CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Maxime Legrand et Émile Huet (Jean Ballast et F. Errail)
D’Étampes à Auneau en chemin de fer
16 septembre 1892
   
La Gare d'Etampes en novembre 1892 (dessinée par Georges Roux et gravée par Victor Michel)
La Gare d’Étampes en novembre 1892 (dessin gravé par Victor Michel)
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     Notre ami François Jousset a scanné au bénéfice de tous cet ouvrage rarissime, très savoureux récit de voyage fait le 15 septembre 1892, en avant-première. Ce voyage eu lieu en effet quelques mois avant l’inauguration officielle de la voie ferrée d’Étampes à Auneau le 5 juin 1893. Ainsi que je le prouve en Annexe 1, ce récit est dû à la plume spirituelle et érudite de Maxime Legrand, accompagné d’un de ses amis, l’avocat orléanais Émile Huet. Cet article, d’abord paru dans le Postillon de Seine-et-Oise, a été réédité l’année suivante par les auteurs, illustrée d’une gravure très intéressante de la gare d’Étampes, alors encore en travaux.
     Rappelons le sort ultérieur de cette ligne éphèmère en citant Étampes en lieux et places (2003) de Frédéric Gatineau: “La ligne Étampes-Auneau fonctionna à partir de 1893. Le trafic voyageurs cessa dès 1939 et le trafic marchandises en 1969. Le pont qui surplombait la rue de Chauffour a été coupé, il en reste des vestiges. Le site de la voie est occupé par l’actuelle piste cyclable. Il existe encore une ancienne maison de garde-barrière à Vaujouan.”

B.G., novembre 2008
 
  
Maxime Legrand et Émile Huet (Jean Ballast et F. Errail)
D’Étampes à Auneau en chemin de fer
16 septembre 1892
 

Étampes, 16 Septembre 1892.


     «Les voyageurs pour St-Hilaire, Ste-Escobille, Sainville, La-Chapelle-d’Aunainville, Auneau et la direction de Chartres en voiture! Traversez les voies s’il vous plait!»

     Tel est le cri que, dans les environs du mois d’Avril prochain*, les Etampois entendront résonner sous les marquises aérées de notre nouvelle gare. A cette époque fortunée, les plâtras auront disparu; sans se heurter à des barricades en planches, on pourra monter prendre son billet en choisissant à son gré la droite ou la gauche d’un bel escalier à double révolution pour entrer dans la gare. A la sortie, la pente douce vous amènera mollement aux omnibus de la cour sans qu’on puisse craindre de dégringoler dans des précipices. L’employé d’octroi n’en sera plus réduit à errer avec sa guérite plantée sur pilotis comme une habitation lacustre.

     Et à l’intérieur que de changements! Des salles d’attente toutes neuves, des guichets spacieux, une salle de bagages où l’on ne s’écrasera plus. Plus de buffet sur le quai de Paris, plus de châteaux-d’eau encombrants, mais un vaste quai couvert d’où la vue plongera sans obstacles dans toutes les directions.

     Enfin, là-bas, tout en face, au pied de ce beau mur tout blanc qui s’achève sous l’œil vigilant de M. Camille le représentant de M. Morand, un train flambant neuf, la machine grondant, impatiente, les portières ouvertes, avides de voyageurs. «La direction d’Auneau en voiture!» Des claquements de loquets, un sifllet, un nasillement de corne; un sifflet plus strident, puis un gros souffle de vapeur; et au bout d’une heure, trente-deux kilomètres franchis sans trop de hâte, on arrivera en gare d’Auneau.




  La Gare d'Etampes en novembre 1892 (dessinée par Georges Roux et gravée par Victor Michel)
Détail. Guérite de l’octroi.
     * Elle eut lieu effectivement le 5 juin 1893, d’une manière assez discrète.
     Aujourd’hui le voyage n’est pas aussi facile; mais pour peu que l’on ait, comme nous, la chance de faire la connaissance de l’aimable et actif entrepreneur de la ligne, M. Mège, qui vient de terminer si heureusement la pose de son ballast, ou qu’on veuille bien vous recommander à M. Gendreau qui était chargé de contrôler l’entreprise au nom de la Compagnie, les difficultés seront vite aplanies; nous avons eu, du moins, l’heureuse bonne fortune d’en faire l’expérience et nous voulons sans retard en adresser à tous nos plus vifs remerciements. Grâce à leur inestimable bienveillance nous avons fait un voyage charmant. Les lecteurs du Postillon* ne nous en voudront point de les convier à nous y suivre. Bien assis dans leur fauteuil ils verront au passage les sites connus se succéder à leur imagination; avant que la route ne leur soit par 1’usage devenue familière ils partageront notre plaisir et, comme on serre jalousement dans son portefeuille une gravure avant la lettre tant que les épreuves ordinaires n’ont pas vulgarisé le tableau, ils en garderont le souvenir jusqu’au jour où ils se hâteront de vouloir en vérifier de visu la stricte exactitude.
     * On voit ici que cet article a d’abord été publié dans le Postillon de Seine-et-Oise, journal libéral et indépendant publié à Versailles, alors chef-lieu de cet ancien département.
     Donc, hier 15 Septembre, nous montions sur une locomotive qui bouillonnait sourdement en tête du train de ballast à la bifurcation du pont de Chauffour. Avec un entrain superbe, elle emmena bientôt derrière elle quelques wagons et parmi eux, attelée à son tender, une sorte de baraque en planches construite sur un truc* et que les terrassiers nomment le Wagon-Salon; d’autres disent, la Bagnole. Ce sera comme voudra le lecteur.
     * Un truc, ou truck, est une plate-forme montée sur des roues, utilisée alors pour le transport des voitures et des marchandises.
     On raconte que lorsqu’il composa La Bête humaine, Zola** voulut documenter son œuvre et, pour cela, fit de jour et de nuit un long voyage sur «La Lison» c’est le nom de sa machine — vivant ainsi de la vie du mécanicien, partageant son labeur, et analysant ses sensations. Le grand écrivain eut raison; et vraiment, ce ne fut pas le moindre attrait de notre voyage que de faire l’épreuve d’un moyen de locomotion si nouveau pour nous, et de nous rendre compte du profit que l’on peut retirer de semblables expériences. Que le lecteur se rassure et nous pardonne une comparaison d’une telle outrecuidance! S’il suffisait de monter Lison pour écrire comme Zola et animer ses personnages d’un souffle aussi puissant, nous voudrions monter Lison! Mais hélas, notre machine à nous s’appelait d’un numéro tout sec: 371 suivi de ces mots: Poncelet-Est Ateliers d’Epernar. Allez donc faire de la poésie avec cette phrase de catalogue! Voilà je pense le lecteur et Zola rassurés.

     Quoiqu’il en soit, «Poncelet 371 etc....» est une vaillante machine et il est vraiment curieux de voir ce gros corps noir, massif, lourdaud, obéir si docilement au moindre geste de celui qui le conduit. La pente en descendant lui fait une route facile qu’elle dévore à l’aise sans souffler; si le chemin est plat, elle va tranquille, scandant la marche de sa respiration régulière; mais, voilà que la route monte, son souffle s’accélère, elle avale en gloutonne des monceaux de noir charbon, elle le crache en blanche fumée, elle gronde comme furieuse de se sentir ralentie par la pente. Aussi, là-haut, la crète franchie, quelle allure de bête victorieuse elle part, court, toute gaie de son effort utile; les passages à niveau ont leurs contre-rails remplis de pierres, qu’importe! elle fait un bond, un autre, et, lâchée, ivre de vitesse, elle part dans la plaine dandinant en lacet son ventre qui mugit. Le mécanicien qui la dompte, M. Bigot, est à coup sur un bon guide, et c’est plaisir avec lui de courir pendant quinze minutes sur le pied de 60 k. à l’heure.
     ** La Bête humaine (1890), roman d’Émile Zola (1840-1902), évoque le monde du chemin de fer; l’action se déroule tout au long de la ligne Paris-Le Havre.
     C’est avec une vitesse infiniment moindre que nous partons du pont de Chauffour; la ligne descend sur le remblai de sable tout blanc et laisse bientôt à sa gauche, après avoir dépassé le Camp dont nous parlerons à la fin, le moulin à Tan qui envoie tranquillement l’eau de la rivière aux réservoirs de Guinette*.
     * Ce réservoir désaffecté existe encore au bord de la promenade de Guinette, à demi-enterré.
     La vallée toute verte est ravissante. Ses prairies dont la fraicheur s’épand est sillonnée par la Louette sinueuse, et les grands peupliers lui font la plupart du temps une voûte quasi-continue que l’automne commence à dorer par endroits. La voie est descendue au fond de la vallée et court, tant déblais et remblais sont insignifiants, sur le sol même recouvert d’un demi-mètre de ballast caillouteux. Le premier objet rencontré, à gauche, est un château-d’eau primitif, composé d’une large cuve supportée par un bâti de traverses entre-croisées; rien de la tour Eiffel*. — Une pompe aspirante et refoulante prend l’eau de la rivière et la porte dans la cuve sous l’effort repété d’un pompier qui nous regarde passer d’un air tant soit peu railleur. N’aurions-nous pas encore l’air de gens du métier, pourtant nos mains commencent à noircir! Tout au bas de son château-d’eau l’homme s’est bâti une cahute, véritable habitation des prairies lointaines, et dans laquelle il a rassemblé les animaux les plus disparates: poules, renard, pies, corneilles, chien, chat, etc.... une arche de Noé en miniature. Tenez! voici les affreuses carrières de pavés de Vaujouan qui semblent vouloir dévorer la route et la voie, et dégringoler jusqu’à la rivière même. C’est bien utile, parait-il, les pavés, mais que ça gâte le paysage!
     * La tour Eiffel, érigée en 1889, n’a alors que trois ans.

     A gauche, en face les carrières, on côtoie le moulin de Vaujouan et pour peu qu’on aie de bons yeux, à travers les frondaisons vertes on peut apercevoir, de l’autre côté de la vallée, le château de Valnay. Le spirituel chroniqueur qui vient y passer l’été*, après avoir acheté deux canons pour s’y défendre des maraudeurs, va-t-il être obligé de se tamponner les oreilles pour ne pas entendre le sifflet du chemin de fer?
     * Allusion à Aurélien Scholl (1833-1902), chroniqueur au Figaro, à l’Événement, à l’Écho de Paris et au Matin, l’une des plus grandes plumes de la presse française sous le Second Empire et au-delà.
     Sur la droite bientôt s’accrochent à flanc de coteau les maisons éparses du hameau de Pierrefite à l’entrée duquel un antique Menhir monte sa garde séculaire. A partir de cet endroit, la machine semble rouler avec un bruit moindre, et ses trépidations s’amortissent. La sensation est très nette et l’on se rend fort bien compte que l’élasticité du sol sur lequel la voie est directement posée, est la cause de cet effet. C’est d’ailleurs le seul endroit où l’on ait rencontré la tourbe. Nous avons en face de nous, à gauche, Longuetoises, puis, plus loin, les premières maisons de Chalô-St-Mard, et la machine stoppe sur une immense emplacement nivelé dans le tuf blanc: «St-Hilaire, tout le monde descend!»

     St-Hilaire à la gorge coquette, où les sapins noirâtres font une marge d’ombre à la blancheur du tableau. La gare est montée à son premier étage et elle repose dans le sous-sol sur des pieux de dix mètres enfoncés dans la tourbe. Le café de la Gare, lui, est depuis longtemps à sa place, soupirant après le jour où le premier train qui emmènera les grains de la plaine, amènera chez lui les clients scellant d’un petit verre la livraison d’un marché.

     En attendant nous faisons connaissance avec M. Hochet surveillant des travaux et M. Binquey, surveillant du ballastage, exilés temporaires dans ce calme repli de notre vallée, et grâce à l’amabilité de M. Dupré, représentant de l’entrepreneur qui a bien voulu ainsi que M. Gendreau nous accompagner et nous fournir avec lui les renseignements les plus complets et les plus circonstanciés, nous examinons avec intérêt les moindres détails du travail. Voies, garages, aiguilles, prises d’eau, halles et signaux, rien, au bout de cette première étape, ne conserve pour nous de secret. Au besoin nous serions en mesure de solliciter un poste sur la nouvelle ligne.

