CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
 
G. H. Picard 
Trouvailles archéologiques à la gare d’Étampes
1892

  La gare d'Etampes en 1901 (cliché de Louis-Didier des Gachon n°170)
La gare d’Étampes en 1901, vue de la ville

     Il manque à l’histoire d’Étampes et des environs une récapitulation réellement exhaustive de tout ce qui a été trouvé dans la ville à différentes époques. Il faudrait commencer ce répertoire. Voici par exemple ce que signale à cet égard, le 12 mars 1892, un certain G. H. Picard, dans le journal local, l’Abeille d’Étampes. N’hésitez pas à nous faire connaître d’autres signalement de trouvailles archéologiques au pays d’Étampes à travers les âges.

La gare d'Etampes en 1901 (cliché de Louis-Didier des Gachon n°174)
La gare d’Étampes en 1901, vue du château
 
G. H. Picard 
Trouvailles archéologiques à la gare d’Étampes
1892

Extrait du plan de Chastillon
Extrait du plan de Chastillon auquel se réfère l’auteur


Revue rétrospective

     La colline de Guinette. – Quelques trouvailles. – Un fossé. – Poterne et pont-levis. – Souterrains.
Abeille d’Étampes 81/11 (12 mars 1892), p. 3.
     Les travaux de terrassement que l’on exécute depuis quelque temps pour élargir la voie du chemin de fer ont eu pour objet l’attaque de la colline de Guinette. On a fait diverses découvertes d’importance inégale; c’est surtout devant l’emplacement de l’ancienne porte des Lions (sortie actuelle des voyageurs) que la pioche des terrassiers a rencontré des vestiges fort intéressants pour notre histoire locale.
De la porte Dorée surtout au point extrême des fouilles actuelles, la colline a été entamée parallèlement aux anciens fossés et au mur d’enceinte de l’ancien Étampes-le-Château. Murs et fossés d’enceinte étaient communs entre la ville et le château, et la porte Dorée était, par rapport aux hâtes du château, la porte de lisière de la ville, la porte d’entrée par excellence, puisqu’elle était la plus centrale, au moins pour eux: Léon Marquis (Rues d’Étampes, p. 73) dit qu’elle avait été décorée et dorée en l’honneur de quelque reine qui devait passer sous cette porte pour aller de la ville à son château: c’est une pure supposition et le fait aurait été accidentel et peu caractéristique. Nous sommes plutôt tentés de croire à une étymologie plus essentielle, tirée de la nature de cette porte et de son rôle par rapport au château. C’était la porte d’orée, vieux mot qui se disait du bord et de l’entrée dans la langue du Moyen-Âge et du seizième siècle, l’orée des murs, dans Rabelais, l’orée des chemins, dans Amyot; c’était à la fois une entrée pour le mur et le chemin-creux (1), puis pour le chemin qui mène à la route de Dourdan; en prononçant porte d’orée, c’est-à-dire porte d’entrée, on entendait et on a bientôt écrit Porte-Dorée
(2).

     Laissons cette question aux archéologues de profession 
(3) et faisons notre petite revue de la tranchée, en curieux, sous la direction de deux excellents guides, dont les noms deviennent de plus en plus inséparables quand il s’agit des antiquités locales: MM. Léon Marquis et Maxime Legrand.
     (1) Selon Frédéric Gatineau, Étampes en lieux et placesÉtampes, A travers champs, 2003, pp. 43 et 81, c’est l’actuelle rue Léon Marquis qui s’est appelée jusqu’en 1923 rue du Creux-Chemin (B.G., 2015).

     (2) La profession de G. H. Picard nous est inconnue, mais nous noterons que par exemple le , il donne à l’Abeille d’Étampes du 2 janvier 1892 une «Chronique théâtrale» (B.G., 2015).

     (3) Inutile de dire que cette étymologie est tout à fait invraisemblable, bien qu’elle soit reprise et acceptée par Charles Forteau, «La Ruelle des Marionnettes», in Almanach d’Étampes publié par le Réveil d’Étampes. 1912, Étampes, Maurice Dormann, 1911, p. 31; elle est au contraire justement refusée par Frédéric Gatineau, op. cit., p. 48. Il y a aussi à Paris une Porte Dorée. A moins humble avis cette porte tirait simplement son nom de celui d’un habitant qui en était voisin, car Doré est un patronyme assez répandu (B.G., 2015).
     Non loin de l’axe perpendiculaire, au coin sud-ouest du donjon, on a mis à découvert un fossé dont la terre argileuse rapportée tranche à vif sur le sable de la couche environnante: une maçonnerie rudimentaire en forme de V, à base élargie, forme les deux parois ce fossé évasé et à fond étroit devait être une amorce ou un prolongement, vu son peu d’importance, du fossé marque de la lettre B sur le plan de Chastillon.

     À l’encoignure nord-est de la butte, les ouvriers terrassiers ont détruit les vestiges de deux murs parallèles et, dans le talus même, ils ont rencontré des assises de pierre de taille et moëllons à large base, revêtant une autre construction qui elle-même recouvrait un fort pilier en pierre de taille et moëllons. On était en présence des substructions d’un pont, selon l’opinion raisonnée de M.M. Legrand. [sic] Ce pont donnait passage à la voie qui, de la Porte des Lions, se continuait parallèlement aux murs du château proprement dit: la construction en pierre de taille prouve la nature du pont qui était un pont-levis; l’assise qui forme la deuxième substruction fut construite pour supporter le pont fixe qui succéda à l’autre; puis le mur, dont les vestiges avaient au moins trois mètres de hauteur qui qui semble avoir été très-solide, était un mur de soutènement.


