CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Léon Guibourgé
L’église Notre-Dame d’Étampes
Étampes ville royale, chapitre III.1
1957
 
L'église Notre-Dame d'Etampes (carte postale de Théodule Garnon n°526)  
L’église Notre-Dame d’Étampes (carte postale de Théodule Garnon n°526)
 
ÉTAMPES, VILLE ROYALE
Étampes, chez l’auteur, 1957
chapitre III.1, pp. 39-78.
L’Église Notre-Dame 
CHAPITRE PRÉCÉDENT
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE SUIVANT

p.63 et 69

 Léon Guibourgé    DESCRIPTION DE L’ENSEMBLE — SON ORIGINE — LE CLOCHER — LA NEF ET LES BAS-CÔTÉS — LES CRÉNEAUX — LE PORTAIL MÉRIDIONAL.

     Etampes, autrefois ville royale, devait avoir des églises dignes de sa condition. Au début du XIe siècle, le Roi Robert le Pieux fit construire l’église Notre-Dame qui devait être desservie par un Collège ou Chapitre de Chanoines, d’où le nom de « Collégiale » donné à cette église. A la tête de ce Chapitre, il y avait un Abbé, mais celui-ci prit le nom de Chantre ou Grand Chantre, parce que le Roi de France se réserva le titre d’Abbé, avec le droit de posséder, une stalle dans le chœur de l’église.

     De fait, dans les grandes circonstances, à l’occasion de fêtes religieuses ou princières, le roi présidait, dans sa stalle. Outre les douze chanoines, il y avait un plus grand nombre de chapelains chargés de desservir les différents autels ou chapelles de 1’église. On juge de l’importance et de l’éclat des cérémonies quand tout le clergé, le roi et les seigneurs de la cour y assistaient.

     L’église Notre-Dame, par sa beauté, son ampleur, se prêtait magnifiquement à ces cérémonies. Nous allons brièvement la décrire.

     Cette église, dédiée à Notre-Dame, est encore appelée Notre-Dame-du-Fort De fait, elle se trouve en partie entourée par des murs crénelés. Ce crénelage a été ajouté après la construction de l’église, au XIIIe siècle, comme un moyen de défense en temps [p.40] de guerre. Il donne un caractère curieux à cette belle église de style byzantin ou roman des XIe, XIIe et XIIIe siècles.

     C’est donc au XIe siècle, vers l’an 1015 que le roi Robert le Pieux commença la construction de notre collégiale. Il est probable qu’elle s’éleva à la place d’une petite chapelle dédiée â Saint Serin, l’un des premiers apôtres de la région. De cette Première construction du XIe siècle il reste la base du clocher, les bas-côtés et les grosses colonnes de la nef. Ces colonnes ont été restaurées mais ont conservé leurs bases et leurs chapiteaux avec décorations géométriques et figures d’animaux fantastiques.

Intérieur de l'église Notre-Dame (carte postale de Mulard, n°90)      Au XIIe siècle, vers 1130, on agrandit l’église pour lui donner plus d’importance. On commença le clocher sur une base déjà existante on conservera la nef et ses bas-côtés La voûte actuelle et les fenêtres de la nef ont été reconstruites en 1840. Auparavant la voûte était beaucoup plus basse et en bois. A la suite de la nef, on ajouta un double transept et au bout du transept à gauche, une sacristie avec salle souterraine ou ossuaire, dont la voûte est soutenue par un pilier central. Le chœur fut agrandi, les piliers renforcés pour soutenir un clocher au-dessus du transept, clocher qui sera démoli à la Révolution.

     En plusieurs fois, les bas-côtés furent augmentés, surélevés avec des piliers imposants par leur masse et leur grandeur, de sorte que l’église, dans cette partie du chœur, est vraiment imposante par la hardiesse de sa construction C’est vers la fin de ce XIIe siècle que le clocher de la façade fut surélevé en même temps que les Clochetons, donnant à l’ensemble une grâce, une élégance, que l’on voit rarement dans les clochers romans.

     Au XIIIe siècle, devant le clocher, on appliqua obliquement une façade gothique surmontée de créneaux, avec ses trois pertes, ce qui amena de chaque côté du clocher la transformation, dans le même style gothique, des deux entrées des bas-côtés. Actuellement ces deux entrées sont condamnées: l’une sert de salle de débarras et l’autre de chapelle de Notre-Dame de Lourdes. Le portail du milieu représente des scènes de la vie de la Sainte-Vierge, qui, malheureusement ont été mutilées: la Visitation, la Nativité, la Fuite en Egypte, le Massacre des Innocents et le Couronnement.

     Plus remarque est le portail méridional donnant sur le Marché. Il fut ajouté vers la première moitié du XIIe Siècle, avant l’agrandissement des bas-côtés de l’église. Cet admirable portail peut être attribué aux mêmes artistes qui sculptèrent les portes occidentales de la cathédrale de Chartres, On retrouve [p.41] en effet, le même genre de statues. Là aussi les statues ont été décapitées en 1562, pendant les guerres de religion. On peut rependant reconnaître la scène représentée le Christ dans sa gloire. Dans la suite, nous décrirons en détail ce portail.

     LA COLLÉGIALE, FRESQUES, SACRISTIE, STATUES, VITRAUX, CRYPTE.

     A côté du grand portail méridional, côté du Marché, on voit ne porte bouchée, style roman, simple, mais gracieuse. Au-dessus de cette porte dans le tympan, il y a une peinture un peu abîmée par le temps. Elle représente la Vierge assise avec l’Enfant Jésus dans ses bras. De chaque côté des anges sont debout, en prières, tandis que deux personnages se tiennent agenouillés. Cette peinture d’après les costumes paraît être du XVe siècle.

      Contournant l’église, nous voici au chevet formé de cinq absides. Celle du milieu devait être ronde, mais elle a été modifiée au moment de la construction des murs en créneaux. Ces murs, nous les retrouvons du côté du Cloître, actuellement une cour occupée par les tonneaux d’un marchand de vins en gros. De ce côté, le mur de l’église est percé de grandes fenêtres et d’une porte de style roman. Entrons par cette porte, nous nous trouvons dans le bas-côté gauche de l’église, à la hauteur du chœur. Dans ce bas-côté, nous pouvons visiter la sacristie transformée au XVIe siècle en chapelle du Saint-Sépulcre, avec une très jolie porte surmontée d’une fresque qui représente une scène de la Passion. C’est sous cette sacristie que se trouve l’ossuaire. A côté, nous voyons l’autel de Saint Michel, patron de la ville d’Etampes. La statue de Saint Michel est quelconque, mais autour de son autel vous pouvez admirer quelques statues anciennes en bois: Saint Joseph habillé en ouvrier du moyen âge, Saint Jean de Matha, patron des prisonniers; Saint Vincent, patron des vignerons, et un Saint Pierre provenant de l’ancienne église du quartier Saint-Pierre.

     Un peu plus loin, au-dessus de la porte d’entrée, voici représentés avec art dans une verrière, des personnages énigmatiques: c’est le vitrail des Sybilles, de l’époque de la Renaissance. Si nous levons les yeux plus haut, nous apercevons des rois et des anges formant clefs de voûte, ce qui est très rare à l’époque du XIIe siècle.

     Cet endroit de l’église, en se resserrant, forme au fond deux chapelles, l’une de sainte Jeanne d’Arc, avec deux statues-colonnes [p.42] très curieuses représentant saint Pierre et saint Paul, du même style que les statues du grand portail méridional. L’autre chapelle est celle de saint Joseph, mais qui fut longtemps la chapelle des saints Can, Cantien et Cantienne, patrons secondaires de la Ville d’Etampes dont les reliques ont été rapportées d’Italie par le roi Robert le Pieux. Ces reliques se trouvent actuellement dans la sacristie. Dans la chapelle, on voit encore deux tableaux représentant la mort de ces saints martyrs. A remarquer en outre, près de ces deux chapelles sur la gauche, le tombeau du Christ en pierre, du XVIe siècle, qui faisait partie autrefois d’une mise au tombeau dans la chapelle du saint Sépulcre.

     Avant de passer dans le bas-côté droit de l’église, pénétrons dans la crypte par un escalier tout proche. Cette crypte est sous le chœur. Elle est petite, mais elle a belle allure avec ses trois nefs, Son origine a suscité bien des discussions. Nous l’étudierons spécialement. Nous pouvons la considérer comme la partie la plus ancienne de l’église.

     Retournons dans l’église. Passons dans le bas-côté droit en traversant le chœur. Ici les collatéraux s’élargissent. Deux absides tiennent lieu de chapelles la chapelle de la Sainte Vierge et la chapelle du Sacré-Cœur. Entre les deux, il y a une sacristie qui était autrefois la salle du Trésor. Celle-ci renfermait les reliquaires, les reliques des saints. Une inscription latine au-dessus d’une belle porte Renaissance en bois sculpté en fait foi.

     Contre cette sacristie, sur la tourelle d’escalier montant à une sacristie supérieure, on voit une peinture du XVIe siècle, représentant le martyre de sainte Julienne, dont le culte était en grande vogue dans la région. A signaler encore comme peinture ancienne, les Croix de Consécration, dont l’une est bien visible dans ce bas côté, contre le mur. Admirons également au même endroit le vitrail du XVIe siècle représentant la naissance de l’Enfant Jésus et le baptême du Christ. Et nous voici près du portail donnant sur le marché. Telle est dans les grandes lignes la description de notre belle Collégiale. Dans la suite, nous allons revenir sur certaines parties qui méritent particulièrement attention.

     LE CLOCHER, LE BOURDON.

     Quoi de plus majestueux et d’élégant que le clocher de Notre- Dame. Entièrement bâti en pierres de tailles, il se compose d’une base massive, comprenant la voûte d’entrée ou narthex, qui date [p.43] de la construction primitive, du début du XIe siècle. Remarquons que si l’axe du porche ne coïncide pas avec l’axe de la nef, c’est que, le mur de gauche renfermant la cage de l’escalier étant plus épais que le côté droit correspondante, l’ouverture comprise entre les deux murailles a dû se reporter à droite de la nef. Sur cette base massive, où est l’entrée, a été construit la tour du clocher ou flèche.

     Cette flèche, carrée au départ, a quatre étages de fenêtres en plein centre sur les quatre faces. Au premier étage, deux grandes fenêtres ornées d’élégantes colonnettes. Au-dessus, deux autres fenêtres, moins larges avec abat-sons, surmontées du cadran de l’horloge. Le troisième étage n’a qu’une fenêtre. Il devient octogonal afin de recevoir les quatre légers clochetons à jour, formés eux-mêmes de trois étages ayant chacun cinq colonnettes. Au-dessus de ce troisième étage c’est la toiture en forme de pyramide à huit côtés, formant quatrième étage avec une étroite fenêtre superposée à celle du dessous.

     Le tout a 55 mètres de hauteur et donne l’impression d’une construction romane d’une grande hardiesse en même temps que d’une grande élégance. On a dit avec raison que c’était
«un défi jeté par l’art roman à l’art ogival à peine né».

     Ce clocher renferme deux cloches que nous allons étudier: la grosse cloche ou bourdon et la petite cloche de Jean de Berry.

     La grosse cloche date de 1718. Elle pèse 4.000 kg. Voici l’inscription qu’on peut lire sur son pourtour. Elle est en latin, mais nous la traduisons en français pour nos lecteurs.
     «Le nom de ‘Gant’ m’a été donné par maître Jean Dansfelt, prêtre doyen des chanoines, qui lutta plus de 65 ans pour la gloire de son église; et par dame Marie Bredet, femme très méritante et très illustre de Pierre Hémard Danjouan.
     «J’ai été baptisée par maître Michel Edouard Guyonnet de Rouvray, prêtre, docteur en Droit, protonotaire apostolique, premier Chantre et conseiller du roi en la Cour d’Etampes.
Maître Julien Jacob, prêtre, premier chanoine, étant trésorier de la fabrique et du chapitre. An du Christ 1718.
     «Joseph Mainfroy, Jean Buisson, Symphorien Rousseau, Jean Dauphin, marguilliers.
     «Nicolas de la Paix et Louis de Claudiveau m’ont fait». Remarquons que la cloche porte le nom de «Cant», le nom de l’aîné des martyrs, patrons secondaires de la ville d’Etampes, dont l’église d’Etampes possède des reliques.

     Jean Dansfelt, chanoine, curé de Notre-Dame au moment du baptême de la cloche, a encore dans l’église son portrait peint [p.44] à l’huile. On le représente en surplis, à genoux devant un crucifix. Ce tableau se trouve dans le bas-côté gauche, le long du mur, près de l’autel de sainte Jeanne-d’Arc.

