Corpus Littéraire Étampois
 
H. Durand de Laur
Sur M. Rimbault
Extrait de son Discours du 15 janvier 1874
 
Rue Magne et Collège (lavis de Narcisse Berchère, 1889) Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874)
   
     André Rimbault, né à Étampes, a fait ses études au Collège de la même ville, où il a été ensuite professeur d’humanités (c’est-à-dire de Lettres) avant d’en devenir le Principal, une dizaine d’années durant, puis de poursuivre ailleurs sa carrière. Ayant pris sa retraite à Versailles, il y fut élu en 1872 président de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise, quelques mois avant sa mort.
     H. Durand de Laur, vice-président de cette société prononça son éloge funèbre dans la séance du 15 janvier 1874, dans le tome dix des Mémoires de la Société, où l'on peut également lire la première et dernière allocution de Rimbault ainsi que deux études de critique littéraire qu'il avait consacrées, l’une à
Chamfort, l’autre à Fontanes. Nous avons mis tout cela en ligne.
   
Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise,
X (1874), pp. 7-8 & 27-31
Discours de M. Durand de Laur


SOCIÉTÉ DES SCIENCES MORALES, DES LETTRES ET DES ARTS DE SEINE-ET-OISE

SÉANCE ORDINAIRE DU 15 JANVIER 1874

Discours de M. DURAND DE LAUR.
Vice-Président.



MESDAMES, MESSIEURS,

     Dans cette séance solennelle, nous n’entendrons pas le discours que le président annuel prononce d’ordinaire [p.8] en quittant ses fonctions. La mort récente de M. Rimbault, notre président si regretté, explique douloureusement cette dérogation à un usage traditionnel. Vice-président de l’année dernière, si je prends la parole, c’est moins pour faire un discours que pour vous entretenir simplement des trois membres distingués que nous avons perdus dans le cours de cette même année. J’ose espérer que vous écouterez avec indulgence cette rapide notice, consacrée à des hommes qui n’ont pas seulement fait honneur à notre Société, mais qui, à des titres divers, ont bien mérité de la cité versaillaise. Vous oublierez l’insuffisance de celui qui parle, pour ne songer qu’au mérite de ceux dont il va esquisser la vie.

[…]Rue Magne et Collège (lavis de Narcisse Berchère, 1889)

       M. Le Roi et M. Montalant, le dernier surtout, étaient parvenus presque à la limite ordinaire de la vie. M. André Rimbault touchait à peine à la vieillesse. Né à Etampes, le 3 avril 1814, il fit ses classes avec distinction au collège de cette ville. D’abord maître d’études, ensuite professeur d’humanités dans cet établissement, il en devint principal eu 1844. Au bout, de dix ans, il passa avec le même titre au collège de Pamiers, un des plus importants du Midi, et l’année suivante, à celui de Chartres. Il releva cet établissement par la sagesse de son administration et l’on parla sérieusement de l’ériger en lycée. Mais la ville satisfaite d’avoir un collège florissant et parfaitement tenu, recula devant la dépense.

     L’autorité supérieure, voulant reconnaître le dévouement et les services de M. Rimbault, le nomma chevalier de la Légion-d’Honneur en 1866.

     Après vingt-trois ans de principalat, il commença à sentir la fatigue, et aux vacances de 1867 il demanda un congé en attendant sa retraite. L’année suivante, il vint s’établir à Versailles; mais la douceur du repos ne le fit pas renoncer à cette vie active et dévouée qui était un besoin de son coeur. Nommé membre de la commission de surveillance près de l’Ecole normale primaire, puis de la commission chargée d’examiner les aspirants et les aspirantes au brevet de capacité, il se fit remarquer par son assiduité consciencieuse et par son rare bon sens. Devenu administrateur de la Bibliothèque populaire, il organisa toute une comptabilité nouvelle qui a déjà rendu les plus grands services et qui lui survivra. C’est grâce à la sagesse de son administration que la bibliothèque va pouvoir bientôt faire imprimer un catalogue. C’est lui qui rédigeait les rapports sur la situation morale et financière de la Société: rapports excellents [p.28] dans lesquels il indiquait les meilleures mesures à prendre dans l’intérêt de l’œuvre. Les membres du conseil étaient habitués à compter sur lui, et à se reposer à peu près pour tout sur son zèle et sur la rectitude de son jugement. Il organisait, contrôlait, réformait, améliorait; et toujours avec la plus grande modestie et un tact parfait, de manière à ne blesser personne.