     
«Les voyageurs pour Ste-Escobille, en voiture»! Et l’on repart, laissant sur la droite le château et les terrasses de St-Hilaire, où le voyageur voit avec envie le soleil dorer espaliers et couches chaudes d’un plantureux jardin.

     Jusqu’ici la ligne a suivi la rivière et la route en cheminant à plat, serpentant de-ci de-là, suivant des courbes dont le rayon varie entre cinq et huit cents mètres. Il va maintenant falloir grimper sur le plateau et, si les courbes se succèdent encore avec des rayons semblables, la route, de plate qu’elle était, s’en va monter régulièrement par des rampes variant entre cinq millimètres et huit millimètres et demi par mètre; ce sera en somme une hauteur verticale de 76 mètres franchie sur un parcours de 8 kilomètres.

     La montée ne commence pas tout de suite. La ligne court d’abord sur un remblai assez élevé; sur le territoire des Boutars, elle laisse à gauche une belle plantation de peupliers dont les rangées régulières s’élancent au ciel en belle ordonnance, passe sur un petit pont dont la construction sur le sol sans consistance a demandé beaucoup de travail, puis traverse le hameau, où d’antiques substructions révèlent le souvenir de la conquête romaine. Si c’était le lieu de faire de l’érudition, en locomotive, nous pourrions ajouter que Boutervilliers, qui sur le plateau du côté droit de la colline se hausse au-dessus des bois pour apercevoir le hameau en question, tire son nom du lieu dit: de Boutars-Villa on a fait le nom moderne. Nous ajouterions encore qu’on a découvert sur le dit plateau des Boutars des instruments de silex et un polissoir. Mais on va si vite que Gaulois, Romains, silex, polissoirs et étymologies, tout disparait comme une vision dans le blanc panache de fumée qui serpente dans la vallée et se perd sous le feuillage comme les matinales vapeurs de la prairie.


     La vallée dès lors sans eau, s’élève par une pente rapide; une tranchée importante a dû même, pour éviter une courbe trop prononcée, éventrer une tertre important qui servait de soubassement à la tour de Cenive; il a fallu user de la poudre pour désagréger les rochers de grès qui le composaient en majeure partie. La tour est restée sur la droite, spectatrice impassible des écroulements de son voisinage; c’est un des coins les plus pittoresques du parcours et c’est avec raison que l’historien des rues d’Etampes, M. Léon Marquis, l’a célébré en vers*. Que fut-elle autrefois? Tour de défense? C’est peu probable, dominée qu’elle est de toutes parts par des hauteurs d’où le moindre caillou, le plus mince carreau aurait eu raison du plus hardi combattant. Un signal? Pas davantage, les signaux veulent des points culminants et non pas des abîmes. Un signe féodal, sans doute? C’est bien le plus probable: une de ces tours, réprésentant aux yeux de tous le droit du seigneur auquel on devait foi et hommage. Et encore, ce signe ne doit pas être très ancien, car l’appareil de la tour ne dénote pas une construction d’époque primitive. Toujours est-il qu’il est là immuable, sur sa butte mutilée, témoin des âges anciens. Que diraient ses pierres, si elles pouvaient parler, de ces bruits nouveaux venant troubler sa solitude? Autrefois monté sur son palefroi, le vassal venait à ses pieds déposer l’hommage à son féal suzerain le cor retentissait dans les halliers voisins; aujourd’hui, goguenarde, la locomotive mugit et passe, et la corne du chef de train jette aux échos sa note nasillarde. Le voyageur regarde, salue, et admire un beau site; c’est tout. C’est encore cela! Que de choses et des plus neuves ne sauraient se vanter de mériter même un regard au passage! Croquis de la Tour de Cénive par Léon Marquis
La Tour de Cénive (gravure de Léon Marquis)

     * Léon Marquis a écrit La Tour de Cenive, poème, suivi de notes sur les antiquités de la vallée de Chalo St-Mard, Seine-et-Oise [55 p.], Étampes, Fortin, 1870.
     Par une suite de lacets charmants, la ligne monte alors d’une façon sérieuse; à droite, un puits et le chemin qui monte à Boutervilliers; au-delà, des sapins, des taillis, au dessus desquels, à droite, on apercoit les toits de Boutervilliers, à gauche, les flèches pointues qui dominent les tourelles du Tronchet. Le Tronchet, encore un manoir féodal coquettement assis sur le coteau boisé, fief en 1789 d’un oncle d’Alfred de Vigny*, notre grand poëte beauceron, aujourd’hui ferme.
     * Alfred de Vigny (1797-1863), poète et dramaturge romantique, a laissé quelques paragraphes sur ses séjours au Tronchet.
     Dans un trèfle à graine, un pauvre lièvre effrayé galope vers les bois, et son pelage roux fait un jaune sillage au travers du champ brun. N’y avait-il pas assez du chasseur, sans ce monstre de feu pour empoisonner son existence et lui faire fuir son gite? La vallée se dénude, nous brûlons une maison de garde que les cheminots ont baptisée du nom de Maison des Glands, irrespectueux sobriquet tiré des ressources que présentait ce coin de chantier; puis les bois se font boqueteaux; seules des maisons de garde construites aux passages à niveau peuplent le vallon qui s’en va mourant. Des perdrix en compagnie se lèvent au bruit et volent avec le train, de conserve. Quel joli coup de fusil nous aurions pu faire! Mais la loi de 44* permet-elle la chasse en locomotive? Le gendarme est sévère, chacun le sait et, devant un tel procès, nous eussions fait piètre figure. A coup sûr, c’eût été original. Mais s’il est bon d’être dans le train, il n’est pas plus sûr d’y chasser qu’il n’est licite de pêcher dans une rivière à sec.
    * Il s’agit de la loi de 1844 sur la police de la chasse.



