Corpus Littéraire Étampois
 
Alexandre Dumas 
L’ARTIFAILLE
1849
 
 
Portrait d'Alexandre Dumas par A. Maurin, lithographié par Delpech en 1842
Alexandre Dumas
Andrieux: L'artifaille
L’Artifaille, vu par Andrieux
  
     Dans les Mille et un fantômes, publiés en 1849, Alexandre Dumas prétend avoir été le témoin, à Fontenay-aux-Roses, le 1er septembre 1831, d’un fait divers fantastique. Il s’en serait suivi une soirée mémorable dont chacun des protagonistes aurait raconté un fait surnaturel auquel il aurait assisté. Au chapitre 10, un ecclésiastique prend la parole et rapporte un événement survenu en 1783, alors qu’il était vicaire de Notre-Dame d’Étampes.  
     Nous reproduisons ici ce récit fantastique étampois, L’Artifaille, qui intéressera tous les amoureux d’Étampes, et peut-être plusieurs professeurs, notamment dans le cadre du programme de français de 4e 
Alexandre Dumas et la Tour de Guinette      Nous le faisons suivre d’une présentation du narrateur, l’abbé Moulle, qui apparaît ailleurs dans le recueil, et surtout d’une série de documents historiques sur les reliques conservées à Notre-Dame d’Étampes, sur des cambriolages d’églises survenus à Étampes sous l’Ancien Régime, sur le curé réel dÉtampes en 1783 et sa cure, sur le bourreau réel d’Étampes en 1783, sur des impressions touristiques contemporaines sur la tour de Guinette, et sur la tradition littéraire du Miracle Théophile, ainsi que d’une petite bibliographie. Nous y joignons les beaux dessins gravés de Clément-Auguste Andrieux qui accompagnèrent pour la première fois l’édition de 1861, du vivant de l’auteur
     Merci à François Jousset de nous avoir signalé cette nouvelle! Merci à Anne-Marie Callet-Bianco, de l’Université d’Angers, spécialiste d’Alexandre Dumas, de ses aimables éloges et des deux corrections qu’elle nous a suggérées. Merci encore à tous ceux qui utiliseront ce travail et citeront leur source, comme l’a fait cette dernière. Saisir des textes anciens est en effet une tâche fastidieuse et il ne faut pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
 
  Alexandre Dumas
 
L’ARTIFAILLE
     Je suis né sur cette partie de l’héritage des anciens rois qu’on appelle aujourd’hui le département de l’Aisne, et qu’on appelait autrefois l’Ile-de-France*; mon père et ma mère habitaient un petit village situé au milieu de la forêt de Villers-Cotterêts et qu’on appelle Fleury. Avant ma naissance, mes parents avaient déjà eu cinq enfants, trois garçons et deux filles, qui, tous, étaient morts. Il en résulta que, lorsque ma mère se vit enceinte de moi, elle me voua au blanc jusqu’à l’âge de sept ans, et mon père promit un pèlerinage à Notre-Dame de Liesse**.

     Ces deux vœux ne sont point rares en province, et ils avaient entre eux une relation directe, puisque le blanc est la couleur de la Vierge, et que Notre Dame de Liesse n’est autre que la vierge Marie.

     Malheureusement, mon père mourut pendant la grossesse de ma mère: mais ma mère, qui était une femme pieuse, ne résolut pas moins d’accomplir le double vœu dans toute sa rigueur; aussitôt ma naissance, je fus habillé de blanc des pieds à la tête, et, aussitôt qu’elle put marcher, ma mère entreprit à pied, comme il avait été voué, le pèlerinage sacré.

     Notre-Dame de Liesse, heureusement, n’était située qu’à quinze ou seize lieues du village de Fleury; en trois étapes, ma mère fut rendue à destination.

     Là, elle fit ses dévotions, et reçut des mains du curé une médaille d’argent, qu’elle m’attacha au cou.

     Grâce à ce double vœu, je fus exempt de tous les accidents de la jeunesse, et, lorsque j’eus atteint l’âge de raison, soit résultat de l’éducation religieuse que j’avais reçue, soit influence de la médaille, je me sentis entraîné vers l’état ecclésiastique. Ayant fait mes études au séminaire de Soissons, j’en sortis prêtre en 1780, et fus envoyé vicaire à Étampes.
***

     Le hasard fit que je fus attaché à celle des quatre**** églises d’Étampes qui est sous l’invocation de Notre-Dame.
     *Le Pays de Soissons formait la pointe orientale de l’ancienne Île-de-France, mais appartient aujourd’hui à la  Picardie.

     **Notre-Dame-de-Liesse est une vierge noire, patronne du diocèse de Soissons.

Notre-Dame de Liesse
    *** Le curé réel de Notre-Dame s’appelait Boivin; il le fut de 1755 à  1791. C’est seulement en 1783 que lui furent adjoints deux vicaires, Picou et Gregy.

    **** Première erreur. Lauteur fait allusion aux quatre églises subsistant à son époque: Notre-Dame, Saint-Basile, Saint-Gilles et Saint-Martin; et il semble ignorer quà lépoque de ces événements supposés, avant la Révolution, il y avait encore à Étampes deux autres, depuis détruites: Sainte-Croix et Saint-Pierre.
     Cette église est un des merveilleux monuments que l’époque romane a légués au moyen âge. Fondée par Robert le Fort*, elle fut achevée au douzième siècle seulement; elle a encore aujourd’hui des vitraux admirables qui, lors de son édification récente, devaient admirablement s’harmoniser avec la peinture et la dorure qui couvraient ses colonnes et en enrichissaient les chapiteaux.

     Tout enfant, j’avais fort aimé ces merveilleuses efflorescences de granit que la foi a fait sortir de terre du dixième au seizième siècle, pour couvrir le sol de la France, cette fille aînée de Rome, d’une forêt d’églises, et qui s’arrêta quand la foi mourut dans les cœurs, tuée par le poison de Luther et de Calvin.**

     J’avais joué, tout enfant, dans les ruines de Saint-Jean de Soissons: j’avais réjoui mes yeux aux fantaisies de toutes ces moulures, qui semblent des fleurs pétrifiées, de sorte que, lorsque je vis Notre-Dame d’Étampes, je fus heureux que le hasard, ou plutôt la Providence, m’eût donné, hirondelle, un semblable nid; alcyon, un pareil vaisseau.

     Aussi mes moments heureux étaient ceux que je passais dans l’église. Je ne veux pas dire que ce fut un sentiment purement religieux qui m’y retînt; non, c’était un sentiment de bien-être qui peut se comparer à celui de l’oiseau que l’on tire de la machine pneumatique, où l’on a commencé à faire le vide, pour le rendre à l’espace et à la liberté. Mon espace à moi, c’était celui qui s’étendait du portail à l’abside; ma liberté, c’était de rêver, pendant deux heures à genoux sur une tombe ou accoudé à une colonne. A quoi rêvais-je? ce n’était certainement pas à quelque argutie théologique; non, c’était à cette lutte éternelle du bien et du mal qui tiraille l’homme depuis le jour du péché; c’était à ces beaux anges aux ailes blanches, à ces hideux démons aux faces rouges, qui, à chaque rayon de soleil, étincelaient sur les vitraux, les uns resplendissants du feu céleste, les autres flamboyants aux flammes de l’enfer; Notre-Dame enfin, c’était ma demeure: là, je vivais, je pensais, je priais. La petite maison presbytérienne*** qu’on m’avait donnée n’était que mon pied à terre, j’y mangeais et j’y couchais, voilà tout.

     Encore souvent ne quittais-je ma belle Notre-Dame qu’à minuit ou une heure du matin.

     On savait cela. Quand je n’étais pas au presbytère, j’étais à Notre-Dame. On venait m’y chercher, et l’on m’y trouvait.

      Des bruits du monde, bien peu parvenaient jusqu’à moi, renfermé comme je l’étais dans ce sanctuaire de religion, et surtout de poésie.

     Cependant, parmi ces bruits, il y en avait un qui intéressait tout le monde, petits et grands, clercs et laïques. Les environs d’Étampes étaient désolés par les exploits d’un successeur, ou plutôt d’un rival de Cartouche et de Poulailler****, qui, pour l’audace, paraissait devoir suivre les traces de ses prédécesseurs.

     Ce bandit, qui s’attaquait à tout, mais particulièrement aux églises, avait nom L’Artifaille.

     Une chose qui me fit donner une attention plus particulière aux exploits de ce brigand, c’est que sa femme, qui demeurait dans la ville basse d’Étampes, était une de mes pénitentes les plus assidues. Brave et digne femme, pour qui le crime dans lequel était tombé son mari était un remords, et qui, se croyant responsable devant Dieu, comme épouse, passait sa vie en prières et en confession, espérant, par ses œuvres saintes, atténuer l’impiété de son mari.

     Quant à lui, je viens de vous le dire, c’était un bandit ne craignant ni Dieu ni diable, prétendant que la société était mal faite, et qu’il était envoyé sur la terre pour la corriger; que, grâce à lui, l’équilibre se rétablirait dans les fortunes, et qu’il n’était que le précurseur d’une secte que l’on verrait un jour*, et qui prêcherait ce que lui mettait en pratique, c’est-à-dire la communauté des biens.

     Vingt fois il avait été pris et conduit en prison, mais presque toujours, à la deuxième ou troisième nuit on avait trouvé la prison vide; comme on ne savait de quelle façon se rendre compte de ces évasions, on disait qu’il avait trouvé l’herbe qui coupe le fer.

     Il y avait donc un certain merveilleux qui s’attachait à cet homme.
     * Deuxième erreur: Notre-Dame d’Étampes n’a pas été fondée par Robert le Fort (mort en 866) mais passe pour l’avoir été par son arrière-petit-fils Robert le Pieux, vers l’an mil.   

     ** C’est le point de vue d’un ecclésiastique catholique, pour qui la Réforme protestante a ouvert la route au développement de l’esprit de libre-examen et par suite à la diminution de la piété. Étampes présente une trace manifeste de cette diminution de la générosité des fidèles au XVIe siècle, dans une inscription encore lisible au chevet de Saint-Basile, comme le note déjà Fleureau, dans ses Antiquitez, p. 400: «mais les charités de ceux qui avoient fait cette entreprise n’ayant pas continué, elle est demeurée imparfaite pour être parachevée quand il plaira à Dieu. Faxit Deus ut perficiar. Ces parolles sont écrites au bout de l’ouvrage avec l’année 1559. que l’on a cessé d’y travailler.»

Notre-Dame d'Etampes en 1825 (gravure de Civeton)

     *** Il y a là une incontestable faute de vocabulaire: «presbytérienne» signifie uniquement «en rapport avec la secte presbytérienne» (qui soppose à la mouvance épiscopalienne) et lon attendrait plutôt ici la périphrase consacrée «maison presbytérale». De plus le presbytère était la résidence du curé, et non de son vicaire!

     **** Cartouche et Poulailler: le premier est un brigand parisien pris et exécuté en 1721 après avoir déjoué les recherches de la police pendant dix ans; le second était  si célèbre au XVIIIe siècle que son nom en vint à désigner toute cette sorte de brigands qui s’attaquaient alors plus spécialement aux fermes isolées.

     *Allusion probable par Alexandre Dumas au saint-simonisme, fondé vers 1819 et encore très  influent en 1849.
     Quant à moi, je n’y songeais, je l’avoue, que quand sa pauvre femme venait se confesser à moi, m’avouant ses terreurs et me demandant mes conseils.

     Alors, vous le comprenez, je lui conseillais d’employer toute son influence sur son mari pour le ramener dans la bonne voie. Mais l’influence de la pauvre femme était bien faible. Il lui restait donc cet éternel recours en grâce que la prière ouvre devant le Seigneur.

     Les fêtes de Pâques de l’année 1783 approchaient. C’était dans la nuit du jeudi au vendredi saint. J’avais, dans la journée du jeudi, entendu grand nombre de confessions et, vers huit heures du soir, je m’étais trouvé tellement fatigué, que je m’étais endormi dans le confessionnal.

     Le sacristain m’avait vu endormi; mais, connaissant mes habitudes, et sachant que j’avais sur moi une clef de la porte de l’église, il n’avait pas même songé à m’éveiller; ce qui m’arrivait ce soir-là m’était arrivé cent fois.


     Je dormais donc, lorsque au milieu de mon sommeil je sentis résonner comme un double bruit. L’un était la vibration du marteau de bronze sonnant minuit, l’autre était le froissement d’un pas sur la dalle.

     J’ouvris les yeux, et je m’apprêtais à sortir du confessionnal quand, dans le rayon de lumière jeté par la lune à travers les vitraux d’une des fenêtres, il me sembla voir passer un homme.

     Comme cet homme marchait avec précaution, regardant autour de lui à chaque pas qu’il faisait, je compris que ce n’était ni un des assistants, ni le bedeau, ni le chantre, ni aucun des habitués de l’église, mais quelque intrus se trouvant là en mauvaise intention.

     Le visiteur nocturne s’achemina vers le chœur. Arrivé là, il s’arrêta, et, au bout d’un instant, j’entendis le coup sec du fer sur une pierre à feu; je vis pétiller une étincelle, un morceau d’amadou s’enflamma, et une allumette alla fixer sa lumière errante à l’extrémité d’un cierge posé sur l’autel.

     A la lueur de ce cierge, je pus voir alors un homme de taille médiocre, portant à la ceinture deux pistolets et un poignard, à la figure railleuse plutôt que terrible, et qui, jetant un regard investigateur dans toute l’étendue de la circonférence éclairée par le cierge, parut complètement rassuré par cet examen.
Clément-Auguste Andrieux: L'Artifaille
Illustration d’Andrieux (1852)
     En conséquence, il tira de sa poche, non pas un trousseau de clefs, mais un trousseau de ces instruments destinés à les remplacer, et que l’on appelle rossignols du nom sans doute de ce fameux Rossignol qui se vantait d’avoir la clef de tous les chiffres. A l’aide d’un de ces instruments il ouvrit le tabernacle, en tirant d’abord le saint ciboire, magnifique coupe de vieil argent ciselée sous Henri II, puis un ostensoir massif, qui avait été donné à la ville par la reine Marie-Antoinette**, puis enfin deux burettes de vermeil.

     Comme c’était tout ce que renfermait le tabernacle, il le referma avec soin, et se mit à genoux pour ouvrir le dessous de l’autel, qui faisait châsse.

     Le dessous de l’autel renfermait une Notre-Dame en cire couronnée d’une couronne d’or et de diamants, et couverte d’une robe toute brodée de pierreries**.

     Au bout de cinq minutes, la châsse, dont, au reste, le voleur eût pu briser les parois de glace, était ouverte, comme le tabernacle, à l’aide d’une fausse clef, et il s’apprêtait à joindre la robe. et la couronne à l’ostensoir, aux burettes et au saint-ciboire, lorsque, ne voulant pas qu’un pareil vol s’accomplît, je sortis du confessionnal et m’avançai vers l’autel.

     Le bruit que je produisis en ouvrant la porte fit retourner le voleur. Il se pencha de mon côté, et essaya de plonger son regard dans les lointaines obscurités de l’église, mais le confessionnal était hors de la portée de la lumière, de sorte qu’il ne me vit réellement que lorsque j’entrai dans le cercle éclairé par la flamme tremblotante du cierge.
     **Tout ce qui est dit ici des reliques conservées à Notre-Dame est inspiré à l’auteur par sa seule imagination, comme le montre le dossier documentaire que nous éditons ci-après. Marie-Antoinette n’a jamais rien offert à Notre-Dame d’Étampes, et le reliquaire le plus précieux contenait en fait les Corps Saints des saints martyrs Cant, Cantien et Cantienne.

     En apercevant un homme, le voleur s’appuya contre l’autel, tira un pistolet de sa ceinture et le dirigea vers moi.

     Mais, à ma longue robe noire, il put bientôt voir que je n’étais qu’un simple prêtre inoffensif, et n’ayant pour toute sauvegarde que la foi, pour toute arme que la parole.

     Malgré la menace du pistolet dirigé contre moi j’avançai jusqu’aux marches de l’autel. Je sentais que, s’il tirait sur moi, ou le pistolet raterait, ou la balle dévierait; j’avais la main à ma médaille, et je me sentais tout entier couvert du saint amour de Notre-Dame.

     Cette tranquillité du pauvre vicaire parut émouvoir le bandit.
     — Que voulez-vous? me dit-il d’une voix qu’il s’efforçait de rendre assurée.
     — Vous êtes L’Artifaille? lui dis-je.
     — Parbleu! répondit-il, qui donc oserait, si ce n’était moi, pénétrer seul dans une église, comme je le fais?
     — Pauvre pécheur endurci qui tires orgueil de ton crime, lui dis-je, ne comprends-tu pas qu’à ce jeu que tu joues tu perds non seulement ton corps, mais encore ton âme?
     — Bah! dit-il, quant à mon corps, je l’ai sauvé déjà tant de fois, que j’ai bonne espérance de le sauver encore, et quant à mon âme...
     — Eh bien! quant à ton âme!
     — Cela regarde ma femme: elle est sainte pour deux, et elle sauvera mon âme en même temps que la sienne.
     — Vous avez raison, votre femme est une sainte femme, mon ami, et elle mourrait certainement de douleur si elle apprenait que vous eussiez accompli le crime que vous étiez en train d’exécuter.
     — Oh! oh! vous croyez qu’elle mourra de douleur, ma pauvre femme?
     — J’en suis sûr.
     — Tiens! je vais donc être veuf, continua le brigand en éclatant de rire et étendant les mains vers les vases sacrés.
     Mais je montai les trois marches de l’autel et lui arrêtai le bras.
     — Non, lui dis-je, car vous ne commettrez pas ce sacrilège.
     — Et qui m’en empêchera?
     — Moi.
     — Par la force?
     — Non, par la persuasion. Dieu n’a pas envoyé ses ministres sur la terre pour qu’ils usassent de la force, qui est une chose humaine, mais de la persuasion, qui est une vertu céleste. Mon ami, ce n’est pas pour l’église, qui peut se procurer d’autres vases, mais pour vous, qui ne pourrez pas racheter votre péché; mon ami, vous ne commettrez pas ce sacrilège.
     — Ah çà! mais vous croyez donc que c’est le premier, mon brave homme?

     — Non, je sais que c’est le dixième, le vingtième, le trentième peut-être, mais qu’importe? Jusqu’ici vos yeux étaient fermés, vos yeux s’ouvriront ce soir, voilà tout. N’avez-vous pas entendu dire qu’il y avait un homme nommé Paul qui gardait les manteaux de ceux qui lapidaient saint Etienne? Eh bien! cet homme, il avait les yeux couverts d’écailles, comme il le dit lui-même; un jour les écailles tombèrent de ses yeux; il vit, et ce fut saint Paul. Oui, saint Paul!... le grand, l’illustre saint Paul!...*  
     — Dites-moi donc, monsieur l’abbé, saint Paul n’a-t-il pas été pendu?
     — Oui.**
     — Eh bien! à quoi cela lui a-t-il servi de voir?
     — Cela lui a servi à être convaincu que, parfois, le salut est dans le supplice. Aujourd’hui, saint Paul a laissé un nom vénéré sur la terre, et jouit de la béatitude éternelle dans le ciel.
     — A quel âge est-il arrivé à saint Paul de voir?
     — A trente-cinq ans.
     — J’ai passé l’âge, j’en ai quarante.
     — Il est toujours temps de se repentir. Sur la croix, Jésus disait au mauvais larron: Un mot de prière, et je te sauve.
     — Ah çà! tu tiens donc à ton argenterie? dit le bandit en me regardant.
     — Non. Je tiens à ton âme, que je veux sauver.
     — A mon âme! tu me feras accroire cela; tu t’en moques pas mal!
     — Veux-tu que je te prouve que c’est à ton âme que je tiens? lui dis-je.
     — Oui, donne-moi cette preuve, tu me feras plaisir.
     — A combien estimes-tu le vol que tu vas commettre cette nuit?
     — Eh! eh! fit le brigand en regardant les burettes, le calice, l’ostensoir et la robe de la Vierge avec complaisance, à mille écus.
     — A mille écus?
     — Je sais bien que cela vaut le double; mais il faudra perdre au moins les deux tiers dessus; ces diables de juifs sont si voleurs!
     — Viens chez moi.
     — Chez toi?




     *
La conversion de saint-Paul est un élément important de l’apologétique catholique du temps d’Alexandre Dumas, notamment depuis qu’en 1754 l’abbé Guénée, étampois, a traduit et édité en français La Religion chrétienne démontrée par la conversion et l’apostolat de Saint-Paul, ouvrage de George Lyttelton, réédité en 1822.

     **Approximation bizarre dans la bouche d’un ecclésiastique, et concernant une scène si souvent représentée: saint Paul a été décapité; mais il est vrai que la discussion ne se prête pas aux arguties historiques. Ici encore on remarque une certaine inculture religieuse chez Dumas, ou chez son nègre. 
     — Oui, chez moi, au presbytère***. J’ai une somme de mille francs, je te la donnerai à compte.
     — Et les deux autres mille?
     — Les deux autres mille? eh bien! je te promets, foi de prêtre! que j’irai dans mon pays; ma mère a quelque bien, je vendrai trois ou quatre arpents de terre pour faire les deux autres mille francs, et je te les donnerai.
     — Oui, pour que tu me donnes un rendez-vous et que tu me fasses tomber dans quelque piège?
     — Tu ne crois pas ce que tu dis là, fis-je en étendant la main vers lui.
     — Eh bien! c’est vrai, je n’y crois pas, dit-il d’un air sombre. Mais ta mère, elle est donc riche?
     — Ma mère est pauvre.
     — Elle sera ruinée, alors?
     — Quand je lui aurai dit qu’au prix de sa ruine j’ai sauvé une âme, elle me bénira. D’ailleurs, si elle n’a plus rien, elle viendra demeurer avec moi, et j’aurai toujours pour deux.
     — J’accepte, dit-il; allons chez toi.
     — Soit, mais attends.
     — Quoi?
     — Renferme dans le tabernacle les objets que tu y as pris, referme-le à clef, cela te portera bonheur.
     Le sourcil du bandit se fronça comme celui d’un homme que la foi envahit malgré lui: il replaça les vases sacrés dans le tabernacle et le referma avec le plus grand soin.
     — Viens, dit-il.
     — Fais d’abord le signe de la croix, lui dis-je. Il essaya de jeter un rire moqueur, mais le rire commencé s’interrompit de lui-même. Puis il fit le signe de la croix.
     — Maintenant, suis-moi, lui dis-je.
     Nous sortîmes par la petite porte, en moins de cinq minutes nous fûmes chez moi.
     Pendant le chemin, si court qu’il fût, le bandit avait paru fort inquiet, regardant autour de lui et craignant que je ne voulusse le faire tomber dans quelque embuscade.
     Arrivé chez moi, il se tint près de la porte.
     — Eh bien! ces mille francs? demanda-t-il.
     — Attends, répondis-je.

     J’allumai une bougie à mon feu mourant; j’ouvris une armoire, j’en tirai un sac.
     — Les voilà, lui dis-je.
     Et je lui donnai le sac.
     — Maintenant les deux autres mille, quand les aurai-je?
     — Je te demande six semaines.
     — C’est bien, je te donne six semaines.
     — A qui les remettrai-je?
     Le bandit réfléchit un instant.
     — A ma femme, dit-il.
     — C’est bien!
     — Mais elle ne saura pas d’où ils viennent ni comment je les ai gagnés?
     — Elle ne le saura pas, ni elle ni personne. Et jamais, à ton tour, tu ne tenteras rien ni contre Notre-Dame d’Étampes ni contre toute autre église sous l’invocation de la Vierge?
     — Jamais!
     — Sur ta parole?
     — Foi de L’Artifaille!
     — Va, mon frère, et ne pèche plus.
     Je le saluai en lui faisant signe de la main qu’il était libre de se retirer.
     Il parut hésiter un moment; puis, ouvrant la porte avec précaution, il disparut.

     Je me mis à genoux, et je priai pour cet homme.
     ***Il est bizarre que Dumas fasse habiter le vicaire au presbytère, qui était en fait la résidence de son supérieur le curé (juste derrière Notre-Dame, au n°6 rue du Cloître Notre-Dame, jusqu’en 1796, puis, de 1808 à 1908, dans la maison coincée entre l’impasse au Cerf, côté jardin, et l’impasse au Chat, côté cour; après quoi, à nouveau chassés, les curés se replient au Petit-Séminaire, 18 rue Évezard). La maison vicariale en était bien distincte. Elle était,  de 1830 à 1868, au 16, rue de la Cordonnerie; avant cela, probablement dans le même secteur que le presbytère, tout près de Notre-Dame.
     Je n’avais pas fini ma prière que j’entendis frapper à la porte.
     — Entrez****, dis je sans me retourner.

     Quelqu’un effectivement, me voyant en prière, s’arrêta en entrant et se tint debout derrière moi.

     Lorsque j’eus achevé mon oraison, je me retournai, et je vis L’Artifaille immobile et droit près de la porte, ayant son sac sous son bras.
     — Tiens, me dit-il. Je te rapporte tes mille francs.
     — Mes mille francs
     — Oui, et je te tiens quitte des deux mille autres.
     — Et cependant la promesse que tu m’as faite subsiste?
     — Parbleu!
     — Tu te repens donc?
     — Je ne sais pas si je me repens, oui ou non, mais je ne veux pas de ton argent, voilà tout.

     Et il posa le sac sur le rebord du buffet.

     Puis, le sac déposé, il s’arrêta comme pour demander quelque chose; mais cette demande, on le sentait, avait peine à sortir de ses lèvres. Son œil m’interrogeait.

     — Que désirez-vous? lui demandai-je. Parlez, mon ami. Ce que vous venez de faire est bien; n’ayez pas honte de faire mieux.
     — Tu as une grande dévotion à Notre-Dame? me demanda-t-il.
     — Une grande.
     — Et tu crois que, par son intercession, un homme, si coupable qu’il soit, peut être sauvé à l’heure de la mort? Eh bien! en échange de tes trois mille francs, dont je te tiens quitte, donne-moi quelque relique, quelque chapelet, quelque reliquaire que je puisse baiser à l’heure de ma mort.

     Je détachai la médaille et la chaîne d’or que ma mère m’avait passées au cou le jour de ma naissance, qui ne m’avaient jamais quitté depuis, et je les donnai au brigand.

     Le brigand posa ses lèvres sur la médaille et s’enfuit.
     **** L’édition Wagner de 1949 porte: Entre, tandis que l’édition en ligne Pitbook porte Entrez. Mme Anne-Marie Callet-Bianco nous précise que  l’édition originale de 1849 porte bien Entrez.
     Un an s’écoula sans que j’entendisse parler de L’Artifaille: sans doute il avait quitté Étampes pour aller exercer ailleurs.

     Sur ces entrefaites, je reçus une lettre de mon confrère, le vicaire de Fleury. Ma bonne mère était bien malade et m’appelait près d’eux. J’obtins un congé et je partis.

     Six semaines ou deux mois de bons soins et de prières rendirent la santé à ma mère. Nous nous quittâmes, moi joyeux, elle bien portante, et je revins à Étampes.

     J’arrivai un vendredi soir; toute la ville était en émoi. Le fameux voleur L’Artifaille s’était fait prendre du côté d’Orléans, avait été jugé au présidial de cette ville, qui, après condamnation, l’avait envoyé à Étampes pour être pendu, le canton d’Étampes ayant été principalement le théâtre de ses méfaits.

     L’exécution avait eu lieu le matin même.

    Voilà ce que j’appris dans la rue: mais, en entrant au presbytère, j’appris autre chose encore: c’est qu’une femme de la ville basse était venue depuis la veille au matin, c’est-à-dire depuis le moment où L’Artifaille était arrivé à Étampes pour y subir son supplice, s’informer plus de dix fois si j’étais de retour.

     Cette insistance n’était pas étonnante. J’avais écrit pour annoncer ma prochaine arrivée, et j’étais attendu d’un moment à l’autre.

     Je ne connaissais dans la ville basse que la pauvre femme qui allait devenir veuve. Je résolus d’aller chez elle avant d’avoir même secoué la poussière de mes pieds.

     Du presbytère à la ville basse, il n’y avait qu’un pas. Dix heures du soir sonnaient il est vrai; mais je pensais que, puisque le désir de me voir était si ardent, la pauvre femme ne serait pas dérangée par ma visite.