     A la Caisse des écoles, pour me servir d’un mot familier, c’est lui qui était la cheville ouvrière. Trésorier de l’œuvre, il l’avait administrée dès sa création et l’avait faite sienne. Lui mort, il faudra réorganiser tout le conseil, pour accomplir ce qu’il faisait tout seul par des visites fréquentes dans les écoles, par des démarches de toute nature, par des enquêtes dans les familles pauvres, par des achats continuels de livres, de vêtements et d’autres objets de même ordre. Il était le grand et unique répartiteur des bienfaits dus à cette institution; bienfaits de détail qui demandent beaucoup de temps et d’attention. Tous les instituteurs et toutes les institutrices de Versailles connaissaient M. Rimbault et avaient l’habitude de s’adresser à lui, toutes les fois qu’ils désiraient quelque chose pour leur école ou pour leurs écoliers. Soit par les fonds de la Caisse des écoles, soit par des démarches auprès de l’administration municipale, il réussissait à leur donner ce qui leur était nécessaire. Comme délégué inspecteur des classes, il n’était pas moins utile. Il se plaisait dans ses inspections à faire la classe pendant quelque temps, et ces leçons étaient aussi profitables aux maîtres qu’aux écoliers.

     L’Histoire de Versailles pendant l’occupation, publiée par M. Delerot, nous fait connaître quel fut le dévouement de M. Rimbault pendant ces tristes mois Les familles expulsées des villages voisins par l’ennemi, amenaient [p.29] avec elles de nombreux enfants qui trouvèrent en
lui le protecteur le plus dévoué et le plus paternel. Il voua tous ses soins à ces victimes de l’émigration forcée. Il les distribua dans les écoles où ils reçurent l’enseignement gratuit donné par la ville. Il les surveilla, les habilla et les aida de toute façon. Grâce à lui et à la Caisse des écoles, il y eut un soulagement de plus apporté par Versailles à la détresse de ces pauvres émigrés.

     Au mois de septembre, le conseil municipal ayant voté 10,000 francs pour l’établissement de fourneaux économiques, M. Rimbault se fit inscrire parmi les délégués qui eurent la charge pénible de les administrer. Les distributions commencèrent le 10 octobre, et dès le lendemain cette création était devenue populaire. Elle rendit pendant tout l’hiver les plus grands services, grâce à la direction intelligente et au dévouement des délégués.

     Ce qu’était l’ami, le père de famille, ceux qui ont vécu dans l’intimité de M. Rimbault pourraient vous le dire. Entouré de l’amour et de la vénération de tous les siens, nul ne goûtait mieux que lui les joies du foyer domestique. Simple et droit, il inspirait l’estime et l’affection à tous ceux qui l’approchaient.

Minerve de la Société des Scienes morales, Lettres et Arts de Seine-et-Oise      Dès son arrivée à Versailles, il devint membre de la Société des sciences morales. II y apporta cette activité intelligente et laborieuse qui l’accompagnait partout. Il débuta par deux études remarquables sur Chamfort et sur Fontanes, l’un mort victime d’une révolution dont il avait été l’apôtre, l’autre élevé par la fortune aux plus hautes dignités de l’empire. Plus tard, dans un mémoire plein de faits et de vues judicieuses, il traita certaines questions relatives à l’enseignement populaire, spécialement en ce qui touche les classes d’adultes et d’apprentis. [p.30] Je ne parlerai pas de plusieurs autres études de moindre importance. Sous le voile d’une modestie vraie, ses communications révélaient un savoir solide et varié, un jugement droit et ferme, une élocution pleine de simplicité qu’animait une douce chaleur. Au mois d’août 1872, les suffrages unanimes de ses collègues le portèrent à la présidence.