     Tout d’un coup, derrière le dernier boqueteau à droite se profile la pointe d’un clocher, puis, à gauche, le sommet d’une tour carrée. L’un et l’autre émergent peu à peu, c’est le clocher de Ste-Escobille et la Tour de Mérobert. Nous voici en plaine et bientôt à quelques cent mètres, sur le premier palier qui descend un peu, nous passons la limite des deux départements de Seine-et-Oise et Eure-et-Loir*.
    * Aujourd’hui entre Essonne et Eure-et-Loir.
     On laisse à gauche le hameau d’Aubray, où les religieux de St-Jean-en-Vallée-de-Chartres** tenaient jadis un bénéfice; on traverse la grande route de Limours à Angerville et la machine stoppe: «Ste-Escobille, cinq minutes d’arrêt».

     Cinq minutes ou davantage, c’est pour l’instant au gré du voyageur et c’est vraiment commode de mettre ainsi le temps qu’il faut pour bien voir et s’instruire, surtout lorsqu’on peut mettre à contribution le savoir obligeant des autres. Ici comme tout à l’heure, le surveillant des travaux, M. Jeansin, se charge avec la plus grande affabilité de nous mettre au courant de tout ce qui peut nous intéresser et nous n’avons qu’à ouvrir les yeux, à tendre les oreilles. Pendant que M. Gendreau, se renseigne et se met en rapport avec le personnel, nous regardons et nous écoutons de notre mieux.

     Le gros œuvre de la gare est fini et l’on va poser le hall des marchandises. Un puits de 30 mètres est foré et il a déjà deux mètres d’eau. Une machine fixe est là en morceaux prêts à monter; on y joindra une grue, un château-d’eau… On taille en plein drap; bref, la gare sera d’importance. Et voyez, nous dit, M. Alaurent, l’entrepreneur de la construction, les cultivateurs se lamentent et trouvent qu’on ne fait pas assez grand! Dieu les entende! Qu’ils emplissent le hal à le faire craquer, qu’ils fassent ployer la grue sous le faix! ce sera tant mieux pour eux, tant mieux pour Étampes et tant mieux pour nous. Je gage que la compagnie criera tant mieux aussi et que c’est avec joie qu’elle construira nouveaux hangars et nouvelles grues.

     ** C’est en ces années-là sans doute que René Merlet travaille à l’édition du Cartulaire de Saint-Jean-en-Vallée qu’il donnera en 1906.
     A quoi bon maintenant décrire le paysage? Chacun ne le connaît-il point? qui n’admire, sans jamais se lasser, cette grande plaine aux horizons infinis où la terre dans son immuable calme est toujours en continuel labeur; où les matins sans brume donnent à l’herbe rase leur rosée vivifiante, où la chaleur du jour fait pousser les semences et transforme l’espace en océan d’or fin; où le soleil au soir éteint sans heurts sa radieuse clarté en profilant en noir sur le ciel qui s’empourpre les lourds clochers que l’ombre grandit. Poésie radieuse et large harmonie où la querelle humaine détonne en apportant ses choquants hiatus et ses criardes dissonnances. 0 querelle! laisse-nous! laisse-nous voir à l’aise le sillon de Rosa Bonheur*, l’Angelus de Millet** et l’admirable aquarelle de notre Berchère***, où, comme il l’a si bien écrit, la terre se repose****.

     Et voyez la contradiction! Voilà le train qui marche comme un furieux avec un déhanchement terrible, grondant, sifflant, roulant, sautant. Rapides, passent au loin Oysonville et son parc, oasis touffu au milieu de ce désert fécond, demeure de M. le comte de Rilly, un descendant de la fameuse famille des Briçonnet, puis Garancières, Manterville, autre bénéfice de l’abbé de St-Jean-en-Vallée, puis Guillerville, Paponville, et tant d’autres. Tout au bord du chemin, la cheminée de la Râperie de Sainville. Enfin, après un train d’enfer, nous entrons en gare: «Sainville, dix minutes d’arrêt, buffet
».
     * Allusion probable à l’un des tableaux les plus célèbres de Rosa Bonheur (1822-1899), l’Attelage Nivernais (1849), dont le premier plan est occupé par des sillons. Voir notre Annexe 4.
     ** L’Angélus est un tableau de Jean-François Millet (1814-1875), peint en 1858. En plein travail des champs, deux paysans ont posé leurs outils pour se mettre en prière.
     *** On voit par se passage que l’auteur est étampois, comme Berchère.
     **** Narcisse Berchère (1819-1891), peintre orientaliste et paysagiste étampois, est alors mort l’année précédant cet article. Dans l’article que lui consacrera Maxime Legrand en 1909, et que nous avons mis en ligne (cliquez ici) cite au Musée d’Étampes une aquarelle de lui intitulée La Terre repose, “don de M. G. Manen”.
     Oui buffet, ne riez pas, vous avez bien lu: Buffet! Au bout d’une jolie avenue plantée d’arbres, large, bien droite, se trouve l’Hôtel-de-Ville, à la façade coquette faite de murs briquetés, et à droite un café: c’est là le Buffet. On y est du mieux du monde et le champagne qu’on y boit, comme il convient de le faire à toute inauguration, y est de la bonne marque. A votre prochain voyage, je vous le dis en vérité, goûtez-y, vous vous en trouverez fort bien... et le café aussi. A Sainville le travail de la gare est à peu près terminé, la place des marquises s’indique déjà. Le surveillant des travaux M. Pons, un gai et aimable méridional, ne doit plus avoir longtemps à rester au milieu de ces braves populations qui nous regardent débarquer et ne paraissent ma foi pas du tout refractaires aux progrès de la civilisation; s’en plaindra-t-il?

     Chaque chose se fait en son temps, avec méthode, la ligne maintenant est presque finie, elle est bonne et prête à recevoir le passage des trains; nous n’avons pas besoin que M. Darrou, le piqueur* de la ligne, nous le dise, on le sent facilement.

