Corpus Littéraire Étampois
 
 
Henri Jabineau
Lettre à un ami de province
1779
 
 
 Lettre à un ami de province, édition de 1779
 
     Henri Jabineau, né à Étampes le 30 mars 1724 dans une famille d’avocats, fait ses études à Paris. Entré chez les prêtres de la Doctrine chrétienne, professeur puis recteur du collège de Vitry-le-François, il finit par quitter cet ordre. Après s’être livré à la prédication en province, il passe sa licence de droit et devient avocat en 1768, apparemment spécialiste du droit canon, c’est-à-dire ecclésiastique.
      Il publie plusieurs ouvrages religieux et participe à diverses controverses théologiques de son temps, notamment à une querelle sur la nature du sacrifice qui s’opère lorsque les prêtres catholiques consacrent le pain et le vin: nous mettons en ligne ce texte un peu aride mais instructif également d
un point de vue sociologique, Lettre à un ami de province.
  
LETTRE
A UN AMI
DE PROVINCE


     Nos petites disputes, mon cher Ami, ont donc pénétré jusques dans votre désert: je dis petites, parce que, bien appréciées, elles ne méritoient pas la chaleur qu’on y a mise de part & d’autre. Et comme on vous en écrit fort diversement, vous me priez de vous dire les choses au vrai, persuadé de ma sévere impartialité. Vous me rendez justice; mais pourvu que vous ne donniez pas ce nom à une indifférence apathique, qui fait demeurer neutre au milieu des objets qui méritent le plus qu’on s’y intéresse. On peut être impartial sans être neutre; ainsi, quoique décidé pour un des deux sentimens, je le suis, je vous assure, avec toute la modération d’une homme qui ne trouve point mauvais qu’on pense autrement, qui sait apprécier les preuves du sentiment opposé, qui ne donne point au sien plus d’autorité qu’il ne doit en avoir; ce qui constitue, ce me semble, l’impartialité.

     Vous prétendez que vous ne sauriez démêler, dans ce qu’on vous marque, précisément l’objet de la dispute: je le crois très-aisément; car ici même, sur vingt personnes qui s’échauffent très-vivement dans cette controverse, à [p.4] peine en trouverez-vous une demi-douzaine qui l’aient même saisie. La plupart défendent le sentiment quelconque de Monsieur un tel, & d’autres celui de son adversaire également indéterminé pour eux. Je vais tâcher de vous le présenter d’une maniere claire, après vous avoir exposé en peu de mots les faits, qui sont peut-être la partie la plus essentielle de la querelle, par les personnalités déplacées qu’on y a malheureusement mêlées.

     M. Pl. dont vous connoissez l’honnêteté, la douceur, la piété, avoit composé, il y a nombre d’années, un Ouvrage sur le Sacrifice de la Messe, que plusieurs Amis, entr’autres MM. Menedrieux & Gourlin, après l’examen le plus scrupuleux, avoient jugé digne de l’impression. Mais comme c’est l’homme le plus modeste, le plus éloigné de la manie d’être Auteur, il s’étoit refusé long-temps aux instances de plusieurs personnes qui connoissoient ce Traité. Enfin, l’année dernière, il consentit à donner son Manuscrit muni de l’approbation d’un Censeur. L’Ouvrage fut goûté, enlevé d’abord avec une sorte de rapidité; mais qui fut tout d’un coup arrêtée par le bruit répandu, qu’il y avoit des erreurs dans l’exposition dogmatique de Sacrifice. On attribua ce premier soulevement à un Théologien que vous connoissez et estimez avec raison (M. P.), & on s’est beaucoup récrié contre son procédé: on a prétendu qu’il violoit toutes les regles de l’honnêteté, & encore plus de la charité chrétienne; qu’il auroit dû, suivant le précepte de J. C. avertir l’Auteur en particulier, lui exposer les endroits qui lui faisoient peine dans l’Ouvrage, écouter ses réponses, & voir [p.5] s’il y avoit quelque moyen de se concilier sans bruit & sans éclat. Mais il y a de l’excès dans ces reproches. A la bonne heure, M. P. auroit pu effectivement prendre ces ménagémens (sic); il y a même toute apparence qu’il l’eût fait, s’il avoit pû prévoir la commotion qu’occasionneroit son improbation; mais il n’étoit pas lié d’une maniere particuliere avec l’Auteur; il a exposé, devant quelques Amis, sa maniere de penser sur l’Ouvrage, comme on le fait librement sur tout Ecrit qui paroît dans le Public: or, pouvoit-il prévoir que son suffrage seroit ensuite répandu avec une chaleur qu’il n’y pas mise lui-même? qu’on crieroit, comme d’après lui, que le Traité du Sacrifice étoit plein d’erreurs? que vingt échos, aussi automates que ceux qui répetent les sons matériels, répéteroient les mêmes imputations, sans savoir quelles étoient ces erreurs qu’ils reprochoient au Livre? Quand il y auroit eu quelque tort dans son procédé, on y manquoit beaucoup plus, & par la maniere de relever celui qu’il avoit, & parce qu’on en ajoutoit qu’il n’avoit pas.

