CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
Jean Brouste
Henriette de Téhéran, une artiste-peintre à Ormoy-la-Rivière
2014
 
La Fiancée du Sultan, pastel d'Henriette de Téhéran, vers 1890
La Fiancée du Sultan, pastel d’Henriette de Téhéran, vers 1890

     Ayant l’intention d’écrire une biographie d’Henriette Bellessort, je souhaiterais compléter autant que possible la partie étampoise de sa vie. Tout élément, aussi mineur puisse-t-il paraître – souvenir ou tradition familiale, lettre, photo, facture, publicité de ses entreprises de pisciculture et d’apiculture, etc. – me serait précieux, qu’il concerne Henriette ou son entourage.  
Jean Brouste, 2014
 
Jean Brouste
Henriette de Téhéran, une artiste-peintre à Ormoy-la-Rivière
2014
 

01. Henriette de Téhéran avant Ormoy-la-Rivière (1856-1911)

     Cette artiste naquit à Téhéran le 21 mars 1856 de parents italiens. Son père, Luigi Pesce, était un officier napolitain qui avait participé en 1848-49 à la défense de l’éphémère République de Venise contre les Autrichiens. Obligé de s’exiler après la chute de Venise, il servit pendant trois ans comme instructeur dans l’armée ottomane. L’évolution de la situation dans la péninsule italienne ne lui permettant pas d’espérer un proche retour dans sa patrie, il s’engagea en 1852, pour dix ans, au service du shah de Perse. En 1855, il épousa à Constantinople, où il avait gardé des liens, une jeune italienne, Iphigénie Pisani. De cette union naquirent deux enfants, Henriette et Gaston. Durant son séjour à Téhéran, Luigi Pesce s’initia à la photographie. Il a acquis dans ce domaine une renommée internationale car il a été le premier à photographier les sites archéologiques de la Perse. Il mourut en 1864. Il avait 39 ans, sa veuve 25 ans et Henriette 8 ans.

      Iphigénie, qui percevait une pension du gouvernement persan pour elle-même et ses enfants, resta à Téhéran et se remaria en 1866 avec un éminent médecin français, Joseph Tholozan, qui est considéré comme l’un des pionniers de l’épidémiologie française. Il occupait alors les fonctions de médecin du shah de Perse, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1897. Pour sa part, Henriette épousa le 21 janvier 1872 (elle n’avait pas encore atteint son seizième anniversaire), un Français,  Alfred Lemaire, chef de musique militaire détaché à Téhéran par le Ministère français de la Guerre, à la demande du shah, pour occidentaliser les formations musicales de l’armée persane. Entre 1872 et 1877, elle mit au monde quatre enfants, dont trois survécurent. Mais l’union ne fut pas heureuse. Henriette demanda et obtint la séparation de corps puis le divorce.
Photographie prise en Iran par le père d'Henriette vers 1853
Photographie prise en Iran par le père d’Henriette vers 1853
     Elle rejoignit en 1879 (elle avait 23 ans) sa mère qui s’était établie à Paris. Douée pour le dessin et afin d’assurer son indépendance, elle décida d’entreprendre une carrière de peintre, sous le pseudonyme d’Henriette de Téhéran. Elle suivit d’abord les cours d’une école de dessin de la ville de Paris, rue d’Anjou, où elle obtint plusieurs médailles, puis s’inscrivit à la célèbre Académie Julian où elle eut des maîtres prestigieux, tel l’orientaliste Benjamin Constant. A partir de 1883 et durant une vingtaine d’années, elle réussit à se faire admettre au salon de Paris, ce qui était loin d’être aisé pour une femme, et se fit connaître comme portraitiste. 
En 1889, elle s’établit à Nice. C’est de cette période que date un pastel orientaliste, intitulé « La fiancée du Sultan », qui s’est vendu à Londres le 22 janvier 2013 pour 6 875 £ puis revendu à Istanbul le 6 octobre de la même année pour 52 000  LT, soit un peu plus de 19 000 €. Cette cote élevée pour un pastel montre combien son talent reste apprécié.

     En 1893, elle épousa un jeune professeur de rhétorique, André Bellessort, qui mena ensuite une carrière d’homme de lettres couronnée par son élection à l’Académie française en 1935. Après leur mariage, les époux effectuèrent de nombreux et longs voyages en Amérique du Sud, en Roumanie, en Suède, à Ceylan, au Japon. Ils se séparèrent de fait vers 1910 et divorcèrent en 1913.
André Bellessort en académicien
André Bellessort en académicien (1934)


02. Henriette de Téhéran à Ormoy-la-Rivière (1856-1927)

     Autant la documentation que l’auteur de cette notice a pu réunir depuis près de 2 ans sur la vie et l’entourage de cette artiste avant son second divorce est abondante, autant elle est limitée pour les quelque 17 ou 18 ans qu’elle a passés à Ormoy-la-Rivière, au Moulin de la Planche, jusqu’à sa mort le 23 octobre 1928. Les seuls renseignements recueillis proviennent des recensements et du dépouillement de L’Abeille d’Etampes. En voici les principaux éléments:


     L’hebdomadaire étampois  laisse entendre à deux reprises que le ménage Bellessort venait en villégiature à Ormoy dès le début du siècle. Or, au recensement de 1906, il n’est pas question des Bellessort, mais apparaît, comme visiteur au Moulin de la Planche, M. Paul Giannuzzi, né à Téhéran en 1864, qui n’est autre que le fils d’Antoine Giannuzzi, collègue de Luigi Pesce et parrain d’Henriette. En 1911, Henriette Bellessort est recensée au Moulin de la Planche. Alors qu’elle est encore mariée, donc juridiquement mineure selon le droit civil de l’époque, elle se déclare «chef de famille» et «patronne» d’une entreprise de pisciculture.

     D’indications épisodiques fournies par la gazette locale, il ressort qu’au début de la Grande Guerre, elle avait auprès d’elle au moins l’un de ses petits-fils, élève du Collège d’Etampes (patronyme «Lemaire»), et qu’elle s’est réfugiée à Brighton en août 1914. De retour à Ormoy en mai 1915, elle a lancé une campagne de fabrication de sacs à sable pour les tranchées et elle a accueilli en convalescence au Moulin de la Planche une «gueule cassée». En 1921, on la retrouve dans le recensement à la tête d’une entreprise d’apiculture. En 1924, elle participe au premier salon artistique du pays d’Etampes (cf. BHASE n° 3), puis à celui de 1925. En 1926, elle est recensée, mais comme mère d’Elise Lemaire qui est déclarée chef de famille et la case profession n’est pas renseignée.

     L’Abeille d’Etampes, dans son numéro du 27 octobre 1928, lui consacre un long article nécrologique très élogieux, soulignant son implication dans la vie locale, sa générosité  et «sa grande bonté». Après son décès, sa fille Elise Lemaire, divorcée d’un industriel belge, Adolphe Seghers, conserve le Moulin de la Planche qu’elle transforme en hôtel restaurant.

Tombe d'Henriette de Téhéran à Ormoy (cl. de Bernard Gineste, 2015)
Tombe d’Henriette de Téhéran à Ormoy
où l’on reconnaît une palette de peintre
(cliché de Bernard Gineste, 2015)
Jean Brouste, 2014
Illustrations collectées par Bernard Gineste

 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Édition

     Jean BROUSTE, «Henriette de Téhéran, une artiste-peintre à Ormoy-la-Rivière (2014)», in BHASE 11 (décembre 2014), pp. 266-272 www.corpusetampois.com/bhase011w.pdf, 2014.

     Jean BROUSTE, «Henriette de Téhéran, une artiste-peintre à Ormoy-la-Rivière (2014)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/cae-20-bellessort2014brouste.html, 2014.


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Sources: indiquées en lieux et places.
     
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