      Mais la locomotive que sa grosseur attache sur ses rails, souffle d’impatience. Le mécanicien fait jouer son Giffard*
* et envoie dans ses flancs une abondante provision d’eau; c’est son champagne à elle et, bien désaltérée, elle s’élance dans la plaine qui s’étend devant nous à perte de vue.
     * Dans les chemins de fer, le piqueur est un agent technique qui seconde le conducteur de travaux en surveillant les équipes d’ouvriers et la bonne marche des travaux.
     ** Injecteur automatique imaginé en 1857 par Giffard pour l’alimentation des chaudières à vapeur.
     On passe, laissant à gauche Maisons, célèbre dans les fastes de l’abbaye de Morigny***, et à droite le château et la ferme du Chêne, puis on arrive devant la station de La Chapelle-d’Aunainville.

     Comme l’heure presse et que le tableau de marche souffre pour l’instant quelque fantaisie nous passons sans nous arrêter, histoire de faire de l’esbrouffe en nous donnant les allures de train express. Aunainville, La Chapelle-d’Aunainville, puis Aunay-sous-Auneau disparaissent derrière nous dans la ligne droite. Alors, les rails s’infléchissent selon une courbe régulière au rayon de 800 mètres et nous entrons bientôt sur une voie parallèle à la ligne de Vendôme, dans la gare d’Auneau.

     C’est fini; c’est dommage!

     Oui c’est dommage, car un plaisir nouveau qu’on acquiert laisse toujours avec lui le regret de ne pouvoir le conquérir encore. Il passe dans le domaine du souvenir après avoir quitté celui de l’attente. Mais attente et souvenir ont pour nous été si joyeux, si aimables, nos compagnons, nos initiateurs, si remplis de courtoise obligeance et d’aménité, que le regret s’enfuit ne laissant que l’empreinte d’un plaisir dont nous remercions bien cordialement tous les auteurs. A quoi bon vous dire le retour avec ses arrêts nouveaux aux mêmes endroits connus? La brume du soir qui descend, estompe doucement les détails de la plaine, et la descente de la vallée est plus charmante encore. Au lieu de se rétrécir comme à la montée, le paysage s’élargit et paraît s’ouvrir comme le ferait un éventail; la machine en descendant semble éventrer de son éperon la mer des frondaisons vertes comme ferait l’avant d’un navire dans l’océan qu’il laboure.

     Nous descendons au pont de Chauffour où, comme tableau final, s’offre à nos regards un original spectacle. Sur la droite de la voie un terre-plein encombré de rails couverts de rouille, boulons étêtés, traverses brisées, crampons édentés, wagonnets boiteux, tonneaux éventrés, le tout dans un pèle-mèle de bric à brac, musée rétrospectif de la ligne non encore inaugurée. Au centre de ce fouillis, une cabane chancelante qui a servi d’abri à la petite machine de l’entreprise Morand s’affaisse sous un angle inquiétant, soutenue tant bien que mal par un tas de briquettes. C’est au milieu de ce chaos que les cheminots dont nous avons rencontré tout à l’heure les équipes ont établi leur Camp. Des wagonnets renversés couverts de mottes de gazons, ressemblant au Cairn de l’esquimau plus qu’à la hutte de l’Indien des prairies, leur servent de domicile et entourent un brasier qu’alimente... —
Dieu nous pardonne! — la provision de briquettes destinée aux machines.
     *** Allusion au premier livre de la Chronique de Morigny, du début du XIIe siècle, qui raconte l’achat et la mise en valeur de ce village par les moines de Morigny. L’auteur a lu ce récit, sans doute, traduit dans la préface donnée par Menault à son édition du Cartulaire de Morigny, publiée en 1867 (pp. VI-VIII).
     Au moment où nous passons il est déjà l’heure de la rentrée; sur le toit d’une de ces étranges habitations un terrassier racommode à grand renfort de ficelle son costume endommagé; plus loin, comme à la gueule d’un terrier, nous entrevoyons deux énormes semelles de bottes ferrées qui révèlent un dormeur allongé sous sa tente d’un nouveau genre, tandis qu’à côté montrant dans un rire béat ses dents blanches au milieu d’un visage barbouillé de charbon, le maître coq de l’endroit découvre, cuiller à la main, une marmite ou s’entasse un monceau de succulentes pommes de terre. La marchande n’est pas loin. D’ici nous apercevons sur le coteau voisin les pampres jaunis du farineux légume. Nous passons, rêvant à Callot* et à Claude Lorrain**, regrettant amèrement le photographe qui nous eut laissé l’image instantanée de ce pittoresque et étrange campement***.

     Quand tout cela aura disparu, quand sur la place nettoyée, un aiguilleur, gardien vigilant, se sera installé, quand le mur sera fini, quand la gare sera achevée et qu’elle aura cessé de ressembler à une caserne de bastion au lendemain d’un bombardement, quand l’employé d’octroi aura fini d’errer sur ses pilotis branlants, la compagnie d’Orléans ajoutera une nouvelle date au tableau des ouvertures des lignes de son réseau. et nos oreilles entendront avec joie résonner sous les voutes aérées de notre nouvel «embarcadère» ce cri sonnant clair: «Les voyageurs pour St-Hilaire, Ste-Escobille, Sainville, La Chapelle-d’Aunainville, Auneau et la direction de Chartres, traversez les voies s’il vous plaît!»



     * Jacques Callot (1592-1635), dessinateur et graveur, connu surtout pour ses eaux-fortes, notamment Les Grandes Misères de la guerre.
     ** Claude Gellée, dit le Lorrain (1600-1682) surtout connu comme paysagiste.
     *** Les auteurs se sont consolés de cette occasion manquée en faisant graver, le mois suivant, la gare encore en chantier, y compris la pittoresque guérite de l’octroi mentionnée au début du récit.
  

ANNEXE 1
Les auteurs: Maxime Legrand, Émile Huet
par Bernard Gineste

Page de titre de la brochure: D'Etampes à Auneau en chemin de fer (imprimée en 1893)      Les noms des supposés auteurs de cet article, Jean Ballast et F. Errail, sont très évidement des pseudonymes adoptés par plaisanterie, en rapport avec son sujet. Il reste à déterminer quel est l’auteur réel ou quels sont les auteurs réels de cet article d’abord publié dans le Postillon de Seine-et-Oise.