     Vous êtes impatient de savoir quel est donc l’objet précis de cette dispute; le voici: en mettant de côté quelques inexactitudes justement reprochées au Livre, que l’Auteur a retranchées aussi-tôt, & dont il n’est plus question maintenant. L’Abbé Pl. voulant expliquer la nature & l’essence du Sacrifice de la Messe, établit qu’il consiste dans l’oblation actuelle de la Victime immolée sur le Calvaire, & rendue réellement présente sur l’Autel par la Consécration; que cette Consécration, sans immoler réellement la Victime, sans opérer [p.6] une séparation réelle du Corps & du Sang, le met cependant sur l’Autel sous des signes de mort, ce qui forme une immolation mystique, c’est-à-dire, selon l’Abbé Pl., une immolation représentative de l’immolation sanglante opérée sur la Croix.

     Ceci a besoin d’un certain développement pour être mieux entendu. Observez donc, 1°. que tous les Théologiens conviennent que, dans tout Sacrifice, il y a nécessairement ces deux choses, l’immolation de la Victime & l’oblation de la Victime immolée; 2°. que ces mêmes Théologiens ajoutent que le Sacrifice de la Messe étant un Sacrifice très-réel, il doit y avoir une immolation aussi-réelle; 3°. que le Sacrifice de la Messe étant essentiellement le même que celui de la Croix, il ne peut y avoir sur l’Autel d’autre Victime, ni d’autre immolation sanglante que celle qui s’est faite sur le Calvaire; 4°. qu’ici les Théologiens se partagent en deux sentimens: les uns prétendent, qu’outre l’immolation sanglante opérée sur le Calvaire, il y en a une très-réelle, quoique non sanglante , sur l’Autel; que cette immolation consiste en ce que, par les paroles de la Consécration, il se fait une séparation du Corps et du Sang de Jesus-Christ, aussi réelle qu’elle peut l’être; c’est-à-dire, que ces paroles, ceci est mon Corps, ne mettant que le Corps sous l’espece du Pain, ces paroles, ceci est mon Sang, ne mettant que le Sang sous l’espece du Vin, forment comme un glaive mystérieux, qui par leur vertu, vi verborum, opérent une sorte de séparation de l’un & de l’autre; quoique par un accompagnement nécessaire, suite de la nature d’un corps vivant, [p.7] le Corps ne puissent être sans le Sang, ni le Sang sans le Corps. Les autres Théologiens, qui trouvent cette explication trop subtile, soutiennent que le Sacrifice de la Messe étant un Sacrifice très-réel, exige une immolation aussi réelle; mais que ce Sacrifice étant identiquement le même que celui de la Croix, continué, perpétué sur l’Autel, il ne faut pas y chercher d’autre immolation réelle que celle du Calvaire; que c’est cette unique immolation très-réelle que nous offrons sur l’Autel; & que la Victime immolée sur la Croix y est rendue présente par une action efficace, qui représente cette immolation, en mettant cette Victime sous des signes, sous des symboles de séparation et de mort.

     En un mot, tous étant d’accord sur la réalité de la Victime rendue présente au Sacrifice de la Messe par la Consécration, les premiers veulent qu’il y ait une immolation très-réelle, quoique mystérieuse; les derniers ne reconnoissent d’immolation, de séparation réelle que celle du Calvaire,& n’admettent à l’Autel qu’une immolation représentative, qui met Jesus-Christ sous des signes de séparation et de mort.

     De ces deux opinions, M. Pl. a choisi la derniere, qui lui a paru plus simple, plus raisonnable, plus analogue à l’essence d’un Sacrifice unique, plus propre à répondre à l’objection des Protestants qui nous accusent de faire injure au Sacrifice de Jesus-Christ en le multipliant. Et en cela il n’a fait que marcher à la suite des Auteurs les plus respectables; M. Bossuet, dans l’Exposition de la foi contre les Protestans, Ouvrage où l’Eglise entiere a [p.8] reconnu sa Foi; M. Nicole, qui s’étoit trouvé plus que personne dans le cas d’approfondir cette question; M. Gourlin, qui a adopté ce sentiment dans plusieurs Ouvrages, & dans un Livre dont il avoit pesé tous les termes; M. Badoire, dans des Prônes justement estimés; M. l’Archevêque de Lyon, défendant son Catéchisme; &c.

     De cet exposé très-simple, j’en tire ces conséquences, dont l’évidence doit frapper toute personne équitable, & à la quelle même j’ose dire qu’il n’est pas possibles que les plus prévenues puissent s’y refuser.

     La premiere, c’est qu’il n’étoit donc nullement question de la Foi dans cette controverse; le tout se bornoit à opter entre deux sentimens théologiques, à choisir la maniere d’expliquer une immolation non sanglante & mystique, que de part & d’autre on reconnoît dans le Sacrifice de la Messe.

     La seconde, c’est qu’il y a eu une souveraine injustice, qu’on ne peut ignorer que par une ignorance de l’état même de la question, dans ceux qui ont déclamé avec si peu de modération contre l’Auteur, comme s’il se fût rendu coupable d’erreur, & contre l’Ouvrage qu’ils se sont permis de décrier. Je n’impute ces excès à personne en particulier, & encore moins à l’homme respectable qu’on met à la tête du sentiment opposé à celui de M. Pl.; mais cette injustice a existé, & le débit de l’Ouvrage s’en est senti.

     La Troisieme, c’est qu’il est inconcevable comment on a pu trouver mauvais qu’un Auteur moderne adoptât un sentiment soutenu long-temps avant lui dans toute l’Eglise, sans [p.9] aucune réclamation. Cette opinion, a-t-on dit depuis, n’a pas deux cens ans, elle est née après le Concile de Trente: je l’accorde pour un moment; mais on m’accordera aussi qu’elle a été assez accréditée depuis; que M. de Bossuet l’a trouvée très-Catholique dans le siecle dernier; qu’on l’a lue dans les Essais de Morale cent fois, sans que personne ait pensé à s’élever contre; que, de nos jours, l’Auteur de la Doctrine Chrétienne, ce Livre, qui est entre les mains de tout le monde, qui, mis dans le creuset par les ennemis les plus envenimés, en est sorti intact, n’a point cru devoir en embrasser d’autres. Eh quoi! Pourroit dire M. Pl. ce qui a été permis pendant deux cens ans, ne le seroit plus en 1778! Par quelle fatalité vingt Théologiens auroient-ils pu penser & parler comme moi sans qu’on leur en ait fait un crime, & m’en fera-t-on un parce que je pense & parle comme eux? Soyons équitables, Monsieur, & quelque systême que nous ayons épousé dans cette contestation théologique, nous conviendrons qu’il étoit inconcevable qu’on commencât précisément par M. Pl. pour transformer en erreur dangereuse ce qu’on avoit laissé passer jusques-là comme une opinion nullement repréhensible.

     Revenons maintenant aux faits. Vous comprenez, par ce que je viens de vous dire, que la querelle s’échauffoit; l’idée seule d’erreur soulevoit tout-à-la-fois, & la Religion de ceux qui croyoient la voir dans le Traité du Sacrifice de la Messe, & le zele des Amis de l’Auteur, qui ne voyoient pas sans émotion qu’on osât l’en soupçonner. Des personnes sensées crurent que le moyen le plus efficace, pour [p.10] arrêter la fermentation, seroit de réunir des Amis instruits, pour voir, de concert avec M. P. & M. Pl. s’il n’y auroit pas quelque moyen de se concilier, & de calmer cette espece d’orage élevé contre le Traité. Comme l’Assemblée étoit composée de gens qui avoient chacun leur opinion toute formée sur cet objet, vous comprenez aisément que chacun défendit la sienne, c’est-à-dire, l’une de celles que je vous ai exposée plus haut. Un des Assistans fit observer que si on prétendoit trouver un moyen de conciliation dans le sacrifice que les uns feroient de leur sentiment à celui des autres, c’étoit tenter l’impossible; qu’il ne voyoit qu’un moyen, c’étoit que chacun demeurant dans son opinion (ce qui étoit juste, ni l’une ni l’autre n’étant de foi), on mît, dans l’endroit de l’Ouvrage qui faisoit de la peine, un carton, qui, exposant d’une manière exacte ce qui étoit avoué de part et d’autre comme certain, laisseroit les opinions de côté, & n’en feroit pas même mention, loin de donner la préférence à l’une sur l’autre.

     Cet expédient fut adopté; & on chargea celui-là même qui l’avoit proposé, de dresser le carton. Il le fit, en ménageant tellement les expressions, que le dogme fut nettement présenté, personne n’eut à se plaindre de trouver son opinion rejettée, pour donner la préférence à l’autre. M. P., qui étoit regardé comme l’adversaire le plus décidé de M. Pl. approuva le carton; M. Pl. de son côté en fut satisfait: & enfin le Censeur y mit sa signature pour qu’il fût donné à l’impression.

     Vous vous réjouissez déjà de voir toute cette querelle terminée, l’Ouvrage excellent par lui-[p.11]même reprenant son cours, & chacun jouissant en paix de la liberté naturelle de prendre quel parti on juge à propos dans les opinions douteuses, in dubiis libertas. J’avoue J’avoue que c’eût été le parti le plus sage; & que l’Auteur du Traité eût peut-être dû ne point s’en écarter. Je me persuade même qu’il l’eût fait, s’il avoit pu prévoir les suites affligeantes que devoit avoir un changement de résolution auquel il a eu la facilité de se prêter. Mais des Amis, trop peu attentifs à tout ce qu’exige le bien de la paix, lui représenterent qu’il falloit tout céder quand la Foi y étoit intéressée, mais qu’il étoit intolérable qu’on voulût dominer sur les opinions, & l’obliger à abandonner la sienne, qui n’avoit rien de contraire au Dogme Catholique. M. Pl. se laissa persuader, arrêta l’impression du carton convenu, & en fit un autre; où, après avoir expliqué les deux sentimens de l’Immolation réelle & représentative, il s’en tenoit au sien, en l’appuyant de raisons & d’autorités.

     S’il ne fit pas en cela ce qui étoit le plus expédient, il fit au moins ce qui lui étoit permis; il usa de son droit: & les personnes au fait conviendront que je ne suis pas suspect en lui rendant cette justice.

     Alors M. P. crut pouvoir se permettre une entreprise qui vous paraîtra sans doute nouvelle en ce genre. Il fit lui-même un carton propre à être encadré dans l’Ouvrage même de son adversaire, & qui a été imprimé. Il y développe l’opinion opposée à celle de M. Pl. & semble la donner comme appartenante à la Foi. Je conviens bonnement que cette idée seule, de mettre un carton à l’Ouvrage d’un [p.12] Auteur vivant, pour lui faire dire précisément le contraire de ce qu’il veut dire, m’a paru, & à toutes les personnes désintéressées, un de ces procédés peu communs parmi les gens honnêtes, & qu’il n’est pas aisé d’excuser. Que M. P. eût fait un Ecrit, une Dissertation théologique pour appuyer son sentiment & réfuter celui de l’Auteur du Traité du Sacrifice, personne n’auroit pu le trouver mauvais; mais, cartonner un Ouvrage étranger, forcer un Auteur à adopter malgré lui, & à voir dans son propre Ouvrage un sentiment qu’il rejette; je le répete, c’est une entreprise singuliere, & qu’il est difficile de caractériser. J’aime à me persuader que M. P. lui-même n’y aura pas réfléchi: un mouvement subit de zele l’aura transporté; il n’aura été frappé que d’une seule pensée, la peine de voir dans un Ouvrage, d’ailleurs estimable & assez répandu, une doctrine qui lui paroissoit peu exacte, il aura cru pouvoir se permettre de la corriger. Peut-être même les instances de quelques Amis qui vouloient mettre dans leur Exemplaire une exposition doctrinale, que sur l’autorité de M. P. ils croyoient plus analogue à la Foi, lui auront-ils dérobé cette complaisance, qui l’aura empêché de voir le peu de décence & les inconvéniens trop réels de pareilles interpolations.

     Quoi qu’il en soit, tout le monde n’a pas vu avec la même modération ce procédé. Un Auteur, qui paroît avoir le style un peu vif & un peu amer, l’a relevé avec force, & même avec une sorte d’aigreur qu’on ne peut gueres concilier avec les égards que prescrit la charité. Il auroit pu sans doute faire sentir à M. P. [p.13] l’irrégularité de sa conduite, lui montrer honnêtement que, distrait sur les principes les plus inviolables du droit des gens, il avoit attenté, sans le vouloir sûrement, sur une propriété sacrée; qu’il avoit autorisé, par son exemple, la conduite de ces homme hardi dont nous nous sommes plaints si hautement, qui ont ainsi altéré les meilleurs Ouvrage pour y fourrer leur système; que la persuasion qu’il n’inséroit que de bon dans un Ouvrage étranger, ne changeoit rien à la nature de son action, parce que les autres en pensoient autant, &c.; mais lui reprocher un despotisme odieux, l’entêtement de vouloir faire dominer sa maniere de penser; supposer à ses ordre une petite cabale qui, jugeant sur son infaillible autorité, décrioit l’Ouvrage qu’il avoit trouvé répréhensible; rappeler ces divisions de Corinthe où on se déclaroit pour Paul ou pour Céphas, en oubliant J. C.; voilà ce que l’Auteur de la Lettre n’auroit dû ni penser, ni encore moins se permettre de dire. Sans ces écarts, on n’eût vu dans sa Lettre que la discussion très-bien faite d’un Théologien habile, qui, convenant du partage d’opinion sur cette question, démontre qu’on a tort de vouloir asservir à l’une ou à l’autre, & justifie très-bien celle qu’il a choisie.

     Qu’est-il arrivé de la Lettre? C’est que les Lecteurs, plus frappés des injures que des raisons, ont moins apperçu le tort réel de l’insertion du carton, & que M. P. n’a pas profité d’une correction si peu fraternelle. En effet, dans ce moment-là même, paroissoit un Ouvrage d’un Théologien très estimé de M. P., Ouvrage que l’Auteur avoit revu avec une exactitude même [p.14] minutieuse, & auquel il avoit protesté devant moi qu’il ne souffriroit pas le plus petit changement. Malheureusement cet Ouvrage expliquoit l’Immolation du sacrifice de la Messe de la même maniere que l’Auteur cartonné. Pour agir conséquemment, M. P. a cru pouvoir se permettre aussi un carton pour ce Cours d’Instructions. J’avoue qu’en ayant entendu parler, j’ai d’abord cru que c’étoit une méchanceté ou un persifflage contre M. P. que cette attribution; mais quand j’ai eu ce carton, & que j’ai su qu’il l’avouait, j’ai eu peine à en croire mes propres yeux. Personne assûrement n’estime & ne respecte M. P. plus que moi: mais comment n’a-t-il pas senti combien ce procédé, envisagé sous toutes ses faces, paroîtroit inoui à tous les Lecteurs de sang froid? Comment n’a-t-il pas vu que c’étoit faire une injure caractérisée à M. G. que de supposer qu’il avoit mis dans un Ouvrage élémentaire, des principes erronés, qu’on étoit forcé de corriger par un carton; que c’étoit affoiblir visiblement la bonne opinion qu’on avoit de ces Instructions; puisque, s’il y avoit une erreur sur un point aussi trivial, aussi rebattu contre les Protestans, il pouvoit s’y en être glissé beaucoup d’autres moins aisées à appercevoir: que c’étoit exactement se permettre un faux; parce que toutes les personnes qui auroient l’Ouvrage ainsi cartonné, croyant lire le sentiment de M. G. liroient précisément le contraire. On a dit, pour excuser M. P., que M. G. lui avoit laissé ses Manuscrits, avec priere de les revoir, & de ne point en laisser imprimer qu’il n’eût réformé ce qu’il y avoit d’inexact. Cela est vrai, mais une telle priere n’est que l’expression [p.15] de la modestie connue de ce grand Théologien. Elle donne droit à M. P. de corriger des inexactitudes non appercues, des incorrections échappées dans la chaleur de la composition; mais non pas de prêter à un Ecrivain des opinions théologiques, diamétralement opposées à celles qu’il a choisies avec réflexion. M. G. n’étaoit pas assez neuf en Théologie pour ne pas savoir qu’il y avoit deux sentimens sur l’Immolation dans le Sacrifice de la Messe. Il a préféré celle qui lui a paru la mieux appuyée, la plus analogue au Dogme révélé. Nul Reviseur n’a droit de le faire changer après sa mort de maniere de penser; & ce ne sont pas là de ces inadvertances soumises à sa correction. Ainsi M. P. est également chargé de revoir le Traité de la Grace du même M. G. Celui-ci avoit un systême particulier sur l’auxilium sine quo, ou la Grace d’Adam innocent, qui peut bien n’être pas plus celui de M. P. que le mien; se croiroit-il en droit de l’ôter & d’y substituer le sien?

     Convenons, Monsieur, qu’avec les vues les plus droites, & les intentions les plus pures, nous y mêlons tous malheureusement de l’humain; que quand nous nous sommes avancés, quoique mal-à-propos, parce que nous croyons avoir raison au fond, nous nous persuadons qu’il ne faut pas reculer. M. P. en cartonnant le Traité du Sacrifice, s’est mis dans un défilé sans issue. Il a senti qu’il falloit, ou reconnoître qu’il s’étoit trop avancé, ou prendre le parti violent, après avoir arrêté M. Pl. au passage, de regarder comme erroné tout ouvrage qui renfermeroit le même sentiment, &ne pas le laisser passer sans réforme. [p.16] Il a pris ce dernier parti; & s’il veut être conséquent, il doit donner à son zele un effet retroactif, envoyer des cartons à l’Editeur actuel de Bossuet, au Libraire Desprez pour M. Nicole, & à l’Imprimeur de Mezanguy.

     Tel est l’état actuel de la dispute au moment où je vous écris. Je conçois que vous voudrez trouver dans ma Lettre mon sentiment personnel sur le point Théologique dont est question. Je vais vous le dire; mais après vous avoir répeté que ce n’est qu’une opinion, que je suis à mille lieues de vouloir subjuguer celle des autres; que je ne lui donne nullement l’importance d’un dogme.

     Je crois point qu’il n’y a point de nouvelle Immolation réelle dans le Sacrifice de la Messe; que la seule Immolation réelle de notre Sacrifice est celle même de la Croix, toujours subsistante aux yeux de Dieu, & rendu sensible sur l’Autel par la séparation mystique des especes, par cette Immolation représentative, qui en rendant Jesus-Christ présent par l’efficace des paroles consécratoires, le met, quoique vivant, sous des signes de séparation & de mort, suivant l’expression de Saint Jean, tamquàm occisum; & voici en peu de mots mes raisons.

     1°. Le premier fondement des Partisans de l’Immolation réelle, c’est que les paroles de la consécration, mettant par leur vertu propre le corps seul d’un côté & le sang de l’autre, operent autant qu’il est possible une séparation réelle, à laquelle s’oppose seul l’état de Jesus-Christ, vivant & immortel. Mais c’est-là une subtilité Théologique, qui a une sorte de vérité, mais qui a été inconnue à tous les Peres, [p.17] qui est peu propre à éclairer les Fideles, & qui leur fait substituer à l’Immolation de Jesus-Chist (sic) sur la croix, qui est la vraie Immolation d’un Sacrifice unique, & toujours le même, une Immolation inintelligible, qui n’immole point réellement la victime, mais qui l’immoleroit, si elle pouvoit l’être.