     On a retrouvé dans les déblais et dans la maçonnerie, qui date d’une époque plus récente, des débris précieux de la porte primitive, tronçons de piliers, gargouilles, un carré de pierre, un boulet en pierre, plusieurs ferrures. Ces objets, contemporains du donjon féodal, sont au Musée, grâce à l’empressement serviable de l’entrepreneur.
À quelques mètres perpendiculairement aux vestiges du pont et de la porte, on a trouvé les restes d’un escalier en moëllons; ensuite une découverte beaucoup plus importante est venue donner une ample matière à la curiosité de ceux qui s’intéressent au passé. Une galerie souterraine composée de plusieurs branchements s’est révélée samedi dernier sous la pioche des ouvriers. Cette galerie affecte la forme d’un T dont la grande branche avait une longueur de huit mètres environ, presque à hauteur d’homme, et reposait sur une base de sable: la branche droite témoigne de plusieurs amorces comblée: à gauche, une autre galerie prenait à angle obtus dans les deux sens: la branche qui revenait vers la ville comblée par des déblais remontait, semblait-il, vers un regard très proche. La voûte de ces galeries est maçonnée d’une manière rudimentaire en petits moëllons de pays et de terre. Au contraire, la paroi est à angles droits en pierres de taille. – Ce double aspect permet de supposer deux époques caractérisées dans la construction de ces souterrains. La voûte a été refaite, ou ajoutée comme accessoire. Y avait-il galerie couverte? Ou fossé de défense à ciel ouvert?

     M. Marquis, dans l’ouvrage déjà cité, page 345, dit qu’en 1840, au moment de la construction de la voie ferrée, on ne découvrit pas trace de souterrains, ni dans le calcaire, ni dans le sable. Les souterrains de la ville s’arrêtaient aux fossés d’enceinte. Or, les détails du siège de 1411 prouvent qu’il devait y avoir des souterrains avec issue dans la campagne et propres aux sorties des assiégés en temps de guerre.
La découverte actuelle semblerait justifier cette supposition: en effet, la direction d’une des amorces de la galerie, à l’extrémité de la grande branche du T, mène aux réservoirs récemment construits: on a trouvé l’été dernier, dans les terrassements, à une certaine profondeur, des vestiges d’un escalier en escargot et une sorte de chambre sans trace de voûte maçonnée. La ligne des galeries était donc à peu près parallèle au mur latéral d’enceinte du château qui s’appuyait au donjon.
Viollet-le-Duc, dans l’Histoire d’une Fortification, pages 185 et 194, dit qu’il y avait, du côté du donjon féodal, un souterrain de secours. À la base du donjon était percé un trou oblique, étroit qui, donnant dans la salle basse, aboutissait sur le chemin de ronde laissé entre la grosse tour et sa chemise extérieure. Le souterrain descendait la rampe du plateau et débouchait dans un endroit suffisamment masqué; deux guetteurs se tenaient à l’orifice protégé par une forte grille.

     Avons-nous sous les yeux les restes de ce souterrain fait à deux époques? – C’est probable, car l’hypothèse d’un fossé fortifié à angle répétés, comme c’était l’usage pour la défense au Moyen-Âge, nous semble difficile à admettre: la galerie est trop étroite. Nous laissons la question à résoudre aux spécialistes en la matière. En simple chroniqueur, curieux de l’archéologie comme de toute question intéressante, nous essayons de comprendre, non de faire  le décisionnaire.

     Il y aurait peut-être bien des questions accessoires à celle des souterrains découverts cette semaine. Ainsi, que faut-il penser de la légende de Guinette, unie par des galeries secrètes à Notre-Dame et au Temple? – Y avait-il relation et correspondance entre ces souterrains du Château et les galeries si nombreuses, dont on signale le lacis et la complexité sous les maisons de la rue Saint-Jacques et de l’École des Frères? Toujours est-il que le passage de l’historien d’Étampes, dom Basile Fleureau, sur le démantèlement du Château, reste caractéristique. Le Château était devenu une menace perpétuelle pour les habitants selon les maîtres qui l’occupaient: ils en avaient, à la fin du XVIe siècle, l’immense responsabilité. Lorsque Henri IV fit ruiner, en 1589, ce qu’il y avait de fortifications, il est à croire qu’ils mirent la main à l’œuvre, qu’ils détruisirent les galeries et les fossés qui pouvaient être dangereux, aussi bien qu’ils murèrent les galeries souterraines qui faisaient suite à leurs caves. Le hasard des exigences actuelles du chemin de fer a mis en présence d’un vestige précieux, d’un document, mais qui servira difficilement seul à élucider la question des galeries secrètes.

     Comme le dit M. Marquis (Notice historique sur le Château, page 81), où les fouilles seraient le plus riches, c’est dans les ruines du Château proprement dit, sur l’emplacement des corps de logis, dans la cour, enfin sur tout le devant du donjon: elles donneraient, sans doute, le secret de la topographie du Château. Mais quand viendra l’occasion de ces fouilles?

G. H. Picard


Extrait du plan de Chastillon
Extrait du plan de Chastillon auquel se réfère l’auteur
BIBLIOGRAPHIE


     G. H. Picard, «Revue rétrospective», in L’Abeille d’Étampes 81/11 (12 mars 1892), p. 3.
     
     Bernard GINESTE [éd.], «G. H. Picard: Trouvailles archéologiques à la gare d’Étampes (1892)», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-19-picard1892trouvailles.html, 2015.


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Source des images: Exemplaire de ce journal mis en ligne en mode image par les Archives départementales de l’Essonne.
   
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