     L’auteur est un Étampois (qui parle de notre Berchère). Il connaît et cite une aquarelle de ce peintre conservée au Musée d’Étampes. Or c’est Maxime Legrand qui a rédigé la notice biographique du catalogue de vente après décès des œuvres de ce peintre en 1891, l’année précédent cet article. Bien plus, il a ensuite donné trois articles sur le même sujet, précisément dans le Postillon de Seine-et-Oise (6, 13 et 24 décembre 1891).

     L’auteur cite de plus avec éloge l’historien local Léon Marquis, et notamment son poème sur la tour de Cénive (qui avait au contraire été moquée par Paul Pinson). Or précisément Maxime Legrand est alors en train d’éditer en collaboration avec Léon Marquis, Les trois États du bailliage d’Étampes aux États-Généraux (deux tomes respectivement publiés en 1892 et 1893).

     Il s’intéresse aussi aux antiquités préhistoriques locales, comme au polissoir des Boutars, comme son ami le Dr Duhamel d’Étréchy, qui a écrit un article de son côté sur le polissoir des Émondants à Souzy, avec qui il a collaboré à plusieurs reprises et dont il rédigera aussi la notice nécrologique en 1897.

     D’une manière générale, notre auteur principal est un grand connaisseur des antiquités de la région d’Étampes, et il a un goût certain pour le pittoresque. Ceci encore nous oriente vers Legrand, auteur d’Étampes pittoresque, guide du promeneur dans la ville et l’arrondissement, ouvrage monumental en plusieurs volumes, publié à partir de 1897.

Page de titre de la brochure: D'Etampes à Auneau en chemin de fer (imprimée en 1893)      De plus il est avéré que Maxime a utilisé des pseudonymes, par exemple celui de J. des R., alias Jean des Roseaux, pour une publication de 1906 selon Paul Pinson, au n°400 de sa Bibliographie d’Étampes et de son arrondissement de Paul Pinson, publiée en 1910 (p. 39). On remarquera l’identité des prénoms: Jean des Roseaux, Jean Ballast

     C’est une fois arrivé à cette conclusion qu’il m’a semblé utile de consulter la bibliographie que Michel Billard a composé en 1984 sur Maxime Legrand dans le premier tome de son ouvrage sur Morigny. Or c’est bien à Maxime Legrand que Michel Billard attribue cet ouvrage, ainsi qu’à un certain Huet, dans cette bibliographie, p. 12.
     Michel Billard en cette occasion ne précise pas sa source, qui est certainement manuscrite; en tout cas il est clair qu’il n’a pas eu entre les mains cet item, qu’il qualifie de rarissime et rapporte avoir essayé de se procurer jusqu’en Eure-et-Loir. Il n’en donne de fait ni le format, ni le nombre de pages, et le croit non signé, ne paraissant pas connaître même l’existence des pseudonymes utilisés par nos deux auteurs.
     Quoi qu’il en soit, voilà donc notre énigme résolue, grâce à la communication que François Jousset vient de nous faire du contenu de cet ouvrage soigneusement scanné, et l’attribution de notre article à Maxime Legrand est pratiquement prouvée par le précieux témoignage de Michel Billard et de sa source inconnue.

     Reste à déterminer qui était ce Huet, co-auteur de l’article. Il s’agit sans doute d’un certain Émile Huet, avocat à la cour d’appel d’Orléans, que nous voyons avec Maxime Legrand, dans la liste des souscripteurs à l’édition de la Bibliographie d’Étampes de Paul Pinson, en 1910.
     Cette hypothèse se transforme en certitude lorsque l’on découvre que le dit Émile Huet, avocat, a lui même en 1900 donné de son côté, entre autres publications érudites sur le pays orléanais, un ouvrage de plus de 700 pages, illustré de gravures, et intitulé Promenades pittoresques dans le Loiret, châteaux, monuments, paysages, et qu
il fut, au moins en 1908, secrétaire de lAssociation archéologique et historique de lOrléanais. Il faut aussi noter que, toujours selon Billard, qui le tenait lui-même de la comtesse de Saint-Périer, Maxime Legrand était lui aussi avocat, ce qui na pu que rapprocher nos deux auteurs.
     CQFD.

Bernard Gineste, 12 novembre 2008

Bibliographie:
     Michel BILLARD (né en 1952), «La vie et l’œuvre de Maxime Legrand», in ID. [éd.] & Maxime LEGRAND (1854-1924), Morigny-Champigny [25,5 cm sur 16,5; 104 p.; 11 folios de planches], Étampes, Éditions du Soleil, 1984, pp. 3-26.
     Émile HUET (avocat) [auteur] & Paul PIGELET [dessinateur], Promenades pittoresques dans le Loiret, châteaux, monuments, paysages [32 cm sur 23; IV+644+XXXII p.], Orléans, P. Pigelet, 1900.
ANNEXE 2
Quel est l’auteur de ce dessin gravé par Victor Michel?
appel à contribution


Monogramme signant la gravure Monogramme de Georges Roux selon le Dictionnaire de la Cartophilie      L’identité de notre graveur est donné par un monogramme situé en bas à droite et reproduit ci-contre. J’ai d’abord cru pouvoir le lire GR et y reconnaître celui de l’illustre Georges Roux, qu’on trouve au Dictionnaire de la cartophilie, et avec lequel il a un air de ressemblance. Ce Georges Roux a notamment illustré plusieurs romans de Jules Verne. Mais il ne me paraît pas facile de reconnaître un R dans la seconde lettre. Il faudrait pour conforter ou pour réfuter cette attribution trouver d’autres exemples du monogramme de Georges Roux.

     Aussi lançons-nous ici un appel à contribution. Qui pourra reconnaître ce monogramme (à gauche)? Qui aurait chez soi des gravures de Georges Roux, par exemple dans des Jules Verne en édition Hetzel? En tout cas il s’agit d’un dessinateur qui a travaillé avec l’imprimeur bien connu Victor Michel

     Notre gravure est en effet signée V. Michel. Victor Michel appartient à une dynastie d’imprimeurs dont l’entreprise n’a fermé qu’assez récemment. Les archives de cette maison sontt désormais conservées au Archives nationales sous la cote 203 AQ, et les dates extrêmes des documents qui y sont conservés vont de 1893 à 1970 (Voyez notre bibliographie).

Bernard Gineste, 12 novembre 2008
ANNEXE 3
Index des personnages cités

Personnes citées en septembre 1892 [ou objet d’allusion]
M. Alaurent, entrepreneur de la construction à Saint-Escobille.
Narcisse Berchère (1819-1891), peintre étampois, auteur d’une aquarelle intitulée: La terre se repose.
M. Bigot, mécanicien.
M. Binquey, surveillant du ballastage.
Rosa Bonheur (1822-1899), peintre de l’Attelage Nivernais (1849).
Jacques Callot (1592-1635), dessinateur et graveur.
M. Camille le représentant de M. Morand.
M. Darrou, piqueur de la ligne.
M. Dupré, représentant de l’entrepreneur à Étampes.
M. Gendreau, chargé de contrôler l’entreprise au nom de la Compagnie.
M. Hochet, surveillant des travaux à Étampes.
[Émile Huet, avocat et érudit.]
M. Jeansin, surveillant des travaux à Saint-Escobille.
[Maxime Legrand, avocat et érudit local (1854-1924).]
M. Mège, entrepreneur de la ligne.
M. Léon Marquis (mort en 1902), auteur d’un poème sur La Tour de Cénive (1870).
Jean-François Millet (1814-1875), peintre de L’Angélus (1858).
M. Morand (représenté par M. Camille), patron de l’entreprise Morand.
M. Pons, méridional, surveillant des travaux à Sainville.
M. le comte de Rilly, propriétaire du château et du parc d’Oisonville.
[Aurélien Scholl (1833-1902), résidant l’été au château de Valnay.]
Alfred de Vigny (1797-1863), poète et dramaturge romantique, qui a séjourné au Tronchet.
Émile Zola (1840-1902), auteur de la Bête humaine.
Anonymes
Un aiguilleur (à venir).
Les cheminots.
Un dormeur, au camp des ouvriers.
L’employé d’octroi, à Étampes.
Un maître coq
, au camp des ouvriers.
Une marchande, au camp des ouvriers.
Le personnel, à Saint-Escobille.
Un pompier, occupé à pomper l’eau de la Louette pour alimenter les machines à vapeur.
Les religieux de Saint-Jean-en-Vallée de Chartres, autrefois possessionnés à Aubret et à Mantarville.
Un terrassier, au camp des ouvriers.
Les terrassiers.

[Le tenancier du bar Le Buffet à Auneau].
 
ANNEXE 4
F. de Lagenevais
Sur le tableau de Rosa Bonheur appelé L’attelage Nivernais
Revue des Deux Mondes 3 (1849): “Le Salon de 1849”

     On cite ici un commentaire d’époque sur un tableau exposé par Rosa Bonheur au Salon de 1849, qui la rendit célèbre, et auquel les auteurs de notre article font allusion brièvement, L’attelage Nivernais, où le premier plan est occupé par un sillon.

Rosa Bonheur: Labourage Nivernais (1849)      A voir l’extension plus grande que prend chaque année le paysage, on dirait qu’un besoin de sensations fraîches, une sorte de soif de jeunesse porte la génération actuelle à chercher un refuge dans le calme et dans la paix de la nature. Toute œuvre imprégnée d’un sentiment vrai des harmonies rurales, et qui nous apporte en quelque sorte l’odeur des champs, est sûre d’être la bienvenue. C’est ce qui arrive à l’idylle de Mlle Rosa Bonheur. L’Attelage nivernais représente une scène de la labourage. Deux charrues, attelées chacune de trois paires de bœufs puissans, fendent un terrain dont les sillons, fraîchement ouverts, forment le premier plan. Dans le fond, des pâtis inclinés et parsemés de bouquets d’arbres ferment l’horizon. Rien de plus simple que ce motif, qui tire toute sa grace de la fidélité des détails. Mlle Bonheur peint les animaux d’une façon distinguée, et il faut la louer d’avoir su choisir un sujet qui lui permettait de déployer ses moyens. Ses bœufs sont très habilement dessinés; ils se groupent bien, tirent avec ensemble et vigoureusement. On pourrait bien leur reprocher un soin trop exquis de leur personne, mais ce sont peut-être des bœufs de ferme-modèle, mieux étrillés que des bœufs du commun. L’aspect des champs où les a placés Mlle Rosa Bonheur confirme cette opinion. Les prairies du fond sont si bien tenues, les arbres si bien taillés! il n’est pas jusqu’aux mottes de terre qui n’aient un aspect correct et élégant. M Bonheur doit certainement avoir lu le prologue d’un petit roman publié il n’y a pas long-temps par un éloquent écrivain, et où se trouve dépeinte avec une rare magie de stylo une scène absolument semblable à celle qu’elle a choisie. Il est regrettable qu’elle ne s’en soit pas plus complètement inspirée, qu’elle ne se soit pas pénétrée de ce parfum de rusticité, la seule chose, à vrai dire, qui manque à son tableau. Je suis fâché, pour moi, de ne pas retrouver là ces paires de bœufs fraîchement liés de la Mare au Diable, aux têtes courtes et frisées, aux gros yeux farouches, frémissant sous la main de l’enfant qui court armé d’une longue gaule dans le sillon d’où s’exhale une vapeur légère. Les sillons de Mlle Rosa Bonheur ne fument pas; ils sont d’un brun bien tendre, et à la place de l’enfant à la chevelure ébouriffée et couvert d’une peau d’agneau, elle met un valet de charrue insignifiant. Décidément la poésie fait tort à la peinture. Cependant, malgré la redoutable concurrence de ses voisins du Berry, cet Attelage nivernais n’en est pas moins un excellent tableau, et les bœufs de Mlle Bonheur n’ont pas leurs pareils à l’exposition. Je ne leur ferai pas l’injure de les comparer a cette bonne bête de vache de M. Herment, qui se laisse manger par des loups avec une si tranquille patience. M. Coignard a aussi des succès dans l’élève des bêtes à cornes; ses bœufs et ses vaches sont d’une forte couleur qui cherche à imiter le maître inimitable, et ils ont bien ce regard doux et mélancolique où semble se peindre chez les animaux le regret d’une existence jadis plus heureuse.
 
           
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
   Page de titre de la brochure: D'Etampes à Auneau en chemin de fer (imprimée en 1893)
Éditions

     Maxime LEGRAND (1854-1924) et Émile HUET (sous les pseudonymes de Jean BALLAST & F. ERRAIL), «D’Étampes à Auneau en chemin de fer» in Le Postillon de Seine-et-Oise [“journal libéral et indépendant”] (septembre 1893).

     Maxime LEGRAND et Émile HUET (sous les pseudonymes de Jean BALLAST & F. ERRAIL) & Georges ROUX [illustrateur], DÉtampes à Auneau en chemin de fer [in-12; pièce; 1 gravure; texte daté du 16 septembre 1892 et s’adressant aux lecteurs du Postillon], Dreux, J.-B. Achard, 1893.

     François JOUSSET [éd.], «Maxime Legrand
et Émile Huet: D’Étampes à Auneau en chemin de fer (1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18920916detampesaauneau.html, 2008.

Sur la ligne d’Étampes à Auneau

     David RAYNAL (1840-1903), Projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes..., présenté au nom de M. Jules Grévy,... par M. Raynal,... 5 avril 1884 [in-4°; 4 p.], Paris, A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature, session 1884» n°2771], 1884.

     Hippolyte MOREL (sénateur de la Manche), Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive à la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes. 2 août 1884 [in-4°; 5 p.], Paris, A. Quantin [«Chambre des Députés, 3e législature, session 1884» n°3065; «Sénat. Session extraordinaire 1884» n°231], 1884.

     David RAYNAL (1840-1903), Projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet la déclaration d’utilité publique et la concession définitive du à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, de la ligne de la limite de Seine-et-Oise, vers Auneau, à Etampes, présenté, au nom de M. Jules Grévy,... par M. D. Raynal. 22 décembre 1884 [in-4°; 7 p.], Paris, P. Mouillot [«Sénat. Session extraordinaire 1884» n°213], 1885.

Rapport du 14 mai 1893      Paul-Louis-Joseph CUVINOT, Rapport... (Déclaration d’utilité publique et concession définitive à la Compagnie du chemin de fer d’Orléans à Paris, de la ligne de la limite de Seine-et-Oise vers Auneau à Étampes), par M. Cuvinot,... 23 décembre 1884 [in-4°; 4 p.], Paris, P. Mouillot, 1885.

     François JOUSSET [éd.], «Maxime Legrand et Émile Huet: D’Étampes à Auneau en chemin de fer (1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18920916detampesaauneau.html, 2008.

     Bernard GINESTE [éd.], «Auguste Allien: Inauguration de la ligne d’Étampes à Auneau (Abeille d’Étampes, mai-juin 1892)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-18930605inaugurationlignedauneau.html, 2008.

     AUTEURS A DÉTERMINER (noms illisibles sur le scan d’un exemplaire en vente en octobre 2008), Ligne d’Auneau à Etampes. Départements d’Eure-et-Loir et de Seine-et-Oise. Rapport sur l’exécution des travaux et dépenses effectuées [26 p.; illustrations; descriptif du vendeur: “plan général et profil en long, historique, infrastructure, longueur de la ligne, alignements et courbes, déclivités, acquisitions des terrains, terrassements, ouvrages d’art, maisons de garde, livraison à la Compagnie d’Orléans, dépenses totales, superstructure, stations, etc.; plans détaillés avec cotes: type de bâtiment des voyageurs avec halle aux marchandises accolée; gares d’Etampes, Saint-Hilaire, Saint-Escobille, Sainville,La Chapelle-d’Aunainville, Auneau; daté de Versailles, 14 mai 1893”], Versailles, éditeur à préciser, 1893 [non conservé à la BNF].

Sur le dessinateur Georges Roux (?)

     Le monogramme que porte notre gravure en bas à droite est peut-être celui du célèbre illustrateur Georges Roux.

     Paul-Noël ARMAND (1921-1989) [dir.], Paul Yvon ARMAND (né en 1944) [éd.] & Albert THINLOT (né en 1914) [collaborateur], Dictionnaire de la cartophilie francophone, réalisé par et sous la direction de Paul-Noël Armand (….) achevé par Paul-Yvon Armand avec l’assistance de M. Albert Thinlot [26 cm; 798 p.; relié; illustrations; bibliographie pp. 797-798], Herblay, P. Armand, 1990, p. 715 (rang du bas, 3e en partant de la gauche).


Sur le graveur Victor Michel

     Notre gravure est signée V. Michel. Il s’agit sans doute du même que le graveur d’un portrait gravé de Lévy-Dhurmer paru dans le Figaro illustré de décembre 1904 et signé Victor Michel, et c’est encore peut-être le même qui est en 1925 président de la Chambre syndicale de la photogravure.

     MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION, «V. Michel» [11 notices sur des illustrations due à Victor Michel, essentiellement des couvertures de cahier, datées de 1890 à 1905], in Mémosyne [site de l’INRP, Institut National de la Recherche Pédagogique], http://www.inrp.fr/mnemo/web/rebond.php?interf=fr&tabLiee=aut&nom=Michel%20(V.)&sort=typeDown&nom_bouton=rech_simple&passage=, en ligne en 2008.

    Victor MICHEL (président de la Chambre syndicale de la photogravure), «Préface», in Georges DEGAAST (ingénieur-conseil pour les arts et industries graphiques, professeur au Cercle de la Librairie et à la Maison du Livre), Photogravure et Imprimerie. Avec nombreuses illustrations, schémas et hors texte démonstratifs, mono et polychromes [in-8°; 40 p.], Paris, Bibliothèque universelle des arts et industries graphiques, 1925. 

     ARCHIVES NATIONALES, «Imprimerie Les fils de Victor Michel (203 AQ)» [“Dates extrêmes des documents: 1893-1970”], in Archives Nationales [Site officiel], http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/inventairesaq/203aq.html, en ligne en 2008.


Toute critique, correction ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: exemplaire original scanné et saisi par François Jousset en novembre 2008.
  
Explicit
 
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