     Marie Bredet, la marraine de la cloche, était la fille de Sébastien Bredet, magistrat d’Etampes, qui composa «La Cantiade» poème sur les saints martyrs, patrons d’Etampes. Ce magistrat était au XVIIe siècle, d’une famille bien connue d’avocats et de procureurs du roi.
Quant à Pierre Hémard Danjouan, il était le père de Charles Claude Hémard, avocat au Parlement, et poète lui aussi. Il composa des hymnes latines fort goûtées à son époque, entr’autres un hymne en l’honneur des saints Cant, Cantien et Cantienne. Mais son œuvre principale c’est «le Chien pêcheur» ou «le Barbet des Cordeliers d’Etampes», poème héroï-comique, où il raconte que les Cordeliers avaient un chien qu’ils plongeaient dans la rivière d’Etampes pour recueillir les écrevisses qui s’attachaient à ses poils, et améliorer ainsi leur ordinaire.

     Rappelons que son nom à été donné à une rue d’Etampes: la rue du Pont Danjouan, qui va de la Roche-Plate à la rivière. La famille des Danjouan avait son hôtel près de cette rue.
Léon Marquis, dans son livre sur Etampes, rapporte que «cette cloche a une forte brèche à la partie inférieure, ce qui lui a un peu faussé le ton. L’accident est sans cloute arrivé quand la cloche a été mise en branle trop rapidement, car la cassure existe où frappe le battant. Il est question de la remplacer par une autre de fabrication moderne et qui sans être plus grosse, aurait le son plus grave, grâce à la forme perfectionnée apportée aujourd’hui à la fabrication».

     Léon Marquis écrivait ces lignes en 1881. Le projet de refondre la cloche n’a pas été réalisé. Mais depuis peu M. l’Archiprêtre actuel, grâce a la générosité de ses paroissiens, a réalisé le projet de nos ancêtres et redonné à la vieille cloche refondue le son grave et impressionnant qu’on attend d’un bourdon.

     LA CLOCHE DU DUC DE BERRY, LE CLOCHER DE PLOMB.

     La deuxième cloche du clocher Notre-Dame d’Etampes est appelée cloche de Jean de Berry. Il importe auparavant de connaître ce personnage. Il était le frère de Charles V, roi de France. A ce titre, le roi le nomma duc de Berry et d’Auvergne et comte d’Etampes. Ce fut le troisième comte d’Etampes. Dilettante, il n’aimait pas la guerre, mais il était curieux des [p.45] arts et des lettres. De lui demeurent encore des restes de sa magnificence, comme des monuments à Bourges et en Auvergne, comme son Livre d’Heures, et près d’Etampes, à Marcoussis, une statue de la Vierge qu’il avait donné aux religieux Célestins de cette paroisse.

     Il est connu en outre pour avoir donné des cloches à de nombreuses églises et même des timbres d’horloge comme à Niort en 1396. C’était sans doute une des formes de libéralité qui plaisait le plus.

     Notre-Dame d’Etampes lui doit donc cette cloche appelée de son nom. Elle fut probablement fondue en utilisant une cloche ancienne plus petite. Jean de Berry fournit une certaine quantité de métal et devint parrain. A cette époque, en 1401, elle était la plus belle cloche de l’église et vraisemblablement d’Etampes. C’est l’opinion de l’historien Louis Lefèvre. Aujourd’hui ses dimensions paraissent très moyennes: 1 m. 35 de diamètre et 1 m. 20 de hauteur.

     Voici l’inscription qu’on lit sur le bas de la cloche:

     Marie ay nom la Grousse engrossie et nomée
     par Jehan duc de Berry, d’Estampes la Vallée
     Comte, en l’an Mille CCCC et ung, fu coulée
     pour Dieu céans loer et sa mère honorée
               M IIII poise.

     Le tout est sur deux lignes en lettres gothiques, ornementées d’oiseaux échassiers. La dernière phrase: «pour Dieu louer et sa mère honorer» tient lieu de formule protectrice, puisqu’il s’agit de sonner pour la Sainte Vierge Notre Dame d’Etampes.

     Notons qu’«Etampes» dans l’inscription est dénommée exceptionnellement «Etampes la vallée», mais c’est sans doute pour rimer avec le mot «coulée»; et que le mot «poise» veut dire «pèse» ce qui fait «pèse M IIII», autrement dit pèse «4 mille», sous entendu «livres», ce qui donne 2.000 kilogs environ.

     D’après l’usage, la cloche porte encore des petits bas-reliefs en forme de médaillons, au nombre de six, représentant deux sujets répétés plusieurs fois. Le premier sujet est la Vierge et l’enfant, entourés de hérons et de perroquets. L’autre est l’image du Christ de pitié, appelée encore «Christ de Saint-Grégoire» parce qu’il rappelle une vision légendaire du Pape Saint Grégoire où Jésus est représenté mort, sortant du tombeau et entouré des instruments de la Passion sans oublier le coq. Cette façon d’orner les tableaux ou inscriptions est bien une des caractéristiques de cette époque. [p.46]

     Autrefois dans le clocher de Notre-Dame, il y a eu plus de deux cloches. La charpente, qu’on appelle le beffroi, pouvait contenir au moins cinq cloches; de plus, à l’extérieur il y avait deux petites cloches qui servaient à l’horloge et sonnaient les quarts.

     Nous ne pouvons terminer cette étude sur les cloches de Notre-Dame sans rappeler qu’il y avait avant la Révolution, un autre clocher qui s’élevait vers le milieu de l’église, au-dessus du transept. C’était un clocher couvert de plomb. Ce clocher fut démoli par les révolutionnaires. C’est ce qui résulte de l’ordonnance suivante du fameux terroriste Couturier.
     Considérant qu’à l’église, dite de Notre-Dame, il existe deux grands et beaux clochers, dont l’un est couvert de plomb, évalué à 60 miliers pesant... que ce clocher est garni aussi d’une grande quantité de fer, tous objets de la plus grande utilité, arrête:
     Le clocher de plomb sera démoli, vendu par adjudication.
     Signé Couturier, 27 vendémiaire An II.

     A en juger par les énormes pièces de bois et les assises de pierre que l’on voit encore sous les combles de l’Eglise on peut penser que le clocher devait être très large et très élevé.

     Aujourd’hui nous pouvons nous féliciter de ce que le ministre des Beaux-Arts, d’accord avec la commune d’Etampes, s’intéresse à nos églises et apporte tous ses soins à les restaurer et à les entretenir. C’est ainsi que la flèche de Notre-Dame, bijou d’art roman, a été particulièrement entretenu après la guerre, et nous les en remercions vivement.

     LE PORTAIL MÉRIDIONAL, SON SUJET: CONCILE, ASCENSION OU GLOIRE DU CHRIST? SON STYLE, SA DATE.

Portail de Notre-Dame (carte postale Berthaud frères n°42)      Une partie intéressante de l’église Notre-Dame, après le clocher, est bien le portail méridional qui se trouve à côté du Marché. Les archéologues et les historiens ne sont pas tous d’accord sur le sujet qu’il représente.

     En 1836, Montrond écrit dans son livre Essais historiques sur la ville d’Etampes: «Il est difficile de donner l’explication certaine d’un tel sujet. Peut-être a-t-on voulu représenter une image des concerts du Ciel; mais serait-il trop téméraire de croire que l’artiste a voulu plutôt consacrer ici le souvenir du célèbre concile national tenu à Etampes sous le règne de Louis le Gros? Pourquoi donc n’aurait-on pas cherché à en perpétuer [p.47] la mémoire en gravant l’image d’une réunion d’hommes, occupés à chanter les louanges de Dieu, sur le fronton de ce même édifice, où tout l’épiscopat des Gaules avait aussi par des actes de justice et de sagesse, celébré la gloire de l’Eternel?…»

     En 1881, Léon Marquis, dans son ouvrage Les Rues d’Etampes et ses Monuments semble être du même avis. Il dit en parlant de ce portail:  «Dans l’intérieur du cintre, un groupe de trente personnages, vêtus de robes et jouant de la lyre, représentent, dit-on, le Concile de 1130...»

     En 1902, Maxime Legrand, dans son livre Etampes pittoresque n’est pas de cette opinion. Il écrit : «Le tympan devait représenter autrefois, car hélas tout cela est dans un état de mutilation déplorable, l’Ascension, avec le Christ entouré d’Anges et des douze apôtres».

     En 1907, Louis-Eugène Lefèvre, dans son travail spécial sur le portail d’Etampes, assure qu’il s’agit avec preuves à l’appui, non pas d’une ascension mais de la glorification du Christ.

     En 1938, le Comte de Saint-Périer reprend cette même explication dans son livre La grande histoire d’une petite ville, Etampes. Il nous dit que le portail représente le Christ dans la Jérusalem céleste c’est-à-dire, dans le ciel: «Au tympan le Christ se tient debout entre deux anges, et les douze apôtres mutilés ornent le linteau. Des vieillards de l’Apocalypse, assis et tenant des vases et des instruments de musique, ornent les voussures...»

     A notre avis, cette dernière explication paraît être la plus vraisemblable. Nous allons d’ailleurs emprunter au travail de M. L.-Eugène Lefèvre, les descriptions du portail et la conclusion qu’il en tire, pour essayer de convaincre nos lecteurs.

     Disons d’abord que le portail n’a pas, comme le prétendent certains, quitté la façade du devant de l’église pour être ensuite reporté sur le côté. Certes, quand on le regarde pour la première fois, on éprouve une impression désagréable de voir un aussi beau monument enfoncé dans une encoignure du bâtiment, et en partie recouvert sur la droite par un mur qui avance. Cependant, il est bien à sa place primitive. Dans beaucoup d’églises, en effet, l’entrée principale, comme à Chartres, est sur la façade Occidentale. Mais ici c’est l’agrandissement de notre église qui a été cause du resserrement de son portail latéral. Les chanoines de Notre-Dame voulaient, vers la seconde moitié du XIIe siècle, embellir et agrandir leur église à cause de l’augmentation du nombre de chapellenies et dans l’obligation d’établir un lieu de refuge pour les malades. Déjà le transept nord avait été exécuté, il fallait ensuite faire le transept méridional à l’opposé. A ce [p.48] moment le portail était en place. On fut donc obligé, en construisant ce transept de couvrir une partie du portail et même de faire une sorte d’encoche dans le mur pour ne pas cacher complètement l’ange de droite. Le portail est donc bien à l’en droit exigé par la tradition.

     Décrivons maintenant ce portail. De suite, on voit que les personnages sont mutilés. Cette mutilation date de 1362, au moment des guerres de religion.

     Le principal personnage, au centre, est le Christ qui apparaît debout au milieu de ses apôtres. Nous l’avons dit, il ne s’agit pas d’une ascension, Jésus ne monte pas au Ciel ; il est dans le Ciel avec les apôtres. Toute la scène est inspirée du livre de l’Apocalypse de saint Jean, qui nous décrit le triomphe du Christ à la fin des temps.

     En effet, dans les voussures sont sculptés les vieillards de l’Apocalypse qui participent à la glorification de Jésus. Il en est de même des anges qui sont à sa droite et à sa gauche. De même encore les douze apôtres qui s’alignent sous les pieds du Christ, ainsi que les deux figurines qui sont de chaque côté représentant probablement Jean-Baptiste à gauche (du spectateur) et la Sainte Vierge à droite.

     Examinons ensuite les statues-colonnes qui sont de chaque côté du portail. Ils représentent des personnages de l’Ancien Testament. Allons de droite à gauche. La première statue est ta reine de Saba; la deuxième Salomon; la troisième David, en face la quatrième Melchisedech, la cinquième Moïse et la sixième la reine Esther.

     Ces statues sont surmontées de chapiteaux décrivant une série de scènes prises dans le Nouveau Testament. C’est en partant de la droite une scène cachée par le mur qui, vraisemblablement, était le baptême du Christ, ensuite l’entrée de Jésus à Jérusalem, la Cène, les femmes au Tombeau, l’apparition de Jésus à Madeleine, la tentation d’Adam et d’Eve, et Adam et Eve chassés. De l’autre côté du portail, à gauche: la tentation de Jésus au désert, la tentation au temple, l’Annonciation, la Visitation, Joseph rassuré par l’ange, le bain de l’Enfant Jésus (évangile apocryphe), la Nativité, l’Adoration des Mages, le Massacre des Innocents, Hérode avec les princes des prêtres. A noter de chaque côté de la porte que les scènes de la Tentation d’Adam et d’Eve ont été mises en pendant, par analogie avec la Tentation de Jésus au désert.

     Quelle est la date de notre portail? Dans sa forme, le portail lui-nième est en ogive, mais toute la décoration en est romane. [p.49] Nous sommes bien au XIIe siècle, époque de transition entre le roman et l’ogival. Il est certain, en le comparant avec le portail le Chartres que ce sont les mêmes artistes qui y ont travaillé. Or le portail de Chartres serait de 1135. Louis Lefèvre pense que le portail d’Etampes pouvait être fait en 1130 pour la réunion du fameux Concile national d’Etampes. Et cela convenait bien pour Etampes ville royale, recevant solennellement les délégués de ce Concile.

     LA FRESQUE DE «L’ECCE HOMO», INTERPRÉTATIONS DIVERSES, CONCILE, CONCORDAT, PASSION, AUTEUR ET DATE.

Porte de la sacristie de Notre-Dame (carte postale de Paul Allorge n°18)      Entrons dans l’église, et dirigeons-nous dans le bas-côté gauche. Nous voici devant la sacristie, qui fut au XVIe siècle la Chapelle du Tombeau. C’est pourquoi l’entrée de cette sacristie est surmontée d’une large fresque de cette époque. Evidemment elle est un peu patinée par le temps, mais elle est assez visible et nous allons essayer de la décrire.

     Comme pour le portail méridional, il y a eu des interprétations diverses. On y a vu une représentation du Concile d’Etampes, une entrevue du pape Léon X avec François Ier, et enfin une scène de la Passion.

     La première interprétation est de Bigot de Fouchères, magistrat d’Etampes en son temps, En janvier 1879, dans La Revue de Champagne, il publiait un article où il disait que cette peinture représentait deux tableaux: à gauche, le tableau de «l’Ecce Homo», en souvenir d’une statue célèbre qui se trouvait à Etampes au carrefour dit de l’Ecce Homo; et à droite, le tableau représentant la proclamation du pape Innocent II, faite par saint Bernard à l’issue du Concile tenu à Etampes en 1130. La partie droite est bien l’«Ecce Homo», mais voici ce que l’auteur de l’article disait du tableau de gauche:

     «Au premier plan, un public nombreux, dans lequel figurent quelques personnages de distinction richement vêtus, se prosterne jusqu’à terre à la vue des membres les plus marquants du Concile, qui apparaissent sur une élégante galerie formant le deuxième plan du tableau; cinq personnages et des hallebardiers occupent ce balcon, et parmi les premiers on distingue un cardinal à la gauche du personnage que l’on suppose être saint Bernard. Ce saint, appuyé sur la galerie du balcon, se penche pour montrer au peuple une immense pancarte, sans doute la décision que vient de rendre le Concile. Dans les nuages, à une [p.50] grande élévation, au-dessus des princes du Concile, apparaît une tête vénérable coiffée de la tiare et montrant un livre ouvert il est soutenu par deux anges à mi-corps: c’est vraisemblablement le pape défunt qui vient par son apparition approuver la désignation de son successeur...»

     Cette explication nous paraît bien fantaisiste. Elle est sans doute inspirée par le souvenir de saint Bernard, et elle est de nos jours abandonnée.

     Donnons maintenant la deuxième interprétation. Elle voit dans la fresque, à droite, en dehors de l’Ecce Homo qui serait à gauche, une entrevue du pape avec François Ier. Cette interprétation est acceptée par certaines personnalités, comme Maxime Legrand et l’auteur d’un livret du Syndicat d’Initiative d’Etampes.

     M. Maxime Legrand dans son Etampes pittoresque écrit: «Cette fresque représente un Ecce Homo et une scène assez énigmatique qu’on a prise à tort pour la figure du Concile de 1130, mais qui pourrait bien représenter l’entrevue du Pape Léon X avec François Ier à Bologne, lors des préliminaires du Concordat de 1516.»

     Quant au Syndicat d’Initiative d’Etampes, dans son guide Etampes express dont l’édition est aujourd’hui épuisée, il écrit: «Scène en deux parties figurant un ‘Ecce Homo’, un prisonnier et des personnages où l’on reconnaît un Pape et François Ier.»

Fresque de l'Ecce Home (cliché Bernard Gineste 2003)

     La troisième opinion est de M. Eugène Lefèvre, qui nous dit: «Cette peinture représente la scène de l’Ecce Homo et pas autre chose». Et voici comment il explique la fresque (article paru en 1912 dans la publication de la Commission des Antiquités et des arts de Seine-et-Oise):
     «Deux inscriptions en caractères gothiques nous fixent à propos, non seulement sur le sujet, mais encore sur l’instant précis que l’artiste a choisi pour sa composition dans le récit de la Passion. Ce sont simplement les deux mots que Pilate et l’auditoire échangèrent: «Ecce Homo» (voici l’homme), placés à gauche de la fresque, et «Crucifige eum» (crucifiez-le), placés à droite.
     «La scène se passe donc en face du Palais de Pilate, sur la place publique. A gauche, se dresse un grand perron couvert, sorte de porche avec des marches pour y accéder. Sur le bord de celles-ci se tient un personnage, dont le grand bonnet à calotte noire, avec turban blanc enroulé, marque la haute importance. C’est Pilate ayant auprès de lui son scribe. Il s’adresse à la foule et prononce le fameux «Ecce Homo». Par le [p.51] péristyle très ouvert on voit assez loin à l’intérieur Jésus, de dimension beaucoup moindre à cause de la perspective, à qui l’on vient de mettre le manteau rouge et la couronne d’épines. Jésus d’ailleurs n’est là que pour fournir une indication de plus, car le véritable Christ du tableau était sculpté en pierre et occupait le centre de la fresque sur un support au-dessus de la porte de la sacristie. Actuellement cette statue du Christ a été remplacée par une statue de la Vierge.
     «Sous le perron, sont les cachots, et c’est par une étroite fenêtre grillée qu’on aperçoit un prisonnier qui naturellement est Barabbas. Près de Pilate est un animal couché qui peut être un lion ou un chien. Et c’est à cause de ce lion que certains voient dans le personnage qui est à côté, le pape Léon, ‘léo’ en latin signifiant ‘Léon’ ou ‘lion’. Mais cela n’a pas d’importance. A l’époque de la Renaissance, on aimait beaucoup dans les tableaux, avec les personnages, mêler des animaux domestiques ou apprivoisés.
     «La foule des Juifs qui fait condamner Jésus occupe la partie droite de la composition. Le personnage principal d’entre eux, Caïphe lui-même, portant robe blanche, manteau rouge et bonnet, est devant les autre au pied de l’escalier du perron. Il relève la tête pour crier: ‘Crucifige eum’.
     «A côté de Caïphe, prince des prêtres, un personnage nu tête doit figurer le plus éminent des Pharisiens, un des anciens du peuple. Un troisième personnage avec un grand bonnet doit être aussi un juif important.
     «Derrière eux se tiennent sergents et soldats avec chapeaux à larges bords, manches bouillonnées et tenant en main des piques à gonfalons. La foule du peuple se presse derrière, représentée par quelques individus.
     «Le palais s’étend vers le fond mais sur la droite se détache une grande galerie qui tourne et ferme ainsi la place du palais sur deux faces. Sous cette galerie on remarque également deux personnages entourés de monde à qui l’artiste semble avoir voulu accorder de l’importance; je croirais volontiers qu’ils figurent Hérode et Anne, si toutefois Hérode surtout ne se trouve pas plutôt sur la terrasse qui domine la galerie, en spectateur désintéressé, vêtu selon la mode la plus nouvelle, entouré de seigneurs et escorté de deux gardes dont un muni d’une lance et l’autre d’une hallebarde.
     «Au-dessus, dans le ciel, Dieu le Père apparaît sur des nuages au milieu d’une auréole, coiffé de la tiare et entre deux anges.»

     En somme, cet «Ecce Homo», ou Présentation de Jésus [p.52] à la foule, est traité selon la tradition des peintres des XVe et XVIe siècles, avec des personnages en costumes de leur époque.

     L’auteur de cette fresque n’est pas Léonard de Vinci, comme quelques-uns l’ont cru, mais c’est l’œuvre de Henry, dit Requin, ce qui n’est pas pareil. Il fut choisi par le Chapitre des chanoines de Notre-Dame, d’après un compte de fabrique contenant les recettes et dépenses de l’église.

     Sans égaler les chefs-d’œuvre des maîtres des XVe et XVIe siècles, cette fresque n’est pas sans valeur et nous devons la considérer comme une des richesses de notre église.

     LA CHAPELLE DU SÉPULCRE: LA MISE AU TOMBEAU, LA RÉSURRECTION, L’ENFER, AUTEUR ET DATE.

     Nous avons décrit la fresque de I’Ecce Homo qui surmonte la porte de la sacristie et qui devait devenir au XVIe siècle la Salle du Sépulcre. A cette époque, la mode dans les grandes églises était d’installer un tombeau du Christ. Nos chanoines d’Etampes voulurent un beau tombeau.

     Ils s’adressèrent à un sculpteur du pays, Claude Chantereau. Ce n’était pas un artiste, mais un bon ouvrier tailleur de pierre. On voulut faire quelque chose d’original et d’une certaine ampleur. Le tombeau ne fut donc pas installé au petit bonheur dans un coin de chapelle, mais il fut installé laborieusement et coûteusement dans une salle spéciale, la sacristie. Les comptes de fabrique de cette époque indiquent les aménagements et les dépenses faites pour cette installation.

     On coupa la salle en deux dans sa hauteur. La salle du haut, accessible par un escalier en vis, devint la nouvelle sacristie et celle du rez-de-chaussée devint la salle du tombeau, le saint sépulcre. On aménagea une belle porte d’entrée de style renaissance, surmontée de la fresque de l’Ecce Homo, et l’ancienne porte diminuée de hauteur servit de porte de sortie les jours d’affluence.
     Dans la chapelle, ainsi aménagée, on représenta trois tableaux, ou plutôt trois scènes.
La première scène représentait la scène même de la mise au tombeau. Le personnage principal, c’est-à-dire le Christ couché sur son tombeau, étendu dans son suaire, subsiste toujours. Il est actuellement au fond de l’église dans le bas côté gauche, le long du mur. Le tombeau est une pierre taillée en forme de sarcophage aux bords arrondis et sans aucun ornement. Le Christ [p.53] est sculpté lourdement et sous la couche de peinture qui le recouvre on peut deviner des mutilations réparées avec du plâtre. Il est un peu plus grand que nature et occupe presque entièrement le tombeau.

     Les comptes de dépenses ne font pas l’énumération des statues qui entouraient le tombeau, mais on devine qu’il y avait les personnages habituels. On voit encore aux coins du linceul des doigts de ceux qui le tenaient. Ces doigts très fort indiquent que tous les personnages étaient très grands et en rapport avec la dimension du Christ. On voit par la barbe et les cheveux du Christ peints en brun et la blessure rouge du côté que les statues étaient polychromées.

     Quant aux deux autres scènes qui entouraient ta mise au tombeau, ce n’est qu’à l’aide du texte des Comptes que nous pouvons les reconstituer. Ces deux scènes étaient une Résurrection du Christ et un Enfer.

     Pour la Résurrection, les comptes sont muets sur le nombre des statues, mais nous pouvons présumer un grand Christ. sortant du tombeau et montant au Ciel tenant dans sa main une croix. Les comptes notent une croix et des anges en bois. Les anges étaient sans doute destinés à encadrer le Christ, et on les aurait faits en bois pour pouvoir les suspendre.

     Passons maintenant à la troisième scène, qui représentait les Enfers. Ici, on peut être très hésitants [sic], pour la représenter. Il est dit simplement dans les comptes qu’un nommé «Portas a maçonné le roc des Enfers et que Henry dit Requin l’a peint de diverses couleurs». Ce rocher devait être surmonté d’une image du Christ ou de Dieu le Père, puisqu’on ajoute «qu’un tourneur a fourni une croix pour le Dieu qui domine les Enfers.»

     L’auteur de toute la sculpture des trois ouvrages, nous l’avons dit, s’appelait Claude Chantereau. Il y a travaillé pendant environ 15 mois, à partir de Pâques 1514, et fut payé à raison de 3 sols tournois pour chaque jour ouvrable, soit 40 livres 16 sols parisis.

     En résumé, l’œuvre de Claude Chantereau ne fut sans doute pas de bien grande valeur artistique, mais elle nous indique la bonne volonté du chapitre de faire quelque chose de grandiose et digne d’Etampes. Cette bonne volonté est encore prouvée par le compte de dépenses où figure une sortie de 40 sols parisis. «Cette somme couvrit les frais du proviseur de la fabrique, le drapier Jehan Paris, et du tailleur d’images Claude Chantereau, qui se rendirent à Paris, voir et visiter les sépulcres dudit lieu pour mieux conduire l’affaire de ladite chapelle dudit Sépulcre.» [p.54]

     Aujourd’hui, le sépulcre est redevenu sacristie, mais le Christ au tombeau, que nous conservons, demeurera parmi nous comme le témoignage de nos ancêtres pour leur dévotion à la Passion du Christ.

     LA SACRISTIE, PEINTURES, STATUETTES, RELIQUAIRES, L’OSSUAIRE.

     La sacristie était autrefois la Chapelle du Tombeau, c’est pourquoi elle a l’allure d’une petite chapelle du XVIe siècle. Dans la suite, elle fut restaurée et enluminée en 1873, comme un vieux Missel, par l’abbé Delanoue, curé à cette époque.

     Aux clefs de voûte sculptées on remarque la Vierge et l’Enfant Jésus, ce qui convenait pour Notre-Dame d’Etampes, la Sainte Face pour rappeler la Passion, et un écusson portant un sanglier, armes de l’archevêque de Sens qui s’appelait Henry Sanglier.

     Entre les arceaux allant aux clefs de voûte sont représentés en peinture les quatre évangélistes, quatre anges avec les attributs de la Passion et les quatre grands prophètes: Isaïe, Jérémie, Ezechiel, Daniel.

     Sur le mur, quelques fresques: Marie assise tenant l’Enfant Jésus et à ses pieds un chanoine agenouillé, l’atelier de Joseph, la descente de Croix.

     Au-dessus des placards, des statuettes, et des reliquaires très curieux. Un groupe de personnages intitulé Notre-Dame de Visitation 1787, qui rappelle une guérison obtenue par l’intercession des saints martyrs d’Etampes. Un autre groupe, la Sainte Trinité, composé de Dieu le Père, figuré par un vieillard portant la tiare, soutenant le Christ en Croix, et le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe placée entre le Père et le Fils. Ensuite une Pieta, ou N.-Dame de Piété. Tous ces groupes en bois semblent être du XVIe siècle, même le premier qui aurait été repeint et daté au XVIIIe.

     A côté de ces groupes, voici des reliquaires, également en bois doré, et de la même époque. D’après un vieux manuscrit, «le bras de M. Jean Chrysostome est une châsse en forme de bras portée par un ange». Et, lui faisant pendant, une statuette de Saint Roch. Ces deux statuettes ont perdu leurs reliques. Entre les deux, un reliquaire en bois doré, moins ancien, contient une relique de Saint Vincent de Paul.

     En face, toujours sur les placards, près des fenêtres, deux reliquaires modernes en cuivre doré, renferment des reliques [p.55] précieuses. Dans le premier, ce sont des particules d’ossements de saint François-Xavier, de saint Grégoire de Naziance [sic], de sainte Julienne et de saint Basile. Rappelons que les chanoines de Notre-Dame avaient une grande dévotion pour saint Basile, dont ils avaient emprunté les règles monastiques, et c’est pour cette raison qu’ils donnèrent le nom de saint Basile à l’église voisine, succursale de Notre-Dame.

     Pour terminer cette visite de la sacristie, jetons un dernier regard sur un tableau du XVIIe siècle, à droite de la porte, représentant la résurrection d’un enfant par l’intercession des saints martyrs Gant, Cantien et Cantienne, patrons secondaires d’Etampes, dont nous parlerons dans la suite.

     Avant de quitter la sacristie, nous pouvons visiter l’ossuaire qui se trouve exactement en-dessous. Près de la porte, il y a une autre petite porte, à droite, dissimulée dans la boiserie, qui donne accès à un escalier descendant dans cet ossuaire.

     L’Eglise a toujours eu le respect des morts. Ce qu’on appelle aujourd’hui la fosse commune était autrefois l’ossuaire, c’est-à-dire un lieu, chapelle ou caveau dans lequel on déposait les ossements. Lorsque le cimetière entourait l’Eglise, c’était le cas le plus général, l’ossuaire était habituellement placé contre l’église entre les contreforts de la nef. Quelquefois il consistait en un petit bâtiment indépendant situé le plus près possible de l’église et percé d’ouvertures à travers lesquelles on apercevait les ossements accumulés. Dans les cloîtres, l’ossuaire était situé dans la galerie accolée à l’église.

     Dans l’église Notre-Dame d’Etampes, à hauteur du chœur et dans le bas-côté gauche, il y a une porte qui donne actuellement dans le calorifère mais qui donnait autrefois à l’extérieur dans la partie qu’on appelle le cloître. Là était le cimetière et plus loin la demeure des chanoines, et contre l’église, sous la sacristie, l’ossuaire.

     Le cimetière et le cloître ont disparu. Mais la demeure des chanoines subsiste. Ce sont les maisons qui bordent la cour du cloître et qui ont gardé leur caractère ancien. Autrefois on pénétrait de l’extérieur dans l’ossuaire par le cimetière. Aujourd’hui il faut passer par la sacristie. On descend un escalier en pierre qui conduit à la hauteur de la voûte. Une passerelle en fer longe cette voûte et mène à un ancien calorifère qui chauffait la sacristie. De cette passerelle un autre escalier en fer descend dans le fond du caveau. La voûte est soutenue au centre par un gros pilier avec chapiteau sans décoration. Le style est de l’époque romane, c’est-à-dire de l’époque primitive de l’église. [p.56]

     Deux soupireaux [sic] étroits laissent passer une lumière très discrète. Le fond de l’ossuaire reste dans une ombre mystérieuse. Mais n’ayez crainte. Il n’y a ni ossements, ni revenants. Autrefois on y mettait les restes des chanoines qui étaient tout d’abord enterrés dans le cimetière du cloître. Mais ces ossements ont été retirés il y a quelques années, en 1868 et portés au cimetière. Maintenant l’ossuaire n’est plus qu’une sorte de cave profonde, curieuse à visiter et qui Pourrait servir d’abri en temps de guerre. En 1940, le bureau des hypothèques d’Etampes y avait déposé en sûreté ses archives.

     LA MA1SON NOTRE-DAME, SOIN DES MALADES, GUÉRISON MIRACULEUSE, NOTRE-DAME DE VISITATION.

     Dans notre visite de la sacristie de l’église Notre-Dame nous avons remarqué un groupe de statuettes représentant la Vierge qui étend sa main sur des malades couchés dans un lit. Cette représentation rappelle un miracle de la Sainte Vierge, Notre Dame d’Etampes, dû à l’intercession des saints martyrs d’Etampes. Ce miracle aurait eu lieu dans l’église.

     Nous avons dit précédemment que l’église Notre-Dame a été agrandie en plusieurs fois et en dernier lieu dans la seconde moitié du XIIe siècle par l’élargissement du bas-côté droit, dans Je but d’y recueillir des malades. Cette partie de l’église s’appelait alors «la Maison-Dieu». C’est ce que dit le vieil historien d’Etampes Dom Fleureau:

     «Nous apprenons, dit-il, des Saints Conciles, qu’en divers lieux le soin des malades fait partie de celui que les évêques doivent prendre dans leurs diocèses, et c’est pour cela que les hôpitaux sont ordinairement bâtis près des maisons épiscopales, comme à Paris le grand Hôtel-Dieu... De là est venu que les chanoines des églises cathédrales sont demeurés en partie chargés du soin des hôpitaux. Et depuis. comme la piété des chrétiens s’augmentant les portés à fonder dans les villes des collèges de chanoines sur le modèle de ceux qui étaient auprès des évêques, on leur a donné de même qu’à ceux des cathédrales, le soin des pauvres...»

     C’est ainsi qu’à Notre-Dame d’Etampes, autrefois desservie par un collège de chanoines, la tradition rapporte qu’ancienne ment les lits des malades étaient dans l’église même à droite de la nef, du côté du marché. Une petite porte aujourd’hui bouchée [p.57] permettait d’entrer directement dans cette partie de l’église réservée aux malades.

     Mais l’expérience fit connaître que cela était trop incommode pour beaucoup de raisons principalement pour la tranquillité des offices. On fit alors construire un bâtiment séparé hors de l’église, mais toutefois au-dedans de la cour des chanoines, dans cette partie qu’on appelle encore de nos jours «le Cloître», qui était alors beaucoup plus étendu. Ce bâtiment est nommé dans les vieux titres: «L’Aumônerie de 1’Hospital».

     Dès lors, les chanoines n’ont plus directement le soin des malades, mais ce soin est confié à un chevecier ou administrateur. En 1191, on voit l’archevêque de Sens, Guy de Noyers, régler le droit de ce chevecier. Tant bien que mal, et plutôt mal que bien, cette situation dura jusqu’en 1537. A cette époque, les habitants ne purent plus supporter que les biens destinés à la nourriture des pauvres fussent mal administrés et les pauvres abandonnés sans secours jusqu’à mourir dans les rues faute de retraite et de secours. Ils formulèrent leurs plaintes contre Jacques de la Vallée, administrateur de l’Hôtel-Dieu devant Louis, cardinal de Bourbon, archevêque de Sens, afin qu’il lui plut d’apporter le remède convenable à si mauvais gouvernement. En 1538, Jean de Salazar, archidiacre de Sens, permit de faire des quêtes pour l’Hôtel-Dieu dans les paroisses de la ville. Le soin des malades fut alors confié non plus à un administrateur servi par des laïques appelés frères, mais aux maires et échevins de la ville. Ceux-ci pensèrent, ajoute Dom Fleureau, qu’il n’y a rien de si apte pour le service des malades que des filles, et ils firent cri sorte d’y établir des Religieuses hospitalières de l’Ordre de Saint-Augustin. Ils n’en allèrent point quérir dans d’autres villes, mais il se présenta des filles d’Etampes, qui se vouèrent à ce service sous la juridiction de l’archevêque. Celui-ci les reçut à la vêture et à la profession, et approuva leurs règles en 1649.

     Ces religieuses ont continué à travers les siècles à soigner les malades, et de nos jours ce sont encore les religieuses du même ordre, les Augustines d’Etampes, rattachées depuis peu aux Augustines de l’Hôtel-Dieu de Paris, qui se dévouent auprès de nos malades.

     Mais revenons à l’époque où les malades étaient hospitalisés dans l’église Notre-Dame d’Etampes et rapportons ce fait merveilleux qui, d’après Pierre Plisson, conseiller du roi en 1658, se passa dans l’église:
     «Or, une nuit, dit celui-ci, une infirmière, qui s’appelait Sulpice, était en oraison tandis que deux malades reposaient [p.58] dans leur lit commun et qu’un troisième veillait sous le porche alors ouvert et qui est â la base du clocher. Soudain, au milieu d’une grande lumière, Sulpice vit descendre par la fenêtre une femme richement habillée, accompagnée de deux jouvenceaux et d’une jouvencelle. La dame vint s’asseoir près du bénitier, et, répondant à sa question, les trois jeunes gens lui demandaient la guérison des malades: alors elle prit dans le bénitier le goupillon qui s’y trouvait et aspergea d’eau bénite les trois malades. Elle promit à ceux qui étaient couchés la guérison et au troisième une prompte délivrance par la mort. Puis, les trois visiteurs mystérieusement se retirèrent par la fenêtre comme ils étaient venus ainsi que la dame. Les prédictions de la dame s’accomplirent, et aux récits troublants de la vieille Sulpice, le peuple étampois ne douta pas qu’elle avait reçu la visite de la Sainte Vierge et des trois saints patrons d’Etampes, Cant, Cantien et Cantienne. Rempli d’une dévotion enthousiaste, il fournit les fonds pour qu’on agrandit la fenêtre miraculeuse et qu’on y mit un vitrail représentant la Sainte Vierge et les Martyrs. Sulpice étant morte trois ans après, elle fut enterrée dans l’église, à l’endroit où elle priait pendant la fameuse nuit, et on entretint sur sa tombe, ainsi qu’au pied du vitrail, des lampes allumées.»

     Cet événement merveilleux a dû se passer vers la fin du XIIe siècle. Le groupe en bois coloré qui est actuellement dans la sacristie de l’église et qui représente le miracle n’est pas de ce temps-là, tant s’en faut. Il n’est que de 1787. On peut seulement supposer qu’il a remplacé un autre tombé en complet état de vétusté et dont l’origine pourrait être fort ancienne. Quoiqu’il en soit, il est évident que le sculpteur de 1787 ne s’est pas beaucoup inquiété de conserver à l’œuvre le caractère archaïque de l’ancien.

     Le groupe a 55 centimètres de hauteur avec le socle. Les trois malades sont assis, mains jointes, dans le même grand lit de bois; leurs corps en partie cachés par la couverture. La garde, habillée comme une paysanne beauceronne de nos jours avec un bonnet serrant la tête, tenant son chapelet à la main, est agenouillée près d’une petite table ou d’une sorte d’escabeau sur lequel est posée une lampe.

     Au pied du lit, la Vierge par rapport aux autres personnages est de grande taille. Elle est couronnée, portant l’enfant Jésus dans sou bras gauche, et elle étend sa main droite protectrice au-dessus des malades. Les trois saints martyrs ne sont pas représentés. Le socle du groupe porte la date de 1787, ainsi que l’inscription: «Notre-Dame de Visitation».

     La paroisse Notre-Dame d’Etampes conserve bien précieusement ce groupe comme un souvenir de la charité qui s’exerçait autrefois dans notre vénérable église, et comme un gage de la protection maternelle de la Sainte Vierge, patronne de la paroisse.

     LES CORPS SAINTS, ORIGINE DES RELIQUES, DIVERSES TRANSLATIONS ET RECONNAISSANCES JUSQU’A LA RÉVOLUTION, LEUR CULTE.

     Nous savons que le patron d’Etampes est saint Michel, mais que les saints martyrs Cant, Cantien, Cantienne en sont les patrons secondaires.

     Comme souvenir de ces saints martyrs nous avons dans notre clocher la cloche du duc de Berry baptisée «Cant», nous avons aussi dans la sacristie de l’église un groupe de statuettes Notre-Dame de la Visitation, un tableau rappelant la résurrection d’un enfant, et un reliquaire, c’est le plus précieux sou venir, contenant leurs reliques.

     A cette occasion, il serait intéressant de connaître l’histoire de ces reliques et du culte qui leur a été rendu au cours des âges.

Martyre de Cant, Cantien et Cantianille, huile sur toile conservée à Notre-Dame (cliché Bernard Gineste, 2003)      On sait, par dom Fleureau, que le roi Robert le Pieux obtint du pape Benoît VIII, lors de son voyage en Italie, entre les années 1016 et 1020, une partie notable des reliques des Saints Cant, Cantien et Cantienne. Il importe d’abord de savoir qui étaient ces saints.

     Le martyrologe romain, au 31 mai, nous dit: «Aujourd’hui, à Aquilée en Italie, le martyre des Saints Cant, Cantien et Cantienne, leur sœur de l’illustre famille des Aniciens, lesquels ainsi que Protus, leur gouverneur, eurent la tête tranchée pour leur constance dans la foi, sous les empereurs Dioclétien et Maximien».

     Le roi Robert donna donc leurs reliques à l’église Notre-Dame pour mettre sa bonne ville sous la protection des saints martyrs qui devinrent les patrons secondaires, saint Michel restant le patron principal.

     L’église Notre-Dame était alors en construction. En attendant son achèvement, on déposa les reliques à Etréchy. Ce n’est qu’en 1025 que les reliques mises dans une châsse en bois doré, furent installées solennellement par Léothéric, archevêque de Sens. Celui-ci eut soin de prélever, en la circonstance, quelques ossements pour la cathédrale de Sens. [p.60]

     Sous le règne de Philippe le Hardy, le 4 août 1282, en présence de Gilon, archevêque de Sens, les reliques furent transférées dans une nouvelle châsse en argent.

     On raconte que l’archevêque hésitait à venir à Etampes, doutant de l’authenticité des reliques. Il assista cependant à la procession où l’on portait les reliques pour obtenir de la pluie. On était à une époque de grande sécheresse. Au cours de la procession qui se rendait â Etréchy, le ciel se couvrit de nuages et la pluie tomba. On était arrivé à Etréchy. Il fallut repartir. Impossible de soulever la châsse. C’est alors que l’archevêque prononça ces paroles: «Ames fidèles, voici le lieu où l’on a d’abord placé les corps des martyrs avant qu’ils soient reçus dans votre ville. Peut-être ne leur avons-nous pas rendu les honneurs qu’ils méritaient et sommes-nous indignes de posséder un pareil trésor? Ils sont à Dieu, puisque ce sont vraiment ses saints et ses amis.» L’archevêque ayant fait cet acte de foi, la procession reprit sans difficulté le chemin de la ville.

     Les reliques étaient toujours dans cette châsse en 1531. A cette époque, on y déposa d’autres reliques, entr’autres «le bras de M. saint Jean Chrysostome», d’après un procès-verbal de messire Jean Guychard, prêtre-chantre et chanoine de Notre-Dame.

     En 1562, toutes les reliques furent soustraites à la fureur des protestants qui pillèrent et saccagèrent l’église Notre-Dame et huit ans après, on les replaça dans un nouveau reliquaire, en présence du cardinal de Pellevé, archevêque de Sens.

     En 1620, la châsse fut ouverte pour être réparée et enrichie et en 1621, le lundi de Pâques 16 avril, messire Henry Chausse, évêque d’Aure, délégué par l’archevêque de Sens, assista à la translation, dans la nouvelle châsse dorée, merveille d’orfèvrerie. On ajouta alors une autre châsse plus petite pour recevoir différentes reliques, d’où la dénomination, à partir de cette époque de grande châsse et de petite châsse.

     Enfin en 1672, Henry de Gondrin, archevêque de Sens, au cours d’une visite, se fit ouvrir les deux châsses pour s’assurer de l’importance de leurs reliques.

     A cette époque et depuis six siècles, les reliques de nos saints martyrs étaient l’objet d’une grande vénération. Il y avait alors deux processions instituées les mardis de Pâques et de la Pentecôte, pendant lesquels on portait les châsses. A ces processions, toutes les paroisses de la ville y étaient représentées. Au moment de sortir de l’église, rapporte un vieux manuscrit, les curés des quatre paroisses de la ville appuient une main [p.61] au coin de la châsse qui leur est assignée par l’image du patron de leur paroisse. Cela se fait pour conserver à la ville entière la possession de la dite châsse. Dès qu’elle est sortie, les curés reprennent leur rang pour suivre la procession. Et une cérémonie semblable a lieu à la rentrée dans l’église Notre-Dame.»

     Un auteur, rendant compte d’une de ces processions, en fait le tableau suivant: «La procession la plus solennelle a lieu le mardi de Pâques. En tête de la procession, l’on voit les capucins et les cordeliers, dont chacun connaît le recueillement. Ils sont suivis par les barnabites, qui précèdent le clergé de toutes les paroisses de la ville et des environs. Ensuite arrivent les chanoines de Notre-Dame et de Sainte-Croix qui marchent ensemble, sur deux rangs. La châsse portée par des hommes marchant nu-pieds et couronnés de fleurs, est entourée de torches et de flambeaux; elle est suivie d’une autre châsse plus petite. Il y a encore un reliquaire de saint Jean Chrysostome et une image en ronde-bosse, dans laquelle est un morceau des vêtements de la Sainte Vierge. Le prêtre qui doit célébrer la messe porte une croix d’argent finement travaillée. Cette croix et le reliquaire de la Sainte Vierge ont été donnés à l’église Notre-Dame par Louis d’Evreux, comte d’Etampes.»

     On se rendait en foule à ces processions de tous les lieux voisins. Certains même venaient de lieux très éloignés. Il y avait, par exemple, un officier du règne de Louis XV, qui, en quelque lieu que fut son régiment, demandait chaque année une permission de quelques jours, pour assister à Etampes, à la procession des Corps Saints.

     Que sont devenues les reliques des Corps Saints, au moment de la Révolution de 1793?

     Dans une note que nous avons trouvée dans les archives paroissiales, voici ce qu’écrit M. l’abbé Baron, curé de Notre- Dame de 1834 à 1847:
     «Au moment de la persécution en 1793, la châsse de vermeil fut enlevée et les reliques livrées aux flammes. Heureusement celui qui présidait à l’incendie de ces objets sacrés permit aux assistants d’enlever ce qu’ils pourraient, et une femme pieuse put sauver un petit ossement qu’on croit être un doigt. Elle le conserva religieusement chez elle jusqu’à la cessation de la persécution. Le commissaire qui accorda la permission d’emporter quelque chose des reliques s’appelait Lebas.
     «Sitôt que 1’Eglise commença à jouir d’un peu de calme, un homme vraiment chrétien nommé M. Ranouard, mort il y a [p.62] quelques années, après avoir été trésorier de la fabrique de Notre-Dame pendant 40 ans, apprit qu’une parcelle des Corps Saints avait été sauvée. Alors il la demanda à la personne qui en était la dépositaire. L’ayant obtenue, il la fit reconnaître à Paris par M. l’abbé de l’Espinasse, chargé avant le Concordat de l’administration spirituelle des environs de Paris. Aussitôt que toutes les formalités voulues pour établir l’authenticité de la relique furent accomplies, et dès que le culte fut rétabli, il y eut une cérémonie pour la reconnaissance et le rétablissement de la dévotion aux Corps Saints.
     «En présence de M. Boivin, curé de Saint-Basile, de Saint Gilles et de Saint-Martin, et d’un grand nombre de fidèles, le petit ossement fut renfermé dans une petite boîte. Le sceau de l’ancien Chapitre de Notre-Dame fut apposé dessus, sur cire cachetée collant un ruban rouge; puis la même petite boîte fut renfermée dans une châsse en bois doré.
     «Dès lors le culte des Corps Saints fut observé comme avant 1793. Les processions des mardis de Pâques et de la Pentecôte, les neuvaines, reprirent avec une nouvelle vigueur. Plus tard, par les soins de M. Banouard, une autre châsse fut substituée à l’ancienne qui n’était qu’en bois doré. Cette châsse d’un très beau travail est en cuivre doré.
     «On connaît tous ces détails par le récit de M. Banouard et par des vieillards qui en furent les témoins. La relique est bien authentique qui fasse mention de son existence, de sa reconnaissance, de l’approbation de l’autorité spirituelle [sic]. Il est à désirer que cette relique soit revêtue d’une authenticité plus régulière et plus canonique.»
     signé:     Baron, curé de Notre-Dame.

     Le désir de M. Baron s’est réalisé bien mieux plus tard. Un de ses successeurs, M. l’abbé Bonvoisin, curé de Notre-Dame de 1856 à 1867, ayant lu dans dom Fleureau que Milan et Sens possédaient des reliques des Saints Martyrs, s’adressa d’abord à l’archevêque de MIilan pour avoir quelques fragments des reliques. La lettre resta sans réponse. Alors M. Bonvoisin s’adressa à Sens en faisant remarquer que les reliques possédées à Sens venaient d’Etampes, qu’elles avaient été données par déférence au XIIe siècle à l’archevêque de Sens par l’église collégiale d’Etampes, qui à cette époque dépendait de l’archevêché de Sens et que, si Sens avait pu conserver ses reliques à la Révolution, il était juste que Sens partageât avec Etampes, qui avait perdu les siennes.

     Voici la réponse du chanoine Carlier, gardien du trésor de la cathédrale de Sens. Cette lettre est datée du 23 septembre 1865.
     «M. le Curé. Vous me demandez comment les reliques du trésor de Sens ont été sauvées de la profanation en 1793. Je m’empresse de vous transmettre ce renseignement, qui pourra vous être très utile dans la notice que vous préparez.
     «Les membres du district vinrent un jour au trésor pour en enlever les ornements d’or, d’argent et de pierreries qui étaient incrustés dans les châsses sous le prétexte de les envoyer à la monnaie, mais en réalité pour se les partager. Tout ce qui était précieux fut arraché et emporté. Quant aux châsses et aux ossements qu’elles contenaient, elles n’eurent pas le privilège d’exciter la stupidité des Vandales. Elles furent donc rejetées de côté. Ce n’était à leurs yeux que du bois et des ossements.
     «Le soir du même jour, M. Jean Hédiard, loueur de chaises du Chapitre et Charles Derouet, sacristain, se concertèrent et profitant des ténèbres, ils portèrent toutes les reliques chez l’un d’eux, qui demeurait dans le voisinage de la Cathédrale. Toutes les châsses furent cachées dans un cabinet qui se trouvait placé au fond d’une alcôve. Et afin que ces objets sacrés ne pussent pas être découverts par les révolutionnaires, on masqua la porte du cabinet par un papier de tenture placé à l’intérieur de l’alcôve et qui passait devant la porte sans l’indiquer.
     «A la restauration du culte, Monseigneur de la Tour du Pin Montauban, replaça solennellement toutes ces reliques au trésor.
     «J’aime à croire que ces renseignements suffiront pour vous convaincre que toutes les reliques du trésor de la Cathédrale de Sens sont parfaitement authentiques.
     «Agréer [sic], M. le Curé...»
     signé:     CARLIER, chanoine, gardien du trésor.

     Ainsi, assuré de l’authenticité des reliques de Sens, M. Bonvoisin en obtint quelques parcelles. Il s’occupa alors de faire revivre le culte des Corps Saints, à Etampes, Il édita une petite notice historique sur les Saints Martyrs et acquit une belle et grande châsse en bronze doré, grâce à des dons et à l’argent recueilli par la vente de sa notice. Et on reprit les processions traditionnelles avec la châsse. Cette châsse fort lourde fut remplacée dans la suite par une autre plus petite, que l’on plaça d’abord dans la chapelle des Corps Saints. Aujourd’hui cette chapelle est devenue la chapelle de saint Joseph. L’ancienne châsse se trouve dans le bas-côté gauche de l’église, à terre, près de la porte de sortie sur le cloître, et le nouveau reliquaire [p.64] est maintenant dans la sacristie. Près de la chapelle de saint Joseph; à droite, le long du mur, on peut voir encore deux grands tableaux représentant la mort des Saints Martyrs.

     Quant aux processions des mardis de Pâques et de la Pentecôte, elles ont cessé après la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, vers 1905. Les personnes d’un certain âge se rappellent très bien les avoir vues. Aujourd’hui, elles n’ont plus lieu. Mais souhaitons que nos Saints Martyrs Cant, Cantien et Cantienne, donnés comme patrons à Etampes avec saint Michel, protègent toujours notre ville, celle que nos rois aimaient appeler «notre bonne ville d’Etampes».

     SAINTE JULIENNE, SA FRESQUE, SA RELIQUE, SA CHAPELLE.

     Dans notre église, il existe une fresque ou peinture murale, moins importante que celle de «l’Ecce Homo», mais intéressante à plusieurs points de vue. Il s’agit de la représentation du martyre de sainte Julienne. Cette fresque se trouve au fond de l’église dans le bas-côté droit, sur la tourelle d’escalier qui conduit à l’étage supérieur de l’ancienne salle du Trésor, aujourd’hui sacristie de la chapelle de la Sainte Vierge.

Fresque de Sainte Julienne (cliché Bernard Gineste, 2003)      Plusieurs saintes portent ce nom de sainte Julienne. La plus célèbre est sainte Julienne de Falconieri, fondatrice de l’Ordre des Servites de Marie. Celle qui nous concerne est sainte Julienne, vierge, martyrisée à Nicomédie, en Asie Mineure, sous l’empereur Maximilien, le 16 février 311. On l’aurait fait mourir en la mettant dans une chaudière d’huile bouillante.

     Après la prise de Constantinople en 1203 par les Croisés, son corps, ou ce qui restait de son corps, ses reliques furent emportées par ces derniers. D’après une certaine tradition, un chevalier breton faisant partie de la Croisade obtint la tête de la sainte pour l’emporter dans son pays. Au retour, en passant au Val Saint-Germain, près de Dourdan, il fut retenu par une grave maladie, et il fit le vœu, s’il recouvrait la santé, d’élever au Val une église en l’honneur de sainte Julienne et d’y déposer sa relique. Il guérit et l’église fut construite. Dès lors, pendant des siècles, des milliers de pèlerins se donnaient rendez-vous au Val surtout pendant la semaine de la Pentecôte. On venait de trente lieues à la ronde, de Paris, de Chevreuse, de Saint-Michel sur-Orge, de Saint-Hilarion, de Bouville, d’Etampes. Ce sont des noms que nous avons relevés au hasard parmi les inscriptions sur les nombreux cierges laissés en ex-voto par les pèlerins. [p.65]

     Bien des églises dans la région voulurent avoir une statue, vitrail, une image ou même une relique de sainte Julienne. c’est ainsi qu’au XVIe siècle, dans l’église Notre-Dame d’Etampes, on représenta le martyre de la sainte sur un mur. Elle y est montrée dans sa chaudière, entourée de deux bourreaux qui attisent le feu, en costumes de soldats du moyen âge, dans un édifice aux colonnes surmontées de chapiteaux à volutes. D’après ces détails, la peinture semble être du début du XVIe siècle, comme celle de l’«Ecce Homo» de la sacristie.

     En dehors de cette peinture, nous possédons de sainte Julienne une relique, un petit ossement.

    Il est certain au moyen âge qu’il y avait dans la paroisse une confrérie de sainte Julienne, avec un autel dans l’église. Cet autel se trouvait près de la peinture, car nous y voyons en-dessous de cette peinture, une crédence, c’est-à-dire une petite niche creusée dans la pierre où on déposait les burettes. Y avait-il à cette époque un reliquaire de la sainte à cet endroit? C’est possible. En tout cas, la relique que nous possédons à l’heure actuelle vient de l’église Sainte-Croix, qui était sur la paroisse Notre-Dame, relique qui a été sauvée à la Révolution et remise ensuite à Notre-Dame.

     Pour recevoir cette précieuse relique, M. Denervaux, alors curé, aménagea une chapelle dite de sainte Julienne, à l’endroit où est actuellement la chapelle de sainte Jeanne d’Arc. Le 16 février 1819 il procéda à la bénédiction de la nouvelle chapelle dont les frais d’aménagement avaient été assurés par les soins d’Anne Ferry, épouse Berga, habitante de la paroisse. Il bénit également ce même jour, une nouvelle châsse en bois doré en forme de tombeau, surmontée d’une statue représentant sainte Julienne dans sa chaudière. Dans ce reliquaire, il y déposa des reliques déjà existantes de plusieurs saints.

     La chapelle et le reliquaire ainsi préparés, il organisa quelque jours après une cérémonie pour y déposer la relique de la sainte. Voici le procès-verbal où il rappelle cette installation ainsi que l’origine de la relique:
     «L’an depuis la naissance de N. S. Jésus-Christ 1819, le 3 juin, sous le Pontificat de Pie VII, Mgr Louis Charrier de la Roche étant évêque de Versailles, sous le règne de Louis XVIII, roi de France et de Navarre, Nous, Jean François Denervaux, curé de Notre-Dame d’Etampes, ayant reçu d’une personne pieuse un reliquaire ovale d’étain, contenant une portion des reliques de sainte Julienne, vierge martyre, avec l’authentique envoyé de Rome le 13 janvier 1754 par Mgr l’Evêque de Porphyre, assistant in trône pontifical, à l’Eglise collégiale de Sainte-Croix d’Etampes, [p.66] lesquels reliques ont été vues et permises d’être exposées à la vénération des fidèles par Mgr Paul d’Albert, archevêque de Sens, à Etampes le 9 mai 1758 dans le cours de ses visites épiscopales; lesdites reliques ayant été sauvées par une personne pieuse de la destruction avec l’authentique; nous les avons exposées dans une châsse avec d’autres reliques en présence du clergé et des administrateurs de la fabrique de Notre-Dame et autres notables soussignés avec nous... » suivent les signatures.

     Voilà donc la relique installée dans sa chapelle. Au-dessus de l’autel on mit un rétable [sic] en bois contenant un tableau peint à l’huile représentant, comme la fresque, le martyre de sainte Julienne. Le rétable et le tableau provenaient de l’église Sainte- Croix et avaient échappé comme la relique à la destruction des révolutionnaires. Le rétable en bois a disparu. Quant au tableau, il se trouve dans le presbytère de Notre-Dame, mais quelque peu détérioré.

     En 1832, la relique de sainte Julienne fut déposée dans un autre reliquaire plus important, en cuivre doré. C’est ce reliquaire que l’on sortait en procession au cours du siècle dernier avec un reliquaire semblable contenant les reliques des Corps Saints. Ces deux reliquaires sont actuellement dans la sacristie, témoignage de l’antique vénération des Etampois pour leurs Saints.

     LA CRYPTE DE NOTRE- DAME: ORIGINE, DESCRIPTION, DESTINATION.

     Les cryptes dans les premiers siècles du christianisme étaient des lieux souterrains où les fidèles ensevelissaient leurs morts et honoraient les martyrs. Lorsque la religion put se montrer au grand jour, à la suite de l’Edit de Constantin en 313, on éleva des églises au-dessus de ces cryptes. Dès lors, elles furent destinées à ensevelir les membres du clergé ou les personnages de marque. Et dans la suite on prit l’habitude au moins pour les églises importantes, de construire sous ces églises des chapelles souterraines servant à quelques cérémonies funéraires. Ce ne fut qu’à partir du XIVe siècle qu’on les vit disparaître presque complètement.

     Ainsi, sous le chœur de l’église Notre-Dame d’Etampes existe une crypte très ancienne qui remonterait à l’époque carolingienne, au IXe siècle. Elle servait de crypte à une église de cette époque. On y descend actuellement par deux escaliers latéraux [p.67] donnant dans les bas-côtés de l’église. Elle a environ 7 m. 50 de long sur 5 m. 50 de large avec le fond en demi-cercle.

     Sa voûte romane s’appuie sur un double rang de trois colonnes et sur douze demi-colonnes accolées aux murs. Les chapiteaux de ces colonnes sont carrés à pans coupés avec quelques dessins assez frustes. L’ensemble avec ses trois petites nefs en est très harmonieux.

     Primitivement, cette crypte n’était pas souterraine comme elle est maintenant. Au-dessus s’élevait une église qui avait été construite par les envoyés de l’évêque Savinien, évêque de Sens. Elle était dédiée à l’un d’entre eux, saint Sérin. De l’intérieur de l’église on pénétrait dans la crypte par une porte actuellement bouchée, située au milieu de la nef dans le bas. La crypte était éclairée par une baie étroite sur la gauche, dont la forme se rétrécissant vers l’extérieur et l’élévation au niveau de la voûte, montre bien qu’il s’agit de fenêtre romane, recevant la lumière du dehors. Quand Robert le Pieux a fait construire la collégiale sur son emplacement, la petite église de Saint-Sérin a été démolie et les matériaux restés sur place ont enterré complètement la crypte.

     Actuellement, la crypte est donc enfoncée à environ trois mètres de profondeur sous le dallage du chœur. Et de plus, il est probable que son sol n’est pas à la hauteur primitive. Ainsi les niches pratiquées dans le mur de chaque côté de l’autel devaient servir de crédences et leur peu d’élévation fait voir que le carrelage du sol a été lui-même exhaussé.

     De tout ceci on peut conclure que cette crypte appartenait à la première église élevée à Etampes, église fondée vers le XIe siècle [sic, coquille probable pour IIIe siècle] par les envoyés de Sens apôtres des Carnutes, s’il faut s’en rapporter à la tradition.

     Disons toutefois que les historiens ne sont pas tous d’accord sur ce point. C’est ainsi que M. Léon Marquis, dans son livre Les Rues d’Etampes et ses Monuments ne fait remonter la crypte que vers l’an 1500, en disant qu’elle n’est pas autre chose que le caveau de Jean de Foix et en s’appuyant sur Dom Fleureau. Or voici ce qu’écrit ce dernier à propos de Jean de Foix: «Ce seigneur, après s’être retiré en France autant plein d’honneur qu’accablé de travaux et de fatigues étant tombé malade, il se fit porter en la ville d’Etampes, où il arriva le cinquième jour de novembre 1500, et quelques jours après il mourut et son corps fut inhumé dans une petite voûte du caveau fait exprès dans le chœur de l’église Notre-Dame, entre le grand autel et l’effigie du comte d’Evreux.» [p.68]

     Il est certain que souvent les grands personnages au moyen âge étaient enterrés dans les églises. Mais leur tombeau n’était pas forcément dans des cryptes. D’après dom Fleureau, il s’agit d’un caveau entre le grand autel et l’effigie du Comte d’Evreux. Or le grand autel n’était pas comme maintenant dans le fond de l’église mais au milieu du chœur; et l’effigie du comte d’Evreux qui surmontait son tombeau n’était certainement pas au milieu du chœur mais sur le côté. Le caveau de Jean de Foix fut probablement mis au même endroit.

     D’ailleurs, au dire même de Léon Marquis, la crypte qui avait pu dans les débuts, servir de sépulture, fut dans la suite réservée aux offices des chanoines ou des fidèles, Il écrit en effet : «La crypte servait aux chanoines durant l’hiver pour y célébrer l’office canonial; et pendant la Révolution, en 1793 et 1794, les fidèles fervents s’y rendaient pour assister à la messe â l’abri des persécutions.»

     Après la Révolution en 1811, elle fut restaurée. On voit cette date au-dessus de l’escalier d’entrée qui est dans le bas-côté gauche de l’église. Il y a un autre escalier en face s’ouvrant dans le bas-côté droit. Ces deux entrées latérales ont été aménagées bien après la construction de l’église, quand l’autel principal a été reporté dans le fond de l’Eglise. C’est à ce moment qu’on boucha dans la crypte, la porte du milieu.

     De nos jours, M. l’archiprêtre, curé de Notre-Dame, y a installé un autel surmonté d’une vierge en pierre du XVIe siècle et de temps en temps, principalement l’hiver, où il règne une douce température dans cet endroit souterrain, on y fait des réunions et des offices.

     Si vous voulez visiter cette crypte, c’est facile. Elle est toujours ouverte. Vous allez dans le bas-côté gauche de l’église, à la hauteur du sanctuaire. Vous descendez un escalier de quelques marches et pour vous éclairer vous avez deux boutons d’électricité à votre main droite, qui donneront à la crypte, une lumière discrète tout en vous permettant de l’admirer en détail. On peut dire que c’est une partie de l’église très intéressante par son architecture, en même temps la plus vénérable parce que la plus ancienne.

     LA COLLÉGIALE: LE VITRAIL DES SIBYLLES, CURIOSITÉ DU SUJET, SA PERFECTION ET SA RICHESSE.

     Le vitrail, dit des Sibylles, dans l’église Notre-Dame est remarquable par sa facture et son sujet. Il date de l’époque de la Renaissance du XVIe siècle. Son dessin et ses couleurs sont fort bien traités. Léon Marquis écrit avec enthousiasme dans son livre sur Etampes: «Par un jeu de la perspective, dû sans doute à l’étrange irrégularité du monument, l’œil rencontre cette verrière presque de tous les côtés de l’église. Tantôt à demi voilée par une colonne, tantôt se découvrant tout entière, c’est une explosion de vive lumière où les têtes semblent s’animer et les personnages se mouvoir.»

Sybille érythréenne (cliché Bernard Gineste, 2003)      Quant au sujet traité, il est curieux. C’est la représentation de l’Arbre de Jessé, sujet que l’on retrouve assez souvent au moyen âge. Ainsi, nous le voyons à l’église Saint-Basile, non pas peint, mais sculpté dans le dossier d’un fauteuil, qui, dit-on, aurait servi à l’archevêque de Sens, Tristan Salazar, quand il vint à Etampes pour la consécration de l’église le 11 mars 1497. Ce fauteuil se trouve le long du pilier de droite, à l’entrée du chœur près de la grille. Ailleurs, on peut voir ce sujet dans une verrière de la cathédrale de Chartres, et de la Sainte Chapelle, à Paris. Tout le tympan du portail septentrional de la cathédrale de Bauvais [sic] est rempli par un immense arbre de Jessé. On trouve des arbres de Jessé jusque sur des constructions civiles.

     L’arbre de Jessé, c’est l’arbre généalogique du Christ. Le patriarche Jessé est représenté à terre et endormi. De sa poitrine s’élance un tronc vigoureux qui se ramifie de chaque côté, et chaque branche porte un des ancêtres ou un prophète qui a annoncé sa venue. La plus haute branche se termine par la Vierge Marie tenant l’Enfant Jésus entre ses bras.

     Ce qui est remarquable dans l’arbre de Jessé du vitrail d’Etampes, c’est que les ancêtres ou prophètes de Notre Seigneur sont remplacés par des prophétesses ou sibylles. L’auteur de ce vitrail a cédé à la tendance de son époque, la renaissance du monde païen, et il a dû faire un tour de force en attribuant aux Sibylles des prophéties concernant le Messie.

     Le vitrail représente donc douze Sibylles portées sur des branches. Elles montrent un écriteau où sont écrits en caractères gothiques, quelques passages de leurs soi-disants oracles. Voici les noms des personnages avec la traduction française des oracles.

     Le haut du vitrail représente la Vierge Marie et l’Enfant Jésus. [p.70] Un peu au-dessous nous voyons deux vrais prophètes avec leurs prédictions authentiques.

     A droite, c’est Isaïe qui annonce: «Un rejeton sortira de la race de Jessé»; à gauche c’est David qui dit «Tu es prêtre pour l’éternité».

     Voici maintenant les Sibylles. Nous mettons leurs oracles entre parenthèses. D’abord, en partant de la gauche: la sibylle Agrippa (un grand prophète naîtra d’une vierge par miracle); la sibylle de Cumes (ils donneront des soufflets à Dieu de leurs mains criminelles, leurs lèvres impures le couvriront de crachats) la Tiburtine (celui-ci est vraiment grand, il faut l’adorer).
Au deuxième rang: la Delphique (il reposera couché sur la paille comme un agneau, Dieu et homme il sera élevé par les soins d’une vierge); la Lybique (il naîtra d’une vierge dans la pauvreté et son règne n’aura pas de fin); la Persique (une vierge naîtra qui nourrira son fils de son propre lait).

     Dans la rangée suivante: la Cimmérienne (il naîtra d’une pauvre femme, les animaux eux-mêmes lui rendront hommage); l’Egéenne (dans des temps très prochains un Dieu naîtra d’une vierge juive); la Samienne (dans ce dernier âge, Dieu se fera homme et deviendra le salut des nations); la Phrygéenne (on touchera le Verbe invisible de Dieu, Dieu il naîtra d’une vierge); l’Erythréenne (Jésus-Christ, fils de Dieu et Sauveur dans la suite des siècles viendra du Ciel comme roi, plein de sainteté il paraîtra dans sa chair pour juger le monde); enfin l’Européenne (il viendra, il règnera dans la pauvreté et le silence).

     Toutes ces prophétesses aux attitudes différentes, sont richement habillées. Leur costume est varié. Il est éclatant sans être criard. L’or s’y mélange agréablement avec la pourpre; les perles brillent sur les sandales; les joyaux envoient de doux reflets; et rien dans les plis des vêtements ne saurait choquer la plus correcte élégance.

     Ce vitrail est vraiment une merveille. Il est du temps où Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers furent en succession rapide duchesses d’Etampes. Sa beauté rare laisse fort à supposer qu’il est un présent de l’une de ces dames fameuses.

     A la Révolution il subit quelques dommages. Il fut réparé en 1873 par les soins de M. l’abbé Delanoue, le même curé de Notre-Dame qui restaura la sacristie à la même époque. Cette restauration porta seulement sur la partie inférieure du vitrail. Le sujet principal avait été épargné et il faut nous en féliciter, car c’est une œuvre d’art de haute valeur, en même temps qu’un curieux document comme sujet religieux et profane tout à la fois. [p.71]

     VITRAIL ANCIEN DE JEAN HUE: BAPTÊME ET NAISSANCE DU CHRIST. AUTRES VITRAUX.

     Dans les comptes de dépenses de l’église Notre-Dame des années 1513-1515, il est fait mention de six verrières qui furent restaurées. A l’heure actuelle ces verrières n’existent plus, sauf une seule: la verrière de Maître Jean Huë. C’est elle que nous allons décrire. Elle se trouve dans le bas-côté droit, non loin de l’autel du Sacré-Cœur. Elle occupe une grande fenêtre à plein-cintre du XIIe siècle et comprend deux sujets de deux époques différentes : le Baptême du Christ et sa Nativité, La partie supérieure du XVe siècle, représentant le baptême est de beaucoup plus intéressante que la partie inférieure datée de 1571.

     Parlons d’abord du tableau supérieur. Jésus et Jean-Baptiste en occupent le centre. Ils paraissent de grandeur naturelle. Attention de ne pas confondre Jésus avec Jean-Baptiste ou réciproquement, parce que contrairement à la tradition Jésus est habillé dans un grand manteau bleu et semble dominer Jean-Baptiste. Il croise les bras sur sa poitrine. Sa tête n’est pas auréolée mais ornée de quelques rayons dorés. Ses pieds trempent dans l’eau du Jourdain. En face de lui Jean-Baptiste est vêtu d’un court vêtement de peau de bête. Il lève le bras droit pour verser l’eau sur la tête de Jésus au moyen d’une écuelle, et son bras gauche porte un tout petit agneau, l’agneau de Dieu qu’il a annoncé et qu’il est en train de baptiser.

     Au-dessus de Jésus on aperçoit une colombe qui symbolise l’Esprit Saint, la colombe descendue sur sa tête au moment du baptême, et on peut lire au même endroit sur une sorte de bandelette les paroles prononcées par le Père en cette circonstance «Hic est filius meus dile...» (dile.., pour dilectus) «Celui-ci est mon fils bien aimé». D’ailleurs le Père apparaît en haut sur la droite.

     Sur les bords du fleuve où a lieu le baptême on aperçoit quatre personnages habillés comme à l’époque du vitrail à droite, un homme âgé et une femme, et à gauche deux jeunes gens. C’est probablement la famille de Jean Huë. Le paysage se réduit à quelques plantes vertes sur la rive. Mais le fond du tableau est comme tendu d’un riche tissu à fond rouge avec des arabesques noirs. Et le tout est surmonté d’une décoration avec niches, supportée par des colonnes à chapiteaux flamboyants. [p.72]

     La donation de ce vitrail est attribuée à Maître Jean Huë, né à Etampes, doyen de la Sorbonne, mort en 1482. Ceci suppose que le vitrail est au moins de la seconde moitié du XVe siècle, et nous devons nous féliciter qu’il soit parvenu jusqu’à nous sans dommage, ce qui est assez rare pour les vitraux de cette époque qui ont eu à subir la fureur des Huguenots au moment des guerres de religion.

     Il n’en a pas été de même pour la partie inférieure de ce vitrail, qui représente «l’Adoration de l’Enfant Jésus». Le choix de ce sujet avait été fait intentionnellement en même temps que le sujet supérieur représentant le baptême du Christ. Ces deux épisodes sont rappelés par l’Eglise à l’occasion de la fête de l’Epiphanie. On avait donc au XVe siècle représenté les deux sujets clans la verrière, mais la partie inférieure seule fut détruite par les Huguenots en 1562, parce qu’elle était plus accessible à leurs coups.

     En 1571, date visible dans le vitrail même, on répara hâtivement les dégâts après leur passage. C’est cette restauration d’un verrier moins habile que le premier que nous avons actuellement sous les yeux. La scène se passe non dans une pauvre étable, mais dans un palais de style Renaissance qui paraît en ruines. L’Enfant Jésus est au premier plan couché sur des langes, un âne et un bœuf de taille minuscule soufflent sur lui pour le réchauffer, suivant la tradition. Autour de l’enfant, la Vierge et saint Joseph et un troisième personnage à peu près vêtu comme saint Joseph. Ce troisième personnage, qui occupe une place importante, qui n’est ni mage, ni berger, doit probablement représenter le donateur de ce vitrail: maître Jean Huë.

     Pour conclure, disons que ce vitrail en grande partie du XVe siècle est par ce fait une curiosité rare à notre époque.

     Dans notre église, nous pouvons en citer d’autres qui n’ont pas toutefois cette valeur, mais qui ont un certain intérêt, vitraux posés au cours des siècles suivants. Ainsi, les quatre rosaces percées clans les murs nord et sud du transept, particulièrement belles et riches par leurs tonalités, qui sont du XIXe siècle. Quant au grand vitrail du chœur au-dessus du maître autel, il peut dater du XVIIle ou même du XVIIe siècle. Il représente l’Assomption de la Sainte Vierge, mais à la suite des bombardements de la dernière guerre il a été fortement ébranlé et il s’en va par morceaux. A souhaiter qu’il se trouve un bienfaiteur comme Jean Hué pour le restaurer ou le refaire complètement dans une facture meilleure. A signaler encore dans un vitrail de la sacristie un Petit panneau en grisaille représentant [p.73] saint Sébastien, très fin comme dessin, que l’on peut dater du XVIe siècle.

     En somme, l’église Notre-Dame d’Etampes peut dire qu’elle possède quelques beaux et précieux spécimens de vitraux anciens.

     SON HISTOIRE A TRAVERS LES AGES, SES CÉRÉMONIES: «LE SALUT PAR PERSONNAGES»

Blason de Notre-Dame (dessin de Léon Marquis, 1881)      L’Eglise Notre-Dame est dans son ensemble un monument impressionnant. Le chœur, avec ses vastes dépendances, avec ses imposants piliers aux nombreuses colonnettes, étonne le visiteur. La beauté de la construction et ses dimensions rares s’expliquent quand on sait que l’église était Collégiale, c’est-à-dire administrée par un collège de chanoines, assisté de nombreux chapelains. Il y avait douze chanoines et jusqu’à dix-sept chapelains auxquels on peut ajouter le chapelain de la chapelle de Saint-Jacques de Bédégond et celui de la chapelle Saint Laurent du Château.

     Il faut aussi savoir que les rois successeurs de Robert le Pieux se plurent à enrichir la collégiale. Celle-ci profite encore de ce que Etampes devint comté, puis duché. Les comtes d’Etampes lui accordèrent de royales aumônes, et l’un d’eux, Louis d’Evreux y fonda cette messe au comte, qu’on chantait tous les jours à une heure très matinale et un autre, Jean de Berry lui donna une cloche.

     La collégiale participait aux événements importants de notre pays. C’est là que se tinrent aux XIe et XIIe siècles plusieurs conciles provinciaux et surtout le concile national où intervint Bernard en 1130. Qu’on se rappelle aussi les visites des papes Calixte II et Innocent II, des archevêques de Sens parmi lesquels Tristan Salazar. Qu’on pense aux obsèques solennelles de Jean de Foix, enterré dans l’église, à la pompe funèbre célébrée en l’honneur d’Anne de Bretagne, aux processions merveilleuses des Corps Saints, mais aussi aux dévastations (les guerres étrangères, religieuses et civiles sans oublier les entrées solennelles des rois ou des princesses, les fêtes plus modestes des arquebusiers ou de la Garde nationale, les éloges funèbres de Simonneau et les Te Deum, chantés sous ses voûtes à l’occasion des victoires de Louis XIV ou de Napoléon.

     Mais, sans conteste, l’âge d’or pour la Collégiale, fut le XVIe, l’époque de la Renaissance, période particulièrement [p.74] active et anxieuse d’embellir l’église par des œuvres d’art. C’est ainsi qu’en 1511, 1515 et 1524 on ajoute à la grande châsse des statuettes, des feuilles d’argent et on la fait dorer. Entre les années 1513 et 1515 des vitraux sont posés ou réparés, des statues en bois sont remises à neuf, on fait installer la Mise au Tombeau, on fait peindre l’Ecce Homo et on inaugure le vitrail des Sibylles.

     A cette même époque, le chœur de l’église est particulièrement aménagé. Il s’avance jusqu’à la chaire actuelle. Il est donc plus long d’une travée, et l’entrée du chœur est surmontée d’un Jubé. Le roi a sa place dans la première stalle à droite à l’entrée du chœur, et des places sont réservées pour la famille royale. A cet endroit, on voit encore de nos jours sur les piliers, qui étaient peints, un semis de fleurs de lis et de colliers.

     Le Jubé servait pour la lecture de l’épître et de l’évangile. On pouvait l’employer pour d’autres cérémonies, par exemple pour une cérémonie annuelle très particulière appelée le «salut par personnages », fondée par Maître Jean Huë, un des bienfaiteurs de l’église. Dom Fleureau décrit ainsi cette cérémonie:
     «Le grand salut par personnage se chante dans cette église le jour de la feste de l’Annonciation de Notre-Dame, auquel on habille deux enfants de chœur, l’un en fille qui représente la Sainte Vierge, et l’autre qui représente l’ange Gabriel qui leur annonce le Mystère de l’Incarnation. Tous les prêtres vont processionnellement au-dessous des orgues où ils chantent divers Motets convenables à la solennité; cependant les deux enfants, habillés comme nous avons dit, montent au Jubé. Celui des deux qui représente l’ange se place au bout du même Jubé du côté de l’Evangile et celui qui représente la Vierge se met à l’autre bout du côté de l’Epître; et après que les prêtres ont cessé, ils chantent à leur tour en forme de dialogue l’Evangile qu’on lit à la messe de ce jour, ensuite tous, passant par dedans le chœur, disent le De Profundis pour le repos de l’âme du fondateur et jettent de l’eau bénite sur sa tombe sous laquelle son corps repose près du grand autel.»

     Ces sortes de cérémonies attiraient beaucoup de monde. Pour recevoir ce monde, le chœur, nous l’avons dit, était très grand. Il comprenait quatre travées. On appelle travée l’espace entre deux colonnes du chœur. Dans la première travée il y avait le lutrin avec les chantres; dans la deuxième se trouvait le maître-autel et c’est sur cet autel qu’était exposée la châsse des corps saints; dans la troisième travée était un second autel garni de courtines ou rideaux. Un compte de dépenses [p.75] donne des détails précis sur ces courtines qui étaient tendues sur des tringles de cuivre. Ces tringles étaient supportées par six colonnettes de bronze surmontées d’anges. Deux autres colonnettes portaient les statues de l’ange Gabriel et de la Sainte Vierge. Dans la dernière travée de l’église se trouvaient les stalles des chanoines.

     On comprend les belles cérémonies qui pouvaient se dérouler dans un tel décor. Les temps sont changés. La Révolution a fait disparaître en grande partie les œuvres d’art contenues dans l’église. Le 25 novembre 1792 fut envoyée à la Monnaie de Paris l’argenterie provenant des églises d’Etampes. Le 8 décembre 1792 la société populaire d’Etampes fit passer à la Convention un arrêté pour que l’église Notre-Dame d’Etampes devienne le temple de la Raison triomphante. Le Concordat avec Napoléon ramena la liberté du culte et l’église Notre-Dame reprit ses cérémonies avec sans doute moins de faste qu’autrefois. De nos jours les chanoines et les chapelains ont disparu et la paroisse doit se contenter d’un curé et de deux vicaires, qui s’efforcent de faire aimer par les paroissiens leur belle église à la belle histoire.

     CHANOINES ET CHAPELAINS.

     La construction de l’église Notre-Dame fut entreprise par le Roi Robert au début du XIe siècle en 1020. Le roi après avoir doté cette église y établit un collège composé d’un abbé et de douze chanoines avec quelques chapelains. Le chef de ce collège portait le nom d’abbé, non pas que les clercs qui lui étaient soumis fussent religieux, mais parce que, dit l’historien dom Fleureau, «ce nom était une marque honorable que quelques chefs de chapître [sic] prenaient en ce temps-là pour s’autoriser davantage.»

     Au début, le Roi Robert s’était retenu le droit de patronat, c’est-à-dire de nommer l’abbé. A partir de 1143 les rois se réservèrent ce titre. Mais dès 1210 ce titre fut supprimé et le chantre remplaça l’abbé. Cependant le Roi de France resta pourvu du titre supprimé. Et en témoignage de ce fait la place du roi, jusqu’à la Révolution, demeura marquée dans l’église. D’après la coutume, la première stalle à droite dans le chœur restait vacante, celle du roi, alors que le chantre occupait la première stalle à gauche.

     Bien que dépourvu du titre d’abbé, il arriva au roi de vouloir [p.76] nominer ses candidats au chapitre. C’est ainsi qu’en 1553, Louis Guihourg fut canoniquement élu par le chapitre, mais en même temps le roi présenta Claude Sublet. Les chanoines refusèrent de recevoir ce dernier. Le roi, à cause de ce refus, fit saisir les biens de l’église Notre-Dame. Les chanoines lui firent remarquer que le droit d’élection leur appartenait, et comme ils justifiaient leurs prétentions par de bons titres, le roi ordonna de lever la saisie, et ainsi Louis Guibourg demeura chanoine et mourut paisiblement en 1566.

     Nous avons vu que le roi Robert avait établi douze chanoines. Ce nombre fut bientôt diminué par la cession d’une prébende vers 1140 au prieur et aux religieux de Saint-Martin-des-Champs de Paris.

     L’an 1529, ce nombre de onze prébendes canoniales qui restait fut diminué d’une autre pour l’employer à l’entretien et à la nourriture de deux enfants d’aube ou enfants de chœur. Un des chanoines se dévoua en abandonnant son titre et son revenu.

     Les chanoines vivaient au moyen de revenus pris sur les biens de la collégiale. Il y avait des biens affectés spécialement aux chanoines, c’étaient les prébendes, d’autres aux chapelains, et d’autres communs à tous les deux.

     En 1231, il fut décidé que ces biens communs ou biens de la communauté seraient distribués de la façon suivante: «Le chantre, chef du chapitre, recevra autant que deux chanoines, et un chanoine autant que deux chapelains; en outre ni le chantre, ni quelque autre bénéficier que ce soit ne recevra la distribution, c’est-à-dire sa part, pour Mâtines ou la Messe, s’il n’y assiste, excepté qu’il aura été saigné ou malade.»

     Malgré ces revenus et émoluments qu’ils touchaient, la plupart des chanoines vivaient difficilement. Les seigneurs d’Etampes s’en inquiétèrent, et l’un d’eux, Louis d’Evreux, comte d’Etampes, fit une fondation de Messe, appelée la fondation de la Messe au Comte. Le principal motif qui porta ce prince à établir cette fondation fut donc de venir en aide aux chanoines. Il est dit dans cette fondation: «qu’il sera chanté tous les jours à perpétuité une messe de la Vierge à notes et plain-chant au grand autel de cette église, avant le soleil levé ou environ, la première avant toutes les autres messes. Et parce qu’il est très juste que ceux qui travaillent au service de l’autel en retirent de quoi pouvoir vivre, il donne pour la fondation et dotation de cette messe cent livres parisis de rente converties en pain, pour être départi et distribué chaque jour à tous ceux du Collège qui assisteront à ladite messe et à ceux qui assisteront à la [p.77] grand-messe du jour qui sera célébrée en la même église, comme on a accoutumé d’ancienneté d’y faire des distributions.»

     Ces mots «à ceux du collège» sont à noter, d’autant qu’ils renferment non seulement le chantre et les chanoines qui se réservent le nom de chapitre, mais aussi les chapelains et les autres officiers de la même église.

     De plus, ce prince donna encore au même collège «vingt livres parisis de rente annuelle et perpétuelle pour la fondation et dotation d’une messe solennelle qui se doit célébrer à perpétuité par ledit collège chaque premier jour du mois pour le repos de son âme.»

     Nous pourrions ajouter à ces revenus le droit de «chasse à une bête» donné par Louis le Gros et le droit de foire le jour de l’Assomption, donné par Louis VII le Jeune.

     Ne pensons pas que le rôle des chanoines consistait à aller à la chasse et à toucher des revenus. Les fonctions des chanoines avant tout, était de rendre gloire à Dieu et de le prier ensemble, en communauté. C’est pourquoi leur groupement prend le nom de collège et que l’église qu’ils desservent s’appelle collégiale. Tous les jours ils doivent assurer les principales messes de fon dation, célébrer une messe solennelle à laquelle tous sont tenus d’assister sous peine d’amende et ensuite chanter à différentes heures du jour l’office canonial, c’est-à-dire les prières du bréviaire.

     Les autres cérémonies du culte, certaines messes de fondation, les baptêmes, mariages, sépultures et prières publiques, étaient assurées par les chapelains sous la direction du chanoine-chèvecier, chargé de l’entretien de l’église, lequel prendra au cours des siècles de plus en plus d’importance, et sera considéré comme le curé de la paroisse.

     Parlons maintenant des chapelains. Au début de la fondation de la collégiale on comptait six chapelains. Dans la suite, après le règlement de 1231, il y en eut jusqu’à dix-sept. Ces chapelains dans l’église desservaient les chapelles ou autels suivants de Saint-Jean-Baptiste, Saint-Denys, Saint-Macé, Saint-Michel, patron d’Etampes, lequel avait trois chapelains, Sainte-Marie Madeleine, Saint-Nicolas, Saint-Thomas, Saint-Guillaume, Sainte Marguerite, Saint-Eloy et Saint-Serin. Ce dernier était le patron de la primitive église sur laquelle fut construite la collégiale.

     Plus tard, en plus de ces dix-sept chapellenies, le roi Saint Louis fonda toujours dans l’église Notre-Dame, deux chapelles royales en 1254, au titre de Saint Denys et l’année suivante au titre de Saint Pierre. [p.78]

     De son côté, Louis Ier, comte d’Evreux en 1312, en fonda deux autres à Saint Pierre et Saint Paul, et à Saint Denys. D’autre part en dehors de l’église, il y avait des chapelains pour desservir la chapelle du cimetière dédiée à Saint Jacques de Bédégon et la chapelle du Séjour royal. Tous ces chapelains dépendaient des chanoines de Notre-Dame. C’est donc le chapitre qui les nommait. Mais celui-ci ne pouvait dépouiller le prêtre pourvu d’une chapellenie sinon pour le punir d’une faute bien constatée.

     Pourquoi dans la collégiale d’Etampes au cours de l’histoire, tous ces chanoines et chapelains?

     Nous savons qu’Etampes, étant ville royale, le roi y avait une demeure, appelé le Palais du Séjour. Naturellement quand le roi venait à Etampes, il était accompagné d’une grande partie de sa cour, de ses gardes et de ses serviteurs, ce qui donnait une grande importance à la paroisse et celle-ci profitait des libéralités royales. De nombreuses messes étaient célébrées tous les jours et dans certaines circonstances il y avait de grandioses cérémonies.

     Qu’on se rappelle les Conciles provinciaux et surtout le Concile national de 1130 présidé par saint Bernard, les obsèques solennelles de Jean de Foix, comte d’Etampes, qui furent faites, dit dom Fleureau, avec le plus de pompe et de magnificence qu’il fut possible aux habitants, la cérémonie funèbre en l’honneur d’Anne de Bretagne, comtesse d’Etampes, lors du passage de son corps que l’on conduisait à Blois, le service solennel chanté en 1665 pour le repos de l’âme du duc de Vendôme, et tous les Te Deum chantés à l’occasion des victoires ou des conquêtes royales.

     Mais la Révolution arriva et la collégiale termina son histoire. En 1791, le 28 germinal, an II, et le 19 messidor, an IV, les maisons terres et autres biens appartenant à la collégiale et situés sur les terroirs d’Etampes furent vendus comme biens nationaux, et le collège des chanoines fut dispersé.

     Le 3 juin 1795 reverra l’ouverture de l’église Notre-Dame, qui désormais n’est plus collégiale. Le seul chanoine qui la dessert actuellement est le curé-archiprêtre. Encore n’est-il que chanoine honoraire de Versailles, et il est assisté de deux vicaires qui ne prennent pas le titre de chapelains.

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BIBLIOGRAPHIE

Éditions

Léon Guibourgé      Brochure préalable: Léon GUIBOURGÉ [chanoine, ancien archiprêtre d’Étampes, officier d’Académie, membre de la Commission des arts et antiquités de Seine-et-Oise, vice-président de la Société artistique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix], Étampes, la favorite des rois [in-16; 64 p.; figures; plan et couverture en couleur; avant-propos de Barthélémy Durand, maire; dessin de couverture de Philippe Lejeune], Étampes, Éditions d’art Rameau, 1954.

    
Édition princeps: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [in-16 (20 cm); 253 p.; armoiries de la ville en couleurs sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Étampes, chez l’auteur (imprimerie de la Semeuse), 1957.

    
Réédition en fac-similé: Léon GUIBOURGÉ, Étampes, ville royale [réédition en fac-similé: 22 cm; 253 p.; broché; armoiries de la ville sur la couverture; préface d’Henri Lemoine], Péronnas, Éditions de la Tour Gile, 1997 [ISBN 2-87802-317-X].

    
Édition électronique: Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: Étampes ville royale (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampesvilleroyale.html (33 pages web) 2004.

     Ce chapitre:
Bernard GINESTE [éd.], «Léon Guibourgé: L’église Notre-Dame d’Étampes (1957)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-guibourge1957etampes301notredame.html, 2004.


Toute critique ou contribution seront les bienvenues. Any criticism or contribution welcome.
Source: Léon Guibourgé, Étampes, ville royale, 1957, pp. 39-78. Saisie: Bernard Gineste, octobre 2004.
    
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