     Je descendis donc au faubourg et me fis indiquer sa maison. Comme tout le monde la connaissait pour une sainte, nul ne lui faisait un crime du crime de son mari, nul ne lui faisait une honte de sa honte.

     J’arrivai à la porte. Le volet était ouvert, et, par le carreau de vitre, je pus voir la pauvre femme, au pied du lit, agenouillée et priant. Au mouvement de ses épaules, on pouvait deviner qu’elle sanglotait en priant.

     Je frappai à la porte.

     Elle se leva, et vint vivement ouvrir.

     — Ah! monsieur l’abbé! s’écria-t-elle, je vous devinais. Quand on a frappé, j’ai compris que c’était vous. Hélas! hélas! vous arrivez trop tard: mon mari est mort sans confession.
     — Est-il donc mort dans de mauvais sentiments?
     — Non; bien au contraire, je suis sûre qu’il était chrétien au fond du cœur, mais il avait déclaré qu’il ne voulait pas d’autre prêtre que vous, qu’il ne se confesserait qu’à vous, et que, s’il ne se confessait pas à vous, il ne se confesserait à personne qu’à Notre-Dame.
     — Il vous a dit cela?
     — Oui, et, tout en le disant, il baisait une médaille de la Vierge pendue à son cou avec une chaîne d’or, recommandant par-dessus toute chose qu’on ne lui ôtât point cette médaille, et affirmant que, si on parvenait à l’ensevelir avec cette médaille, le mauvais esprit n’aurait aucune prise sur son corps.
     — Est ce tout ce qu’il a dit?
     — Non. En me quittant pour marcher à l’échafaud, il m’a dit encore que vous arriveriez ce soir, que vous viendriez me voir sitôt votre arrivée; voilà pourquoi je vous attendais.
     — Il vous a dit cela? fis-je avec étonnement.
     — Oui, et puis encore il m’a chargé d’une dernière prière.
     — Pour moi?
     — Pour vous. Il a dit qu’à quelque heure que vous veniez, je vous priasse... Mon Dieu! je n’oserai jamais vous dire une pareille chose, ce serait si pénible pour vous?..  
     — Dites, ma bonne femme, dites.
     — Eh bien! que je vous priasse d’aller à la Justice, et là, sous son corps, de dire au profit de son âme cinq Pater et cinq Ave. Il a dit que vous ne me refuseriez pas, monsieur l’abbé.
     — Et il a eu raison, car je vais y aller.
     — Oh! que vous êtes bon!

     Elle me prit les mains et voulut me les baiser.
     Je me dégageai.
     — Allons, ma bonne femme, lui dis-je, du courage!
     — Dieu m’en donne, monsieur l’abbé, je ne m’en plains pas.
     — Il n’a rien demandé autre chose?
     — Non.
     — C’est bien! S’il ne faut que ce désir accompli pour le repos de son âme, son âme sera en repos.
     Je sortis.

     Il était dix heures et demie à peu près. C’était dans les derniers jours d’avril, la bise était encore fraîche. Cependant le ciel était beau, beau pour un peintre surtout, car la lune roulait dans une mer de vagues sombres qui donnaient un grand caractère à l’horizon.
Clément-Auguste Andrieux: Le femme de l'Artifaille
Illustration d’Andrieux (1852)
     
La porte de Paris, lesm urs et la Tour de Guinette au début du XVIIIe siècle
     Voici Étampes au début du XVIIIe siècle, en venant de Paris, d’après une copie du XIXe siècle, par Philippe Delisle, et conservée au Musée dÉtampes, d’un tableau original anonyme et depuis perdu.

     De gauche à droite: le clocher de Saint-Basile, la Porte Saint-Jacques, les murs depuis détruits par le percement du chemin de fer, puis la Tour de Guinette entourée de ce qui restait alors du château.


     Voici la Tour de Guinette vers 1828, d’après une gravure de Civeton éditée par Dulaure dans sa description des Environs de Paris. C’est visiblement sur la base de cette gravure, me semble-t-il, que Dumas, ou son nègre, ont conçu leur itinéraire fantaisiste du vicaire d’Étampes.

     En effet cette vue est trompeuse, en ce qu’elle ne fait pas apparaître l’importante dénivellation qui existe entre la Tour et le reste de la ville; ce qui paraît expliquer que Dumas nous dise qu’elle
semble une sentinelle posée isolément dans la plaine pour garder la ville. Notons qu’on y voit aussi la nuée d’oiseaux à laquelle fait allusion notre auteur.

B.G.  
La Tour de Guinette vers 1828, par Civeton
        
     Je tournai autour des vieilles murailles de la ville, et j’arrivai à la porte de Paris*. Passé onze heures du soir, c’était la seule porte d’Étampes qui restât ouverte.

     Le but de mon excursion était sur une esplanade, qui, aujourd’hui comme alors, domine toute la ville. Seulement aujourd’hui, il ne reste d’autres traces de la potence, qui alors était dressée sur cette esplanade, que trois fragments de la maçonnerie qui assurait les trois poteaux reliés entre eux par deux poutres et qui formaient le gibet.

     Pour arriver à cette esplanade, située à gauche de la route quand on vient d’Étampes à Paris, et à droite quand on vient de Paris à Étampes; pour arriver à cette esplanade, il fallait passer au pied de la tour de Guinette, ouvrage avancé qui semble une sentinelle posée isolément dans la plaine** pour garder la ville.

     Cette tour, que vous devez connaître, chevalier Lenoir***, et que Louis XI**** a essayé de faire sauter autrefois sans y réussir, est éventrée par l’explosion et semble regarder le gibet dont elle ne voit que l’extrémité avec l’orbite noire d’un grand œil sans prunelle.

     Le jour, c’est la demeure des corbeaux; la nuit, c’est le palais des chouettes et des chats-huants. Je pris, au milieu de leurs cris et de leurs hululements, le chemin de l’esplanade, chemin étroit, difficile, raboteux, creusé dans le roc, percé à travers les broussailles.

     Je ne puis pas dire que j’eusse peur. L’homme qui croit en Dieu, qui se confie à lui ne doit avoir peur de rien, mais j’étais ému.

     On n’entendait au monde que le tic-tac monotone du moulin de la basse ville, le cri des hiboux et des chouettes, et le sifflement du vent dans les broussailles.

     La lune entrait dans un nuage noir, dont elle brodait les extrémités d’une frange blanchâtre. Elle disparut.

     Mon cœur battait. Il me semblait que j’allais voir, non pas ce que j’étais venu pour voir, mais quelque chose d’inattendu. Je montais toujours.

     Arrivé à un certain point de la montée je commençai à distinguer l’extrémité supérieure du gibet, composé de ses trois piliers et de cette double traverse de chêne dont j’ai déjà parlé.

     C’est à ces traverses de chêne que pendent les croix de fer auxquelles on attache les suppliciés.

     J’apercevais, comme une ombre mobile, le corps du malheureux L’Artifaille, que le vent balançait dans l’espace.

     Tout à coup je m’arrêtai; je découvrais maintenant le gibet de son extrémité supérieure à sa base. J’apercevais une masse sans forme qui semblait un animal à quatre pattes et qui se mouvait.
     *Cette porte s’appelait en fait la Porte Saint-Jacques

     **Nouvelle erreur: la Tour de Guinette est au contraire sur le coteau qui mène au plateau. Il est possible que Dumas confonde sa localisation avec celle de la Tour de Brunehaut, qui existait encore en 1819.

Tour de Guinette
La Tour de Guinette en 2003.

     ***C’est l’un des protagoniste de cette prétendue soirée, où chacun raconte aux autres un fait fantastique dont il aurait été témoin.

     ****Nouvelle erreur: Louis XI (†1483) n’a jamais essayé de faire sauter la Tour de Guinette; cette tentative ne remonte qu’à 1589, sous Henri IV, à la demande des Étampois eux-mêmes.

     Je m’arrêtai et me couchai derrière un rocher. Cet animal était plus gros qu’un chien et plus massif qu’un loup.
 
     Tout à coup, il se leva sur les pattes de derrière, et je reconnus que cet animal n’était autre que celui que Platon appelait un animal à deux pieds et sans plumes, c’est-à-dire un homme.*

     Que pouvait venir faire, à cette heure, un homme sous un gibet, à moins qu’il n’y vînt avec un cœur religieux pour prier, ou avec un cœur irréligieux pour y faire quelque sacrilège?

     Dans tous les cas, je résolus de me tenir coi et d’attendre.
     *La source qui nous fait connaître cette définition platonicienne peut-être apocryphe est la Vie des philosophes illustres de Diogène Laërce: Platon avait défini l’homme comme un animal bipède sans plume et la définition avait du succès; Diogène (dit le Cynique) pluma un coq et l’amena à l’école de Platon. «Voilà, dit-il, l’homme de Platon!» D’où l’ajout que fit Platon à sa définition: «et qui a des ongles plats».
     En ce moment la lune sortit du nuage qui l’avait cachée un instant, et donna en plein sur le gibet. Je levai les yeux.

     Alors, je pus voir distinctement l’homme, et même tous les mouvements qu’il faisait.

     Cet homme ramassa une échelle couchée à terre, puis la dressa contre un des poteaux, le plus rapproché du cadavre du pendu.

     Puis il monta à l’échelle.

     Puis il forma avec le pendu un groupe étrange, où le vivant et le mort semblèrent se confondre dans un embrassement.

     Tout à coup un cri terrible retentit. Je vis s’agiter les deux corps; j’entendis crier à l’aide d’une voix étranglée, qui cessa bientôt d’être distincte: puis, un des deux corps se détacha du gibet, tandis que l’autre restait pendu à sa corde et agitait ses bras et ses jambes.

     Il m’était impossible de deviner ce qui se passait sous la machine infâme; mais enfin, œuvre de l’homme ou du démon, il venait de s’y passer quelque chose d’extraordinaire, quelque chose qui appelait à l’aide, qui réclamait du secours.

     Je m’élançai.

     A ma vue, le pendu parut redoubler d’agitation, tandis que, dessous lui, était immobile et gisant le corps qui s’était détaché du gibet.

     Je courus d’abord au vivant. Je montai vivement les degrés de l’échelle, et, avec mon couteau, je coupai la corde; le pendu tomba à terre, je sautai à bas de l’échelle.

     Le pendu se roulait dans d’horribles convulsions, l’autre cadavre se tenait toujours immobile.

     Je compris que le nœud coulant continuait de serrer le cou du pauvre diable. Je me couchai sur lui pour le fixer, et à grand-peine je desserrai le nœud coulant qui l’étranglait.

      Pendant cette opération, qui me forçait à regarder cet homme en face, je reconnus avec étonnement que cet homme était le bourreau.**

     Il avait les yeux hors de leur orbite, la face bleuâtre, la mâchoire presque tordue, et un souffle qui ressemblait plus à un râle qu’à une respiration s’échappait de sa poitrine.

     Cependant l’air rentrait peu à peu dans ses poumons, et, avec l’air, la vie.

     Je l’avais adossé à une grosse pierre; au bout d’un instant, il parut reprendre ses sens, toussa, tourna le cou en toussant, et finit par me regarder en face.

     Son étonnement ne fut pas moins grand que l’avait été le mien.
     — Oh! oh! monsieur l’abbé, dit-il, c’est vous?
     — Oui, c’est moi.
     — Et que venez-vous faire ici? me demanda-t-il.
     — Mais vous-même?

     Il parut rappeler ses esprits. Il regarda encore une fois autour de lui; mais, cette fois, ses yeux s’arrêtèrent sur le cadavre.
     — Ah! dit-il en essayant de se lever, allons-nous-en, monsieur l’abbé, au nom du ciel, allons-nous-en!
     — Allez-vous-en si vous voulez, mon ami; mais moi, j’ai un devoir à accomplir.
     — Ici?
     — Ici.
     — Quel est-il donc?
     — Ce malheureux, qui a été pendu par vous aujourd’hui, a désiré que je vinsse dire au pied du gibet cinq Pater et cinq Ave pour le salut de son âme.
     — Pour le salut de son âme? oh! monsieur l’abbé, vous aurez de la besogne si vous sauvez celle-là, c’est Satan en personne.
     — Comment! c’est Satan en personne?
     — Sans doute, ne venez-vous pas de voir ce qu’il m’a fait?
     — Comment, ce qu’il vous a fait, et que vous a-t-il donc fait?
     — Il m’a pendu, pardieu!
     — Il vous a pendu? mais il me semblait, au contraire, que c’était vous qui lui aviez rendu ce triste service?
     — Oui, ma foi! et je croyais l’avoir bel et bien pendu, même. Il paraît que je m’étais trompé! Mais comment donc n’a-t-il pas profité du moment ou j’étais branché à mon tour pour se sauver?

     J’allai au cadavre, je le soulevai; il était raide et froid.
     — Mais parce qu’il est mort, dis-je.
     — Mort! répéta le bourreau. Mort! ah! diable, c’est bien pis; alors sauvons-nous, monsieur l’abbé, sauvons-nous.

     Et il se leva.
     — Non, par ma foi! dit-il, j’aime encore mieux rester; il n’aurait qu’à se relever et à courir après moi. Vous, au moins, qui êtes un saint homme, vous me défendrez.
     — Mon ami, dis-je à l’exécuteur en le regardant fixement, il y a quelque chose là-dessous. Vous me demandiez tout à l’heure ce que je venais faire ici à cette heure. A mon tour, je vous demanderai: Que veniez-vous faire ici, vous?
     — Ah! ma foi! monsieur l’abbé, il faudra toujours bien que je vous le dise, en confession ou autrement. Eh bien! je vais vous le dire autrement. Mais attendez donc...

     Il fit un mouvement en arrière.

     — Quoi donc?
     — Il ne bouge pas là-bas?
     — Non, soyez tranquille, le malheureux est bien mort.
     — Oh! bien mort... bien mort... n’importe! Je vais toujours vous dire pourquoi je suis venu, et, si je mens, il me démentira, voilà tout.
     — Dites.

