CORPUS ARTISTIQUE ÉTAMPOIS
   
Aimé Octobre
Cérès beauceronne
1903
 
Aimé Octobre: Cérès de la fontaine Véret (Place Saint-Gilles, Etampes, 1903)
     

LA CÉRÈS DE LA FONTAINE VÉRET

 
     Jacques Gélis a récemment publié un bel ouvrage sur petit patrimoine étampois, dont trois pages nous retracent l’histoire de la fontaine Véret, place Saint-Gilles, depuis l’origine jusqu’à nos jours. Rien n’est plus intéressant que cette histoire-là bien caractéristique des susceptibilités petites-bourgeoises d’une ville de province. Le généreux donateur de cette fontaine publique s’appelait François Véret. L’œuvre fut conçue par un architecte qui se trouva être son voisin, un certain Louis Cérée, présentée en août 1902 au conseil municipal, et inaugurée le 18 mai 1903.

Cérès, détail      «L’ensemble, écrit Jacques Gélis, devait être couronné par une statue symbolisant la fécondité, une Cérès beauceronne, à laquelle le sculpteur donnera un air plutôt sévère... » En commentaire à sa photographie, il réitère cette appréciation: «Sous les traits d’une Cérès boudeuse, c’est la Beauce et ses riches moissons qui sont là symbolisées.»  

     Gélis ne s’est pas intéressé à l’artiste qui s’était vu confier la réalisation de cette Cérès, signée en bas à droite: OCTOBRE AIMÉ, 1903. Sans être une célébrité nationale, Aimé Octobre avait tout de même obtenu le Prix de Rome 1893. Qui était ce sculpteur?

     De son vrai nom Jérémie Aimé Delphin, Aimé Octobre était né le 13 mai 1868 à Angles-sur-l’Anglin (Vienne). Samuel Périvier, maire d’Angles et  ancien premier Président de la Cour d’Appel de Paris, remarqua son talent et lui obtint le nécessaire pour qu’il puisse poursuivre ses études à Paris. Élève de Gauthier, Cavelier et Coutan, Octobre fut un peintre autant qu’un sculpteur. Nous le voyons dès juin 1891 réaliser le décor sculpté de l’hôtel Roszé, 34 rue Boileau, sous la direction de l’architecte Hector Guimard (représentant de l’Art Nouveau surtout connu pour sa conception des célèbres bouches du métro parisien). En 1893 il obtient le premier Grand Prix de Rome et en 1894 une mention honorable au Salon des Artistes Français. Il remporte une médaille de deuxième classe en 1897, de première classe en 1899, puis d’argent à l’Exposition Universelle de 1900. Il devient sociétaire du Salon en 1901 et appartiendra plus tard à son comité.  

     C’est le 18 mai 1903 qu’on inaugure à Étampes la fontaine Véret, que couronne sa Cérès beauceronne de marbre. Le projet en avait été accepté en août de l’année précédente. L’artiste vient d’avoir 35 ans. En 1906 il sera fait chevalier de la Légion d’honneur, et officier en 1925. Nous le voyons encore réaliser en 1922, sous la direction de L. Godefroy, un très original aigle de bronze, abattu et vaincu, pour le monument aux morts de La Couarde, commune de l’île de Ré, et ce à titre gratuit. Vers la même époque il collabore à l’érection plusieurs autres monuments aux morts, à Chatelleraut, Lusignan et Poitiers. Il meurt le 22 juillet 1943 à Vouvray (Indre-et-Loire).  

     On lui doit encore plusieurs bustes, dont ceux de Didot, du Professeur Ternier, du viticulteur et maire de Vouvray Charles Vavasseur et de son bienfaiteur Samuel Périvier. Il laisse des œuvres un peu partout, à Châtellerault, Tours, Montmorillon, Poitiers et Paris. Les musées de Tours et de Châtelleraut conservent plusieurs de ses peintures et sculptures, celui de Tours sa Cigalle, le Louvre sa Peinture, l’ancien Musée du Luxembourg sa Nymphe et le Musée du Petit Palais son Remords, toutes œuvres qu’il serait peut-être intéressant de comparer à notre chère Cérès beauceronne, comme l’appelle si joliment Gélis. 

     Pour ma part,  je l’avoue — à chacun d’en juger — je trouve que, si boudeuse soit-elle, cette Cérès a la jambe plutôt coquine, et d’un érotisme de bon aloi, délicieusement discret et adapté à l’esprit provincial et petit-bourgeois du temps; et cette jambe suffit à me faire oublier la sévérité boudeuse qu’évoque par ailleurs, et fort justement, Jacques Gélis. Son pied nu se pose délicatement sur une corne d’abondance, symbole de fécondité, et de richesse. 

     Disons enfin qu’on peut regretter que le donateur ait mégoté, à ce qu’il semble, sur la qualité du marbre; car cette œuvre est d’ores et déjà bien plus usée par les intempéries que ne l’est par exemple le Geoffroy Saint-Hilaire d’Élias Robert, sur le square du petit théâtre, pourtant nettement plus ancien.

Bernard Gineste, 2003

BIBLIOGRAPHIE
 

Cérès, détail      Jacques BUSSE [éd.], E. BENEZIT [†], «Octobre Aimé», in ID., Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, par un groupe d’écrivains spécialisés français et étrangers. Nouvelle édition entièrement refondue sous la direction de Jacques Busse, Gründ, 1999, tome 10, pp. 322-323. 

     Jacques GÉLIS, «La fontaine dans la ville», in ID., Patrimoine au cœur. Le pays d’Étampes [24 cm; 240 p.; illustrations], Étampes, Association Étampes-Histoire, 2002, pp. 20-23. 
  
     DURAND [Institut d’Enseignement Supérieur des Arts], «Chronologie», in Hector Guimard. Version web [d’après un CDROM], http://cv.iesa.fr/guimard/somm.htm (en  ligne en 2003). 
  
     Anne GAUDIN, «Le monument aux morts de La Couarde: L’architecture du monument» [pages empruntées à la revue L’Essentiel 62 (janvier-février 2002)], http://a.gaudin.free.fr/poilus/Architecture_monument.htm (en ligne en 2003).  
  

Buste signé Aimé Octobre et daté de 1887 (cliché communiqué très aimablement par M. Yves Xisco)
Buste d’abbé, 1887
Collection particulière, Saint-Jean-de-Luz,
© Francisco Yves 2005.

     Guy TRANCHANT, «Les personnages célèbres de la région d’Angles», in Gite de France Les Combes. Angles sur Anglin, http://www.angles-gite.com/personnages_celebres.htm (février 2003). [Notice sur Aimé Octobre, natif d’Angles].

     Nous remercions Guy Tranchant de son mail du dimanche 20 avril 2003 18:15 qui nous a suggéré une correction et nous a apporté des précisions sur le rôle de Samuel Périvier dans la carrière d’Octobre, renseignements qu’il tient d’un petit-neveu du sculpteur. 

     Bernard GINESTE, «Aimé Octobre: Cérès beauceronne de la fontaine Véret (1903)» [page provisoire], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-20-octobre-ceres1.html, 2003-2004.

     France DEBUISSON & alii, A nos grands hommes. La sculpture publique en France jusqu’à la seconde guerre mondiale [2 Cédéroms (1er , «Comprendre»; 2e, «Chercher», donnant accès à une base de données de 5 000 œuvres)], Paris, Musée d’Orsay & INHA (Institut National de l’Histoire de l’Art), 2004.

    Dont une présentation en ligne (avec des extraits), http://www.educnet.education.fr/arts/histoire/grandshommes.doc, en ligne en 2004: «Au tournant de 1900, Maillol, Bourdelle ou Landowski, considérés comme les principales figures de la sculpture moderne, ont une immense aura. Croisy, Bénet ou Pourquet, beaucoup moins connus, ont néanmoins des œuvres sur tout le territoire, en raison de la diffusion des modèles par l’édition. Les figures de soldats, les plus populaires, font l’objet de dizaines de répliques pour les monuments aux morts.
     «Dans chaque région, un artiste domine nettement la production des monuments. Sa carrière du sculpteur épouse souvent un déroulement type: un jeune garçon, doué pour le modelage mais de milieu modeste, est aidé par sa ville ou son département, qui lui décerne une bourse: il peut étudier à l’École des Beaux Arts de sa région ou de Paris, puis exposer au Salon et obtenir des commandes. Souvent, le sculpteur reconnaissant offre à sa commune une partie de ses œuvres, et son département tient à l’honorer en lui commandant des statues pour ses rues et ses places. Célèbres ou moins connus, plus de 1500 sculpteurs sont ainsi à découvrir sur tout le territoire. (…) Les principaux sculpteurs de chaque région: (…) Poitou-Charente: Aimé Octobre (Angle-sur-l’Anglin, Vienne 1868 - Vouvray, Indre-et-Loire, 1943) (…)
»

     M. Francisco YVES, Courriels au Corpus Étampois des 17 et 24 février 2005 [contenant en pièce jointe le cliché ci-dessus d’un buste dû à Aimé Octobre et daté de 1887].

     Ce buste «représente un grand oncle (abbé de son état) de ma famille. Cette œuvre fut réalisée en remerciement d’un hébergement provisoire». Nous remercions ici Francisco Yves de son envoi.


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