Corpus Historique Étampois
 
Auguste Terrier
À tire d’ailes, Étampes en 1909
L’Abeille d’Étampes du 1er janvier 1910
     
Tire d'ailes      

     Au seuil de l’année 1910, Auguste Terrier, sous le pseudonyme de Paul Clermont, propose aux lecteurs de L’Abeille d’Étampes un bilan de l’année 1909 qui sachève, pour ce qui concerne du moins Étampes et sa région. Cette synthèse de l’actualité locale, si subjective soit-elle, a naturellement une valeur irremplaçable pour l’histoire locale du XXe siècle étampois, et c’est pourquoi nous la mettons à la disposition de tous les historiens comme de tous les curieux de l’histoire du Sud-Essonne.
Bernard Gineste, 2018
  
Auguste Terrier
À tire d’ailes, Étampes en 1909
L’Abeille d’Étampes du 1er janvier 1910
     

  À tire d’ailes
Étampes en 1909


   
     La vie locale de l'arrondissement d’Étampes en 1909 n’a pas été très animée et le chroniqueur de la fin d’année en a bien vite fait le tour.

   Après le grand coup des élections sénatoriales du 3 janvier 1909 qui a renouvelé les pouvoirs de MM. de Courcel et Poirson et appelé au Sénat MM. Aimond et Ferdinand Dreyfus, la vie électorale a été absolument nulle durant toute l’année. On se prépare au nouveau grand coup des élections législatives de mai 1910 et du renouvellement partiel du Conseil général et du Conseil d’arrondissement au mois de juillet 1910. Faites vos jeux! Faites vos jeux! Que d’ambitions déchaînées! Que de polémiques pleines de promesses! Que de curiosités en émoi! Nous allons donc revoir les clichés usuels: «Tous aux urnes! Pas d’abstentions! Électeurs, on vous trompe» etc., etc. Il y aura du bon pour les agents électoraux, pour les journaux, pour les salles de réunion et pour les marchands de vestes!...

   La vie municipale a été calme. Notre municipalité continue posément son œuvre d’administration et d’amélioration avec le souci de ne pas grever les budgets des contribuables déjà si énergiquement frappés par l’État. La question de la caserne d’artillerie a montré combien l’état précaire de nos finances municipales enrayait l'essor et les ambitions de la ville, car le Ministère de la Guerre ne l’envisage qu’au point de vue financier et à toutes les bonnes raisons des municipalités ne répond que par le mot fameux des seigneurs féodaux pressurant les serfs taxables et corvéables à merci: «Çà, de l’argent! çà, de l’argent!» C’est un peu la défense nationale à l’adjudication. Du moins un vœu de notre Conseil général réserve-t-il les droits et les aspirations d’Étampes en ce qui concerne la possibilité de l’établissement d’une caserne de cavalerie.

   Et puis, il y a cette question de l’eau! On y revient toujours et plus encore maintenant que l’autorité militaire considère l’eau d’Étampes comme insuffisamment saine et qu’elle efface notre ville des itinéraires des régiments. Et puis, il y a encore cette question du renouvellement du traité décennal du Collège! Voilà de la tablature pour notre assemblée municipale où chacun du moins reconnaîtra que la majorité et l’opposition sont toutes deux également actives.

   N’oublions pas de signaler ici la brillante inauguration de la mairie de Méréville, le 13 juin dernier, où le sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts, M. Dujardin-Beaumetz, répondant à l’invitation de la municipalité et du Comité des fêtes et cédant aux instances de notre député, M. Amodru, vint brillamment représenter le gouvernement de la République.

   Questions d’intérêt général? Il faut mettre en première ligne l’adjudication et le commencement des travaux du chemin de fer d’intérêt local d’Étampes à Arpajon et d’Étampes à La Ferté- Alais, Milly et Corbeil. Que d’efforts il a fallu pour aboutir à ces expropriations et à ces premiers coups de pioche! Quand la locomotive joindra enfin Étampes à Arpajon et aux Halles Centrales d’une part et à deux chefs-lieux de canton d’autre part, notre arrondissement pourra enfin être fier de son réseau de communications et la vie économique de la région en sera singulièrement facilitée. Notons aussi le doublement des voies de Brétigny à Étampes qui fait honneur à la Compagnie d’Orléans et qui ne s’achèvera que lorsque sera résolue la grosse question de l’agrandissement de la gare d’Étampes.

   Alors Étampes sera appelée à devenir un centre de tourisme. Elle sera amenée à se galvaniser. Tâche difficile du fait de la carte de la ville et de la composition même de la population. On a la preuve de cette stagnation dans le chiffre trop restreint des spectateurs ordinaires du Théâtre d’Étampes où les efforts de M. Furet ne sont pas encore assez encouragés par le public. Elle sera du moins combattue par la formation en 1909 d’un groupement nouveau, l’Union des Commerçants et Industriels, qui veut défendre les intérêts du commerce local et attirer les visiteurs et qui a brillamment inauguré sa carrière par une kermesse au Port le 25 juillet, où la célèbre musique du 1er régiment du génie nous donna un si remarquable concert. Le deuxième acte sera le concours de gymnastique du 26 juin 1910: nul doute qu’il n’ait le même succès, l’accord des bonnes volontés étant aujourd’hui accompli.

   Une égale activité s’est manifestée dans les rangs de la jeunesse par le développement des sociétés de gymnastique et la fondation de nombreuses sociétés de tir. Nous avons eu à ce propos deux belles fêtes, la fête de gymnastique organisée le 27 juin à Étréchy par la municipalité et la société l’Espérance, et où les petites pupilles de Sèvres se couvrirent de gloire, et la fête de tir donnée le 4 juillet à Chalou-Moulineux. On a même pu organiser dans l’arrondissement une Fédération des sociétés de tir. Voilà un heureux mouvement et dont les résultats seront féconds. Bravo, jeunes gens! C’est bien le ludus pro patriâ.

   Toujours sur ce terrain des sports, rappelons la création d’une société de pêche, la Truite d’Étampes, qui en est à ses débuts. Mais surtout il faut enregistrer nos petites annales aéronautiques. Les chercheurs d’ailes n’ont pas oublié Étampes, et nous avons eu successivement le vol de Blériot d’Étampes à Chevilly (42 kilomètres) le 13 juillet, magnifique performance qui prépara ce roi de l’air à la sensationnelle traversée de la Manche le 25 juillet ; le très original concours de planeurs et cerfs-volants organisé le 19 septembre à Étampes par l’actif C. S. E., et dont les lecteurs du New-York Herald eurent un récit si détaillé; les premiers essais en octobre de l’aviateur Villermet sur la route de Dourdan; et enfin, le 21 décembre, la tentative hardie de l’aviateur Jacques de Lesseps qui partit de Guinette pour gagner le prix de 100 kilomètres en ligne droite et, après un fort beau départ, alla échouer à Villesauvage, tentative qu’il a renouvelée hier jeudi et qui, on le verra plus loin, a eu le même sort. Remercions ces hommes courageux qui ont marqué à notre bonne ville une petite place fort honorable dans l’histoire de la conquête de l’air, et rappelons aussi à ce propos combien fut profondément ressenti à Étampes le deuil national lors de la catastrophe du dirigeable République, frère de la Patrie, et qui explosa au retour des grandes manœuvres.

   Crimes, procès, faits-divers, cette rubrique ne chôma guère. Hors de [ligne manquante] Albinet, l’auteur de l’attentat contre l’express de Toulouse, condamné à mort par la Cour d’assises de Seine-et-Oise, résigné aux aveux après sa condamnation et qui fut grâcié; et Petitjean, comte de Parvilliez, baron de Bourainville, chef des Californiens de Méréville, qui se laissa pincer à Lyon et fait en ce moment le tour et la joie des tribunaux des diverses villes où il s’acquit tous droits à un séjour perpétuel à la Guyane. Auprès de ces gloires de la prison d’Étampes les autres hôtes de l’immeuble de la rue de la Prison ne sont qu’un menu fretin et nos annales judiciaires ne sont remarquables que par le procès de chasse fait à ce gamin de Cerny qui avait capturé un animal inconnu ni sauvage ni domestique, quelque léporide sans doute; et par quelques procès de presse qui ne relèveraient pas le prestige de la profession de journaliste à Étampes s’ils ne découlaient tous du même parti pris de scandale.

   Rayon des accidents. La terrible explosion de la poudrerie du Bouchet le 6 octobre a fait trois victimes, dont une à Itteville, le jeune poudrier Beauvilliers: notre député sut dire aux obsèques le deuil de nous tous pour ces braves gens tombés au champ d’honneur. Quelques incendies graves, particulièrement à Chalo-Saint-Mard où le 9 mai le feu dévora les bois de la vallée de la Chalouette à Boinville et le 29 novembre une partie du chantier de M. Trillaud, sinistre qui aurait pu devenir une catastrophe sans la brillante intervention des pompiers de Chalo-Saint-Mard et d’Étampes.

   Rayon des grèves. Il fut plus actif, trop actif cette année. Celle des ouvriers de la fonderie Lory au mois de mai fut toute pacifique. Celle des P. T. T. fit faire de nombreuses pertes à tous nos concitoyens. Mais la plus sérieuse fut celle des ouvriers terrassiers de l’Orléans qui le 22 août à Étréchy envahirent la voie et renversèrent une locomotive et le 28 août, après une réunion agitée au Casino, envahirent notre gare sans billets et s’embarquèrent de force dans un train.

   Nous aurons terminé cette revue de fin d’année en rappelant la fondation à Étampes d’une Société d’Agriculture qui s’efforcera de donner à nos cultivateurs des informations et des études techniques, et en mentionnant l’invasion des cantons de Méréville et d’Étampes par les mulots.

   Et maintenant que l'année 1910 soit douce à nos concitoyens et nous fournisse dans douze mois une chronique plus variée et plus heureuse!

Paul Clermont.
   L’Abeille d’Étampes 99/1 (1er janvier 1910), p. 1 (saisie de Bernard Gineste).


Tire d'ailes      

   
SourceL’Abeille d’Étampes 99/1 (1er janvier 1910), p. 1 (saisie de Bernard Gineste, 2018).
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Auguste TERRIER (sous le pseudonyme de Paul CLERMONT), «À tire d’ailes, Étampes en 1909», in L’Abeille d’Étampes 99/1 (1er janvier 1910), p. 1.

     Bernard GINESTE [éd.], «Auguste Terrier: À tire d’ailes, Étampes en 1909
», in Corpus Étampois, www.corpusetampois.com/che-20-terrier1910etampesen1909.html, 2018.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
    
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-Arts — HistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail