CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
André Deluol
Le Corbeau et le Renard
1972
     
André Deluol: Le Corbeau et le Renard (sculpture en taille directe, 1972)

     André Deluol a séjourné une quinzaine d’années à Boissy-la-Rivière, et réalisé pendant cette période de nombreuses sculptures en taille directe qui font désormais partie du patrimoine étampois, dont, pour lécole maternelle Jean de La Fontaine, à la Croix-de-Vernailles, Le Corbeau et le Renard.
     Sur cet artiste, et sur sa période étampoise, nous avons réuni quelques documents dans une autre page.

B.G.
 
 
André Deluol vers 1969

Le Corbeau et le Renard
 
        André Deluol est né à Valence en 1909, mais a habité pendant une quinzaine d’années Boissy-la-Rivière. Pendant cette période il a réalisé un certain nombre de statues selon sa technique préférée, celle de la taille directe. Trois de ces réalisations ornent des établissements scolaires étampois, comme Le Corbeau et le Renard, œuvre inspirée par la célèbre fable du même nom. Elle fut sculptée peu de temps avant juin 1972 pour l’école maternelle de la Croix de Vernailles, qui a nom Jean de La Fontaine. Elle est toujours devant la porte dentrée de cet établissement, caractéristique du style très épuré de lartiste. L’oiseau est du reste un thème fréquent dans les sculptures étampoises de Deluol.

André Deluol: Le Corbeau et le Renard (sculpture en taille directe, 1972)
SOURCES LITTÉRAIRES (FLORILÈGE)
PHÈDRE (Ier siècle)
 
Qui se laudari gaudet verbis subdolis,
vere dat poenas turpi paenitentia.
 Cum de fenestra corvus raptum caseum
comesse vellet celsa residens arbore,
vulpes, ut vidit, blande sic coepit loqui:
 «O qui tuarum, corve, pennarum est nitor!
Quantum decorem corpore et vultu geris!
Si vocem haberes, nulla prior ales foret.»
At ille stultus, dum vult vocem ostendere,
emisit ore caseum, quem celeriter
dolosa vulpes avidis rapuit dentibus.
Tum demum ingemuit corvi deceptus stupor.
Hac re probatur, quantum ingenium polleat;
virtute semper praevalet sapientia.


     Celui qui aime les flatteries perfides en est généralement puni par le repentir et la confusion.
     Alors qu’un corbeau s’apprêtait à manger un fromage volé sur une fenêtre, un renard, quand il le vit, se mit à le flatter ainsi: «Ô corbeau, que ton plumage a d’éclat! Que de beauté sur ton corps et ta figure! Si tu avais de la voix, aucun oiseau ne te serait supérieur.» Le stupide animal, en voulant montrer sa voix, laissa de son bec tomber le fromage, que le renard rusé s’empressa de saisir de ses dents avides. Alors la déception du corbeau stupéfait s’exprime par des gémissements.
     Cette fable prouve combien l’intelligence est puissante; la sagesse prévaut toujours sur la force.

(Traduction:  Mireille Ko, Marie-Françoise Delmas-Massouline & Paul Boehrer, 1996).

ROMAN DE RENARD (XIIe siècle)

     Tiécelin, le corbeau, vient tout droit au lieu où était sire Renard. Les voilà réunis à cette heure, Renard dessous, l’autre sur l’arbre. La seule différence, c’est  que l’un mange et l’autre bâille. Le fromage est un peu mou; Tiécelin y frappe de si grands coups, du bout du bec, qu’il l’entame. Malgré la dame qui tant l’injuria quand il le prit, il en mange, et du plus jaune et du plus tendre. Il frappe de grands coups, avec force; à son insu, une miette tombe à terre, devant Renard qui l’aperçoit. Il connaît bien pareille bête et hoche la tête. Il se dresse pour mieux voir: il voit Tiécelin, perché là-haut, un de ses vieux compères, le bon fromage entre ses pattes. Familièrement, il l’interpelle: «Par les saints de Dieu, que vois-je là? Est-ce vous, sire compère? Bénie soit l’âme de votre père, sire Rohart, qui si bien sut chanter! Maintes fois je l’ai entendu se vanter d’en avoir le prix en France. Vous-même, en votre enfance, vous vous y exerciez. Ne savez-vous donc plus vocaliser? Chantez-moi une rotrouenge [chanson avec refrain]!» Tiécelin entend la flatterie, ouvre le bec, et jette un cri. Et Renard dit: «Très bien! Vous chantez mieux qu’autrefois. Encore, si vous le vouliez, vous iriez un ton plus haut.» L’autre, qui se croit habile chanteur, se met derechef à crier. «Dieu! dit Renard, comme s’éclaire maintenant, comme s’épure votre voix! Si vous vous priviez de noix, vous seriez le meilleur chanteur du monde. Chantez encore une troisième fois!»
     L’autre crie à perdre haleine, sans se douter, pendant qu’il peine, que son pied droit se desserre; et le fromage tombe à terre, tout droit devant les pieds de Renard.

 
JOSEPH BENSERADE (XVIIe siècle)
Le renard du corbeau loua tant le ramage,
Et trouva que sa voix avait un son si beau,
Qu’enfin il fit chanter le malheureux corbeau,
Qui de son bec ouvert laissa cheoir un fromage.
 
Ce corbeau qui transporte une vanité folle,
S’aveugle et ne s’aperçoit point
Que pour mieux le duper, un flatteur le cajole:
Hommes, qui d’entre vous n’est corbeau sur ce point.

CHARLES PERRAULT (XVIIe siècle)

     Un Renard voyant un fromage dans le bec d’un Corbeau, se mit à louer son beau chant. Le Corbeau voulut chanter, et laissa choir son fromage que le Renard mangea.
  On peut s’entendre cajoler,
Mais le péril est de parler.

JEAN DE LA FONTAINE (XVIIe siècle)
Maître corbeau, sur un arbre perché,
        Tenait en son bec un fromage.
Maître renard par l’odeur alléché,
        Lui tint à peu près ce langage :
        «Et bonjour Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
        Sans mentir, si votre ramage
        Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois»
A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie;
        Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit et dit: «Mon bon Monsieur,
            Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.»
        Le corbeau honteux et confus
Jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
 

     On remarquera la rime normande (c’est-à-dire uniquement visuelle) de Mon bon Monsieur censée répondre à flatteur. Boileau avait proposé, pour supprimer cette licence bizarre, Mon bon chanteur, mais d’Alembert répliquera que Mon bon monsieur est une raillerie plus douce et par conséquent plus fine de la bêtise du corbeau. Par ailleurs, certains éditeurs corrigent avec raison l’orthographe de La Fontaine en écrivant Hé bonjour plutôt que Et bonjour.
VERSION EN ARGOT (XXe siècle) 
Un pignouf de corbac sur un touffu planqué
S’enfilait par la gueule un coulant baraqué
Un p’tit mec de renard, alléché par l’odeur du from’ton
Qui s’mectait a cent lieues à la ronde
Lui tint a peu près cette jactance:
«Eh, du Corbac, si tu jactes aussi bien qu’t’es nippé,
T’es l’mecton à la r’tourne de tous les pt’its mecs du quartier!»
Le corbac qu’était pas mariolle
Lui fila l’from’ton a travers la fiolle.
Moralité: méfiez-vous des p’tits mecs qui vous en foutent plein l’mourron!

 
Benoît et Laura Jacquet
VERSION ÉTAMPOISE EN VERLANT (XXe siècle) 
 
LE BAUCOR ET LE NAREU


Daron Baucor sur un brehar chépert
Tenait dans son quebé un magefro.
Daron Nareu par l’odeur kifé
Lui péoch à près peu ce gagelan
«Ah ziva gosse beau, que t’es styli
Sans mitoner, si ta tchache
Se rapporte à ton styli
T’es le plus gosse beau des squatters d’la téci».
A ce barratin Corbac ne se sent plus sep
Et pour se la péter
S’open un big kébé et laisse béton son géman.

Le Nareu le pécho et lanceba «Mon bon Daron,
Fous-toi dans la teuté que tout mac
Vit aux basks du narco qui l’esgourde.
Cette galère vaut bien un magefro sans quedé.
Le Baucor téhon et faut-cul
Jura sur sa reum qu’on le péta plus.
 
Maison Familale Horticole d’Étampes
     De nombreuses autres variantes de cette fable sont en ligne sur le site A la découverte de Jean de La Fontaine, sous le titre: «La Saga du Corbeau et du Renard».
 
 
AUTRES REPRÉSENTATIONS EN RELIEF DE CETTE FABLE
 
Notre fable a très souvent inspiré des artistes, mais apparemment peu de sculpteurs.
Merci de nous en faire connaître.
Boutons de vêtements, fin XIXe siècle: exemples tirés de la collection de Gregory Carlson
(révérend père jésuite de l
université de Berkeley)

Bouton, vers 1890
Bouton, vers 1890

Benjamin Probanza (mexicain): Sculpture géante de sable
(Exposition internationale d’Hardelot: Les Fables de La Fontaine, mai-juin 2001)
 
Probanza: Le Corbeau et le Renard (sable, 2001)

Sources: Gregory Carlson (http://aesop.creighton.edu/jcupub/fables3/buttons.htm)
et 
Lécole primaire dHesdigneul-lès-Boulogne (http://eco.hesdigneul.free.fr/corbeau.html)
 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
     
André Deluol et cette sculpture
 
     Gabriel BARRIÈRE, «Un Sculpteur qui honore notre région d’Étampes, André Deluol», in Étampes. Bulletin Municipal 9 (1er semestre 1969), pp. 10-11 & 13.  

     VILLE D’ÉTAMPES, «La Ville s’enrichit d’œuvres d’art», in Étampes. Bulletin Municipal 13 (juin 1972), p. 25 [«André Deluol, sculpteur ayant encore récemment doté notre ville d’une magnifique sculpture Le corbeau et le renard pour l’école maternelle de la Croix de Vernailles, a perdu, ces jours-ci, son épouse à Étampes.»].
 
     MAIRIE D’ÉTAMPES, «Les établissements scolaires: L’école Jean de La Fontaine» [visite virtuelle de la cour et d’une classe], in Étampes [site officiel de la Mairie d’Étampes], http://www.mairie-etampes.fr/vivre/lesetascolaires.htm, en ligne en 2003.

     Bernard GINESTE [éd.], «André Deluol et sa période étampoise. Compilation», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-deluol.html, mai 2003.
 

La tradition littéraire du Corbeau et du Renard

     ANONYME (FTPress), «La Saga du Corbeau et du Renard», in A la découverte de Jean de la Fontaine, http://www.lafontaine.net/Pastiches/corbeau/liste.php (en ligne en 2003).

     MAISON FAMILIALE HORTICOLE D’ÉTAMPES, «Le Baucor et le Nareu», in ANONYME (FTPress), A la découverte de Jean de la Fontaine: «Les Pastiches des visiteurs», http://www.lafontaine.net/Pastiches/affichePastiche.php?id=64 (en ligne en 2003).

Œuvres d’autres sculpteurs sur le même thème

     ANONYME, «Le Labyrinthe de Versailles par Charles Perrault» [11 p. au format PDF], http://www.contrepoints.com/geometrie/librairie/jardins/versailles/pdf/lab-perrault.pdf (en ligne en 2003) [sur une série de sculpture métalliques peintes disparues à Versailles, dont lune représentait notre fable].

     «[Introduction] Versailles aura son labyrinthe: il s’enrichit d’un décor inspiré par Charles Perrault et sera destiné à l’éducation du Dauphin. Expression de la quête de la sagesse, le Labyrinthe en trace ici les étapes par trente-neuf fontaines illustrant les fables du conteur grec Esope. Celles-ci sont posées dans des bassins de rocailles entre 1672 et 1677. Réalisées par dix-huit sculpteurs et peintes aux couleurs naturelles par Jacques Bailly, elles mettent en scène 333 animaux de métal, réunissant ainsi à Versailles le plus vaste ensemble d’art animalier du XVIIème siècle.
     «D’un entretien difficile, le Labyrinthe disparait en 1778 pour laisser la place à un bosquet d’un nouveau goût: le futur bosquet de la Reine.
»

     Reverend Gregory I. CARLSON [Recteur de la communauté jésuite à l’École jésuite de théologie de Berkeley depuis 2002; membre de The International Beast Fable Society], «Catalogue of Objets: Buttons», in Fables. Fr. Greg Carlson's Web Site, http://aesop.creighton.edu/jcupub/fables3/buttons.htm (en ligne en 2003) [Plusieurs boutons de vêtements datant des années 1890, représentant la fable du Corbeau et du Renard.]

Merci de nous indiquer tout autre donnée disponible sur cet artiste et son œuvre.
    
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