     2°. C’est ce me semble un abus trop marqué des termes les plus populaires, que de vouloir absolument appeler réel ce qui ne l’est pas, & qui même ne peut pas l’être. De l’aveu de M. P. & de tous ceux qui défendent cette opinion, cette Immolation ne touche pas la victime même, elle lui est extrinseque, c’est son expression. Le glaive mystique ne porte pas sur la victime, de maniere à y opérer une séparation ni sanglante, ni non-sanglante. Qu’il porte sur les symboles, sur les signes, sur les especes tant que l’on voudra, jamais on ne pourra dire qu’il immole réellement la victime cachée sous ces symboles.

     3°. Il est impossible de répondre à ce raisonnement simple de M. Duguet, qui fonde l’unité du sacrifice sur l’unité & de la victime, & de l’Immolation de cette victime. Envain cherchera-t-on, dit-il, un autre Sacrifice que celui de Jesus-Christ, & plus inutilement encore cherchera-t-on une autre Immolation que celle de la Croix. Ce n’est point, dit-on, une nouvelle Immolation sanglante; soit: c’est donc une Immolation non sanglante, mais réelle. Dès-lors voilà deux Immolations très-réelles, & d’une réalité totalement différente; l’une réelle avec effusion de sang; l’autre sans effusion de sang. Comment ne pas [p.18] appercevoir dans cette double Immolation un double Sacrifice, quoique de la même victime?

     4°. Dans le choix de deux manières d’expliquer l’Immolation essentielle au Sacrifice, le bon sens dicte qu’il faut choisir celle qui fournit une réponse plus tranchante, plus victorieuse aux ennemis du Sacrifice de nos Autels. Quelle est la grande objection des Protestants? C’est que nous faisons injure à l’unité du Sacrifice de Jesus-Christ sur la Croix, en la réitérant sur l’Autel Eucharistique, en l’immolant une seconde fois. Leur répondrons-nous que nous ne reconnoissons qu’une seule Immolation sanglante, que celle que nous réitérons est une Immolation non-sanglante quoique réelle? Dès-lors, nous laissons subsister la moitié de la difficulté; mais si nous leur disons, nous ne croyons qu’un seul & même Sacrifice, parce que nous ne reconnoissons qu’une victime unique, une unique Immolation de cette victime, que la consécration qui est l’acte sacrifical, en rendant Jesus-Christ présent sur l’Autel, ne l’immole pas de nouveau, qu’elle l’y met comme victime immolée une seule fois, & qu’elle l’y met sous des signes de morts par une Immolation représentative de celle de la Croix. Cette réponse est précise, & détruit victorieusement l’objection; c’est parce que cette Immolation est unique & a tout obtenu, que nous ne la réitérons pas; c’est parce qu’elle est souverainement efficace, que nous ne cessons de l’offrir sur l’Autel, pour nous appliquer ce qu’elle nous a mérité sur la Croix.

     5° Plus les mysteres sont respectables, plus [p.19] ils exigent le Sacrifice plein & entier de notre raison orguilleuse (sic), & plus aussi on doit être attentif à ne plus les multiplier sans nécessité. C’en est un assurément très-grand, très-au-dessus de la raison, très-révoltant pour les sens, que la présence vraie, réelle, substantielle de Jesus-Christ sur l’Autel, tandis que nos yeux n’y voient que du pain qui n’y est pas. Mais c’en seroit un second & bien plus étrange, que cette Immolation très-réelle, & qui ne le seroit pas, qui sans toucher la victime, l’immoleroit réellement, qui lui étant extrinseque, opéreroit cependant sur elle. Je dis que ce seroit un mystere bien étrange; j’aurois pu employer une expression plus forte, puisqu’il implique contradiction. Car, remarquez je vous prie ceci: Quand les Incrédules frondent nos mysteres, ils nous accusent de débiter des idées absurdes, d’admettre des choses qui sont diamétralement contradictoires, qui supposent être & ne pas être. Ainsi, disent-ils, vous voulez dans la Trinité qu’un soit trois, & que trois ne soient qu’un. Que leur répondent nos Controversistes? Vous êtes ou ignorans ou de mauvaise foi: nous ne disons pas que ce qui est un est trois, & que ce qui est trois est un: ce qui est un en Dieu, c’est la nature: ce qui est trois sont les personnes: Or, nature & personne n’est pas la même chose: il n’y a qu’une nature en Dieu, & il y a trois personnes; il y a deux natures en Jesus-Christ, & il n’y a qu’une personne. Ce n’est donc pas du même terme que nous disons qu’il est un, & qu’il est trois; Vous nous prêtez donc une absurdité que nous n’avouons pas. Mais dans la controverse actuelle, [p.20] c’est une Immolation qui implique identiquement contradiction; elle est réelle, & elle ne l’est pas; elle est réelle, puisqu’on la suppose telle, & elle ne l’est pas, puisqu’elle n’affecte pas réellement la victime; elle est réelle, puisqu’on ne veut pas qu’elle soit seulement représentative de l’Immolation du Calvaire; & elle n’est pas réelle, puisqu’elle est extrinseque à la victime présente sur l’Autel; elle forme une séparation réelle, (puisque Immolation est synonime (sic) ici de séparation), & elle ne sépare réellement rien que les signes ou les especes. Envain donc nous répete-t-on que c’est un mystere, que c’est une opération toute mystérieuse, toute pleine de mysteres: voilà de grands mots; mais c’est trop exiger, que de vouloir que je me soumette, non-seulement aux mysteres que la foi m’offre, mais encore à des mysteres théologiques.

     Envain ajoutera-t-on encore que ce n’est point par des raisonnemens, par des systêmes, mais par l’autorité de la Tradition qu’il faut juger cette question. Sans doute; or la Tradition dépose unanimement pour cette Immolation. Il est difficile de croire que ceux qui proposent cette objection la trouvent eux-mêmes fort embarrassante. On pourra effectivement citer cent passages, qui parlent d’Immolation sur l’Autel; mais il n’est point d’Ecolier sur les bancs, qui ne puissent répondre par cette distinction simple, qui rentre dans la question même; une Immolation représentative, je l’avoue; une Immolation réelle, je la nie. En effet, les Peres, les Conciles, les anciens Auteurs employoient ce mot d’Immolation sans aucun inconvénient, parce que tout [p.21] le monde l’entendoit dans son vrai sens, & qu’il ne venoit dans l’esprit de personne d’y attacher l’idée d’une Immolation réelle. Securius loquebantur vobis non litigantibus. Cette dispute née de la subtilité scholastique n’étoit pas connue: & si la chose étoit nécessaire, il seroit aisé de montrer que beaucoup de Peres déterminent cette expression au sens d’une Immolation représentative, & que quelques-uns excluent même formellement celui d’une Immolation réelle.

     Mais je n’ai garde de m’engager dans cette discussion & trop longue, & souverainement inutile dans mon idée. Car pour vous dire finalement ma pensée, c’est que je regarde tout ceci comme une pure dispute de mots; & si ceux qu’elle qu’elle a si fort échauffés avoient bien voulu y réfléchir, elle leur eût paru puérile, & peu dignes de Théologiens raisonnables: je vais, je crois, vous le démontrer. N’est-il pas vrai que si on est d’accord sur l’objet, que la division ne soit que sur le nom donné à cet objet, qui est avoué de part & d’autre, ce n’est qu’une dispute de mots Cela posé, voici ce qui est vrai & convenu. L’action du Sacrifice de la Messe consiste dans la Consécration; cette action mystérieuse & efficace, par laquelle le Prêtre rend Jesus-Christ réellement présent sur l’Autel. Par ces paroles, ceci est mon sang, il met le corps de Jesus-Christ sous l’espece du pain; par ces paroles, ceci est mon sang, il met le sang sous l’espece du vin: voilà l’Immolation du Sacrifice. Amen, répond-on de part & d’autre. Mais cette action, dit M. P., doit s’appeller une Immolation réelle, parce que par sa nature, son effet pro[p.22]pre, elle sépare autant qu’il est en elle le corps de Jesus-Christ d’avec son sang, & l’immole d’une maniere mystérieuse. Cette action, dit P. Pl. ne sçauroit s’appeller Immolation réelle, mais seulement représentative, parce que réellement elle ne sépare pas le corps d’avec le sang, elle n’affecte pas le corps, mais les especes; elle n’est qu’une représentation vive, parlante, sensible de l’unique Immolation de la Croix, de la séparation faite sur le Calvaire, du corps & de l’ame de Jesus-Christ par sa mort. Eh! MM., dès que cette action est réelle, qu’elle a, de votre aveu commun, tout l’effet qu’elle peut & doit avoir; qu’importe au fond de la chose à l’essence du Sacrifice, à sa vérité, que cette Immolation se nomme réelle ou représentative? Réelle à la bonne heure, parce que si cela étoit possible, elle auroit la force de séparer le corps & le sang; représentative, parce que de fait, elle ne les sépare pas. Un exemple pris de ce même mystere; fera mieux concevoir encore que c’est disputer sur un nom. Tous les Théologiens Catholiques conviennent que par la consécration, Jesus-Christ se trouve présent sur l’Autel; que le pain & le vin sont changés au corps & au sang de Jesus-Christ, par la transubstantiation ou changement de substance; en-sorte que le pain n’y est plus, & qu’il n’y a que le corps de Jesus-Christ. Mais ce corps de Jesus-Christ y est-il rendu présent par adduction ou par production? Grande dispute dans l’Ecole; mais dispute sur laquelle un Théologien sensé auroit honte de s’appésantir (sic). Vous êtes d’accord, leur diroit-il, que Jesus-Christ est-là très-réellement présent. Y est-il [p.23] amené, y est-il produit? Laissez-là cette misérable subtilité que la foi ne connoît pas. Je dirois de même à nos Contendans; vous reconnoissiez que Jesus-Christ immolé une seule fois sur le Calvaire, est par la Consécration rendu présent sur nos Autels, comme notre victime; que quoique vivant, il y est comm mort, & sous des signes de morts. Qu’importe au dogme catholique, que vous appelliez cette action qui l’y rend présent, Immolation réelle ou Immolation représentative? Conservez chacun votre expression; mais conservez encore plus la paix, l’unité & la charité.

     Savez-vous, Monsieur, ce qui est vraiment important & essentiel pour nous, ce sur quoi on n’appuye point assez, & quelle est l’Immolation très-réelle, toujours subsistante de Sacrifice que Jesus-Christ a offert & offre continuellement pour nous? La voici: c’est cette Immolation intérieure, par laquelle Jesus-Christ présent sur nos Autels, comme notre victime, continue son Immolation dans ce qu’elle a de plus précieux, c’est-à-dire, dans cette disposition, de donner sa vie pour honorer la souveraineté de Dieu & appaiser sa justice, & offre actuellement cette Immolation du Calvaire dans ce qu’elle a eu de plus cruel, de plus humiliant, de plus capable de fléchir la colere de Dieu. C’est-là la partie la  plus essentielle de cet auguste Sacrifice, & qui en fait tout le prix. L’ame de Jesus-Christ sur l’Autel y est pleine des mêmes sentimens de religion, d’obéissance, de compassion pour les pécheurs, qu’il a offert à son Pere au Calvaire; il lui offre les douleurs comme présentes [p.24] dans sa disposition; il ratifie tout ce qui s’est passé alors, par cette Immolation très-réelle, quoique secrette, quoique intérieure, qui offre ce corps cloué à la croix, & expirant au milieu des plus pénétrantes douleurs. Voilà le fond du Sacrifice, & à quoi tout l’extérieur se rapporte. Il n’y a plus de mort, d’Immolation nouvelle, de nouvelle effusion de sang, parce qu’une seule hostie a tout consommé, & qu’elle ne peut être réitérée, parce qu’elle a tout obtenu; mais c’est précisément parce qu’elle ne peut être réitérée qu’elle est perpétuelle; c’est parce que l’Immolation faite sur le Calvaire est souverainement efficace, que Jesus-Christ la continue en s’immolant très-réellement, mais par son esprit, par cette disposition de Sacrifice toujours subsistante dans son ame sainte, & qui nous applique tout le fruit, tous les mérites infinis du Sacrifice de la Croix.

     Voilà ce qu’il faudroit, Monsieur, répéter aux Fideles, pour ranimer leur foi & leur confiance, & dont on devroit les occuper, & non pas de ces disputes stériles, de ces combats de mots, comme parle l’Apôtre, peu propres à édifier & à nourrir la piété.

     J’ai l’honneur, &c.

     Ce 7 Janvier 1779.

[p.25]
 
POSTCRIPTUM (sic)


      COMME je ne me proposois pas de discuter avec étendue, ainsi que je vous l’ai dit, les deux opinions de l’immolation réelle & représentative, je n’ai insisté ni sur les raisons péremptoires, ni sur les autorités multipliées qui militent contre cette immolation réelle. Il est cependant une autorité très-grave dans l’occasion présente, & je ne peux tenir contre la tentation de vous la rapporter. C’est celle des Nouvelles Ecclésiastiques du 18 Septembre 1771.

     Le P. Naunaroni, Jacobin, avoit donné un Catéchisme sur la Communion du Sacrifice de la Messe. Plein des idées de nos Défenseurs de l’immolation réelle, il vouloit en trouver une dans le Sacrifice de la Messe, & il avoit imaginé que l’immolation de la Victime consiste dans la manducation. L’Auteur de la feuille le réfute supérieurement par plusieurs raisons, & entre’autres (sic) par celle-ci. «La manducation de la Victime n’est pas l’immolation, ces deux actions sensiblement distinctes et différentes par elles-mêmes, le sont sur-tout dans le Sacrifice de la nouvelle Loi, dont la Victime est unique, et n’a été immolée qu’une fois. L’Église rappelle et représente par le Ministère des Prêtres cette immolation unique en consacrant le pain & le vin séparément. L’Agneau, quoique résuscité (sic) pour ne plus mourir, est ainsi montré comme mort. L’Immolation n’est donc que représentative & commémorative, mais la manducation est réelle

     [p.26] Remarquez combien toutes ces expressins sont énergiques & décisives: l’Auteur ne se borne pas à dire que la Victime n’a été immolée qu’une fois. On répondroit qu’elle ne l’a été qu’une fois de maniere sanglante, mais il exclut toute idée d’immolation réelle: l’Eglise ne réitere pas l’immolation, elle la représente par le ministere des Prêtres. Il ne suppose pas que le couteau mystique touche le corps & le sang de Jesus-Christ, mais seulement les especes, en consacrant le pain & le vin séparément. L’Agneau y est sous des signes de mort & montré comme mort. Il ne se borne pas à dire que l’Immolation à l’Autel est représentative, il dit qu’elle n’est que représentative. Enfin opposant l’Immolation à la manducation, il observe que la premiere n’étant que représentative, la manducation au contraire est réelle.

     Je n’ai pas besoin de vous faire remarquer que ce suffrage en vaut plus d’un, & que celui qui l’a rédigé étoit appuyé de bons garants pour en répondre.
 

Source: édition de 1779, saisie en mode texte par Bernard Gineste, août 2003.
 
       
BIBLIOGRAPHIE
 
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