     Toujours actif, toujours infatigable, M. Rimbault préparait une étude approfondie sur un des esprits les plus brillants et 1e plus singuliers de la fin du XVme siècle, sur Rivarol, quand, vers le milieu de mars, les progrès alarmants de la maladie qui devait lui donner la mort le contraignirent au repos. Malheureusement il ne céda que beaucoup trop tard à une impérieuse nécessité; car M. Rimbault était avant tout l’homme du devoir. Tant que ses forces ne lui ont pas fait complètement défaut, il a voulu remplir avec une ponctuelle exactitude les charges diverses qu’il avait acceptées avec un entier dévouement. Que de fois l’hiver dernier, bravant des souffrances presque intolérables, il est venu par un temps froid et humide présider nos séances! A voir la sérénité de son visage, l’attention soutenue qu’il prêtait aux communications de ses collègues, la présence d’esprit avec laquelle il dirigeait la discussion et l’empêchait de s’égarer, nul n’aurait pu croire aux ravages de 1a maladie cruelle qui minait sa forte constitution. Tel était le collègue aimé et respecté de tous, qui a été sitôt ravi à notre Société, ou pour mieux dire à la ville de Versailles.

     En retraçant dans ses principaux traits, quoique, avec de faibles paroles, la vie de trois hommes de bien, j’ai satisfait à un sentiment de confraternité; mais je ne crois pas m’être écarté du but moral que notre Société rie doit jamais perdre de vue. A ceux qui vivent surtout [p.31] pour eux-mêmes, et ils ne sont que trop nombreux, il est bon d’opposer ceux qui ont vécu surtout pour les autres, qui toujours fermes dans l’accomplissement du devoir, toujours pleins d’ardeur pour les nobles travaux de l’intelligence, ne se sont jamais lassés d’être utiles à leurs semblables.
APPENDICES

1) NOTE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE DE LÉON MARQUIS
Les rues d’Étampes et ses monuments, Étampes, Brière, 1881, pp. 370-371 & 392

     RIMBAULT (ANDRÉ), écrivain et philanthrope, né à Étampes le 3 mai 1814, mort le 10 novembre 1873. D’une famille des plus modestes, mais des plus estimée d’Étampes, il fit ses classes avec distinction au collège de cette ville. D’abord maître d’études, ensuite professeur d’humanités dans cet établissement, il en devint principal en 1844. Au bout de dix ans, il passa avec le même titre au collège de Pamiers, et l’année suivante à celui de Chartres. En 1868, après vingt-huit ans de principalat, il prit sa retraite et s’établit à Versailles; [p.371] mais il ne renonça pas pour cela à sa vie active: nommé membre de la commission de surveillance de l’École normale primaire et de la commission d’examen des aspirants au brevet de capacité, il rendit partout de grands services. Il était administrateur de la bibliothèque populaire, trésorier de la caisse des écoles, président de la Société des sciences morales et politiques de Seine-et-Oise au mois d’août 1872. Pendant l’occupation prussienne, il se signala par son dévoûment aux victimes de l’émigration. Tout le monde loue son désintéressement, sa charité et sa modestie, ressemblant sous ce rapport au vénérable abbé Buffet, son beau-frère. Dans les Mémoires de la Société des sciences morales de Versailles, il publia deux études remarquables sur Chamfort et Fontanes. Le premier, qui résida quelque temps à Vaudouleurs, près d’Étampes, mourut victime d’une révolution dont il s’était fait l’apôtre; le second fut élevé par la fortune aux plus hautes dignités de l’empire.
     Il mourut avant d’avoir pu terminer une étude sur Rivarol, l’un des esprits les plus brillants et les plus singuliers du XVIIIe siècle. Son corps repose dans le cimetière de Notre-Dame d’Étampes, où un beau monument lui a été élevé (1).
 
     (1) Études sur Chamfort et Fontanes, par A. Rimbault. Extrait du dixième volume des Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise. — Versailles, imp. de E. Aubert, 1874, in-8 de 108 p.» [cette note est à la p. 392].

     [N.B. Sa tombe au cimetière de Notre-Dame ancien n’est pas signalée par Frédéric Gatineau: elle semble avoir disparue, ou bien n’est plus identifiable. (B.G., 2005)]


2) NOTE D’ANTOINE ANQUETIL
A la suite de l’édition de son allocution du 6 décembre 1872
publiée en 1874 dans le même numéro que cette étude 

par la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise, p. 6.

     Lorsque M. Rimbault prononçait cette allocution, il ressentait déjà depuis quelques mois les premières atteintes, du mal qui devait l’emporter le 10 novembre 1873. Le 15 mars il présida pour la dernière fois notre réunion hebdomadaire, et déjà l’altération de ses traits trahissait, malgré tous ses efforts, des douleurs qui ne lui laissaient aucun repos. Les études sur Chamfort et sur Fontane qu’on trouvera dans ce volume, disent assez quelle perte a faite notre Société, encore que l’auteur n’y eût pas mis la dernière main et qu’il se proposât d’en compléter ou d’en modifier certains passages, si la mort ne l’eût prévenu. (Note du Secrétaire perpétuel.)

  BIBLIOGRAPHIE

Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874) Éditions

     1) article original: André RIMBAULT, «Discours de M. Durand de Laur» in Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874), pp. 7-31 [Ce qui concerne Rimbault est aux pages 7-8 & 27-31].

     2) Extrait: André RIMBAULT, Études sur Chamfort et Fontanes [in-8°; 108 p.; extrait des Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise, X
; avec une «Notice sur M. Rimbault» de H. de DURAND DE LAUR, vice-président], Versailles, E. Aubert, 1874.

     3) Édition numérique en mode image: B.N.F. [éd.], «Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise, X (1874)», in Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-203466, pp.
7-31, en ligne en 2005.

     4) Étude numérique en mode texte: Bernard GINESTE [éd.], «H. Durand de Laur:
Sur M. Rimbault (15 janvier 1874)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-duranddelaur1874rimbault.html, 2005.

Publications de Rimbault
       
     André RIMBAULT, «Allocution à l’occasion l’occasion de son installation comme Président (6 décembre 1872)», in Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874) [dont une édition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-203466, en ligne en 2005], pp. 1-6.

Minerve de la Société des Scienes morales, Lettres et Arts de Seine-et-Oise      André RIMBAULT, «Étude sur le caractère et les œuvres de Chamfort» in Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874) [dont une édition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-203466, en ligne en 2005; dont une édition numérique illustrée en mode texte par le Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cle-19-rimbault1873chamfort.html, 2005], pp. 65-94.

     André RIMBAULT, «Étude sur la vie et les œuvres de Fontanes» in Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874) [dont une édition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-203466, en ligne en 2005; dont une édition numérique illustrée en mode texte par le Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cle-19-rimbault1873fontanes.html, 2005], pp. 96-156.

Sur Rimbault

     Émile DELEROT (1834-1912) [Directeur de la bibliothèque de Versailles (1873-1899);  cofondateur de l’Union libérale dans les dernières années du Second Empire; spécialiste de Goethe], Versailles pendant l’occupation. Recueil de documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande [grand in-8°; 332 p.], Versailles, Aubert, 1872. Deuxième édition [27 cm; III+332 p.; fac-similés], Paris, Plon & Versailles, Librairie de Versailles, 1873. Troisième édition [in-8°; VIII+496 p.; portrait], Versailles, Bernard, 1900.

     H. DURAND DE LAUR,
«Discours de M. Durand de Laur, vice-président (séance de 15 janvier 1874)» [notices nécrologiques], in Mémoires de la Société des sciences morales, lettres et arts de Seine-et-Oise X (1874) [dont une édition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-203466, en ligne en 2005; dont un extrait numérique illustré en mode texte édité par le Corpus Étampois, http://corpusetampois.com/cle-19-duranddelaur1874rimbault.html, 2005], pp. 7-31 [il s’agit de trois notices nécrologiques, la dernière consacrée à Rimbault, pp. 7-8 & 27-31]. Merci  à Jacques Corbel de nous avoir signalé l’image ci-dessus du tome X des Mémoires de la Société.

     Léon MARQUIS,
«Rimbault, André» [notice calquée sur celle de Durand de Laur], in ID., Les rues d’Étampes et ses monuments, Étampes, Brières, 1881, pp. 370-371, dont une réédition numérique en mode texte par le Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis-rues06.html#rimbault, 2003.



Source: édition numérique en mode image de la BNF, saisie en mode texte par Bernard Gineste, septembre 2005.
   
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-ArtsHistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail