CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Paul Pinson
Un grand comédien du XVIIIe siècle,  
Jean-Baptiste Guignard, dit Clairval
Bulletin de la SHACEH, 1902
   
Jean-Baptiste Guignard dit Clairval
Jean-Baptiste Guignard dit Clairval
 
    En 1902, Paul Pinson propose de rayer de la liste des célébrités étampoises un célèbre acteur qui ne paraît être né qu’à Paris. Pourtant, à cette heure, en 2016, la légende qu’il s’était proposé de déraciner survit. C’est bien ce qu’il craignait. 
 
Paul Pinson
Un grand comédien du XVIIIe siècle,
Jean-Baptiste Guignard, dit Clairval
Bulletin de la SHACEH, 1902
 
    
     Je me proposais depuis longtemps d’écrire une biographie aussi complète que possible de ce célèbre acteur de la Comédie Italienne, que je pensais être étampois, sur la foi d’un grand nombre d’auteurs, et, à cet effet, j’avais réuni de nombreuses notes sur cet éminent artiste dont je possède plusieurs lettres autographes et un portrait à l’aquarelle, signé du peintre Allou. Mais ne voulant rien avancer sans preuves, je crus devoir charger mon complaisant confrère, M. Ch. Forteau, de la mission de rechercher l’acte de baptême de Clairval dans les registres des paroisses d’Etampes. Les recherches de mon compatriote restèrent sans résultat; et il ne pouvait pas en être autrement, puisqu’il est né à Paris, ainsi que nous allons le faire voir.

     Tous les biographes, notamment M. de Manne, qui a consacré à Clairval, dans la Biographie Didot, la notice la plus étendue qui ait été faite jusqu’à ce jour, le font naître à Etampes, le 27 avril 1735, d’un jardinier du marquis de Valori, gouverneur et grand bailli d’Etampes, propriétaire du château du Bourgneuf, qui existait alors au faubourg Saint-Pierre, et au sujet duquel on doit à M. Léon Marquis une monographie intéressante publiée récemment (1).

     Autant de lignes autant d’erreurs ; Clairval n’est pas né à Etampes au mois d’avril 1735, mais bien à Paris, au mois de novembre de la même année. D’autre part, son père était perruquier |105 à Paris et non jardinier à Etampes, ainsi que le prouve l’acte de baptême du comédien, extrait des registres de l’église paroissiale de Saint-Sulpice de Paris, dont voici la teneur :
     «Le huit novembre mil sept cens trente-cinq, a été baptisé Jean-Baptiste, né d’hier, fils de Pierre Guignard, perruquier, et de Marie-Françoise Claret, son épouse, demeurans dans la cour des religieux de l’abbaye de St-Germain-des-Prez. Le parrein: Jean-Baptiste Thomas, employé à l’hôtel des Fermes; la marreine : Marie-Françoise Masse, fille de André, suisse, le père présent et ont signé.»

     Je me demande aussi sur quoi on s’est basé pour inventer la légende de Clairval enfant jouant la comédie chez le marquis de Valori, où son père était jardinier. Quel est l’auteur qui, le premier, a raconté que Clairval, chaque année, adressait à son vieux père, par l’entremise de M. Boivin, curé de la paroisse de Notre-Dame d’Etampes, une forte somme d’argent? Je serais désireux de le connaître.

     Les biographes font encore erreur en le faisant mourir à Paris en 1795, alors qu’il est mort entre le 28 et le 30 janvier 1797, ainsi que cela ressort d’une lettre du grand musicien Grétry, publiée dans les Tablettes des spectacles de la Quotidienne, du 13 pluviôse an V:
     «En disant aux amateurs des arts: Clairval n’est plus, c’est annoncer que les la nature a détruit un des êtres qu’elle avait le plus favorisés. Doué de toutes les grâces de l’esprit et du corps, aussi éloquent que juste, respecté de tous parce qu’il fut homme d’honneur, Clairval eût été le favori de Melpomène, s’il n’eût été celui de Thalie. Pendant plus de trente ans, je lui fus attaché par les liens de la plus douce amitié ; tous ceux qui l’ont vu au théâtre l’ont aimé, tous ceux qui l’ont connu plus particulièrement lui donnent aujourd’hui des pleurs».

     Il résulte de ce que je viens de divulguer qu’il faut rayer Clairval du nombre des célébrités de la ville d’Etampes. Bien qu’il soit fâcheux pour notre amour-propre de faire disparaître du Panthéon étampois son nom qui y était inscrit depuis longtemps, il faut cependant se rendre à l’évidence et en prendre son parti. Ce qui arrive prouve que, si les biographes étaient plus sérieux et contrôlaient les dires de leurs devanciers, au lieu de les copier servilement, comme ils le font généralement, ils éviteraient, d’abord des mécomptes, et aussi des erreurs regrettables qui se propagent et s’implantent avec la plus grande facilité et qu’on ne peut ensuite déraciner que difficilement.

Paul PINSON.

     Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbel, d’Étampes et du Hurepoix 8 (1902), pp. 104-105.


Jean-Baptiste Guignard dit Clairval

     (1) Bulletin de 1901, p. 1







Clairval dans le rôle de Blondel

        
Annexe 01
Notice biographique de Léon Marquis (1881)



     GUIGNARD (JEAN-BAPTISTE), dit CLAIRVAL, célèbre acteur, né à Étampes le 27 avril 1735, mort à Paris en 1795. Il était fils du jardinier du marquis de Valori, bailli d’Étampes, dont la résidence du Bourgneuf était le rendez-vous des seigneurs du temps qui venaient voir jouer la comédie. De là sans doute la vocation du jeune Guignard, qui débuta en 1759 à l’Opéra-Comique. On remarquait en lui une jolie figure, une tournure distinguée et un jeu qui se ressentait de la haute société qu’il fréquentait. C’est ainsi qu’on le vit s’élever au premier rang de son emploi: il fut nommé le Molé de la comédie italienne. Il quitta le théâtre en juin 1792. Tous les ans il envoyait à son père une forte somme d’argent par l’entremise du curé Boivin, curé de Notre-Dame d’Étampes. Aussi bon camarade qu’il était bon fils, pour faire briller l’acteur Caillot dont il était l’ami, il ne voulait, par une complaisance rare, jouer à ses côtés que des rôles accessoires.
Biographie Didot. — Biographie Michaud.
     Léon Marquis, Les rues d’Étampes et ses monuments, Étampes, Brière, 1881, p Marquis, p. 363.
    
Annexe 02
Notice sur Clairval de Wikipédia (en ligne en novembre 2016)


     Clairval, né Jean-Baptiste Guignard, le à Étampes, mort à Paris, en 1795, était chanteur lyrique et comédien. [...] Son père travaillait comme jardinier au service du marquis de Valori qui était alors gouverneur d’Étampes et ambassadeur de France en Prusse. Le jeune Guignard eut sans doute sa vocation naissante au château du Bourgneuf car on y jouait souvent la comédie. Adolescent «d’une charmante figure et d’une tournure élégante» selon Hoerfer, il est invité naturellement à ces divertissements. [...] Il fut un fils attentionné envers son vieux père et un collègue estimé. [...]
     Collectif d’internautes, «Claival», in Wikipédia, fr.wikipedia.org/wiki/Clairval, depuis 2008.
    
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
       
Édition

     Bernard GINESTE [éd.], «Paul Pinson: Un grand comédien du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Guignard dit Clairval (Bulletin de la SHACEH, 1902, in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-18-pinson1902clairval.html, novembre 2016.

 
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