CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
 
Paul Jousset
 La famille des Barres à Étampes
1929
 
 
    Paul Jousset, avocat étampois, a publié plusieurs notices importantes relatives à l’histoire d’Étampes. Voici pour commencer cette chronique de la famille des Barres à Étampes.
 
L’ABEILLE D’ÉTAMPES
118e Année - 1929
n°4, samedi 6 avril 1933.
La famille des Barres à Étampes
 

Pages d’histoire locale
La famille des BARRES à Étampes

     Nous n’avons pas l’intention de faire la généalogie de la famille des Barres, d’autres historiens plus versés que nous, MM. Quesvers et Henri Stein, ont fait paraître en 1901 un essai sur cette célèbre famille dont les noms se retrouvent dans les annales de la Brie, de la Bourgogne, du Gâtinais, du Bourbonnais, du Nivernais, de l’Anjou, depuis 1150. Enfant nous avons appris l’histoire du Chevalier Guillaume des Barres, sauvant le roi de France Philippe-Auguste, à la bataille de Bouvines, en 1214 (1).

     Nous nous contentons donc ici de relater les faits se rapportant à trois personnages de cette famille, dont nous avons retrouvé trace à Étampes et qui paraissent se rattacher aux branches de Massingey, Ampilly, Ruffey et Echirey et dont Regnault des Barres, châtelain de Brazey, 1386-1420 fut le fondateur.


     Le premier a nom Jehan Regnault des Barres, Chevalier Sieur des Lions et de Lavaudière en Anjou. Il est gentilhomme ordinaire de la Chambre de son Altesse Royale Monsieur, Duc d’Orléans, frère unique du roi Louis XIV: capitaine de cent reistres de cavalerie étrangère. Ce Chevalier des Barres avait épousé Marguerite de Millet, veuve en premières noces de Leclerc de Saint-Henry, sœur de messire Guillaume Millet, Chevalier Seigneur de Jeurs et autres lieux, Maréchal des Camps et Armées de Sa Majesté, Sous-Gouverneur de Monsieur, seigneur d’Anjou et premier gentilhomme ordinaire de sa maison (Le duc d’Anjou dont il est question ici était un fils de Louis XIV, mort jeune et sans postérité). Nous ignorons et la date et le lieu de son décès.
     (1) Guillaume des Barres, fils d’un seigneur d’Oissery (Seine-et-Marne), est qualifié dans les chartres chevalier seigneur d’Oissery, Forfry, Saint-Parthus, Silly, Ognes, Gondreville et La Ferté-Alais.
     Célèbre par sa force et sa valeur, il fut nommé le «brave des braves».
     Il se couvrit de gloire à la bataille de Bouvines (1214), où le roi de France ne dut guère qu’à lui d’avoir la vie sauve dans une lutte engagée corps à corps avec l’empereur Othon (2).
     Il mourut en 1234.
(La Grande Encyclopédie.)

     (2) Extrait de l’article Bouvines du Dictionnaire universel du XIXe siècle:
     «Le sire des Barres faisait si grand place à l’entour que l’on y pouvait mener un char à quatre roues, tant il éparpillait et abattait de gens devant lui.»

     De son mariage avec Marguerite Millet était né à Étampes le 15 mai 1658, Jean-Jacques.

     Nous avons recueilli les renseignements ci-dessus dans les registres paroissiaux de l’église Notre-Dame.

     2° Jean-Jacques Regnault de Barres, Chevalier, qui s’intitule en 1692, Conseiller du Roi en ses Conseils et États de Bretagne, Suzerain de Villeneuve d’Agenois, Abbé commandataire des Abbayes d’Eysses et de Blanche Couronne.

     Un acte des registres paroissiaux de l’église Notre-Dame, en date du 16 mai 1692, que nous relatons ci-après, nous fournit de curieux renseignements sur cette famille des Barres.
     Le sixième de mai 1692, dame Marguerite Millet, dame de Jeurre au jour de son décès, veuve de messire Jean Regnault, vivant Chevalier, etc., a été inhumé dans la cave dépendant de la Chapelle Sainte-Marguerite dans l’église royale collégiale et paroissiale de Notre-Dame d’Étampes. La dite cave bâtie sous ladite chapelle et qui a servi autrefois de sépulture à quelqu’uns des anciens Comtes et Barons dudit Étampes, des Maisons de Bourgogne, de Bretagne et de Navarre, de laquelle cave ensemble de ladite chapelle, acte ce jourd’hui fait concession à messire Jean-Jacques Regnault de Barres, etc., pour lui et les siens de son côté et lignée à perpétuité par messieurs du Chapitre conjointement aux curés et marguilliers de l’œuvre et fabrique de ladite église extraordinairement assemblées au son de cloche et ladite inhumation faite en présence dudit Seigneur de Barres, fils ses susdits Seigneur et dame, etc…
     La Chapelle Sainte-Marguerite aurait donc été, d’après l’acte ci-dessus, le lieu de sépulture des Comtes d’Étampes, alors que Fleureau, vingt années plus tôt, indiquait la chapelle souterraine au-dessous du chœur.

     Nous pensons qu’il y a lieu de croire plus probant l’acte relaté que la relation faite par le savant barnabite, dont certains récits manquent de précision.

     De son mariage avec Isabelle Juvénal de Harville des Ursins de Tresnel est né le 11 juin 1717, Adrien-Constant-Esprit Regnault de Barres.

     Jean-Jacques Regnault de Barres fut pourvu de la charge de bailli, Gouverneur et Capitaine des ville, château et duché d’Étampes, par lettres patentes du Roi, en date du 6 avril 1718, enregistré au Parlement de Paris, le 3 juin 1718.
 
     Voici ces lettres:
     «Louis par la Grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre à tous ceux que ces présentes lettres verrons salut.
     La pleine et entière confiance que nous avons en la personne de notre cher et bien amé Jean-Jacques Regnault de Barres, Comte de Barres, Chevalier de l’Ordre Militaire de Mont-Carmel et de Saint-Lazare, de Jérusalem, à la considération des longs et importants services de ses pères ayeuls et bisayeuls dans les différents emplois dont ils ont été honorés par les Roys nos prédécesseurs et ceux par lui rendus dans les Estats de nos pays le Duché de Bretagne, nous engageons à luy témoigner notre satisfaction à nous acausés en agréant et confirmant la nomination de notre très chère et très amée cousine cousine Marie-Anne de Bourbon, princesse de notre sang, duchesse de Vendosme, de Mercœur et d’Etampes, de l’avis de notre très cher et très amé oncle le Duc d’Orléans, petit-fils de France, Régent, nous lui avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes signés de notre main, l’état et charge de Bailly, Gouverneur et Capitaine des ville, château et duché d’Etampes, vaccante par la démission de notre cher et bien aimé Pierre Boutet de Marival, premier gentilhomme ordinaire de notre dit oncle le duc d’Orléans, pour, par ledit sieur Comte de Barres la voir tenir et dorénavant exercer en jouir et user avec honneurs, autorités, prérogatives, prééminances, privilèges, exemptions, franchises, libertés, gages, droits, fruits, profits, revenus et émoluments accoutumés».


     Les présentes lettres ne furent enregistrées au bailliage d’Étampes que le 24 février 1722 date de la réception du nouveau bailli.

     Jean-Jacques Regnault de Barres mourut le 5 août 1743, au château de Jeurre, paroisse de Saint-Germain-les-Étampes (Morigny) et avait passé en survivance sa charge de bailli et gouverneur d’Étampes, à son fils par lettres de Roi du 7 juillet 1722.

     Son acte de décès que nous avons retrouvé à Morigny est ainsi rédigé:

     «L’an 1743, le 5 août, est décédé au château de Barres, dans cette paroisse, haut et puissant seigneur messire Jean-Jacques Regnault, vivant Chevalier Comte de Barres, Baron de Laaz, Seigneur de Villeneuve-sur-Auvers, La Forêt-Ste-Croix et autres lieux, gouverneur et grand bailli pour le Roi des ville, château et duché d’Étampes, Chevalier, Commandeur des Ordres militaires et hospitalier de Saint-Lazare, de Jérusalem et de Mont-Carmel, âgé de 88 ans ou environ (il n’en avait que 85) et a été inhumé dans l’église royale et collégiale de Notre-Dame d’Étampes, lieu de sa sépulture et de ses ancêtres où nous l’avons conduit le six des susdits mois et an. Le chef Chantre de Notre-Dame, Lausmenier, procéda à cette inhumation et l’a relaté sur les registres de la paroisse.
»

     3° Adrien-Constant-Esprit Regnault de Barres, Chevalier Comte de Barres fut d’abord Capitaine Commandant le premier Escadron de Dragons Valons de Sa Majesté Impériale (Marie-Thérèse d’Autriche, Impératrice d’Allemagne et mère de Marie-Antoinette, femme de Louis XVI et Reine de France), puis chevau-léger de la garde du roi Louis XV.

     A la mort de son père, nous le trouvons pourvu de l’office de Bailli, Gouverneur et Capitaine des ville, château et duché d’Étampes.

     Il épousa en l’église Saint-Bazile d’Étampes le 9 juin 1744, Claude-Charlotte de Viart, née à Étampes, le 6 juillet 1716, fille de Charles-Guillaume de Viart, Chevalier et de Madeleine-Thérèse Duris.

     Sa mère très haute et très puissante dame Isabelle Juvénal des Ursins n’assistait pas à son mariage et avait donné son consentement par acte passé devant les Conseillers du Roi notaires au Châtelet de Paris.

     De son mariage naquit le 10 août 1745, une fille Catherine-Isabelle-Charlotte, qui mourut en bas âge.

     Le Comte de Barres conserva sa charge de bailli d’Étampes jusqu’en 1764, date à laquelle elle passa à Guy Henry, Marquis de Valory, Seigneur du Bourgneuf, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs.

     De plus, le Comte de Barres vendit son château de Jeurre, comme un pied à terre à Étampes et se retira à Paris, où il mourut vers 1785.

     Sa femme lui survécut puisque nous la voyons figurer dans l’acte dressé par l’Abbé Haillard, curé de Saint-Basile, lors de la fête de la première rosière célébrée le 1er juin 1789.

     L’établissement de cette rosière est d’ailleurs dû aux libéralités de la Comtesse de Barres, née de Viart, et de ses neveu et nièces.

     L’une de ses nièces Charlotte de Viart devait épouser en l’église Saint-Germain-les-Étampes, le 15 juin 1790, Louis-Amable de Lort, Lieutenant-Colonel au corps de Carabiniers de France. L’autre, Madeleine de Viart, devait devenir l’épouse de M. de Romanet, Général de Brigade, Maire d’Étampes sous l’Empire, mort à Paris en 1830.

     La révolution en passant devait supprimer la donation faite par la famile de Viart. Mais par son testament, en date du 27 octobre 1812, Mme de Lort, rétablissait la fondation faite vingt années auparavant en faveur d’une rosière, fondation qui est parvenue jusqu’à nous.

     Mme la Comtesse de Barres mourut vers 1794 puisque nous la voyons faire une donation de 400 livres aux pauvres de la ville, le 24 Nivose an II de la République, par l’intermédiaire du citoyen Picart.

     Le Conseil de la Commune décide que l’emploi de cette somme sera fait en pains qui seront distribués indifféremment à tous.

     La chapelle Sainte-Marguerite de l’église Notre-Dame dont il est question ici est complètement disparue. Elle fait aujourd’hui partie de la Sacristie. D’ailleurs de l’extérieur on en reconnaît parfaitement la structure.

     Lors de la vente des biens nationaux effectuée le 19 Messidor an IV, sous le n°2.710, au sieur Cancalou et comprenant des bâtiments du cloître, cet acquéreur comme tous les rapaces de l’époque, ne trouva rien de mieux que de s’approprier les chapelles Sainte-Marguerite et du Sépulcre, contiguës à l’église.

     Nous le voyons entrer en lutte avec l’Administration municipale qui, elle, revendique les deux chapelles comme étant une portion inhérente et inséparable de l’église.

     Les démêlés durèrent sept années, puisque le 29 Pluviose an X de la République, nous trouvons toujours le citoyen Cancalou en possession des chapelles malgré la décision du Ministre des Finances du 28 Vendémiaire an VI et de l’arrêté du Département du 28 Brumaire suivant.

     Le Maire fut autorisé à requérir du citoyen Cancalou la justification de ses titres et à le contrandre dans le cas où il en jouirait indûment à délaisser les objets dont il ne serait pas véritablement acquéreur. M. Bouraine, maire d’Étampes et premier sous-préfet de l’arrondissement, devait enfin faire rendre à l’église, les deux chapelles devenues aujourd’hui Sacristie.

P. JOUSSET,
Architecte.


Source: exemplaire de l’Abeille de la collection de François Jousset.
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Éditions


     Paul JOUSSET, «La famille des Barres à Étampes», in L’Abeille d’Étampes 118/4 (samedi 6 avril 1929).

     François JOUSSET [éd.], «Paul Jousset: La famille des Barres à Étampes (1929)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-pauljousset1929familledesbarres.html, 2005.

Sur la famille des Barres

     Paul QUESVERS & Henri STEIN (1862-1940), Essai de généalogie de la famille Des Barres (Brie, Gâtinais, Sénonais, Nivernais, Berri, Bourbonnais, Bourgogne) [in-4°; 52 p; tableaux; extrait du tome III des Inscriptions de l’ancien diocèse de Sens], Fontainebleau, M. Bourges, 1901.

     Bernard GINESTE [dir.], «Abbaye de Morigny: Achat d’une rente de huit livres au cens de La Ferté-Alais (quatre actes de 1248)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-13-morigny1248laferte.html, 2004-2005.
 

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