de France, 1913.

21

   Revue anthropologique 32/2 (septembre-octobre 1922), pp. 315-321 (B.G.).

22

   A. Debruge, L 'Homme préhistorique, 1905, p. 270.

23

Lieutenant Bourlon, Revue anthropologique, 1911, p.267.

24

L. Siret, Revue des questions scientifiques, octobre 1898.

25

   Lt. Bourlon, op.cit., p. 278.

26

   Communication orale de M. l’abbé Breuil.

27

   Gabriel de Mortillet, Revue anthropologique, 1896, p. 382.

28

   Henri Quilgars, L ’Anthropologie, t. X, 1899, p. 671.

29

   Capitaine Octobon, Rev. anthropol., 1920, p. 107.

30

   L ’Anthropologie, t. XXXI, 1921, p. 371.

31

   Francis Buckley, A microlithic industry. Marsden. Yorkshire. Spottiswoode, London, s. d.

32

   Bulletin de la Société des Sciences de Seine-et-Oise 1/8 (1920), pp. 4749, sous la rubrique « Archéologie » (B.G.).

33

   Delessard, Bull. de la Sté d’archéol. de Corbeil, Étampes, Hurepoix 1898, p. 63 ; Bull. de la Sté d’excursions scientifiq. T. V, 1907, 1908, p. 16, etc.

34

   Cf. ibid. T. VI, 1909-1910, p. 47.

35

   Ibid. T. VII, 1911-1912, p. 38.

36

   Cf. ibid. T. VII, 1911-1912, p. 111 et 113.

37

   Ibid. T. VII, 1911-1912, p. 39.

38

   Le texte porte Boutardes, qui doit être une coquille (B.G.)

39

   Maudemain, L ’homme préhistorique 1910 n°10.

40

   Cité in Bull. de la Sté d’exc. scientif. T. VII, 1911-1912, p. 42.

41

   L ’homme préhistorique, 1912, p. 293.

42

   Ibid. 1907, p. 66.

43

L’Homme préhistorique 11/2 (1913), pp. 48-50. Il faut noter que cet article en a inspiré un autre très intéressant à L. Gobillot, « Contribution à l’étude du Néolithique montmorillonnais : préparation du polissage des haches en silex du canton de la Trimouille », in Bulletin de la Société préhistorique de France 10/7 (juillet 1913), pp. 423-432. (B.G.).

44

B. Reber, « Les Sculptures préhistoriques à Salvan (Valais) », Revue de l’École d’Anthropologie de Paris, 1903, p. 276.

45

Comparer, à ce point de vue, le signe de Moulineux à celui de la partie droite de la peinture rupestre du second abri d’Albarracin, province de Téruel (Espagne), publié par M. l’abbé Breuil (L’Anthropologie, 1911, p. 649) et qui représente une figure humaine tenant un arc. La grande diffusion de ces pétroglyphes, que nous retrouvons dans le monde entier, prouve la généralisation de leur emploi comme moyen d’expression, avant l’invention d’une écriture alphabétique.

46

49 Bulletin de la Société préhistorique française 9/1 (janvier 1912), p. 81

47

(séance du 28 décembre 1911) (B.G.).

48

   Le texte porte ici « reprocher » (B.G.).

49

   Bulletin de la Société préhistorique française 9/1 (janvier 1912), p. 8385 (séance du 28 décembre 1911) (B.G.).

50

Bulletin de la Société préhistorique française 46/3-4 (mars-avril 1949), pp. 106-108 (B.G.).

51

Cité par Maxime Legrand, Étampes pittoresque, l’Arrondissement, p. 883.

52

Bulletin de la Société préhistorique de France 30/2 (1933), pp. 141-143 (B.G.).

53

   L ’Homme Préhistorique, 1907, p. 66.

54

   Id., p. 184 et 343.

55

Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny 1 (janvier 1951), pp. 13-15 (B.G.).

56

Le texte porte « tier-point ».

57

59 Bulletin de la Société préhistorique du Grand-Pressigny 4 (1953), p. 19

58

(B.G.)

59

Les Amis du Musée préhistorique du Grand-Pressigny 7 (1956), pp. 2338, avec cette préface : « Mme de Saint-Périer, dont on connaît les beaux travaux sur Isturitz, s’est attachée à la passionnante question de l’exportation des silex ouvrés du Grand-Pressigny. Nous sommes heureux d’accueillir l’important travail qu’on va lire et nous la remercions de nous en avoir réservé la primeur. » Texte saisi par Bernard Métivier (B.G.)

60

Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de l’Homme, 1re année, septembre 1864-août 1865.

61

L ’industrie du silex et sa dissémination, Tours, Deslis, 1891.

62

Leroi-Gourhan, « Fouilles d’Auvernier », in Ur-Schweiz, XIIIe année, n°1, 1949.

63

Le texte porte « protohistoriques » (B.G.).

64

Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny 13 (1962), pp. 27-29 (B.G.).

65

René de Saint-Périer, « Silex du Grand-Pressigny trouvés aux environs d’Étampes », in Les Amis du Musée Préhistorique du Grand-Pressigny, 1951, n° 1, p. 13.

66

   Le texte porte ici : « au ».

67

   Dr A. Guébhard, Sur l’anse funiculaire, 1913, p. 14.

68

   Déchelette, Manuel d’Archéologiepréhistorique, t. I, p. 556.

69

   Déchelette, Manuel d’Archéologie préhistorique, id., p. 557.

70

   Dictionnaire archéologique de la Gaule, Paris, Imprimerie nationale, 1875.

71

   R. Munro, Les Stations lacustres d’Europe, Paris, Schleicher, 1908, p. 266.

72

75 Bulletin de la Société préhistorique de France 18/3 (1921), pp. 84-86. C’est sans doute cette même hache que sa veuve présenta à nouveau en 1969, sans nouvelles informations, Bulletin de la Société préhistorique française

73

(juin 1969), p. 162 : « Séance du 26 juin 1969 [...] Présentations et communications. - Mme de Saint-Périer. - Une hache de bronze de la région d’Étampes. » (B.G.)

74

Cf. G. et A. de Mortillet, Musée préhistorique, Paris, Reinwald, 1881, pl. LXXVII. Nos 677-678.

75

A. de Mortillet, L ’Homme Préhistorique, 1908, p. 105 ; P. de Mortillet. ibid., 1908, p. 225 ; G. Courty. Ibid., 1914, p. 50 ; G. Courty. Bull. Soc Préh. Franç. Séance du 24 février 1921.

76

Bulletin de la Société des Amis du Musée d’Étampes 5 (1922), pp. 1621 (B.G.).

77

Le Haut-de-la-Butte et Montaigut désignent le même lieu-dit du territoire de Puiselet.

78

L’Abeille d’Étampes, 1876.

79

Ass. franç. pour l ’av. des Sc., Congrès de Rouen 1921, p. 862.

80

Bulletin de la Société préhistorique de France 10/6 (1913), pp. 366-369. L’illustration porte « Échelle : 1,5 » et situe par erreur Congerville en « S.-et-M. » (B.G.)


BHASE n°31 (août 2016)
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