     — Il faut vous dire que ce mécréant-là n’a pas voulu entendre parler de confession. Il disait seulement de temps en temps: «L’abbé Moulle est-il arrivé?» On lui répondait: «Non, pas encore.» Il poussait un soupir; on lui offrait un prêtre, il répondait: «Non! l’abbé Moulle... et pas d’autre.»
     — Oui, je sais cela.
     — Au pied de la tour de Guinette, il s’arrêta: «Regardez donc, me dit-il, si vous ne voyez pas venir l’abbé Moulle.
     — «Non,» lui dis-je. Et nous nous remîmes en chemin.
     Au pied de l’échelle, il s’arrêta encore.
     — «L’abbé Moulle ne vient pas?» demanda-t-il.
     — «Eh non! que l’on vous dit.» Il n’y a rien d’impatientant comme un homme qui vous répète toujours la même chose.
     — «Allons!» dit-il.
     Je lui passai la corde au cou. Je lui mis les pieds contre léchelle, et lui dis: «Monte.» Il monta sans trop se faire prier; mais, quand il fut arrivé aux deux tiers de l’échelle:
     — «Attendez, me dit-il, que je m’assure que l’abbé Moulle ne vient pas.
     — «Ah! regardez, lui dis-je, ça n’est pas défendu.» Alors il regarda une dernière fois dans la foule; mais, ne vous voyant pas, il poussa un soupir. Je crus qu’il était résolu et qu’il n’y avait plus qu’à le pousser; mais il vit mon mouvement.
     — «Attends, dit-il.
     — «Quoi encore?
     — «Je voudrais baiser une médaille de Notre-Dame, qui est à mon cou.
     — «Ah! pour cela, lui dis-je, c’est trop juste; baise.» Et je lui mis la médaille contre les lèvres.
     — «Qu’y a-t-il donc encore? demandai-je.
     — «Je veux être enterré avec cette médaille.
     — «Hum! hum! fis-je, il me semble que toute la défroque du pendu appartient au bourreau.
     — «Cela ne me regarde pas, je veux être enterré avec ma médaille.
     — «Je veux! je veux! comme vous y allez!
     — «Je veux, quoi!»
     La patience m’échappa; il était tout prêt, il avait la corde au cou, l’autre bout de la corde était au crochet.
     — «Va-t’en au diable!» lui dis-je. Et je le lançai dans l’espace.
     — «Notre-Dame, ayez pi...»
     — Ma foi! c’est tout ce qu’il put dire; la corde étrangla à la fois l’homme et la phrase. Au même instant, vous savez comme cela se pratique, j’empoignai la corde, je sautai sur ses épaules, et han! han! tout fut dit. Il n’eut pas à se plaindre de moi, et je vous réponds qu’il n’a pas souffert.
     — Mais tout cela ne dit pas pourquoi tu es venu ce soir.
     — Oh! c’est que voilà ce qui est le plus difficile à raconter.
     — Eh bien! je vais te le dire, moi: tu es venu pour lui prendre sa médaille.
     — Eh bien! oui, le diable m’a tenté. Je me suis dit: Bon! bon! tu veux: c’est bien aisé à dire, cela; mais quand la nuit sera venue, sois tranquille, nous verrons. Alors quand la nuit a été venue, je suis parti de la maison. J’avais laissé mon échelle aux alentours; je savais où la retrouver. J’ai été faire une promenade; je suis revenu par le plus long et puis, quand je n’ai plus entendu aucun bruit, je me suis approché du gibet, j’ai dressé mon échelle, je suis monté, j’ai tiré le pendu à moi, je lui ai décroché sa chaîne, et...
     — Et quoi?
     — Ma foi! croyez-moi si vous voulez: au moment où la médaille a quitté son cou, le pendu m’a pris, a retiré sa tête du nœud coulant, a passé ma tête à la place de la sienne, et, ma foi! il m’a poussé à mon tour, comme je l’avais poussé, moi. Voilà la chose.
     — Impossible! vous vous trompez.
     — M’avez-vous trouvé pendu, oui ou non?
     — Oui.
     — Eh bien! je vous promets que je ne me suis pas pendu moi-même. Voilà tout ce que je puis vous dire.
     Je réfléchis un instant.
     — Et la médaille, lui demandai-je, où est-elle?
     — Ma foi! cherchez à terre, elle ne doit pas être loin. Quand je me suis senti pendu, je l’ai lâchée.
     **En 1783, le bourreau réel d’Étampes s’appelait Pierre Desmorets. Voyez  notre dossier sur lui.


Andrieux: Le bourreau d'Etampes
Illustration d’Andrieux (1852)
     Je me levai et jetai les yeux à terre. Un rayon de la lune donnait dessus comme pour guider mes recherches.

     Je la ramassai. J’allai au cadavre du pauvre L’Artifaille et je lui rattachai la médaille au cou.


     Au moment où elle toucha sa poitrine, quelque chose comme un frémissement courut pour tout son corps, et un cri aigu et presque douloureux sortit de sa poitrine.

     Le bourreau fit un bond en arrière.

     Mon esprit venait d’être illuminé par ce cri. Je me rappelai ce que les saintes Ecritures disent des exorcismes et du cri que poussent les démons en sortant du corps des possédés.

     Le bourreau tremblait comme la feuille.
     — Venez ici, mon ami, lui dis-je, et ne craignez rien.
     Il s’approcha en hésitant.
     — Que me voulez-vous? dit-il.
     — Voici un cadavre qu’il faut remettre à sa place.
     — Jamais. Bon! pour qu’il me pende encore.
     — Il n’y a pas de danger, mon ami, je vous réponds de tout.
     — Mais, monsieur l’abbé! monsieur l’abbé!
     — Venez, vous dis-je.

     Il fit encore un pas.
     — Hum! murmura-t-il, je ne m’y fie pas.
     — Et vous avez tort, mon ami. Tant que le corps aura sa médaille, vous n’aurez rien à craindre.
     — Pourquoi cela?
     — Parce que le démon n’aura aucune prise sur lui. Cette médaille le protégeait, vous la lui avez ôtée; à l’instant même le mauvais génie qui l’avait poussé au mal, et qui avait été écarté par son bon ange, est rentré dans le cadavre, et vous avez vu quelle a été l’œuvre de ce mauvais génie.
     — Alors ce cri que nous venons d’entendre?  
     — C’est celui qu’il a poussé quand il a senti que sa proie lui échappait.
     — Tiens, dit le bourreau, en effet, cela pourrait bien être.
     — Cela est.
     — Alors, je vais le remettre à son crochet.  
     — Remettez-le; il faut que la justice ait son cours; il faut que la condamnation s’accomplisse.

     Le pauvre diable hésitait encore.

     — Ne craignez rien, lui dis-je, je réponds de tout.
     — N’importe, reprit le bourreau, ne me perdez pas de vue, et au moindre cri venez à mon secours.
     — Soyez tranquille.
Médaille miraculeuse de la rue du Bac (1819) Médaille miraculeuse de la rue du Bac (1819)
     Médaille miraculeuse dite de la Rue du Bac, dont le port fut prescrit par la Sainte Vierge à Catherine Labouré le 27 novembre 1830 et qui connut une vogue extraordinaire, qui dure encore.
     Il s’approcha du cadavre, le souleva doucement par les épaules et le tira vers l’échelle tout en lui parlant.
     — N’aie pas peur, L’Artifaille, lui disait-il, ce n’est pas pour te prendre ta médaille. Vous ne nous perdez pas de vue, n’est-ce pas, monsieur l’abbé?
     — Non, mon ami, soyez tranquille.
     — Ce n’est pas pour te prendre ta médaille, continua l’exécuteur du ton le plus conciliant; non, sois tranquille: puisque tu l’as désiré, tu seras enterré avec elle. C’est vrai, il ne bouge pas, monsieur l’abbé.
     — Vous le voyez.
     — Tu seras enterré avec elle; en attendant, je te remets à ta place, sur le désir de monsieur l’abbé, car, pour moi tu comprends!...
     — Oui, oui, lui dis-je, sans pouvoir m’empêcher de sourire, mais faites vite.
     — Ma foi! c’est fait, dit-il en lâchant le corps qu’il venait d’attacher de nouveau au crochet et en sautant à terre du même coup.

     Et le corps se balança dans l’espace immobile et inanimé.
     Je me mis à genoux et je commençai les prières que L’Artifaille m’avait demandées.
     — Monsieur l’abbé, dit le bourreau en se mettant à genoux près de moi, vous plairait-il de dire les prières assez haut et assez doucement pour que je puisse les répéter?
     — Comment! malheureux! tu les as donc oubliées?
     — Je crois que je ne les ai jamais sues.
     Je dis les cinq Pater et les cinq Ave, que le bourreau répéta consciencieusement après moi.
     La prière terminée, je me levai.
     — L’Artifaille, dis-je tout bas au supplicié, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour le salut de ton âme, c’est à la bienheureuse Notre Dame de faire le reste.
     — Amen! dit mon compagnon.

     En ce moment un rayon de lune illumina le cadavre comme une cascade d’argent. Minuit sonna à Notre-Dame.
     — Allons, dis-je à l’exécuteur, nous n’avons plus rien à faire ici.
     — Monsieur l’abbé, dit le pauvre diable, seriez-vous assez bon pour m’accorder une dernière grâce?
     — Laquelle?
     — C’est de me reconduire jusque chez moi; tant que je ne sentirai pas ma porte bien fermée entre moi et ce gaillard-là, je ne serai pas tranquille.
     — Venez, mon ami.

     Nous quittâmes l’esplanade, non sans que mon compagnon, de dix pas, en dix pas, se retournât pour voir si le pendu était bien à sa place.

     Rien ne bougea.

     Nous rentrâmes dans la ville. Je conduisis mon homme jusque chez lui. J’attendis qu’il eût éclairé sa maison, puis il ferma la porte sur moi, me dit adieu, et me remercia à travers la porte. Je rentrai chez moi, parfaitement calme de corps et d’esprit.

     Le lendemain, comme je m’éveillais, on me dit que la femme du voleur m’attendait dans ma salle à manger.

     Elle avait le visage calme et presque joyeux.
     — Monsieur l’abbé, me dit-elle, je viens vous remercier: mon mari m’est apparu hier comme minuit sonnait à Notre-Dame, et il m’a dit: «Demain matin, tu iras trouver l’abbé Moulle, et tu lui diras que, grâce à lui et à Notre-Dame, je suis sauvé.»

   
Source: édition en ligne Pitbook, 2002, colligée avec l’édition Wagner de 1949 (Saisie: Bernard Gineste, octobre 2002, remaniée en novembre 2005). 
     
NOTES ET DOCUMENTS
1. LE PERSONNAGE FICTIF DE L’ABBÉ MOULLE
 
     Alexandre Dumas le présente à l’occasion du premier récit du recueil; Il est supposé avec l’auteur, faire partie des témoins de l’horrible fait divers qui fait l’objet de la première partie, résumé par ce rapport de gendarmerie:  
 
     Cejourd’hui, 1er septembre 1831, à deux heures de relevée, ayant été averti par la rumeur publique qu’un crime de meurtre venait d’être commis, dans la commune de Fontenay-aux-Roses, sur la personne de Marie-Jeanne Ducoudray, par le nommé Pierre Jacquemin, son mari, et que le meurtrier s’était rendu au domicile de monsieur Jean-Pierre Ledru, maire de ladite commune de Fontenay-aux-Roses, pour se déclarer, de son propre mouvement, l’auteur de ce crime, nous nous sommes empressé de nous rendre, de notre personne, au domicile dudit Jean-Pierre Ledru, rue de Diane, n° 2; auquel domicile nous sommes arrivé en compagnie du sieur Sébastien Robert, docteur médecin, demeurant dans ladite commune de Fontenay-aux-Roses, et là, avons trouvé déjà entre les mains de la gendarmerie le nommé Pierre Jacquemin, lequel a répété devant nous qu’il était auteur du meurtre de sa femme; sur quoi nous l’avons sommé de nous suivre dans la maison où le meurtre avait été commis. Ce à quoi il s’est refusé d’abord; mais bientôt, ayant cédé, sur les instances de monsieur le maire, nous nous sommes acheminés vers l’impasse des Sergents, où est située la maison habitée par le sieur Pierre Jacquemin. Arrivés à cette maison, et la porte refermée sur nous pour empêcher la population de l’envahir, avons d’abord pénétré dans une première chambre où rien n’indiquait qu’un crime eût été commis; puis, sur l’invitation dudit Jacquemin lui-même, de la première chambre avons passé dans la seconde, à l’angle de laquelle une trappe donnant accès à un escalier était ouverte. Cet escalier nous ayant été indiqué comme conduisant à une cave où nous devions trouver le corps de la victime, nous nous mîmes à descendre ledit escalier, sur les premières marches duquel le docteur a trouvé une épée à poignée faite en croix, à lame large et tranchante, que ledit Jacquemin nous a avoué avoir prise pour lui, lors de la révolution de Juillet, au musée d’Artillerie, et lui avoir servi à la perpétration du crime. Et sur le sol de la cave avons trouvé le corps de la femme Jacquemin, renversé sur le dos et nageant dans une mare de sang, ayant la tête séparée du tronc, laquelle tête avait été placée droite sur un sac de plâtre adossé à la muraille, et ledit Jacquemin ayant reconnu que ce cadavre et cette tête étaient bien ceux de sa femme, en présence de monsieur Jean-Pierre Ledru, maire de la commune de Fontenay-aux-Roses; de monsieur Sébastien Robert, docteur-médecin, demeurant audit Fontenay-aux-Roses; de monsieur Jean-Louis Alliette, dit Etteilla, homme de lettres, âgé de soixante-quinze ans, demeurant à Paris, rue de l’Ancienne-Comédie, n° 20; de monsieur Pierre-Joseph Moulle, âgé de soixante et un ans, ecclésiastique attaché à Saint-Sulpice, demeurant à Paris, rue Servandoni n° 11; de monsieur Alexandre Dumas, auteur dramatique, âgé de vingt-sept ans, demeurant à Paris, rue de l’Université, n° 21, avons procédé ainsi qu’il suit à l’interrogatoire de l’accusé.
       
     Le même personnage était déjà présenté deux pages auparavant dans les mêmes termes, comme un des amis du maire, Ledru, et plein d’une onction tout ecclésiastique:   
 
     — Et vous, monsieur? continua-t-il en s’adressant au second ami de monsieur Ledru.Et il répéta exactement les mêmes questions qu’il avait faites au premier.  
     — Pierre-Joseph Moulle, âgé de soixante et un ans, ecclésiastique attaché à l’église de Saint-Sulpice, demeurant rue Servandoni, n° 11, répondit d’une voix douce celui qu’il interrogeait.  
      
     Ce fait divers fantastique entraîne une longue discussion relative aux faits surnaturels, où chacun des protagonistes relate un fait dont il a été témoin. Voici comment intervient l’abbé Moulle au début du dixième chapitre:  
 
     Soit qu’il fût convaincu, soit ce qui est plus probable, que la négation lui parût difficile vis-à-vis d’un homme comme le chevalier Lenoir, le docteur se tut.  
     Le silence du docteur laissait le champ libre aux commentateurs; l’abbé Moulle s’élança dans l’arène.  
     — Tout ceci me confirme dans mon système, dit-il.  
     — Et quel est votre système? demanda le docteur, enchanté de reprendre la polémique avec de moins rudes jouteurs que monsieur Ledru et le chevalier Lenoir.  
     — Que nous vivons entre deux mondes invisibles, peuplés, l’un d’esprits infernaux, l’autre d’esprits célestes; qu’à l’heure de notre naissance deux génies, l’un bon, l’autre mauvais, viennent prendre place à nos côtés, nous accompagnent toute notre vie, l’un nous soufflant le bien, l ‘autre le mal, et qu’à l’heure de notre mort celui qui triomphe s’empare de nous. Ainsi, notre corps devient ou la proie d’un démon ou la demeure d’un ange; chez la pauvre Solange, le bon génie avait triomphé, et c’était lui qui vous disait adieu, Ledru, par les lèvres muettes de la jeune martyre; chez le brigand condamné par le juge écossais, c’était le démon qui était resté maître de la place, et c’est lui qui venait successivement au juge sous la forme d’un chat, dans l’habit d’un huissier, avec l’apparence d’un squelette; enfin, dans le dernier cas, c’est l’ange de la monarchie qui a vengé sur le sacrilège la terrible profanation des tombeaux, et qui, comme le Christ se manifestant aux humbles, a montré la restauration future de la royauté à un pauvre gardien de tombeaux, et cela avec autant de pompe que si la cérémonie fantastique avait eu pour témoins tous les futurs dignitaires de la cour de Louis XVIII.  
     —  Mais enfin, monsieur l’abbé, dit le docteur, tout système est fondé sur une conviction.  
     — Sans doute.  
     — Mais cette conviction, pour qu’elle soit réelle, il faut qu’elle repose sur un fait.  
     —  C’est aussi sur un fait que la mienne repose.  
     —  Sur un fait qui vous a été raconté par quelqu’un en qui vous avez toute confiance?  
     — Sur un fait qui m’est arrivé à moi-même.  
     — Ah! l’abbé; voyons le fait.  
     — Volontiers. Je suis né...
  
     [La suite du chapitre est le récit complet que nous avons isolé dans notre édition sous le titre de L’Artifaille]. 
2. OBJETS PRÉCIEUX RÉELLEMENT CONSERVÉS
À NOTRE-DAME D’ÉTAMPES VERS 1783

     La description que fait Dumas (ou son nègre) des reliques conservées à Notre-Dame en 1783 ne lui est semble-t-il inspirée que par son imagination.  
     Il s’agit d’un «saint ciboire, magnifique coupe de vieil argent ciselée sous Henri II» (Dumas a dû se souvenir que ce prince avait donné le duché d’Étampes à sa favorite Diane de Poitiers), d’un «ostensoir massif, qui avait été donné à la ville par la reine Marie-Antoinette», de «deux burettes de vermeil» et d’une «Notre-Dame en cire couronnée d’une couronne d’or et de diamants, et couverte d’une robe toute brodée de pierreries».  
   
     En réalité, à cette date, l’objet le plus précieux conservé à Notre-Dame d’Étampes était la châsse des Corps-Saints, c’est-à-dire des reliques des saints martyrs Cant, Cantien et Cantianille, dont Fleureau nous a laissé une description fort détaillée. Nous reproduisons ici seulement ce que cet auteur dit de la Vierge qui était conservée dans cette église de son temps:  

     Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes. Seconde Partie. De la Fondation des Eglises, Monasteres, & autre lieux de Pieté de la Ville & des Faux-bourgs. Chapitre IX. Description de la Chasse, p. 363-367 (rédigé avant 1668, publié en 1681):   

     L’Image de Nôtre-Dame en bosse, d’argent doré du poids de huit marcs, tenant sur son bras gauche le petit Jesus, & de la main droite un bouquet chargé de douze grosses Perles, passe pour un bien-fait du même Comte d’Evreux; à cause de sa devotion envers la Sainte Vierge, & que ses armes sont au dessous: elle renferme dans le pied un Voile de la même Sainte Vierge.
  
     Léon MARQUIS, historien local plus récent, nous fait connaître ce qui existait en cette église en 1792, Les Rues d’Étampes et ses monuments, 1881, Introduction, pp. 32-33:  
   
     En janvier 1760, le roi ayant jugé propos d’envoyer sa vaisselle d’argent à la Monnaie de Paris pour subvenir aux besoins de l’État, les seigneurs de la cour et plusieurs églises et communautés religieuses imitèrent son exemple. A cette occasion, la paroisse Notre-Dame envoya 19 marcs 4 onces d’argenterie, et la congrégation de Notre-Dame 57 marcs 4 onces 2 gros [Mercure de France de 1760].  
     Le 9 août 1792, il y eut un autre envoi à la Monnaie par les membres du directoire du district, composé de Charpentier, président, Héret, Venard et Crosnier. L’argenterie provenant des églises et des couvents fut pesée par Hugo, orfèvre, après qu’il en eut séparé le bois, le fer, le verre et les pierres fausses, savoir:  
     Chapitre Notre-Dame: un bâton cantoral, dont la tête pesait 4 marcs 6 onces, et le manche 5 marcs 1 onces 4 gros. [...]».
  
    Ibid., Chapitre IV. Églises. § IV. Église Notre-Dame, pp. 272-273:  
  
     Le 25 novembre 1792 fut envoyée à la Monnaie de Paris, par les administrateurs et procureur du district d’Étampes, l’argenterie provenant des églises et des couvents.   
     Nous trouvons que cet envoi pour l’église Notre-Dame seulement comprenait: un encensoir, deux navettes avec deux cuillères attachées par une petite chaîne, 12 marcs 2 onces 6 gros; une Vierge d’argent, 7 marcs 6 onces 5 gros; deux burettes d’argent et leur plat, 4 marcs 1 once 5 gros; une lampe d’argent, 7 marc 7 onces 2 gros; trois tasses, 4 marcs 3 onces 3 gros; une jambe, 5 marcs 3 onces 7 gros; une croix de vermeil, 1 marc 3 onces ½ gros; plusieurs feuilles d’argent, vis, écrous, goupilles couvrant et servant à une châsse en bois, 34 marcs 4 onces 3 gros ½; une croix d’autel, déduction faite d’une once pour un morceau de fer greffé dans une bosse de la croix  , 6 marcs 5 onces 2 gros; la garniture de deux bras de saints, 4 marcs 3 onces 4 gros ½; une croix de procession, 11 marcs 2 gros ½.
     
3. DEUX CAMBRIOLAGE D’ÉGLISES À ÉTAMPES
  
a) Cambriolage de Morigny le 6 mai 1557

     Dom Basile FLEUREAU, Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes. Troisième partie. Contenant l’Histoire de l’Abbaye Royale de Morigny lez-Estampes. Jean Hurault, XXXVII. Abbé, pp. 549-552 (rédigé avant 1668, publié en 1681) [saisie: Bernard Gineste, octobre 2002]:  

     Frere Jean Hurault personnage de grand merite duquel il est fait mention, de même que de son predecesseur en divers titres de l’an 1529. fut fils de Jean Hurault Seigneur de Boistaillé, & de Belesbat, Premier President en la Chambre des Comptes à Paris, & Chancelier de Louis Duc d’Orleans. Il servit toute sa vie de modele à ses Religieux, dans la vertu,  & dans l’observance reguliere. Ceux qui ont parlé de luy l’ont comparé à Elie pour son courage, & à saint Paul pour sa charité. On a remarqué qu’outre les aumônes qu’il distribuoit chaque jour aux pauvres, il tenoit toûjours quelque chose en reserve, pour leur subvenir en leur necessitez extraordinaires: & avec cela il fit achever le Chœur en l’état qu’il est aujourd’hui, l’an 1542.  
     Dieu qui sçait purifier ses serviteurs par le feu des tribulations, voulut que ce bon abbé en souffrit une sur la fin de ses jours, qui luy fut extremement sensible. Ce fut le vol des saintes Reliques, & de toute l’argenterie de son Abbaie, qui arriva l’an 1557. en la maniere suivante.  
     Joachim du Ruth, Gentil-homme d’extraction, Seigneur de Venant, hameau de la Paroisse de Boissy-le-sec, se resolut de depouïller l’Abbaie de Morigny de ce qu’elle avoit de plus pretieux et de plus riche. Pour executer ce diabolique dessein, il partit de sa maison, & s’en alla à paris, où il s’associa de plusieurs voleurs, jusques au nombre de douze, de divers endroits du Roiaume: il les mena boire dans l’Hôtellerie de l’écu de France, à la place Maubert, où ils comploterent ensemble de faire ce vol, moiennant 400. écus de recompense que du Ruth leur promit. Il les envoia tous devant luy à sa maison, où il les suivit au galop; & aprés s’être animez les uns les autres à l’execution de leur damnable dessein, ils se rendirent à Morigny, la nuit sixiéme de May, sur les onze heures du soir, avec des échelles qu’ils avoient prises en passant dans l’église de saint Pierre d’Estampes. Ils monterent par dessus les murailles de la cour, & entrerent par les fenêtres de l’Eglise: ils ouvrirent avec bien de la peine la porte de la Sacristie, qui étoit fermée à double serrure, & firent encore beaucoup plus de violence à ouvrir l’armoire, dans laquelle les saints reliquaires, & l’argenterie étoient conservez, parce qu’elle étoient fermée à trois serrures, avec une bande de fer en travers. Ils emporterent tous les Reliquaires, excepté celuy du bras de saint Simeon, qui n’étoit que de bois argenté, & toute l’argenterie, & s’en retournerent sans empêchement au même lieu dont ils étoient venus. J’ay veu un memoire qui porte qu’ils brûlerent dans le Chœur sur le marchepied de l’Autel, les sacrez Ossemens, & qu’aussi-tôt qu’ils furent de retour à Venant, ils mirent en pieces toutes l’argenterie. Estienne de la Mothe, Seigneur de Ronqueux, entre Dourdan, & Rochefort, gendre de du Ruth, jetta dans le feu le reste des Reliques, & les cayers en velin de trois livres servans à l’Autel, aprés en avoir arraché les couvertures qui étoient en argent doré, enrichies de pierreries.  
     Celuy qui avoit accoutumé de sonner Matines étant entré dans l’Eglise à l’heure ordinaire, apperceut une grande clarté qui l’étonna d’abord: mais il fut bien plus surpris quand aiant fait reflexion qu’elle ne provenoit pas de la Lune, comme il l’avoit crû, & qu’il vit qu’elle sortoit de la Sacristie, où les voleurs avoient laissé allumé le cierge de l’Autel, qui avoit servy à leur éclairer. Il s’écria de toute sa force, & à son cri les Religieux se leverent promptement aussi bien que l’Abbé, qui étoit couché dans sa Chambre au Dortoir. Chacun fut saisi d’étonnement, & de douleur à la veuë d’un tel objet, & l’Abbé plus que tous les autres, qui fit à l’instant publier dans le village que l’Abbaie de Morigny avoit été volée, & le bruit en courut aussi-tôt aux lieux circonvoisins.  
     Cependant il crut qu’il falloit recourir à Dieu pour luy demander quelques lumieres dans un accident si facheux: c’est pourquoy au lieu de celebrer la Messe du saint Sacrement, comme ils avoient accoûtumé le Jeudy, il fit chanter celle du saint Esprit, qui leur fit incontinent connoître les auteurs du sacrilege: car à peine la Messe fut-elle achevée, que l’Abbé receut une lettre de Charles de Paviot, Seigneur de Boissy le Sec, Gentil-homme des plus considerables du païs, par laquelle il luy donnoit avis, qu’ils avoient découvert le lieu où les voleurs de son église s’étoient retirez. Il l’avoit connu par un froc, ou Cuculle, que des païsans trouverent sur le chemin, & luy apporterent. Il s’offrit de s’emploier avec tous les habitans de son village pour prendre ses voleurs, pourveû qu’il fû aidé. L’Abbé luy envoia au plutôt tout ce qu’il put assembler d’hommes dans Morigny, & ailleurs, & on y alla aussi d’Estampes. La maison de Venant fut invertie & la porte incontinent rompue à coup de hache; tellement que les voleurs qui étoient prest à se mettre à table pour faire bonne chere, quitterent tout, & ne songerent plus qu’à se sauver. Les uns sauterent par les fenêtres, les autres resisterent autant qu’ils pûrent, & furent tous tuez ou blessez. Du Ruth, & son gendre furent amenez prisonniers à Estampes, avec les autres que l’on pût prendre, quatre ou cinq s’étant sauvez. Le Lundy suivant qu’on appliqua les prisonniers à la question, quelques-uns la souffrirent sans rien confesser: mais leur Chef confessa librement tout le fait sans se laisser gehenner. Ils furent tous condamnez à la mort, & executez par diverses sortes de supplices. Du Ruth, & son gendre furent decapitez, & leurs corps, & leurs têtes jettez dans un bucher, & reduits en cendre, huit jours aprés avoir commis le crime. Le valet de du Ruth fut roué vif, avec d’autres quelques jours aprés: & d’autres seulement pendus, & étranglez.  
     Un Moine de Morigny, qui étoit alors dans l’Abbaie, a décrit ce vol, & fait le dénombrement des choses qui furent volées, qui sont les suivantes. Trois Croix d’argent doré tres-belles, & tres-riches, dans deux desquelles il y avoit des reliques de plusieurs Saints, & dans la troisiéme un morceau considerable de la vraie Croix de Nôtre Seigneur, que l’Abbé Macaire avoit apporté de Rome, comme je l’ay remarqué en parlant de luy. Trois livres servant à l’Autel, couverts de lames d’argent, avec de tres-belles figures enrichies de pierreries, de la valeur de plus de mille livres. Un grand Reliquaire d’argent doré, dans lequel étoit la machoire de saint Laurens. Une Chasse d’argent où étoient des côtes, & autres ossemens de saint Blaise, Evêque de Sebaste en Armenie. Un Reliquaire d’argent où étoient un morceau du doigt de saint Antoine Anacorete. Et un autre Reliquaire d’argent doré, dans lequel étoit une dent de sainte Appolline, Vierge, & Martire. Un bras d’argent long d’une coudée, enrichy de saphyrs, d’émeraudes, & d’autres pierres pretieuses, dans lequel étoit enchassé un os de saint Sebastien Martyr. Un grand Reliquaire d’argent cizelé, qui enfermoit des vêtemens de saint Jacques le Majeur. Deux encensoirs d’argent de la valeur de plus de six vingt escus. Toute la Chapelle de l’Abbé, d’argent doré cizelé, fut aussi dérobée: elle consistoit en une Croix de la hauteur d’une coudée, sur laquelle étoit un Crucifix, un Calice, une boëte pour les Hosties, deux Burettes, deux Chandeliers, un Eaubenîtier, & l’Arspersoir; la Crosse chargée de pierres precieuses, & deux grands bassins d’argent. Aprés ces déplaisirs le bon Abbé mourut plein de merites, le dernier jour d’Aoust, l’an 1559. ou 1560. Son corps repose dans la cave, qui est en les deux pulpitres du Chœur, avec plusieurs autres de la même famille de Hurault. 
 
       
b) Cambriolage de Saint-Gilles le 3 mars 1652
  
     NICOLAS PLISSON, Rapsodie [manuscrit contemporain cité par MARQUIS, ibid., p.419]:   
 
     Cas épouvantable. Funeste présage du malheur qui nous talonne. — Du 4 mars 1652, la nuict dernière, l’on auroit, par une des vitres de l’église Saint-Martin, entré dans icelle, où l’on auroit forcé les serrures de quelques coffres qui y estoient, appartenans à des particuliers qui les y avoient mis à cause des troubles, mesme forcé la serrure de la sacristie, où l’on auroit aussy forcé les coffres, volé et pris la croix d’argent des processions, deux couppes d’argent, un bassin d’argent, le soleil du saint-sacrement, le ciboire dans lequel il y avoit une boëte, duquel ciboire et soleil ils ont aussy osté les saintes hosties qu’ils auroient laissées sur un livre, et oultre environ 15 livres en diverse monnoye, la plaque d’argent que le beadeau passoit sur sa manche. Deux du faubourg soubçonnés et accusés, pris prisonniers, condamnés en la prévosté d’Estampes à la question ordinaire et extraordinaire. Transférés à la cour, renvoyés de l’accusation, sauf à informer plus amplement. 
 
c) Résumé de Léon Marquis (1881) 

     Léon MARQUIS, Les Rues d’Étampes et ses monuments, 1881, Introduction, pp. 12:

     Le 11 mai 1557, du Ruth, seigneur de Venant, qui avait dévalisé l’église de Morigny, fut appliqué à la question et exécuté à Étampes avec sept ou huit de ses compagnons.» 
      
     ID., ibid., Chapitre II. Rues d’Étampes. § II. Quartier Saint-Gilles. Rue Traversière, pp. 131-132:
  
 
     Rue Traversière. — Va de la place Saint-Gilles à la rue des Cordeliers. A cette rue se rattachent des souvenirs historiques bien intéressants. C’était elle que nos aïeux appelaient rue de la Femme-sans-Tête, ou Monte-à-Regret, ou du Supplice. En effet, c’était à la rencontre de la place Saint-Gilles avec cette rue que l’on plaçait autrefois le pilori, la guillotine et le carcan; c’est la que plus souvent on exposait les condamnés à la vue du public.  
     Ce fut probablement en ce lieu que du Ruth fut appliqué à la question avec sept ou huit de ses compagnons, le lundi 11 mai 1557, pour avoir dévalisé l’église de l’abbaye de Morigny, le 6 mai précédent. Emmenés prisonniers à Étampes le lendemain du crime, ‘ils furent tous condamnesz à la mort, dit Fleureau, et executez par diverses sortes de supplices. Du Ruth (seigneur du hameau de Venant) et son gendre (Étienne de la Mothe, seigneur de Ronqueux) furent décapitez, et leurs corps et leurs têtes jettez dans un bûcher et réduits en cendre, huit jours après, et d’autres seulement pendus et étranglez [Fleureau, p. 549]. 
     En 1652, au même endroit, on dut appliquer à la question ordinaire et extraordinaire deux habitants du faubourg Saint-Martin soupçonnés d’avoir dévalisé l’église dudit faubourg [Voir la Rapsodie].
 
4. LE CURÉ RÉEL DE NOTRE-DAME D’ÉTAMPES EN 1783
 
    En 1783, époque de l’action imaginaire de notre récit, le curé réel de Notre-Dame d’Étampes s’appelait Boivin. Il tenait cette cure depuis 1755 et loccupa jusquà la Révolution, en 1791. En cette même année 1783 lui furent adjoints deux vicaires, Picou et Gregy. Par ailleurs tout un petit monde vivait de cette institution: une dizaine de chanoines et des chapelains (qui pour la plupart ne vivaient même pas à Étampes, mais touchaient des revenus afférents à leur charge toute théorique), un chevecier (ou primicier), un prévôt (ou économe), etc. Selon Clément Wingler, qui a consacré une remarquable étude à Notre-Dame sous l’Ancien Régime, «au moment de la Révolution, treize officiers travaillaient encore pour la collégiale: le maître des enfants de chœur, qui est également le premier choriste, le second choriste, le sacristain, qui s’occupe en outre du blanchiment du linge, le serpent, le sonneur, le souffleur d’orgue, l’organiste, et enfin, le ‘housseur des chaises’ et le ‘descendeur des châsses’ pour les grandes cérémonies.» Mais voici surtout ce qu’il écrit de notre curé.
 
Cure et paroisse

     Si la juridiction du collège des chanoines s’exerce sur l’église et sur les officiers qui y sont rattachés, si l’autorité morale des chanoines rayonne sur l’ensemble de la ville, la gestion spirituelle du territoire de la paroisse Notre-Dame, et donc de ses habitants, relève d’une autre institution: elle est confiée aux soins du curé, prêtre subordonné à l’évêque et exerçant de manière permanente. A la différences des chanoines, qui vivent en communauté, le curé vit parmi la population, dont il apparaît comme l’interlocuteur privilégié. Il a «charge d’âme» des paroissiens, à qui il administre les sacrements de baptême et de mariage, d’extrême onction, de pénitence et d’eucharistie. Seuls les clercs ayant obtenu le plus élevé des ordres majeurs, le sacerdoce, ont la faculté d’administrer les sacrements et donc de devenir curé d’une paroisse, d’obtenir le bénéfice d’une cure. Le curé peut être assisté d’un ou de plusieurs vicaires.
     A partir du dépouillement des registres paroissiaux de Notre-Dame, nous avons pu établir la liste des curés et vicaires qui ont desservi la paroisse de 1545 à la Révolution. Cette liste est donnée en annexe au livret.
     Les revenus de la paroisse ne doivent pas être confondus avec ceux du chapitre. La paroisse possède des biens en propre, administrés par un conseil de fabrique. Parmi ces biens, se détachent  la ferme de Lendreville à Ormoy-la-Rivière, avec 23 hectares de terres, et deux maisons à Étampes. Pour les années 1770-1771, les recettes s’élèvent à 6653 livres (loyer, rentes et moissons, droits d’offrande et de patronage, oblations), et les dépenses à 2832 livres. Parmi celles-ci, la portion congrue reversée au curé de la paroisse, le Père Boivin, soit 500 livres
[42].
     La Révolution voit la liquidation des revenus des membres du clergé. Suite à une décision du directoire de district, est dressée le 18 novembre 1790, la liste des revenus et charges de la cure de Notre-Dame d’Étampes, vouée à la disparition
[43].
     Les recettes fixes s’élèvent alors à 780 livres, 4 sols, 2 deniers et 2 poulets; les dépenses à 211 livres. Le solde est donc nettement positif. Outre les droits d’obits droits attachés aux messes célébrées pour le repos de l’âme des morts, 243 livres), et la portion congrue de la dîme payée au curé par le chapitre (700 livres), l’essenteil des rentrée d’argent sont représentées par des rentes foncières et des loyers: 25 livres de loyer pour un demi-arpent de pré loué par un jardinier de St-Pierre, 25 livres de rente et 2 poulets payés par un laboureur de Saclas, une rente foncière à prendre sur l’auberge de la Fleur de Lys, deux autres sur une maison de la rue de la Tannerie et sur une terre labourable au-dessus de la ruelle St-Jean, deux rentes sur les maîtres vanniers d’Étampes, et deux rentes payées par la chambre ecclésiastique de Sens et par l’Université de Paris, cette dernière au titre de la liquidation de la communauté des maîtres tailleurs d’habits d’Étampes.
     Toutes ces rentes sont versées en échange d’une prière perpétuelle pour le repos de l’âme des personnes et des membres de corporations concernées.
     Les postes de dépenses sont au nombre de cinq: les honoraires du curé (943 livres), ceux du vicaire (principalement pour les catéchismes, 120 livres), les décimes et commissions (69 livres), une rente aux Célestins de Marcoussis (2 livres), et enfin, les réparations au presbytère (40 livres).
     Au total, pour cette année de référence, le bénéfice net de la cure de Notre-Dame (1569 livres) apparaît équivalent à celui de la cure de Saint-Martin (1469 livres) et supérieur à celui des cures de Saint-Basile (817 livres) et de Saint-Gilles (1188 livres). A titre de comparaison, les petites paroisses des environs d’Étampes disposent de bénéfices nettement moins confortables: 650 livres pour Saint-Yon, 500 livres pour Courdimanche
[44].
 
Clément Wingler, Notre-Dame sous l’Ancien Régime, 1998.
 
NOTES
[42] Archives Municipales d’Étampes AA 78.
[43] Archives Municipales d’Étampes, Fonds Révolution, 5P2.
[44] Archives Municipales d’Étampes, Fonds Révolution, 5P2.


5. LE BOURREAU RÉEL D’ÉTAMPES EN 1783
 
          En 1783, époque de l’action imaginaire de notre récit, le bourreau réel d’Étampes s’appelait Pierre-André-Louis Desmorets. Il avait 41 ans et exerçait déjà ses fonctions depuis plus d’une vingtaine d’années.  
     Il appartenait  à une lignée de bourreau en place à Étampes depuis la fin du XVIIe siècle, alliée aux familles des bourreaux de Montargis, d’Orléans, de Troyes, de Rouen et de Caudebec. Ces alliances s’expliquent par l’ostracisme dont étaient entourées ces familles, qui ne trouvaient même de parrains et de marraines que dans leur entourage rapproché. C’est en vain la législation du temps combat cet ostracisme en interdisant sous diverses peines de nommer «bourreaux» les exécuteurs des sentences criminelles, qui sont haïs également pour les privilèges exorbitants que leur donnent souvent certaines traditions locales. 
     Pierre-André-Louis Desmorets avait lui-même épousé la fille du bourreau de Rouen, dont deux de ses sœurs avaient déjà épousé les frères, puis, devenu veuf à vingt ans, il avait pris pour nouvelle épouse la fille du bourreau de Caudebec, Gabrielle-Louise Jouenne. Il 1783, il mariait justement lui-même sa fille Louise-Élisabeth, née en 1765, à André-Charles-Louis Ferey, son cousin germain, fils de sa propre sœur et de son ex-beau-frère Charles Ferey, exécuteur de Rouen. 
     Depuis 1767, il avait perdu un long procès qui l’avait opposé aux habitants d’Étampes, à la suite des excès qui avait été commis par son père dans la perception de leurs nombreux droits de perception en nature sur les places et marchés. Outre son salaire pour les exécutions et l’exemption d’impôt dont il continuait à jouir, il n’avait plus droit qu’à la perception en numéraire d’un droit sur les seuls sacs de grains transitant par Étampes, savoir 6 deniers par sac. Ce qui lui procurait cependant en tout un revenu annuel de 6000 livres par an. La même année 1767, il avait cependant  
     Nous tirons ces informations d’une remarquable étude publiée par Charles Forteau en 1904 et rééditée par Michel Billard en 1989, «Le dernier exécuteur des sentences criminelles du Bailliage d’Étampes et le droit de havage».
     
     Pierre-André-Louis Desmorets, descendant d’une longue suite de bourreaux qui possédaient la charge depuis plus d’un siècle, fut le dernier exécuteur des sentences criminelles du bailliage d’Étampes. 
     Ce personnage ne nous paraîtrait pas digne d’attention si ses démêlés avc les habitants au sujet du droit de havage qu’il exerçait, ainsi que ses ancêtres, ne se rattachait pas intimement à l’histoire de notre ville. Les registres anciens déposés aux archives contiennent à cet égard des renseignements curieux et intéressants dont nous nous proposons de donner l’analyse. 
     Le havage était primitivement le droit qu’avait le seigneur de faire procéder par son bailli à une perception en nature sur les herbages, légumes verts et cérélales qui se vendaient au marché, en en prenant avec sa main autant qu’il pouvait. Il cessa d’être compté parmi les droits seigneuriaux lorsqu’il fut donné au bourreau et s’augmenta ultérieurement d’un impôts sur les animaux, le beurre, le fromage, les œufs, etc. Rien de ce qui était mis en vente n’échappait à l’exécuteur.  
     [....] Les contestations entre l’exécuteur et les habitants d’Étampes commencèrent dès l’année 1545. Une sentence du bailliage, du 16 mai, exempte les gens du faubourg Saint-Martin du droit de havage pour les denrées qu’ils vendent au marché, sauf les jours d’exécution [...]. 

     Les déclarations d’enquête faites en [...] 1602, au sujet de la demande adressée par les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame d’Étampes au duc de Mercœur et d’Étampes, afin d’obtenir, pour y bâtir une chapelle, un terrain vide attenant à leur couvent, nous font connaître que les exécutions avaient lieu dans le vosinage immédiat de ce terrain, de forme triangulaire, appelé de toute ancienneté le Marché aux Porcs, et qui était le rendez-vous des débauchés et des vagabonds. [Note: Bulletin de la Société de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix, 1902, p. 11, et, dans le présent recueil, page 192.] 
     D’après M. Léon Marquis, c’était en effet tout près de là, à l’angle de la place Saint-Gilles et de la Rrue Traversière, que nos ancêtres surnommaient la rue de la Femme-sans-Tête, de Monte-à-Regert, du Supplice, que se dressaint la potence et le pilori, que l’on vit plus tard presqu’en face, au bas de la rue du Vicariat; des voleurs furent aussi exposés au carcan sur la place du marché de Notre-Dame. 
     Les corps des suppliciés étaient portés, paraît-il, sur les hauteurs de la Croix de Vernailles, à l’endroit qui porte encore les noms du Gibet ou de Montfaucon [Note: Par analogie sans doute au Montfaucon de Paris.], où se trouvaient les fourches patibulaires à huit piliers des seigneurs d’Étampes. [...] 
  
     En 1702, André-Louis Desmorets, aïeul de Pierre-André-Louis, est en exercice.. Désormais, les registres de la paroisse de Saint-Basile, que lui et ses descendants continuèrent d’habiter jusqu’à la Révolution [Note: Cependant un arrêté du Parlement du 31 août 1709 prescrit au bourreau de demeurer en dehors de l’enceinte des villes, à moins que ce ne soit au pilori (les Rues d’Étampes, p. 102). M. Léon Marquis pense que, en 1774, Desmorets habitait la rue de la Treille dans la paroisse de Saint-Martin. / Il est mort en 1813, comme nous le verrons plus loin, dans une maison dont il était propriétaire, située au n°11 de la rue Pavée, aux confins des paroisses de Saint-Gilles et de Saint-Basile.] 
     Il est à remarquer que dans presque tous ces actes les témoins, parrains ou marraines, sont des membres de la famille, tant était grande la répulsion qu’inspirait la charge dont son chef était revêtu. Si lui-même, sa femme, ses fils ou ses filles, tenaient des enfants sur les fonts, c’étaient en général les enfants de ses aides, qualifiés journaliers, manœuvres. Pourtant on ne lui donne jamais le titre de bourreau; on le désigne sous ceux d’exécuteur des sentences criminelles, des ahutes œuvres, de la haute justice du bailliage, d’officier du Roi, souvent même de bourgeois d’Étampes. 
     Un arrêt du Roi, de la fin du XVIIIe siècle, interdit expressément, sous diverses peines, de nommer bourreaux les exécuteurs des jugements criminels. 
     Il nous semble nécessaire, avant d’aller plus loin, de dire quelques mots des familles Berger et Desmorets et de leurs alliances. [...] 
  
     André-Louis Desmorets, deuxième du nom, eut d’Élisabeth Berger un grand nombre d’enfants parmi lesquels Pierre-André-Louis, né en 1742, qui lui succéda et fut le dernier titulaire [...]; Marie-Louise, née avant le mariage, femme en 1752 de Charles Ferey, de Rouen [...]; et Anne-Élisabeth, née en 1749, qui se maria en 1765 avec Thomas-François Féret, frère probable de Charles cité plus haut, et l’éxécuteur des sentences criminelles de Rouen.  
     André-Louis Desmorets mourut en 1763, pendant le cours du procès engagé. Pierre-André-Louis prit la succession de son père du vivant de son père. Il avait à peine vingt ans et avait épousé d’abord une sœur des précédents, Marie-Thérèse Ferey, morte en 1762, et ensuite Gabrielle-Louise Jouenne, fille du bourreau de Caudebec, qui lui survécut. 
     Ils eurent aussi plusieurs enfants, dont Louise-Élisabeth, née en 1765, mariée en 1783, avec André-Charles-Louis Ferey, son cousin germain, fils de Charles Ferey et de Louise-Élisabeth Desmorets, dont nous avons parlé plus haut. 
     Le baptême d’une autre fille (1767), Julie-Auguste-Gabrielle, présente cette particularité extraordinaire et unique dans l’histoire de la famille, que le parrain fut un gentilhomme, «messire Charles-Auguste de la Roche de Lorges, sr de Villiers, officier des Dames de France». 
     Tous les actes que nous venons de rapporter sont tirés, ainsi que nous l’avons dit, des registres paroissiaux de Saint-Basile. [...] 
     En 1760 le conflit éclate; Desmorets, brusquement, perçoit le double de ce que lui-même et ses prédécesseurs recevaient auparavant. Quelques-uns refusent de payer. Il les assigne en justice. Les laboureurs et les marchands ne viennent plus au marché d’Étampes en aussi grand nombre. 
     Alors les habitants s’émeuvent ; ils s’assemblent à l’hôtel de ville, demandent la protection du duc d’Orléans, seigneur de leur ville, et cherchent les moyens de parer au danger. [Suit un long procès que Forteau résume en quelques pages et qui s’achève en 1767 à l’avantage des habitants]. 
     [....] Ainsi se termina ce long et mémorable procès à la satisfaction des habitants qui obtenaient ainsi plus qu’ils ne demandaient; puisqu’ils avaient offerts 6 deniers par sac sur tous grains. 
     Défense était faite au bourreau de percevoir aucuns droits les jours d’exécution, de foires et de marché, ni sur les beurres, œufs, légumes, fruits, gibiers et autres denrées, dit M. Léon Marquis. Il resta exempt de tous impôts, et après lui avoir supprimé 8 ou 10 employés, sa charge lui procurait encore plus de 3000 liv. par an, beaucoup moins cependant qu’auparavant, car dans l’arrêt précité, sur ses plaintes, il est dit «que lorsqu’une ville, de concert avec le Prince engagiste, lui offrait un sort, il devait l’accepter, ou quitter la place, s’il n’était pas content» [Note: Les rues d’Étampes, p. 64]. 
    [...] Après l’abolition de son office, le dernier exécuteur des sentences criminelles  du bailliage d’Étampes continua d’habiter la ville en honnête bourgeois. Il y mourut en 1813, d’après l’acte de son décès : 
     Du mercredi 2 juin 1813, dix heures du matin, acte de décès de Pierre André Louis Desmorets, propriétaire, âgé de 70 ans [Note: Il était né en janvier 1742], époux de Marie Louis Jouenne, décédé d’hier à 3 heures de relevée; domicilié en cette ville, rue Pavée n°11; sur la déclaration faite par le Sr Louis Sulpice Billard, cordonnier, âgé de 66 ans, et le sieur Jean François Canivet, meunier, âgé de 55 ans, domiciliés en cette ville, qui ont signé, lecture faite. Constaté par moi, Maire d’Étampes, chevalier de la Légion d’honneur, faisant fonction d’officier de l’état civil soussigné. (Signé: Romanet.).

 
6. IMPRESSIONS TOURISTIQUES CONTEMPORAINES SUR LA TOUR DE GUINETTE
 
a) Journal intime de Benjamin Constant
(13 pluviôse = 1er  février 1805)
 
     13. Arrivé à Etampes. [...] Ma fermière soldera demain ses comptes, et j’espère repartir le soir-même pour Paris, de manière à y être pour dîner. Promenade dans la vieille tour auprès d’Etampes. J’y suis monté autant que les murs ruinés me l’ont permis, et j’ai éprouvé à l’aspect de ces ruines si désertes où tout attestoit la mort, et que nul mortel vivant n’a vues habitées, un assez vif battement de cœur. Qui sait dans combien peu de temps je serai plus mort que ces ruines! Car elles sont au moins debout sur la terre et attirent parfois les regards des vivans. [...]
 
b) Journal de voyage de Victor Hugo 
(20 juillet 1843)
 
     Ce que j’ai fait depuis avant-hier 18 juillet? Cent cinq lieues en trente-six heures. Ce que j’ai vu? J’ai vu Étampes, Orléans, Blois, Tours, Poitiers, et Angoulême.  
     En voulez-vous davantage? Vous faut-il des descriptions? Voulez-vous savoir ce que c’est que ces villes, sous quels aspects elles me sont apparues, quel butin d’histoire, d’art et de poésie, j’y ai recueilli chemin faisant, tout ce que j’ai vu enfin? Soit. J’obéis encore.  
     Étampes, c’est une grosse tour entrevue à droite dans le crépuscule au-dessus des toits d’une longue rue et l’on entend des postillons qui disent: — «Encore un malheur au chemin de fer! deux diligences écrasées, les voyageurs tués. La vapeur a enfoncé le convoi entre Étampes et Étrechy. Au moins, nous autres, nous n’enfonçons pas». 
 
c) Notice d’Alexandre Dufaï 
(1859)
 
     Malgré les assauts de vingt sièges et les coups redoublés de la pioche du maçon, la grosse tour du vieux châtel, dite Tour de Guinette, est encore debout; elle domine à cette heure la nouvelle voie de fer, et semble menacer de ses énormes crevasses les frêles constructions de l’industrie moderne.
 
7. LA TRADITION LITTÉRAIRE DU MIRACLE THÉOPHILE
   

     C’est en 1842, sept ans avant la parution des Mille et un fantômes, qu’est publiée la première édition critique du Miracle de Théophile, poème dramatique du trouvère Rutebeuf, composé vers 1270. Ce drame s’inspire d’une légende byzantine: un prêtre dépouillé de ses biens par son évêque vend son âme au diable pour les récupérer. Mais, sept ans plus tard, il se repent et prie la Vierge avec une telle ferveur qu’elle arrache au Démon ce funeste contrat, pourtant signé en bonne et due forme.  
     Or il ne faut oublier que Dumas se présente lui-même dans son récit prétendument daté de 1831, comme auteur dramatique. Notons que 1831 est aussi la date de parution de Notre-Dame de Paris.  
     Nous en donnons ci-après un extrait, cette édition, Théâtre français au moyen age, publié d’apres les manuscrits de la Bibliothèque du Roi, par MM. L. J. N. Monmerqué et Francisque Michel (XIe-XIVe siècles), Paris, Firmin Didot Frères, 1842, ayant mise en ligne par l’université de l’Indiana:  
Le Miracle Théophile dans le psautier d'Ingeburge de Danemark, reine de France
Le Miracle Théophile
dans le Psautier de la reine de France Ingeburge
(XIIIe siècle)

 
  
[Ici se repent Theophiles, et vient à une chapele de Nostre-Dame, et dist:] 
 
[...] Or n’ai-je remanance ne en ciel ne en terre.
Ha, las! où est li lieus qui me puisse soufferre?
Enfers ne me plest pas, où je me voil offerre;
Paradis n’est pas miens, que j’ai au Seignor guerre.
Je n’os Dieu reclamer ne ses sainz ne ses saintes,
Las! que j’ai fet hommage au deable, mains jointes;
Li maufez en a lettres de mon anel empraintes.
Richece, mar te vi: j’en aurai dolors maintes.
Je n’os Dieu ne ses saintes ne ses sainz reclamer,
Ne la très douce Dame, que chascuns doit amer.
Mès por ce qu’en li n’a felonie n’amer,
Se je li cri merci nus ne m’en doit blasmer.
 
 
[C’est la proiere que Theophiles dist devant Nostre-Dame:]
 
Sainte roïne bele,
Glorieuse pucele,
Dame de grace plaine,
Par qui toz biens revele,
Qu’au besoing vous apele
Delivrez est de paine,
Qu’à vous son cuer amaine
Ou pardurable raine
Aura joie novele;
Arousable fontaine
Et delitable et saine,
A ton filz me rapele.
[...]
En enfer ert offerte
Dont la porte est ouverte
M’ame par mon outrage:
Ci aura dure perte
Et grant folie aperte
Se là praing herbregage.
Dame, or te faz hommage:
Torne ton douz visage;
Por ma dure deserte,
El non ton filz, le sage,
Ne souffrir que mi gage
Voisent à tel poverte.
[...]
 
NOSTRE-DAME.
 
Theophile, je t’ai séu
Là en arriere à moi éu.
Saches de voir,
Ta chartre te ferai r’avoir
Que tu baillas par non savoir:
Je la vois querre.
   
[Ici va Nostre-Dame por la chartre Theophile:]
  
Sathan! Sathan! es-tu en serre?
S’es or venuz en ceste terre
Por commencier à mon clerc guerre,
Mar le penssas.
Rent la chartre que du clerc as,
Quar tu as fet trop vilain cas.
 
SATHAN parole:
 
 
Je la vous rande!
J’aim miex assez que l’en me pende.
Jà li rendi-je sa provande,
Et il me fist de lui offrande
Sanz demorance
De cors et d’ame et de sustance.
  
NOSTRE DAME
  
Et je te foulerai la pance.
[Ici aporte Nostre-Dame la chartre à Theophile] 
[...]
Issi ouvra icil preudom.
Delivré l’a tout à bandon
La Dieu ancele;
Marie, la virge pucele.
Delivré l’a de tel querele:
Chantons tuit por ceste novele.
Or, levez sus;
Disons: Te Deum laudamus.
   
EXPLICIT LE MIRACLE DE THEOPHILE
 
8. BIBLIOGRAPHIE
 
Éditions
      
Portrait d'Alexandre Dumas par A. Maurin, lithographié par Delpech en 1842      Alexandre DAVY DE LA PAILLETERIE DUMAS, dit Alexandre DUMAS père (1802-1870) & Paul LACROIX (nègre), Les mille et un fantômes [2 vol. in-18; 318+309 p.], Paris, A Cadot, 1849.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [suite: Les Mariages du père Olifus. Le Testament de M. de Chauvelin. L’Arsenal (en fait le titre Les mille et un fantômes sera réservé surtout à la première partie] [5 volumes in-8°], Paris, A. Cadot, 1849; dont une réédition belge [in-32], Bruxelles, A. Lebègue, 1849.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [nouvelle suite: Un dîner chez Rossini. Les Gentilshommes de la Sierra-Morena. Les Mariages du père Olifus.] [3 volumes in-18], Bruxelles, Méline, Cans et Cie, 1849.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [suivi de] Pascal Bruno [2 parties en 1 grand in-8°; 96 p.; édition illustrée par Clément Auguste ANDRIEUX (1829-1881) et Ed. COPPIN; réimpression de la première partie], Paris, Marescq, 1852.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [suivi de] Pascal Bruno [grand in-8°; 96 p.; édition illustrée par Clément Auguste ANDRIEUX (1829-1881) et Ed. COPPIN; réimpression de la première partie, suites non comprises], Paris, Imprimerie de Gaittet [«Alexandre Dumas. Œuvres illustrées» 13], 1861.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [suivi de] Pascal Bruno [suivi de] Pauline de Meulien [suivi de] Aventures de Lyderic [suivi de] Jacques 1er et Jacques II [suivi de] Les frères corses [suivi de] Othon l’Archer [in-4°; 440 p.], Paris, Calmann-Lévy [«Œuvres illustrées» 13], 1891.   [dont une réédition numérique en mode image par la BNF, gallica.bnf.fr, N202903, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=N202903, en ligne en 2003], pp. 57-67 [3 illustrations, pp. 57, 63 & 65: lArtifaille, sa femme et le bourreau dÉtampes].

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [198 p.; illustré par CASTELLI, A. de NEUVILLE, WORMS, etc.] [suivi de] Pascal Bruno [25 p.; illustré par CAPPIN] [suivi de] Jane [23 p.; illustré par Gustave DORÉ] [suivi de] Cécile [48 p.; illustré par Maurice LE BLANT & A. de NEUVILLE], Paris, A. Le Vasseur [«Alexandre Dumas illustré» 34], 1907. [Quelqu’un pourrait-il nous scanner les illustrations de cette édition qui concernent notre épisode étampois?]

     Alexandre DUMAS,  «A Day at Fontenay-aux-Roses», in ID., Tales of the Supernatural, London, Methuen, 1907.

     Alexandre DUMAS (le père; 1802-1870), Les mille et un fantômes. Roman [in-16 (19 cm X 12); 160 p.], Paris, Editions d’art Athos [«Œuvres complètes d’Alexandre Dumas» 6], 1947.

     Alexandre DUMAS (1802-1870), Les mille et un fantômes [21 cm; XI+221 p.; présentation de Nicolas WAGNER], Paris, Édition de l’Érable, 1949 [dont une réédition en fac-similé: Paris & Genève, Slatkine, 1980].

Portrait d'Alexandre Dumas     Alexandre DUMAS (1802-1870), Les mille et un fantômes [suivi de] La Femme au collier de velours [in-16 (18 cm); 758 p.; introduction par Hubert JUIN (pseudonyme d’Hubert LOESCHER)], Verviers, Gérard et Cie & Paris, L’Inter [«Marabout géant» 228], 1965.

     Alexandre DUMAS (1802-1870), Les mille et un fantômes [suivi de] La Femme au collier de velours [18 cm; 440 p.; introduction par Hubert JUIN (pseudonyme d’Hubert LOESCHER)], Paris, Union générale d’éditions [«10-18» 911], 1974.

     Alexandre DUMAS, Mille et un Fantômes [238 p.], Sans lieu d’édition, French and European Publications, 1980.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [22 cm; 558 p.], Troesnes, Corps 9, 1994.

    Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes. Une journée à Fontenay-aux-Roses. Récit [18 cm; 221 p.], Paris, Manitoba-les Belles lettres [«Le cabinet noir. Fantastique» 38], 1999.

     Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes. Une journée à Fontenay-aux-Roses. Roman [22 cm X 17; 256 p.; bibliographie (2 p.)], Toulouse, Éditions Ombres [«Petite bibliothèque Ombres» 147], 2001.

    Alexandre DUMAS, Les mille et un fantômes [238 pages en format pdf (21 cm X 15)], Pitbook.com, http://www.pitbook.com/textes/pdf/milleun_fantomes.pdf, avril 2001, pp. 136-166.

     Francis LACASSIN [éd.], Alexandre DUMAS, Le meneur de loups et autres récits fantastiques. Édition établie par Francis Lacassin. Les mille et un fantômes. — La femme au collier de velours. — Les mariages du père Olifus. — Le testament de M. de Chauvelin. — Un dîner chez Rossini. — Les gentilshommes de la Sierra. — Morena. — Le Lièvre de mon grand-père. — Le meneur de loups. — Le château d’Eppstein. — Histoire d’un mort racontée par lui-même [1071 p.], Paris, Omnibus, 2002.
   
     Bernard GINESTE [éd.], «Alexandre Dumas: L’Artifaille» [saisie numérique en mode texte, reprise de l’édition Pitbook de 2001, très peu fautive, collationnée avec l’édition Wagner de 1949; avec un important dossier documentaire], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-dumas-artifaille.html, octobre 2002.

     Anne-Marie CALLET-BIANCO [éd.],  Dumas. Les Mille et un fantômes, précédé de La femme au collier de velours [517 p.], Paris, Gallimard [«Folio classique» 4316], 2006, pp. 350-375 et notes afférentes pp. 511-512, reprises explicitement et très honnêtement à la présente page du Corpus Étampois.

Traduction, études et adaptations
 
     Alexandre DUMAS, «Solange» [l’un des récits des Mille et un fantômes], in The London Journal, 1849 [dont semble-t-il des rééditions à part aux États-Unis, notamment dans des anthologies].
   
     UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION AMÉRICAINE, Solange [adaptation télévisée d’une nouvelle des Mille et un fantômes d’Alexandre Dumas], 1949. [cité par Claude AZIZA 2002].
   
     Alan Hull WALTON [éd., trad. & adaptateur], Horror at Fontenay, by Alexandre Dumas. Translated and adaptated by Alan Hull Walton [21 cm; 210 p.; préface de Dennis Wheatley], New York, St. Martin’s Press [«The Dennis Wheatley Library Of The Occult» 25], 1976.

     Alexandre DUMAS, Orrore a Fontenay [220 p.; traduction italienne de seconde main, par Gian Carlo TAROZZI, fondée apparemment sur la version anglaise de WALTON de 1976], Torino [Turin], Saga, 1977.

     Alexandre DUMAS, Los Mil y Un Fantasmas [traduction espagnole par Mauro Armiño avec une préface de J. M. Domínguez], Ediciones Júcar [«La Vela Latina» 56], 1985 [ISBN: 8433450565]. Dont apparemment plusieurs rééditions, Ediciones Forum [«Biblioteca del Terror» 80], 1985, etc., Los Mil y Un Fantasmas [20 cm sur 13; 272 p.], Ediciones Edaf [«Biblioteca Lovecraft»], 2003 [ISBN: 8433450565; 11,50€].

     Francis LACASSIN, «Alexandre Dumas ou un courant d’air frais dans les ténèbres», in Mythologie du fantastique. Rivages de la nuit, Paris, Éditions du Rocher, 1991, p.143-156.

     Jiří ŠRÀMEK, «Le Fantastique romantique d’Alexandre Dumas» [article en français avec un résumé en tchèque et un autre en anglais], in Acta Universitatis Palackianae Olomucensis. Facultas Philosophica Philologica [en latin: «Actes de l’Université Palacký d’Olomouc (Tchéquie). Faculté de philosophie et de philologie» (Filozofická fakulta MU)] 76 (2000), dont une édition numérique au format pdf, http://publib.upol.cz/~obd/fulltext/Romanica-9/Romanica-9_10.pdf, en ligne en 2004.

     «Le deuxième type de fantôme dumassien est représenté par le spectre qui figure dans le récit de Luigi de Scamozza; on pourrait l’appeler un fantôme vengeur. […]. Prenons le thème de la vengeance: si le fantôme de Gaëtano (bon esprit) permet à son ami de punir les criminels, le fantôme d’un bandit écossais (mauvais esprit) se venge sur son juge dans l’histoire racontée par le docteur; le malheureux juge se meurt, trois mois après l’exécution du bandit. Les catégories valables objectivement qui justifient ou non l’acte de la vengeance sont cependant supérieures à l’opposition catégorique entre situation légale vs situation illégale, parce que le critère utilisé est de caractère moral. C’est ainsi que les raisons (injustes) qui poussent le bandit condamné à attaquer un homme de loi sont tout à fait légitimes dans l’histoire d’un autre bandit, l’Artifaille, rival de Cartouche, racontée par l’abbé Moulle. Le bandit pendu à la potence se met à étrangler son bourreau parce que celui-ci, la nuit après l’exécution, cherche à lui dérober la médaille d’or. Le bourreau manqua d’être tué par le cadavre retrouvant apparemment la vie au moment où l’on voulait lui ôter sa relique.»

     SOCIÉTÉ DES AMIS D’ALEXANDRE DUMAS, Site Officiel, http://mapage.noos.fr/dumaspere, 1998-2002 (en ligne en 2002) [à noter, une «bibiliographie critique»: http://mapage.noos.fr/dumaspere/pages/oeuvre/biblio.pdf (2002; n’est plus en ligne en 2003 à cette adresse)].

     C. Conrad CADY, «Les Mille-et-un fantômes: Une Journeé à Fontenay-aux-Roses / A Thousand and One Phantoms; The Pale Lady;Horror at Fontenay», in ID., Le site web Alexandre Dumas père / The Alexandre Dumas père Web Site, http://www.cadytech.com/dumas/work.php?key=248, en ligne en 2004.

     Claude AZIZA, «Alexandre Dumas au cinéma: Des chiffres et des lettres», in Synopsis. Le site des passionnés de tous les modes d’écriture audiovisuelle, http://www.6nop6.com/revue/autres/alexdumas.php3 (en ligne en 2002):

     «La première édition du festival ‘De l’encre à l’écran’, qui se tiendra à Tours du 13 au 17 mars prochain, met à l’honneur Alexandre Dumas avec une rétrospective consacrée aux films adaptés des romans de cet inventeur d’histoires hors pair. De d’Artagnan à… Zorro, abécédaire des aventures et mésaventures de Dumas au cinéma. [...] Solange: Une adaptation américaine et télévisée (Solange, 1949) tirée d’un épisode des Mille et un fantômes vient à point pour nous rappeler que Dumas fut aussi un grand écrivain fantastique. [...].»

     Daniel DESORMEAUX, «FR 619. Nineteenth-Century Studies. W 3:30-6:00 Alexandre Dumas (1802-1870) nègre et écrivain: le cas des Mille et un fantômes.» [séminaire d’université], in UNIVERSITÉ DU KENTUCKY, Programme des séminaires de la Division of French and Italian pour le printemps 2002, http://www.uky.edu/ArtsSciences/French/courses/spring02.html (en ligne en 2002):

     «Ce séminaire, en commémoration du bicentenaire de la naissance d’Alexandre Dumas, sera consacré particulièrement à la présence ‘fictive’ de l’écrivain dans son œuvre. Aussi s’interrogera-t-on longuement sur la personne de l’auteur, son rapport à l’œuvre fictionnelle, ses fantasmes d’écriture, sa conception de l’événement historique, son intervention dans l’univers romanesque, en prenant pour point de départ cette œuvre offrant une pluralité d’organisations qu’est le recueil des Mille et un fantômes, publié en trois volumes, entre 1848 et 1852. On montrera comment cette série romanesque, ouvertement ambiguë et savamment dispersée, est au juste point de rencontre du récit de voyage, historique, fantastique et autobiographique; une espèce d’œuvre inclassable, qui, au seul nom de Dumas, embrasse et déplace constamment les frontières de ce que l’on appelle communément un ‘personnage’. Jouant triple jeu, celui d’auteur, de personnage et de lecteur de ses propres fictions, Alexandre Dumas aime à exploiter son ‘nom propre’. Jamais un écrivain n’a semblé vouloir habiter entièrement la fiction qu’il signe. Enfin, il s’agira de tirer partie des pratiques textuelles de ‘l’usine Dumas’, du passage persistant de la critique du nègre (origine paternelle) au nègre (originalité littéraire) dans Les Mille et un fantômes. C’est pourquoi il nous semble important d’examiner la question de l’auteur déguisé en personnage romanesque, ce qui permettra aussi de voir un peu mieux comment l’acte de création, avec ses à-côtés mythiques, travaille l’imaginaire de l’Histoire chez Dumas.»     FRANCE CULTURE, Mauvais Genre: Émission sur Alexandre Dumas fantastique. Invités: Claude Schopp & Mathieu Letourneux [émission de radio du 16 juin 2002 à 20 h 50], 2002 [cité par une page web, «La semaine de France Culture du 16 au 22 juin 2002», 216.22.47.86/fc/programmes/prog2001/ culture20020616.html  ( 94k), signalée par Google, mais qui n’est plus en ligne en octobre 2002].

     Daniel DESORMEAUX, «L’Histoire des Mille et un fantômes», in Miche AROUS [dir.], Dumas, une lecture de l’histoire [617 p.], Paris, Maisonneuve & Larose, 2003 [ISBN 2-7068-1648-1; 25 €], pp. ?-?.

     Recension par Elizabeth Scheele (http://www.dal.ca/~etc/belphegor/vol3_no1/articles/03_01_Scheel_dumas_fr_cont.html, en ligne en 2004): «Dans l’Histoire des Mille et un fantômes, Daniel Desormeaux étudie la combinaison du récit de voyage, du récit autobiographique et du récit fantastique afin de saisir la légende de l’auteur dans son œuvre même, le personnage Dumas, plutôt intempestif et incontournable. Matthieu Letourneux fait en partie l’histoire de la réception et de l’influence de l’œuvre de Dumas qui a inspiré le roman d’aventures historiques en France, Espagne et Grande-Bretagne.»
Étampes en 1783, son curé de Notre-Dame et son bourreau
    
     Charles FORTEAU, «Le dernier exécuteur des sentences criminelles du Bailliage d’Étampes et le droit de havage», in Annales de la Société Historique et Archéologique du Gâtinais 22 (1904), pp. 270-295 [dont un tiré à part, et une saisie numérique partielle en mode texte par Bernard Gineste, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-dumas-artifaille.html#bourreau, 2002].
 
     
Charles FORTEAU, «Le dernier exécuteur des sentences criminelles du Bailliage d’Étampes et le droit de havage» [réédition en fac-similé], in Michel BILLARD [éd.], Charles Forteau. Épisodes de la Révolution à Étampes. Quatre études historiques réunies, préfacées et illustrées par Michel Billard (224 p.), Paris, Arcam, 1989, pp. 43-71.

      Clément WINGLER [directeur des Archives Municipales d’Étampes], Notre-Dame sous lAncien Régime [41 cm; 40 p.; illustrations], Étampes, Archives Municipales d’Étampes,
1998 [dont une saisie numérique partielle en mode texte par Bernard Gineste, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-dumas-artifaille.html#cure, 2003].

      Clément WINGLER, «Abbés, chantres, curés et vicaires de Notre-Dame d’Étampes sous l’Ancien Régime» [listes extraites de la brochure Notre-Dame sous lAncien Régime, 1998], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler-listenotredame.html, 2003.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.

   
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-ArtsHistoire LittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail