CORPUS HISTORIQUE ETAMPOIS
 
 Léon Marquis 
Résumé de l’histoire d’Étampes
Les Rues
d’Étampes et ses monuments: Introduction 
1881
   
Nicolas Tassin: Estampes (gravure, 1636)
Nicolas Tassin: Profil d’Étampes (vers 1636)
 
     Le plan général de l’ouvrage majeur que Léon Marquis a consacré à la ville d’Étampes n’est pas chronologique mais topographique, comme l’indique assez son titre: Les rues d’Étampes et ses monuments.
     Mais le sous-titre en est important:
pouvant servir de suppléments et d’éclaircissement aux Antiquités de la ville et du duché d’Etampes, de Dom Basile Fleureau. Pour ce faire, Marquis a porté en Introduction, dans l’ordre chronologique, toutes les données qui lui ont paru dignes de mémoire et qui n’entraient dans son plan topographique.
     On y trouve tout d’abord de nombreux détails que dom Fleureau n’avait pas connus son temps, et que Marquis a trouvés soit dans des ouvrages érudits du XIXe siècle ou dans des archives qu’il a personnellement explorées; puis tout ce qui s’est passé à Étampes depuis Fleureau jusqu’en 1880.

B. G., septembre 2011.

     La saisie des textes anciens est une tâche fastidieuse et méritoire. Merci de ne pas décourager ceux qui s’y attellent en les pillant sans les citer.
    
Léon Marquis 
Résumé de l’histoire d’Étampes
Les Rues
d’Étampes et ses monuments: Introduction 
1881

 
[pp. 1-46]

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LES RUES D’ÉTAMPES ET SES MONUMENTS
INTRODUCTION

     Histoire générale dans les temps anciens. — Conciles. — Siéges et batailles. — Passages de souverains, souveraines, princes et princesses. — Épisodes de la terreur. — Vente de biens nationaux. — Choléra. — Guerre franco-allemande. — histoire moderne.


     La bataille d’Étampes au VIIe siècle est le premier fait historique important concernant notre ville, ancienne capitale d’une petite province romaine (1).
     (1) Dramard, Notice historique sur l’origine de la ville d’Étampes, 1855, in-8.
     Clotaire II, roi d’Austrasie, pour se venger de la défaite qu’il avait éprouvée à Dormeille, leva une nouvelle armée et en donna le commandement nominal à son jeune fils Mérovée, et la direction réelle au duc de Landri. Son ennemi Théodoric, roi de Bourgogne et d’Orléans, marcha à sa rencontre (décembre 604). Les deux armées étaient campées sur les bords de la Louette, en face [p.2] le faubourg Saint-Martin, à l’endroit où le vallon est resserré. Après un combat acharné, Landri battit en retraite, Mérovée fut fait prisonnier, et Théodoric rentra à Paris triomphant (1).
     (1) Grégoire de Tours, dans la collection Guizot.
     Les soldats qui périrent dans ce combat furent enterrés à l’endroit appelé encore aujourd’hui le Murger de la bataille, et d’autres noms de champtiers et lieux dits rappellent cet événement*.
     * Plus personne ne croit cela aujourd’hui (B.G. 2011)
     En l’année 911, Rollon, à la tête des Normands, parcourant l’Orléanais et le Gâtinais, vint piller Étampes et ses environs, et fit un grand nombre dé prisonniers (2).
Estampes ont destruit, et le bourg ont gasté,
Et tote la terre mise en chetiveté,
Ne a roi ne baron que li ait destorbé.
D’Estampes torna Rou vers Vilumez tot dreit (3).
     C’est-à-dire: «Ils détruisirent Étampes, ravagèrent son bourg et réduisirent son territoire dans l’état le plus misérable. Nul roi, nul baron ne se présenta pour s’opposer à leur fureur. Rollon partit d’Étampes pour se rendre vers Vilumez.

     (2) Guill. de Jumièges.




     (3) Histoire rimée de Rollon, Bibl. nat., manuscr.
     Les principaux événements qui concernent notre histoire, du XIe au XIIe siècle, sont les conciles d’Étampes, qui se tinrent, selon toute apparence, en l’église Notre-Dame.

     Le premier concile eut lieu l’an 1048, sous Henri Ier, et fut convoqué par Gerduyn, archevêque de Sens; mais on ne connaît aucun détail sur les décisions qui y furent prises (
4).
     (4) Fleureau, p. 307.
     Le deuxième concile se fit en l’année 1092, sous Philippe Ier. Richer, archevêque de Sens,
voulut y déposer l’évêque Yves de Chartres et rétablir Geoffroy dans ce siége; mais ses agissements restèrent sans succès, vu l’appel que l’évêque légitime de Chartres interjeta au Souverain-Pontife (
5).
     (5) Id., p. 370.
     Le troisième concile eut lieu en 1099, sous Philippe Ier. On ne connaît pas d’autre document de ce concile qu’une lettre où les évêques de la province de Sens reprochent à l’évêque Philippe de [p.3] Troyes de n’y être pas venu, et le menacent de peines canoniques, si dans trois mois il ne se présente à son métropolitain pour lui rendre compte de sa conduite (1).
     (1) Dictionnaire des Conciles, par l’abbé P…., 1846, 2 vol. 1er vol., p. 897.
     Le quatrième concile se tint vers la fin de l’année 1112, sous le règne de Louis-le-Gros. On écouta de grandes plaintes que l’on fit des déportements de Philippe, évêque de Troyes. On consacra celui que le clergé et le peuple de Nevers avaient élu pour leur évêque. Enfin, on publia des ordonnances pour la réformation des mœurs corrompues du temps (2).
     (2) Fleureau, p. 373.
     Le cinquième concile est le plus important c’est le concile national convoqué par Louis-le-Jeune, au mois d’avril 1130, pour se décider entre Innocent et Anaclet, tous deux élus papes. Saint Bernard y fut invité, et après le jeûne et les prières, on convint de s’en rapporter à lui pour cette importante décision.
     Le saint abbé ayant mûrement examiné la forme de l’élection des deux compétiteurs, le mérite des électeurs et la réputation des élus, se décida pour Innocent, qui fut aussitôt reconnu par toute l’assemblée (
3).
     (3) Id., p. 375.
     Le sixième concile est de l’année 1147. C’est là que fut décidée la deuxième croisade commandée par Louis VII en personne; dans celle assemblée, on établit pour régent du royaume, pendant l’absence du roi, l’abbé Suger, son premier et plus fidèle conseiller (4).
     (4) Id., p. 100.
     Le septième et dernier concile d’Étampes eut lieu le 23 août 1247, et il fut convoqué par Gilon Cornu, archevêque de Sens; on y traita des affaires ecclésiastiques de la province de Sens (5).

     (5) Dictionnaire des Conciles, t. I, p. 898.
     Nous devons observer que Fleureau ne cite que cinq de ces conciles: les premier, deuxième, quatrième, cinquième et sixième, et que le Dictionnaire des Conciles en cite également cinq: les deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième*.

     C’est seulement à partir du XIe siècle que la ville d’Étampes prit une place importante dans l’histoire. La fondation d’Étampes-le-Châtel [p.4] par le roi Robert fit de ce lieu une résidence royale qui s’agrandit peu à peu, grâce aux immunités et priviléges accordés la ville et aux habitants par ce roi et ses successeurs Henri Ier, Philippe Ier, Louis VI, Louis VII, Louis IX et Philippe Il, qui y séjournèrent souvent et y datèrent plusieurs chartes, la plupart concernant des priviléges accordés à cette ville.
     * Marquis utilise ici en les combinant naïvement des ouvrages de seconde ou même de troisième main, sans remonter aux sources. Le nombre et les dates de ces assemblées d’évêques à Étampes sont à revoir complètement (B.G. 2011)
     L’an 1107, la tour d’Étampes servit de prison à Hombaus, châtelain de Sainte-Sévère.

     Le roi Louis VI passa à Étampes en 1119, année dans laquelle les habitants de cette ville prirent part à l’expédition de Louis VI contre Henri Ier (
1).
     (1) Orderic Vital, Hist. ecclés.
     Aux XIe et XIIe siècles, les juifs avaient à Étampes une synagogue et un prévôt, ce qui prouve qu’ils étaient nombreux dans cette ville. En l’année 1182, quand ils furent tous chassés de France, la synagogue de ceux qui étaient à Orléans et à Étampes fut convertie en église sous le nom de Sainte-Croix (2).
     (2) Fleureau, p. 114; Daniel, Hist. de France, t. IV.
     L’an 1200, Étampes servit d’asile à la vertueuse reine Ingeburge de Danemark, qui passa douze ans de captivité dans le château royal de cette ville.

     Sous le règne de saint Louis, la même résidence servit de prison au chevalier Jean Britaud.


     Sous le règne de Jean II, des compagnies de brigands, commandées par Ruffin, qui pillaient les pays entre Paris et Orléans, prirent la ville d’Étampes le 16 janvier 1358. Cette prise d’Étampes est ainsi rapportée par le chroniqueur Froissart:
     «Encore en ce temps-là s’éleva une compagnie de gens d’armes et de brigands assemblés de tous pays, et conquéroient et voloient de jour en jour tout le pays, entre la rivière de Seine et la rivière de Loire. Pourquoi nul n’osoit aller entre Paris et Vendôme, ni entre Paris et Orléans, ni entre Paris et Montargis ni nul, n’y osoit demeurer; mais estoient tous les gens du plat pays enfuis à Paris ou Orléans.
     «Et avoient fait ces dits compagnons un capitaine d’un Gallois que on appeloit Ruffin, et le firent faire chevalier; et devint si
[p.5] riche et si puissant d’avoir que on n’en pouvoit savoir le nombre. Et chevauchoient souvent les dites compagnies près de Paris, un autre jour vers Orléans, une autre fois vers Chartres; et ne demeura place, ni ville, ni forteresse, si elle ne fût trop bien gardée, qui ne fût adonc toute volée et courue. C’est à savoir: Saint-Arnoult, Galardon, Bonneval, Clois, Estampes, Chastres, Montlhéry, Pithiviers-en-Gastinois, Larchant, Milly, Château-Landon, Montargis, Yèvre et tant d’autres grosses villes et merveilles seroient à recorder. Et chevauchoient à val le pays par troupeaux, ci vingt, ci trente, ci quarante, et ne trouvoient qui leur détournât ni encontrât pour eux porter dommage (1).»
     (1) Chron. de Froissard, chap. CCCLXXXI. Ni Fleureau ni de Montrond n’ont parlé de ce pillage d’Étampes.
     A partir du XIIIe siècle, les rois de France ne résidèrent plus à Étampes, car le palais et le château appartenaient aux seigneurs suzerains, qui n’étaient pas toujours amis des souverains, et qui leur firent même plusieurs fois la guerre.

     Ainsi, le château soutint un siége redoutable en 1411, contre les Bourguignons, commandés par le Dauphin et le duc de Bourgogne.

     Après que le duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, se fut emparé en 1417 des villes de Montdidier, Senlis, Meulan, Pontoise, Montlhéry, Palaiseau et Dourdan, Elion de Jacqueville, Jean de Guigny, Jean de Clan, et autres capitaines de son armée, prirent Rochefort, Galardon, Chartres, Auneau, Étampes, et ledit Jacqueville en demeura capitaine et gouverneur (
2).»
     (2) Chron. de Monstrelet.

     «Cette dernière ville fut prise deux fois en six ans par le duc de Bourgogne, une fois pour le roi contre les Orléanais, et la seconde contre le roi et le Dauphin (3).»
     (3) Fleureau, p. 178.
     En 1420, dans les guerres avec l’Angleterre, les Français éprouvèrent plusieurs défaites et perdirent la journée des Harengs, à Rouvray-Saint-Denis, le 12 février; mais peu après, grâce à Jeanne d’Are, ils s’emparèrent d’Orléans (mai 1429). Avant de conduire à Reims le roi de France pour le faire sacrer, Jeanne, à la tête des Français, s’empara de plusieurs places sur la Loire. En vain Faistolf, [p.6] général des Anglais, partit de Paris à leur secours; après s’être arrêté quatre jours à Étampes, autant à Janville, il apprit en cette dernière ville la perte de Jargeau (1).
     (1) Jeanne d’Arc, par H. Wallon, Paris, Didot, 1876, p. 102 et 106.
     Au moyen âge on peut citer le passage à Étampes de plusieurs rois, reines, princes, princesses et ambassadeurs, notamment de Louis XI en septembre 1461 et le 26 juillet 1467 (2); Charles-le-Téméraire, Charles de France et leur suite en juillet 1465.
     (2) D’Aubais, Pièces fugitives, Itinéraires des rois de France, t. I.
    Le séjour de ces princes à Étampes avec une armée de 6,000 hommes, du 19 au 31 juillet, après la fameuse bataille de Montlhéry, est ainsi raconté dans les mémoires de Ph. de Commines:
     «Le lendemain, qui estoit le tiers jour de la bataille (de Montlhéry), allasmes coucher au village de Mont-l’Héry (en parlant de Charles-le-Téméraire, comte de Charolais); le peuple s’en étoit fui au clocher de l’église et au chasteau. Il les fait revenir, et ne perdirent pas un denier vaillant, mais payoit chacun son écot comme s’il eût été en Flandres. Le château tint et ne fut point assailli. Le tiers jour passé, partit ledit seigneur par le conseil du seigneur Contay, pour aller gaigner Estampes (qui est bon et grant logis et en un bon pays fertile), afin d’y estre plus tost que les Bretons, qui prenoient ce chemin, afin aussi de mettre les gens ]as et blessez à couvert, et les autres aux champs, et fut cause ce bon logis, et le séjour que l’on y fist, de sauver la vie à beaucoup de ses gens. Là arrivèrent messire Charles de France, lors duc de Berry, seul frère du roy, le duc de Bretagne, Mgrs de Dunois, de Dampmartin, de Loheac, de Bueil, de Chaumont, et messire Charles d’Amboise, tous lesquels dessus nommez le roy avoit désappointé et défait de leurs états quand il vint à la couronne, nonobstant que ils eussent bien servi le roi son père et le royaume, ès conquêtes de Normandie et en plusieurs antres guerres. Mgr de Charolois et plusieurs grands de sa compagnie les recueillirent et leur allèrent au-devant, et amenèrent leurs personnes en la ville d’Estampes, où leur logis estoit fait. Et les gens d’armes demeurèrent aux champs. En leur compagnie avoit 800 hommes de
[p.7] très-bonne étoffe dont il y en avoit très-largement de Bretons qui nouvellement avoient laissé les ordonnances qui amendoient bien leur compagnie. D’archiers et d’autres hommes de guerre, armés de bonnes brigandines (1), avoit en très-grand nombre et pouvoient bien être 6,000 hommes à cheval, très-bien en poinct. Et sembloit bien à voir la compagnie que le duc de Bretagne fût un très-grand seigneur, car toute cette compagnie vivoit sur ses coffres.... Le premier soir que furent arrivés tous ces seigneurs dessus dits à Estampes se comptèrent des nouvelles l’un à l’autre.... Comme tous eussent soupé, et qu’il avoit largement gens qui se promenoient par les rues, Mgr Charles de France et Mgr de Charolois estoient à une fenestre et parloient eux deux de très-grande affection. En la compagnie des Bretons, il y avoit un pauvre homme qui prenoit plaisir à jetter en l’air des fusées qui courent parmi les gens quand elles sont tombées, et rendent un peu de flambe; et s’appeloit maistre Jean Boutefeu, ou maistre Jean des Serpens, je ne sçay lequel. Ce follastre estant caché en quelque maison, afin que les gens ne l’apperceussent, en jetta deux ou trois en l’air, d’un lieu haut où il estoit, tellement qu’une vint tomber contre la croisée de la fenestre où ces deux princes dessus dits avoient les testes, et si près l’un de l’autre, qu’il n’y avoit pas un pied entre eux deux. Tous deux se dressèrent et furent esbahis, et se regardoient chacun l’un l’autre. Si eurent suspicion que cela n’eust esté fait expressément pour leur mal faire. Le seigneur de Contay vint parler à Mgr de Charolois son maistre; et dès qu’il lui eust dit un mot à l’oreille, il descendit en bas, et alla faire armer tous les gens d’armes de sa maison et les archers de son corps, et autres. Incontinent ledit seigneur de Charolois dit au duc de Berry que semblablement il fist armer les archers de son corps, et autres. Incontinent deux ou trois cens hommes d’armes, armez devant la porte, à pied, et grand nombre d’archers; et cherchoit l’on partout, dont pouvoit venir ce feu. Ce pauvre homme qui l’avoit fait se vint jetter à genoux devant eux, et leur dit que ç’avoit esté lui; et en jetta trois ou quatre autres, et en ce faisant, il osta beaucoup de gens hors de suspicion que l’on [p.8] avoit les uns sur les autres, et s’en prit l’on à rire, et s’en alla chacun désarmer et coucher.... Ainsi comme il avoit esté conclu, tous ces seigneurs se partirent d’Estampes, après y avoir séjourné quelque peu de jours, et tirèrent à Saint-Mathurin-de-Larchant et à Moret-en-Gastinois (1).»
     (1) Sorte de corselet de fer.





















     (1) Mém. de Ph. de Commines, chap. V.
     D’après la frayeur que causa l’explosion de ces fusées, il est probable qu’elles étaient alors nouvelles en France, et que leur invention est due à Jean Boutefeu, appelé sans doute pour cette raison Jean des Serpents.

     Pendant que les princes étaient à Étampes, un manouvrier qui portait les correspondances d’Odo de Bucy, avocat au Châtelet de Paris et alors à Étampes, fut noyé comme espion. Voici comment les Chroniques de Louis XI, par Jean de Troyes, racontent cette anecdote peu connue:
     «Plusieurs qui s’étoient tirez de Paris en Bretagne, par devers mondit sr de Berry, en conspirant contre le roy, par la sentence du prévôt des maréchaux furent noyez en la rivière de Seine par le bourreau de Paris, devant la tour de Billy…. et pareillement fut aussi noyé un povre ayde à maçon qui avoit esté envoyé de Paris à Estampes de par la femme d’un nommé maistre Odo de Bucy, pour porter lettres audit de Bucy, son mary, qui lors estoit audit lieu d’Estampes, avec le frère dudit Sr de Saint Pol, dont il estoit serviteur, estant audit Estampes avec les autres princes et seigneurs estant contre le roy, comme dit est. Et lequel ayde à maçon rapporta responce desdites lettres à ladite femme dudit maistre Odo, qui avoit gaigné pour chacun jour qu’il avoit vacqué à aller audit lieu d’Estampes et retourner à Paris, par chacun jour, deux sols parisis (
2)....»
     (2) Chron. de Jean de Troyes, 1460-1483.
     C’est à Étampes, le 11 août 1498, que le roi Louis XII reçut, avec de grands honneurs, trois ambassadeurs vénitiens (3).  
     (3) La reception sera racontée en detail au chapitre Rues d’Étampes.
     En février 1501, le fils de Jean de Foix, Gaston V, comte d’Étampes, vint en cette ville en allant à la cour (4).
    (4) Fleureau, p. 199.
     Le 8 avril 1502, le roi Louis XII y passa, en allant de Paris à [p.9] Orléans. En la même année eurent lieu les funérailles de Jean de Foix, comte d’Étampes, qui fut enterré en cette ville (1).
     (1) Rapsodie, à la fin du volume.
     En 1506, Gaston V revint à Étampes, comme pour prendre possession de l’héritage paternel: «Les habitans, au nombre d’environ deux cents, dit Fleureau, allèrent à cheval au-devant de luy, précédez de plusieurs trompettes, avec des bannières aux armes de la ville. Ils étoient suivis de six cents petits garçons qui portoient tous à la main des banderolles chargées des armes du comte, faites d’or et d’argent, et des couleurs les plus fines selon le blazon des mêmes armes. Les échevins (il n’y avoit point encore de maire), vêtus de robes mi-parties, le receurent à la porte de la Couronne, par laquelle se faisoient alors les entrées (celle de Saint Jacques n’ayant été faite en l’état qu’elle est qu’en 1512), sous un dais chargé d’écussons des armes du même comte, aux fanfares des trompettes, et au son des violons, et des haut-bois, accompagnez de mille cris de joye d’une multitude innombrable de personnes, et qui le suivit jusques au logis qui luy avoit été préparé, devant lequel une vache dorée jettoit par les cornes du vin suffisamment pour éteindre la soif de tous ceux qui assistaient à cette cérémonie. Ceux d’Estampes, pour donner toujours de plus fortes preuves de leur joye et de leur respect en cette occasion, pour captiver la bienveillance de leur jeune comte, luy firent de très-beaux présens; particulièrement ils luy offrirent des pièces d’orpheveries, comme des bassins, des coupes, des sallières et il ouvrages de vermeil doré, d’un prix assez considérable pour ce temps-là. Car ils furent obligez d’obtenir permission du roy de faire faire cette orpheverie, parce que le prix des pièces devoit excéder celuy qui étoit permis par les ordonnances, qui leur deffendoient de faire des pièces d’orpheverie de plus haut de marcs, sans l’expresse permission du roy (2).»
     (2) Fleureau, p. 199; Rapsodie.
     En mai 1513, le roi Louis XII passa à Étampes avec la reine Anne de Bretagne, comtesse d’Étampes, qui «y séjourna un temps assez considérable (3).»
     (3) D’Aubais, Pièces fugitives; Fleureau, p. 240. Voir dans la Rapsodie des détails curieux sur cette brillante réception.
     En février 1514, le corps de cette princesse, morte à Blois le 9 janvier précédent, fut l’objet de funérailles pompeuses de Blois à Saint-Denis, dans les villes de Saint-Dié, Cléry, Orléans, Artenay, Janville, Angerville, Montlhéry et Paris. [p.10]

     Le 10 février 1514, «qui fut le vendredi, arriva la royale princesse en sa comté et ville d’Estampes, où moult estoit aymée, et bien le monstrèrent à sa réception. Il vint à une lieue hors la ville grant nombre d’officiers, tant de justice que autres, tous vestuz de deul, lesquelz, après avoir fait la révérance au corps, pleurant moult tendrement, vinrent joindre avec les gens d’église, comme chanoynes, cordeliers et autres en grant nombre.

     «En cette ville fut faict entrée comme à Orléans, et y estoient messeigneurs et dames du sang avec toute la triomphe du deul. Et oultre les quatre cents torches armoyées aux armes de la dicte dame et les cinquante de Bloys armoyées aux armes de la ville, il y avoit bien trois cents torches, partie aux armes de la ville, qui sont de gueulles à ung chasteau d’or masonné, fenestré et crénellé de sable; sur le tout, ung escu escartellé, le premier de France, le second de gueulles à une tour portée, fenestrée et crénellée de sable.

     «Les parties des autres torches, qui se montoient bien deux cents, estoient armoyées d’ung escu escartellé, le premier de Jhérusalem, le second de sinople à ung escu de gueulles soustenu d’or sur une fueille de chesne d’argent. Je m’enquis pourquoy ils portoient ce quartier des armes de Jhérusalem; l’on me dit qu’ils estoient yssuz d’un noble homme, nommé Hue le Maire, sieur de Chaillon, lequel estant adverti que le roi Phelipes-le-Bel devoit ung voyage en ihérusalem, à pié, armé, portant ung cierge, et que le bon roy ne peult pour quelque maladie qui lui survint; et entreprinst le dict sieur de Chaillon le voyage, ce qu’il fist et accomplit. Et pour partie de sa rémunération, celluy roy luy octroya ung quartier des armes de Jhérusalem, et franchit et exempta de tous sucides luy, ses successeurs et héritiers, et ceulx qui d’eulx viendront. Et ainsi sont peuplés depuys en grant nombre. Pour ce sont-ils tenuz de venir au-devant du corps des princes à leur entrée d’Estampes, et où ils y reposent morts sont tenuz de garder et veiller le corps, ce qu’ils ont ce voyage à ladicte dame, et s’appellent la Franchise.
[p.11] Ainsi entra ladicte dame souby [sic (soubz)] ung poisle, qui fut de damas, armoyé de ses armes, et fut mise à repoz à l’église collégialle, à l’entrée de laquelle y avoit ung grant drap noir sur lequel estoit ung grant escusson de ses armes, garny et enrichy de agréez et cordelières. Aussi fut tout le cueur garny et paré de deul bien armoyé et la chappelle ardant, et toute l’église bien parée de lumynaire. Les vigilles et service du soir et du matin fut beau, et officia ledit abbé de la Roue.»
Estampes, las! sans à jamais te faindre,
La magnanime et royalle duchesse,
De ton enclos souveraine contesse,
En grant doulleur tu doibz pleurer et plaindre. 

     RONDEAU.
Pleurez, humains, la douloureuse perte
Qui venue est, par dolléance experte,
D’un dart mortel prins au lac de souffrance,
De tous vivans, mesmement, dessoubz France,
En puissent voir leur dolléance experte;
Sachez que plus ne sera recouverte
Celle dame que la terre a couverte;
Puysqu’en ses faiz n’y a plus d’espérance,
          Pleurez, humains.

Soubz noir blazon, en veue descouverte,
Soit vostre cueur, de larme blanche ou verte,
Mys et posé, regrectant l’excellance
De la royne, qui en grant habondance
Pour vous donner eut toujours bourse ouverte;
          Pleurez, humains
(
1).
      En mars 1514, le roi Louis XII passa à Étampes (2).
     (1) Récit des funérailles d’Anne de Bretagne, par Bretaigne, son herault d’armes. Paris, Aubry, 1858. Cet ouvrage indique l’année 1513, le 9 janvier, pour la date de la mort de la reine, tandis qu’elle est morte le 9 janvier 1514. L’auteur n’indique pas en laquelle des deux collégiales se fit la cérémonie, mais Fleureau nous apprend que c’est à Notre-Dame. La Rapsodie commet la même erreur de date. (Léon Marquis, qui n’est pas historien de formation, ignore visiblement qu’avant le milieu du XVIe siècle on faisait commencer l’année à Pâques, de sorte que les dates qu’il qu’il cite ne sont pas du tout  inexactes contrairement à ce qu’il croit; seulement elles sont formulées, comme on dit techniquement, en ancien style. B.G. 2011)

     (2) D’Aubais, Pièces fugitives.
     Le 28 janvier 1516, la reine Claude de France y fut reçue avec de grands honneurs en allant à Paris, et logea dans le château. Cette princesse, qui était comtesse d’Étampes, mourut à Blois en 1524, et ses restes furent transportés de Blois à Saint-Denis en passant [p.12] par Étampes, où «Mme de la Tremoille et aultres dames et damoiselles qui ont accompaigné et conduict le corps de la feue royne» passèrent le 26 octobre 1526 (1).
     (1) Bibl. nat., manusc.
     Vers la même époque eut lieu la réception solennelle d’Artus Gouffier, grand-maître de France et comte d’Étampes, auquel les maire et échevins firent de riches présents, ainsi qu’à son barbier Du Jour (2).
     (2) Rapsodie. C’est à tort que Max. de Montrond a omis ce seigneur dans la liste des comtes d’Étampes.
     En 1528, on reçut à Étampes l’ambassadeur vénitien André Navagero, qui trouve qu’Étampes est une grande et bonne ville située dans un beau pays (3).
     (3) Estampez è una buono città, e posta in bel paese. (Relations des ambassadeurs vénitiens. Paris, 1833, t. II.)
     Ce fut à cette époque que l’on vit souvent à Étampes deux grandes dames de la cour de François Ier, Aune de Pisseleu et Diane de Poitiers.

     En 1539, Charles-Quint demanda et obtint de François Ier la permission de passer en France, pour aller dans ses États des Pays-Bas comprimer une révolte des Gantois; l’empereur d’Allemagne passa évidemment par Étampes; car il dit qu’il avait vu trois choses en France une belle ville, une belle rue et un monde! Par la ville il entendait Orléans; par la rue, Étampes, et par le monde, Paris (
4).
     (4) Morin, Hist. du Gâtinais, p. 480.
     Le 11 mai 1557, du Ruth, seigneur de Venant, qui avait dévalisé l’église de Morigny, fut appliqué à la question et exécuté à Étampes avec sept ou huit de ses compagnons (5).
     (5) V. le chap. Rues d’Étampes.
     Au XVIe siècle, Étampes souffrit beaucoup durant les guerres de religion. En 1560, on y fit par ordre du roi la capture de Jacques la Sague, messager de Condé. Ce dernier était dans la ville en avril 1562, lorsque le roi envoya Dufresne, l’un de ses secrétaires d’État, signifier «au prince de Condé et à tous ceux de leur parti que dans dix jours ils eussent tous à quitter les armes et à remettre entre les mains du roy les places qu’ils occupoient.... et qu’à faute d’obéir à cette expresse volonté du roy, [p.13] ils estoient atteints et convaincus du crime de lèze-majesté.... et permis à chacun de leur courir sus comme rebelles (1).
     (1) Fleureau, p. 237.
     Cette déclaration ne produisant l’effet attendu, le roi, pour s’assurer la possession d’Étampes, y envoya des troupes sous les ordres des seigneurs de Culand et de Monterud. Depuis le 8 mai au 13 novembre, il y eut toujours huit corps de garde dans la ville, tant des habitants que de la garnison. Étampes fut transformé en magasin de vivres pour l’armée royale, et des lettres du roi du 13 mai ordonnent un recensement de tous les blés et vins qui s’y trouvent.

     Le roi en personne est au camp d’Étampes les 19 et 21 septembre (
2).
     (2) D’Aubais, Pièces fugitives.
     Le 13 novembre, Condé ayant sommé la ville de se rendre, elle se rendit aussitôt, d’autant plus qu’elle avait été abandonnée le matin par l’armée royale appelée à Corbeil. Après la bataille de Dreux (décembre 1562), cette armée victorieuse s’avança vers Étampes et en chassa les protestants qui avaient séjourné six semaines en la ville, se signalant par des impiétés et des cruautés, surtout envers les ecclésiastiques, et en faisant servir les églises d’étables à leurs chevaux. Parmi les notables de France qui ont été compromis dans cette guerre, nous voyons Cassegrain, lieutenant-général d’Étampes, et Pierre Lecomte, avocat audit lieu. Ils furent déclarés coupables «de rébellion, félonie et crime de lèze-majesté divine et humaine, au premier chef.... et oultre ce leurs estats, offices et dignitez vacans, leurs corps tirez à quatre chevaux, puys traînez à la voyrie (3).»
     (3) Mémoires de Condé, t. IV, p. 95. V. aussi la Rapsodie.
     L’année 1562 fut encore terrible sous d’autres rapports, car il y eut un dérangement total des saisons et une peste qui fit une grande mortalité.
     «Advint que le jour de la feste de Mgr Sainct-Jehan-Baptiste qui est au 24e jour de juing, il plut et neigea tout ensemble, pluie et neige si froides que les mieux vestus ne pouvoient durer de froid par les rues et hors des maisons, et fut constrainct tout ce jour de faire feu pour se chauffer ès-maisons…. Les saisons de
[p.14] l’année se trouvèrent toutes changées. Le beau temps du printemps se trouva estre en yver, au printemps l’esté, en esté l’automne et en automne l’yver....
     «L’éternel Dieu omnipotent.... permist régner encores ung aultre fléau, qui fut la mortalité qui advint quasi en toutes les villes de France, par maladie pestilencieuse et contagieuse, qui fut cause de les despeupler et de grandement diminuer le nombre des ha bitans desdittes villes, et nommément en celle de Paris, où laditte maladie eut cours plus d’un an entier, et rapporta-on qu’en laditte ville dè Paris en morut plus de vingt-cinq mille.
     «Les villes où laditte maladie contagieuse eut cours furent Paris, Pontoise, Gisors, Rouen, Beauvais, Meaux, Compiengne, La Ferté-soubs-Jouarre, Chasteau-Thierry, Soissons, Reims, Chaslons en Champaigne, Troyes, Chastillon-sur-Seine, Langres, Dijon, Tournu, Chaslons-sur-la-Saône, Beaune, Mascon, Lyon, La Charité, Bourges, Gien, Auxerre, Sens, Bray-sur-Seine, Melun, Corbeil, Estampes, Orléans, Tours, Vendosme, Poitiers, La Rochelle, Molins-en-Bourbonnois, Sancerre, Vezelay et Montargis…. et estoit une chose fort dangereuse que d’aller par les champs, et avoit-on mille peines à t[r]ouver logis par les villages et les villes mesmes dans lesquelles avoit cours ceste maladie, qui dura jusques après la Saint-Remy de ceste année (1).»

     C’est en mémoire de la retraits des huguenots que l’on faisait autrefois tous les ans, le 2 janvier, jusqu’à la Révolution, une procession générale par toute la ville (2); c’était un jour de chômage, où les tribunaux ne siégeaient pas (3).
     (1) Mém. de Claude Haton, t. I.

     (2) Fleureau, p. 239.
     (3) Coutumes d’Étampes.
     En 1563, eurent lieu à Étampes les funérailles de Jean de Brosse, duc d’Étampes et mari d’Anne de Pisseleu (4).
     (4) Rapsodie.
     En 1567, lors de la seconde guerre de religion, le roi envoyait à Étampes Claude de la Mothe, comme gouverneur de la ville (4 octobre). Défense fut faite à toutes personne de tirer des coups d’arquebuse depuis six heures du soir jusqu’au lendemain matin, d’aller dans les rue après huit heures du soir. Malgré ces précautions [p.15] et les efforts des habitants, la ville fut prise par escalade, le 17 octobre, par le comte de Montgommery; mais les troupes royales la reprirent le 16 novembre, et les habitants travaillèrent aux fortifications, «parce qu’ils n’avoient rien tant à cœur que de se conserver en l’obéissance du roy, et d’empêcher l’entrée dans leur ville à de si mauvais hôtes que les religionnaires qui les avoient déjà pillez par deux fois (1).»
     (1) Fleureau, p. 241. V. ci-après, le chapitre Château.
     En 1567, l’église, la maison et les registres des Cordeliers avaient été brûlés par les protestants; mais le couvent fut rétabli plus tard au moyen des dons d’Henri III, de plusieurs princes, seigneurs et habitants (2).
     (2) Fleureau, p. 444.
     Le 18 août 1577, l’ambassadeur vénitien Jérôme Lippomano passa à Étampes, où il dîna. On lit dans sa relation: «La ville est grande, quoique ne s’étendant pas trop en largeur sa longueur est d’un mille, mais elle est dévastée et ruinée par la rage des huguenots. On voit les églises, les tours et les autres édifices démantelés. Il en est de même de toutes les églises de cette partie de la France, depuis Étampes jusqu’à Orléans (3).»

     (3) Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II
     En 1585, à l’époque de la Ligue, les habitants d’Étampes s’attendaient à une attaque des reîtres. «Des huit portes de la ville, l’on n’en laissa que trois ouvertes, celles de Saint-Jacques, de Saint- Pierre et de Saint-Martin, et les autres furent murées.» Claude de la Mothe Bonnelle revint pour commander la place. Pour éviter la prise par escalade, on fit enlever toutes les échelles qui étaient dans les faubourgs.

     Après la défaite complète des Allemands à Anneau (novembre 1587), le duc de Guise entra à Étampes en triomphe, et en profita pour demander au roi Henri III l’extirpation de l’hérésie, ce qui fut accordé par le traité de Chartres (juillet 1588), et un édit présenté à la signature dans tous les bailliages fut signé à Étampes par un grand nombre d’ecclésiastiques, gentilhommes, officiers du roi et habitants.

     En 1589, le duc du Maine occupait cette ville, lorsque le roi de
[p.16] France et le roi de Navarre s’en emparèrent (23 juin); mais il la reprit deux mois plus tard.
     Le 5 novembre, Henri IV arriva à Étampes et s’en empara facile ment, grâce à sa puissante armée.
     Le futur roi de France séjourna à Morigny, près d’Étampes, du 27 au 30 juin; le 3 juillet, il y entra avec le roi; le 5 juillet, il dîna à Arpajon, soupa et coucha à Étampes. Il y séjourna du 5 au 11 novembre, car neuf lettres de lui sont datées du camp d’Étampes, les 6, 7, 8, 9 et 10 de ce mois (
1).
     (1) Berger de Xivrey, Lettres missives de Henri IV, t. II, III et VIII.
     C’est le 8 novembre, pendant qu’il était à Étampes, que la reine lui envoya une requête pour demander justice de l’assassinat de son mari. La requête fut renvoyée au Parlement de Tours, avec ordre d’instruire le procès contre tous ceux qui se trouveraient coupables. Le roi partit d’Étampes le samedi 11 novembre 1589 et alla à Orléans. Il revint plus tard à Étampes, le 22 novembre 1592 (2).
     (2) D’Aubais, Pièces fugitives.
     Les guerres de 1589 furent désastreuses pour la ville d’Étampes et les pays environnants, d’après une enquête sur l’état du Sénonais à la fin du XVIe siècle, de laquelle il résulte que les impôts dus par les ecclésiastiques ne pouvaient être payés.

     Tous les témoins, qui sont des personnes notables, s’accordent à dire que la ville d’Étampes a été pillée, ravagée; que les maisons des ecclésiastiques où logeaient le soldats étaient ruinées, et tout ce qui était dedans perdu. L’un d’eux, Edme Vezon, «procureur et promotheur es courtz ecclésiastiques de Sens, dit que le diocèse est de longue estandue, où il y a cinq archidiaconez, les bénéfices desquelz ont la pluspart esté destruictz et ruynez par les armées et gendarmeryes, qui ont couru ès années 1594, 95, 96, 97 et 98.... tellement que ces ruynes, adjoutées avec une infinité d’aultres le années précédentes; que des villes de Sens, Joingny…. Estampes, ont esté assiégées, font que les pauvres gens d’église ne sçavent de quel costé se tourner, et sont tellement desbauchées qu’une partie a quitté, aultre partie vouldroient quitter ses bénéfices….» Jehan Blanchet, sergent royal au bailliage de Sens, est plus explicite:
[p.17]

«Il a dict que depuys vingt-deux ans en çà, il a esté employé par les recepveurs des décymes du diocèse de Sens et leurs commis à faire la cherche des contrainctes des décymes du diocèse, spéciallement et particullièrement au doyenné d’Estampes, faisans lesquelles contrainctes il a trouvé, veu et cogneu le pays, non seullement à l’entour dudict Estampes, mais celluy du Gastinois par lequel il est passé et repassé, avoir esté du tout ruyné pour les passer, repasser et séjour des armées qui y ont passé et repassé ès années 1593, 14, 15 et 16, et ès années 97 et 98, et a laissé telles ruynes que le pays est délaissé sans culture et labeur; plusieurs villages désertz ou si peu habitez, que la pluspart des finaiges (1) sont délaissez, et par ce moyen ledit depposant n’a pu asseoir saisie ny exécution sur les biens ou revenus des bénéfices dudit doyenné d’Estampes, qui ont esté délaissez sans déservir pour ce que les curez et bénéficiers n’ont moyen de vivre, comme le village de val de Puiseaulx, les bénéficiers de la chapelle Saincte-Catherine, Saincte-Marguerite, de Bedegon, de Sainct Fiacre de Briare (2), Sainct-Fiacre d’Auvers et aultres, tellement que tant s’en fault qu’il y ayt moyen d’estre payé par les recepveurs des années précédentes, qu’il ne peult estre payé du courant de l’année présente (3)....»
     (1) Ce vieux mot français signifie l’étendue d’une juridiction.


     (2) Probablement Brières-les-Scellés.

     (3) Enquête sur l’état du Sénonais à la fin du XVIe siècle, Sens, imprimerie de Duchemin, 1865, in-8 de 37 pages.
     En septembre et octobre 1631, la peste régna dans cette ville, et les malades étaient gardés par des habitants de Janville. Cette contagion fut sans doute terrible, car les magistrats d’Étampes nommèrent d’office un confesseur, un chirurgien et un enterreur (4).
     (4) V. la Rapsodie.
     La ville eut à enregistrer des événements importants en l’année 1652, à l’époque des guerres civiles, sous la minorité de Louis XIV.

     L’armée des princes occupait cette ville depuis le 23 avril, lorsque Turenne l’assiégea et s’empara des faubourgs le 5 mai. Il n’y eut pas moins de sept combats du 27 mai au 7 juin, tous très-meurtriers de part et d’autre, aux portes de Chauffour et de Saint Martin, à la place de l’Ecce-Homo et sur les remparts, en face de
[p.18] l’église Saint-Gilles (1).
     (1) Mazarinades. Celles qui concernent Étampes sont au nombre de plus de trente-trois. V. la note 6.
  «Le 30 mai, dit Laporte, le roi voulut voir par lui-même l’assiette de la ville; mais on lui tira force volées de dont il y en eut deux ou trois qui ne passèrent pas loin de lui.» Une mazarinade dit que c’est un coup de fauconneau tiré par les assiégés qui faillit tuer le roi.

     D’après les Annales de la Congrégation, «les fortifications ont esté admirées depuys du roi et de la reine, et ceux qui se connoissoient en ces sortes d’ouvrages disoient qu’il auroit fallu cent mille hommes pour les prendre.»

     Ce fut en vain que, les 4, 5 et 6 juin, Turenne somma les assiégés de se rendre; en vain il pratiqua une brèche près de la porte Saint-Martin, car les assiégés réparaient la muraille presque aussitôt et faisaient en face des retranchements dans l’intérieur de la ville.

     La cavalerie étoit occupée à porter des fascines et toute autre sorte d’hommes indifféremment à remuer la terre et à porter des fumiers; quantité des plus considérables habitans de la ville furent aussi contraints de travailler ou de se racheter à prix d’argent (
2).» «Dans la ville, dit une pièce faite en faveur des assiégés, il y avoit près de deux mille païsans réfugiez, qui demandèrent permission au comte de Tavannes d’aller à la deffense de la brèche et de recevoir les ennemis, ce qu’il leur octroya; eux se préparant à cette entreprise, ils ne voulurent se servir d’autres armes que des faux et des fléaux, et qui se meslant avec les soldats de la ville receurent les assaillans de si bonne sorte, qu’avec leurs faux ils les taillèrent en pièces; les autres firent le mesme, avec leurs fléaux en renversoient par terre à chaque coup trois ou quatre à la fois, en sorte que le nombre des tuez passe cinq cens; ils les chassèrent de la brèche, et les poursuivirent au dehors avec grande tuerie et carnage.... La ville a esté nouvellement rafraîchie de munitions de guerre et de bouche par ceux d’Orléans, dont la pluspart des mariniers, qui sont en bon nombre à Orléans voulurent les escorter jusques dedans Estampes (3)...» La nuit, on [p.19] brûlait les soldats tués, particulièrement les mazarins, dans une rue qui fut appelée rue Mazarine (1).
     (2) Fleureau, p. 278.




     (3) Les véritables particularités de ce qui s’est passé à l’assault général donné à la ville d’Estampes… Paris, Chouqueux, in-4 de 8 pages.
     (1) Annales de la Congrégation. Nous n’avons pu déterminer l’emplacement de cette rue, qui est probablement dans le quartier Saint-Gilles.
     En apprenant que le duc de Lorraine marchait vers Paris, Turenne leva le siége d’Étampes et partit le 7 juin à Étréchy. La ville d’Étampes ne se trouva débarrassée de l’armée des princes que le 23 juin, et se trouva aussi presque vide d’habitants par suite de la peste, «parce que, dit Fleureau, plusieurs étoient morts, et d’aultres s’étoient absentez, et de ceux qui restoient la pluspart étoient languissans et malades. Et il y a de l’apparence que cette misérable ville se ressentira encore longtemps des désordres de cette guerre dont les funestes marques restent sur les mazures de beaucoup de maisons qui étoient auparavant habitées (2).
     (2) Fleureau, p. 282.
     Le spectacle de la ville était effrayant: ce n’étaient que ruines et pourritures, que cadavres, malades et gens dans la misère. On vit alors saint Vincent de Paul à Étampes, amener les filles et les pères de la Mission et les aéreux, pour distribuer des aliments et purifier les rues de la ville, ce qui demanda une année (3).
     (3) V. ci-après le chapitre Rues et la Rapsodie. V. aussi La Misère au temps de la Fronde, par Alp. Feillet, 1868, in-12.
     Après 1652, les événements devinrent plus gais, car ce ne sont plus que feux de joie, Te Deum, réjouissances à l’occasion de traités de paix, ou du passage à Étampes de grands personnages qui furent reçus avec presque autant d’éclat que du temps d’Anne de Bretagne et de Chaude de France.

     En 1659 eurent lieu des fêtes et des réjouissances à l’occasion de la paix conclue entre la France et l’Espagne.

     En mars 1660, on reçut Turenne et la princesse de Carignan, et en mai 1666, M de Vendôme avec Mlle d’Aumale, sa fille (
4).
     (4) Registre des délibérations des maire et échevins.
     En 1668, Louis XIV passa et coucha deux fois en cette ville: une première fois le 25 septembre, en allant à Chambord, et une deuxième fois le 18 octobre, à son retour (5). Le 17 septembre 1669, il passa incognito en allant au même lieu, et repassa de même le 25 octobre. [p.20]
     (5) D’Aubais, Pièces fugitives.
     En 1678 et 1679, il y eut trois fêtes dans la ville et surtout dans l’église Notre-Dame, à l’occasion des traités de Nimègue (1).
     (1) V. la Rapsodie.
     Nous empruntons au Mercure ce qui suit sur le passage à Étampes, en 1700, de Philippe V, roi d’Espagne:
     «Le roi d’Espagne et sa suite, en venant de Chastres (Arpajon), le dimanche 5 décembre 1700, d’où ils partirent à onze heures, arrivèrent à Estampes, où ils trouvèrent trois compagnies de milice sous les armes. S. M. C. fut reçue à la porte de la ville par le maire et les échevins, qui lui firent les présens accoutumez. Ils en firent aussi à Mgr le duc de Bourgogne. Les officiers du bailliage et ceux de l’élection, présentez par M. Desgranges, maître des cérémonies, complimentèrent le roy d’Espagne seul. La parole fut portée par Me Liénard, lieutenant-général, à la tête de ses compagnies. Il prononça le discours suivant, qui fut écouté avec beaucoup d’attention et fort applaudy:

     «Sire, nous venons mesler nostre joye aux acclamations des deux plus puissants peuples de l’Europe; nous venons nous réjouir avec la France de l’élévation de Votre Majesté au trône d’Espagne, et féliciter en même temps les Espagnols du bonheur qu’ils vont avoir d’estre gouvernez par un prince tel que vous. La France en vous perdant ne peut que s’applaudir de vous avoir fait naistre pour le bonheur de vos voisins, et l’Espagne, dans la perte qu’elle vient de faire de son roy, a de quoy se consoler par le choix judicieux qu’elle a fait de Vostre Majesté pour luy succéder dans le gouvernement de tous ses États. La France admire en vous cette fierté noble et cette vivacité sage que l’on vante tant chez elle, et l’Espagne trouvera en vous cette grandeur d’âme et cette gravité modeste qui a toujours esté son partage. La nature a fait en vous l’heureux assemblage de tant de grandes qualitez. Le sang d’Espagne s’est meslé tant de fois avec celuy de vos ayeux, que vos sujets pourront vous regarder comme un précieux dépost conservé parmi nous. Ces deux grands peuples, Sire, attendent de Sa Majesté de grandes choses. Vous devez à la France un prince qui soit digne de Louis-le-Grand et de vostre illustre père, et vous devez à l’Espagne un roy qui soit l’amour de ses peuples. Cette qualité,
[p.21] Sire, renferme toutes les autres; elle est la seule que doivent ambitionnerun grand roy. Nous félicitons par avance les peuples qui vont estre soumis à vostre domination du bonheur dont ils vont jouir. Pour nous, nous allons faire mille vœux pour la durée de nostre [sic (vostre)] empire, et pour la conservation d’un prince si chéri du ciel.»

     «Mgr le duc de Bourgogne et Mgr le duc de Berry furent aussy complimentez au nom des mêmes corps. Le roy d’Espagne et MMgrs les princes passèrent le reste du jour à tirer sur toutes sortes d’oiseaux; à dessiner les maisons et les chasteaux qu’ils avoient trouvez sur leur route. Ils soupèrent à leur ordinaire et se couchèrent à dix heures.

     «Le lendemain, S. M. C. et MMgrs les princes, après avoir entendu la messe à leur ordinaire, partirent pour aller à Toury. Les chemins se trouvèrent sablez depuis Estampes jusques à Toury. Le curé du lieu harangua S. M. après la messe. Ce fut à Toury qu’elle apprit par un courrier extraordinaire la proclamation faite à Madrid (
1).»
     (1) Mercure galant, décembre 1700.
     Nous donnons d’après le Mercure une pièce de vers de M. Tonti, mise en musique par MM. Piuli et du Breüil, qui allèrent exprès à Étampes où ils les chantèrent au souper du roy d’Espagne. Comme ils eurent le bonheur de lui plaire, ce prince les fit chanter une seconde fois.
          Air nouveau.

     Allez remplir vos destinées,
     Prince sorti du sang des dieux.
          Au-delà des Pyrénées
Faites voir un héros naissant et glorieux.
     L’Espagne vous prépare un trône
     Respecté de tout l’univers,
     Et dont la brillante couronne
Vous fera dominer sur cent peuples divers.
     Que le bonheur, que la victoire
     Accompagnent toujours vos pas,
     Et que l’éclat de votre gloire
     Surpasse vos vastes Etats.

     L’Espagne, unie avec la France,
Fera voler partout sa gloire et sa puissance,
Et leurs peuples, heureux, goûteront désormais
     Les douceurs d’une longue paix
(2).
[p.22]
     (2) Id., janvier 1701.

     En juin 1702, les arquebusiers d’Étampes organisèrent une fête à l’église Notre-Dame à l’occasion des priviléges. Ils tirèrent le papegault, qui ne fut abattu que le lendemain matin, à sept heures, par le troisième sergent de la compagnie, nommé Chaudé (1).
     (1) Mercure galant, juin 1702.
     En décembre 1705, ils firent une fête extraordinaire dans toute la ville, à l’occasion d’une victoire remportée en Italie par leur protecteur, Louis de Vendôme, duc d’Étampes (2). Ce prince étant mort en 1712, le chapitre de Notre-Dame fit un service funèbre très-solennel (3).
     (2) Id., décembre 1705. V. le chap. Rues.
     (3) Id., septembre 1712.
     En 1709, l’année du grand hiver, la misère fut grande à Étampes, car un prêtre, passant par Étampes et Angerville, rencontra plus de quatre cents pauvres et trente hommes morts de froid sur la grande route (4).
     (4) Magasin pittoresque.
     En 1717, un crime d’infanticide ayant été commis à Saint-Hilaire, Marin Leroy de Gomberville, lieutenant criminel au bailliage d’Étampes, crut devoir poursuivre Moreau de Champrond et sa femme; mais ces derniers ayant été acquittés, intentèrent à leur tour une action en prévarication contre le lieutenant criminel, qui eut à subir trois ans de détention préventive. Reconnu enfin innocent, il fut réintégré dans ses fonctions. La procédure donna lieu à la publication de nombreux mémoires in-folio. Ce magistrat était le petit-fils de Gomberville, l’un des quarante fondateurs de l’Académie française (5).
     (5) Gomberville est-il né à Étampes? par A. Dramard. (Abeille d’Étampes du 12 août 1871.) Archives départ. — V. aussi Marin Le Roy, sieur de Gomberville, par René Kerviller. Paris, Claudin, 1876, in-8.
     Le 24 et le 25 août 1721, à l’occasion de la convalescence du roi, on fit des réjouissances dans les églises Notre-Dame et Saint Basile d’Étampes, ainsi que dans la rue de la Juiverie (6).
     (6) Mercure galant, octobre 1721.
     En novembre 1721, Mademoiselle d’Orléans Montpensier, allant de Paris en Espagne, passa par Étampes, où elle coucha; mais on ne sait aucun détail sur son séjour (7).
     (7) Id., janvier 1722.
     L’infante Marie-Anne-Victoire d’Espagne, âgée de cinq ans, [p.23] venant pour épouser Louis XV qui n’en avait que douze, fut reçue à Étampes le 27 février 1722, et logea à l’hôtel des Trois-Rois. Six cents habitants sous les armes étaient postés sur son passage, sur deux rangs, de chaque côté de la Grande-Rue, depuis l’hôtel jusqu’à l’Ecce-Homo. L’intendant Bignon présidait aux cérémonies de la réception. Les rues furent pavées et sablées, disent des registres de l’Hôtel-de-Ville, les portes Saint-Jacques et de Saint-Martin ornées de verdure, de lierre et de couronnes. Le maire et les échevins, en présence des anciens échevins et officiers en robe, manteau et rabat, firent à l’infante leur présent, composé de pâtisseries, fruits des plus exquis et liqueurs différentes, le tout venant de Paris. Le maire d’Étampes, Gabriel Pichonnat, fit à l’infante-reine sa harangue, dont il fut remercié par Mme de Ventadour (1).
     (1) De Montrond, t. II, p. 133.
     De 1717 à 1743, il y eut des dissensions entre l’autorité diocésaine et les prêtres et religieuses d’Étampes à propos de la Bulle Unigenitus.

     Le 24 février 1717, vingt-trois prêtres de la ville et des environs protestèrent contre la bulle dans une lettre au cardinal de Noailles. Parmi les signataires, nous voyons: C.-N. Voizot, doyen de Sainte-Croix et doyen rural du détroit; Le Maître, Chescier, curé de Notre-Dame; Charpentier, curé de Saint-Basile; Hardi, curé de Saint-Gilles; Goupil, curé de Saint-Martin; Lemaire, vicaire de Saint-Martin; Rivet (Jean-Henri), chanoine de Notre-Dame; L. Huguet, B.-C. Voizot et Le Sourd, chanoines de Sainte-Croix; Pierre Hémard, avocat (
2).
     (2) V. la note 11.
     En 1732, 1733 et 1735, les vingt-deux religieuses de la congrégation de Notre-Dame d’Étampes s’opposèrent à cette bulle et au nouveau catéchisme de l’archevêque de Sens. Ce dernier vint plusieurs fois à Étampes pour essayer de les ramener à lui, mais toujours inutilement. Aussi, la supérieure fut remplacée, et plusieurs religieuses furent arrêtées par ordre du prélat et conduites sous escorte au monastère Saint-Charles d’Orléans (1er juin 1736).

     A La Ferté- Alais, près d’Étampes, l’opposition prit le caractère d’une véritable émeute; le curé Lambert fut exilé par l’archevêque;
[p.24] deux marguilliers et plusieurs habitants furent arrêtés par ordre du lieutenant-général d’Étampes et incarcérés à Melun (1).
     (1) Nouvelles ecclésiastiques. V. les notes 24, 25, 27.
     En février 1745 eut lieu à Étampes la réception du roi Louis XV,, de son fils et d’un nombreux cortége à l’occasion du passage dans cette ville de l’infante Marie-Thérèse d’Espagne, alors âgée de dix-huit ans.

     Dès le commencement de janvier, on choisit pour leur résidence deux maisons de la rue Saint-Antoine, en face le collège, et deux maisons de la rue de la Juiverie, après la rue de la Prison. Trois baraques en charpente furent construites dans la cour du collège, dans celle du Séjour et dans la rue du Pont-Quesneaux, pour servir de cuisines et de salles à manger.

     Le 19 février, il vint plusieurs seigneurs et 100 hommes de la maréchaussée.

     Le lendemain, 400 gardes-françaises et 400 Suisses arrivèrent, précédant le roi, le Dauphin et toute la cour.

     Leur brillant cortège arriva au milieu d’une haie formée de 600 hommes de milice bourgeoise par la porte Evézard, richement décorée, et au-dessus de laquelle était le portrait du roi sous un dais de velours cramoisi, avec l’inscription: Non opibus altas sed fide superat urbes. A cinq heures du soir, le son des cloches, les acclamations du peuple, les tambours, timbales, trompettes et autres instruments annoncèrent à toute la ville l’entrée triomphale du roi, du Dauphin, du duc de Chartres, du comte de Clermont, du prince de Conti, du duc de Penthièvre, du prince de Dombes, de tous les ministres et autres grands officiers de la couronne, accompagnés de 60 gardes du corps, 24 gardes de la porte, 24 cent-suisses, 50 mousquetaires, 25 chevau-légers, 25 gens d’armes de la garde, et les gardes du prévôt de l’hôtel. Les rues étaient bordées d’une haie d’infanterie jusqu’au logis du roi. Il y avait vingt-quatre pilastres ornés de corniches et surmontés de girandoles et de chiffres entrelacés, depuis la maison de la rue Saint-Antoine, où le roi était logé, jusqu’au Séjour; on voyait dans la ville quarante-six autres pilastres. Tous ces pilastre furent illuminés le soir du 20 et du 21, ainsi que les fenêtres des habitants, de sorte que, dit la narration
[p.25] d’un contemporain, «il n’y eut pas de nuit dans Étampes.» Pour illuminer la rue Saint-Antoine, la rue de la Juiverie, l’Hôtel-de-Ville, les logis royaux et leurs jardins, on employa vingt-deux mille lampions et deux mille terrines, et l’adjudication de cette fourniture coûta à la ville 4,500 livres (1).
     (1) De Montrond, Essais, t. II, p. 219.
     Le maire et les échevins offrirent au roi et au Dauphin les présents de la ville, composés de vin de Champagne, truites, brochets, marcassins, bécasses, perdreaux rouges, pluviers dorés, écrevisses,gâteaux et confitures sèches.

     Le dimanche 21, le roi et sa suite entendirent la messe à l’église des Barnabites, et ils allèrent en carrosse au devant de la Dauphine, qu’ils rencontrèrent à Mondésir (
2).
     (2) Abeille du 22 mars 1873.
     «Lorsque la Dauphine aperçut le roi, lisons-nous dans le Mercure, elle descendit de son carrosse, et elle marcha au devant de Sa Majesté, ayant auprès d’elle le marquis de la Farre, son chevalier d’honneur, et le comte de Rubenpré, son premier écuyer, qui lui donnoient la main; elle étoit accompagnée de la duchesse de Brancas, sa dame d’honneur; de la duchesse de Lauraguais, sa sa dame d’atours; de la duchesse de Caumont, de la comtesse de Roure, de la marquise de Pont, de la comtesse de Rubenpré et de toutes les personnes que le roi avoit nommées pour aller la recevoir sur la frontière (3).... Lorsque les carrosses du roi eurent joint celui de la Dauphine, cette dernière «se mit à genoux sur un carreau qui étoit posé sur un tapis de pied qui couvroit le chemin et elle dit au roi: «Sire, je vous salue comme un de vos sujets, et prie Votre Majesté de me regarder comme une de ses enfants.» En lui présentant le Dauphin, le roi lui dit en l’embrassant: «Je vous donne le plus puissant prince de ma cour.» Et aussitôt, le Dauphin l’embrassa.» Après cette entrevue, le roi remonta en carrosse pour retourner à Étampes; la Dauphine était placée dans le fond auprès de lui, et on voyait en face le Dauphin, la duchesse de Brancas et la duchesse de Lauraguais. La Dauphine fut conduite dans la maison qui lui avait été préparée, en passant par le faubourg Saint-Martin, dont les rues étaient bordées de soldats, [p.26] comme le jour précédent. Le duc de Chartres, le comte de Charolais, le comte de Clermont, le prince de Conty, le prince de Dombes et le duc de Penthièvre, qui avaient reçu la Dauphine à la descente du carrosse, furent présentés à cette princesse qu’ils saluèrent; alors le roi lui offrit une magnifique parure de diamants. Le soir, le souper du roi se fit en public, et l’on joua an lansquenet.
     (3) Mercure galant, février 1745.


     Le 22 février, le roi, le Dauphin et la Dauphine entendirent la messe à l’église Saint-Basile; le curé reçut un demi-écu d’or pour cette messe, et autant pour la messe de la veille à l’église des Barnabites. Ensuite ils sortirent la ville par la porte Saint-Jacques et se dirigèrent vers le château de Sceaux. Sur leur route, ils rencontrèrent la reine qui s’était avancée jusqu’à Longjumeau, où l’entrevue ressembla beaucoup à celle de Mondésir.

     Le compliment fait à la Dauphine, à son entrée dans la ville, par Le Roy de Gomberville, lieutenant-général d’Étampes, au nom des habitants, ne fut pas du goût des notables, car il fut désavoué par une délibération des officiers du bailliage, au nombre de treize, le 9 mars 1745 (
1).
     (1) V. la note 28.
     La pièce du temps à laquelle nous empruntons ces détails, et dont Max. de Montrond a donné des extraits, ajoute que «les officiers de police ont eu tant d’attention pour prévenir tous les besoins qui pourroient naître du concours extraordinaire de personnes du dehors qui viendroient pour voir cette cérémonie, que les provisions de bouche y ont été beaucoup plus abondantes qu’il ne falloit, les logements de même, et qu’il n’est arrivé aucun accident; on avoit fait venir des pompes de Paris et des pompiers, des carrosses, des fiacres, des chaises à porteurs, et toutes les commodités qu’on n’y trouve point ordinairement, en sorte que pendant ces beaux jours-là Étampes est devenu Paris (2).»
     (2) Détail de ce qui s’est passé à Étampes au voyage du roi Louis XV, lorsque S. M. a été au-devant de M la Dauphine. (Abeille du 22 mars 1873.)
     Durant l’hiver de 1753-1754 et au printemps de la même année, il régna à Étampes et aux environs des maladies épidémiques fièvres miliaires, inflammations du foie et du diaphragme, dissolution putride du sang et des humeurs. Plusieurs médecins de Paris [p.27] vinrent dans nos localités et traitèrent avec succès une centaine de malades qui allaient succomber au fléau, à Étampes et dans tous les environs, surtout à Valpuiseaux, Puiselet et Bouville (1).
     (1) Recueil d’observations de médecine, octobre 1754, t. I, p. 262. Lettre de M. de Meyserey à M. Imbert, médecin du roi.
     Le 9 mars 1789 furent convoqués en l’église Sainte-Croix les membres du clergé, de la noblesse et du tiers-état, pour la rédaction du procès-verbal dle l’assemblée générale des trois états du bailliage (2).
     (2) Documents particuliers. V. aussi la note 44.
     Du 11 au 14 mars 1789 fut rédigé à Étampes, dans la salle du Séjour le cahier du tiers-état, remis aux députés de Laborde de Méréville et Gidoin. Ce cahier, se composant de huit chapitres, a été rédigé par MM. Picart de Noir Epinay, lieutenant-général d’Étampes, président; Perrier, greffier, en présence des commissaires suivants:Laborde de Méréville; Choiseau de Gravelles; Champigny, procureur du roi de la ville; Sergent, avocat du roi; Baron, échevin; Crosnier et Pineau, procureurs; Petit du Coudray, ancien échevin; Robert, notaire royal; Rousseau, maître des postes d’Angerville; Robert-Durant, Baron, Desrozier, Poisson, Baudet, Dramard, C. Marcille, Le Febvre, M. Marcille, Marchon et Denizet, laboureurs (3).
     (3) V. la note 43.
     Le 15 décembre 1789, Jean Hême de la Maison-Rouge, échevin; Jean-Gabriel Baudry de la Potterie, conseiller assesseur; Jacques Crosnier, substitut du procureur du roi; Désiré-Jean-Chrétien Hugo, orfèvre-vérificateur, envoyèrent au directeur de la Monnaie de Paris une caisse contenant 78 marcs 2 onces 3 gros d’argenterie, produisant 4,231 livres 7 sols 11 deniers, consistant en bijoux, vaisselle d’argent et argenterie d’église, déposés à l’Hôtel-de-Ville, en exécution du décret de l’Assemblée nationale du 6 octobre 1789. Ces objets avaient été déposés par Picart, maire; Geoffroy, conseiller; Tressan, abbé de Morigny; Boncerf, archidiacre de l’église de Narbonne; Boncerf, conseiller, médecin ordinaire du roi; Gabville,  procureur du roi au bailliage, et demoiselle Gallier, bourgeoise.

     Le lendemain eut lieu un second envoi de 45 marcs 7 onces
[p.28] 4 gros 1/2 d’argenterie, produisant en argent 2,357  livres 10 sols 4 deniers, déposés par Guyon, procureur au bailliage, receveur de la ville; Lanon, bourgeois d’Étampes (1); de Bouraine, conseiller, secrétaire du roi, receveur particulier des finances à Étampes, et de Leyre, secrétaire de l’infant duc de Parme (2).
     (1) Ce Lanon, dont nous parlerons plusieurs fois dans cet ouvrage, était un créole de Saint-Domingue; prévoyant la révolution dans ce pays, il vendit tous ses biens et vint s’installer à Étampes avec une nombreuse suite de serviteurs, dont plusieurs femmes noires et plusieurs femmes blanches.
     (2) Procès-verbal original.
     En 1789, une société philantropique fut établie à Étampes; son but était de donner des secours annuels aux pauvres des deux sexes choisis parmi les plus vertueux. En 1790, on préleva une somme de 4,000 fr. pour l’établissement d’une rosière à Étampes (3). Les conditions imposées pour être rosière étaient alors les suivantes: être pauvre, née dans la ville ou faubourgs, ou y être domiciliée au moins depuis dix ans; être âgée de vingt-deux ans au moins et de quarante au plus; n’avoir donné aucun scandale, soit sur les mœurs, soit sur la religion (4).
     (3) V. les notes 44, 45, 46.

     (4) Almanach hist. d’Étampes pour 1791. V. les notes 46 et 47.
     La première fête de la rosière eut lieu le lundi de la Pentecôte, en 1790. Ce fut grâce aux bienfaits de la baronne d’Escars que la ville fut redevable de la somme nécessaire pour la cérémonie.

     Elle a été annoncée la veille par une salve de boîtes. Le jour même, la rosière, vêtue de blanc, tenue d’une main par M d’Escars et de l’autre par M. Picart, ancien maire d’Étampes, a parcouru la ville au milieu de la garde nationale sous les armes, au bruit des tambours et de la musique, pour se rendre à l’église de Saint-Basile. M. le curé de cette église, revêtu d’une chape et accompagné de son clergé, l’a reçue à la grille principale du chœur, où, après un petit discours apostolique, il a célébré une messe solennelle. Après l’évangile, un chanoine régulier trinitaire a prononcé un discours.
     Un carreau avait été dressé pour la rosière au milieu du chœur; à côté d’elle était Mme d’Escars et de l’autre M. Picart. Le reste du chœur était occupé par les membres de la société philantropique. Une haie de gardes nationaux en grande tenue et des ci-devant
[p.29] arquebusiers bordaient le chœur et la nef jusqu’au bas de l’église. La quête a été faite par Mlle de Laborde de Méréville, conduite par M. le Comte de Noailles, son époux; elle était suivie d’une deuxième quêteuse, Mlle de Poilloüe de Bonneveau, conduite par M. le comte de l’Aigle.

     Après la messe, la rosière a été conduite dans le même ordre à un dîner qui lui était préparé.

     Le soir, on a dansé à l’Arquebuse (
1).
     (1) Almanach hist. d’Étampes pour 1791.
     Par deux testaments olographes des 27 fructidor an XI et 27 octobre 1812, M Delort, née Charlotte de Viart, a, par des dispositions précises, assuré et réglé l’existence de cette institution:
     «Dans chaque paroisse, MM. les curés et marguilliers en charge, et les dames de charité, doivent faire ensemble et à la pluralité des voix le choix de trois filles de leur paroisse dont ils auront scruté scrupuleusement les mœurs.
     «Les noms de ces quinze filles, avec les notes des motifs de leur choix, sont remis au secrétaire de la ville.
     «Un mois après la remise de ces noms, ceux qui ont droit d’assister aux assemblées générales de la ville se réunissent pour admettre ou refuser les quinze filles présentées, par la voix du scrutin et par billets qui ne contiennent que les seuls mots admise ou refusée.
     «L’admission faite, les noms de celles admises doivent être inscrits sur un bulletin séparé pour chacune; ces bulletins, vérifiés et pliés par le président, sont mis et brouillés dans un vase. Il doit en être tiré un, que le président proclame en déclarant rosière celle dont le nom est porté sur ce bulletin; les autres bulletins doivent être brûlés (
2).»
     (2) Id. Testament Delort.
    Le 19 avril 1790, Bézard, messager à Étampes, fut chargé de transporter à la: Monnaie de Paris, à titre de dons patriotiques, une caisse cachetée aux armes de la ville, contenant 38 marcs 5 onces 3 gros d’argenterie, une croix d’or de 56 grains et différents objets, le tout montant à 2,085 livres 12 sous 8 deniers.

     Ces dons ont été faits par Doche, curé de Saint-Gilles; Gidouin,
[p.30] veuve Christophe Laumonnier, Gilles, Poussin, Félicité Poussin, dame Bonicelle, baron Delisle, Hamouy l’aîné, Sédillon fils, Louis Marneau, François Gillet, Louis Chevallier et le chapitre de Sainte-Croix.

     Le procès-verbal d’envoi est signé: baron Delisle; Hugo, orfèvre-vérificateur; Sureau fils, Boullemier, Sagot, Paris, Davoust, Meusnier, Gudin, officiers municipaux; Petit, maire (
1).
     (1) Manuscrit original.
     Le 14 juillet 1790 eut lieu dans toute la France, comme à Paris, la fête patriotique de la Fédération en l’honneur de la prise de la Bastille.

     «A Étampes, dit l’almanach de cette ville pour 1791, elle a été annoncée la veille par le son des cloches et par des salves réitérées de boites. La municipalité et tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers se rendirent à l’église collégiale de Notre-Dame, d’où l’on est parti en ordre pour se rendre au lieu de la Fédération, pour laquelle on avoit déterminé l’avenue du port, où l’on avoit élevé un autel sur lequel on a célébré une grand’messe qu’on a été obligé de finir en bas à cause de la pluie qui est survenue. A midi sonnant, on a prêté le serment. Le soir, il y a eu illumination.»

     En 1791, on fit à Étampes les ventes des domaines nationaux, églises supprimées, biens des églises et couvents, biens des émigrés, etc. Commencées le 27 février 1791, les ventes avaient encore lieu à Étampes le 22 nivôse an IX (
2).
     (2) V. les notes 87 à 91.
     A la fin de 1791, par suite de la cherté des subsistances, des désordres eurent lieu dans les marchés de plusieurs villes des environs de Paris, et le blé fut taxé au-dessous du cours. La taxe des subsistances était un prétexte; mais le vrai motif était de soulever le peuple des campagnes et de le préparer à la révolution.

     «Le 10 septembre 1791, dit M. Dramard (3), la tenue du marché d’Étampes avait été très-agitée à cause de la hausse des blés... Les magistats furent contraints de taxer le pain. Des délégués de la commune, Simonneau et Lavalleri, envoyés au département pour y [p.31] faire leur rapport, présentèrent des observations sur les inconvénients qui résulteraient de l’envoi de troupes.... Le Directoire ordonna qu’un détachement de chasseurs de Hainaut et de gendarmerie s’y transporterait pour assurer la tranquillité le samedi suivant.»
     (3) Dramard, La disette de 1789 à 1792 dans Seine-et-Oise. Versailles, 1872, in-8. 
     Le vendredi 16, à l’annonce de l’arrivée des troupes, les habitants se soulevèrent et se portèrent à leur rencontre, à la tête de l’abbé Boullemier, officier municipal, qu’ils avaient forcé de les accompagner. Venard et Duverger, membres du district, serrés par les baïonnettes, restèrent plusieurs heures entre la vie et la mort. Sur l’ordre du Directoire, une enquête fut ouverte pour rechercher les coupables.

     De nouveaux désordres ayant eu lieu au commencement de 1792, le Directoire envoya, pour veiller à la sûreté du district, une compagnie du 18’ régiment de cavalerie, qui fit son entrée à Étampes le 21 janvier et fut logée à la caserne de la rue Saint-Jacques et à la maison de ville (
1).
     (1) Dramard, La disette de 1789 à 1792 dans Seine-et-Oise.
     Le samedi 3 mars, une bande de gens armés de bâtons et de fusils, venant de Montlhéry et grossie de paysans qu’ils avaient forcés à les suivre, se dirigea sur Étampes. Le corps municipal, en tête de la troupe, alla dans le faubourg Saint-Jacques pour attendre les mutins, au nombre d’environ cinq à six cents, et les empêcher d’entrer en ville; mais, pour éviter une collision, les officiers municipaux se retirèrent. Alors toute la bande pénétra dans la cité et se rendit place Saint-Gilles, sous prétexte de taxer le blé à un prix inférieur. Le maire, suivi par la troupe, arriva escorté de neuf ou dix personnes dévouées, et essaya de dissiper les factieux qui venaient d’établir la taxe. Loin de l’écouter, ceux-ci lui enjoignent de la proclamer lui-même.... et comme il s’y refuse, il est enveloppé par la foule. Des coups de fusil sont tirés; il essaie de fuir en saisissant la queue d’un cheval. Son chapeau tombe; les chevaux de la cavalerie s’arrêtent. Alors un scélérat en profite pour lui appliquer un coup qui lui fend la tête et le renverse; dès coups de feu l’achèvent: «Ma vie est à vous, dit-il en expirant. Vous pouvez me tuer; mais je ne manquerai pas à mon devoir: la loi me le défend.» Ce furent les dernières paroles de Simonneau, qui [p.32] devaient être gravées sur le monument à élever à sa mémoire par ordre de l’Assemblée nationale (1).
     (1) Loi relative au maire d’Étampes, donnée le 21 mars 1792.
     Sédillon, procureur de la commune, et Blanchet, habitant d’Étampes, qui accompagnaient le maire, furent blessés en prêtant force à la loi (2).
     (2) Loi qui ordonne une cérémonie pour honorer la mémoire du maire d’Étampes, donnée le 16 mai 1792. Le fils Sédillon est mort dernièrement, curé de La Ferté Alais.
     Des poursuites furent dirigées contre les assassins. Les accusés, au nombre de vingt et un, furent renvoyés par le jury d’accusation devant le tribunal criminel du département, et le 22 juillet un jugement condamna huit accusés à un an et deux ans de prison, et deux autres à la peine capitale.

     Incarcérés à Étampes, ils furent élargis par l’infâme Fournier qui passait dans cette ville en venant d’Orléans délivrer les prisonniers de la haute cour. Conduits à Paris, les assassins de Simonneau furent reçus par Robespierre, qui parvint à les faire recevoir comme en triomphe à la commune de Paris, à l’Assemblée législative et aux Jacobins (
3).
     (3) Mortimer-Ternaux, Hist. de la Terreur.
     Des funérailles furent faites à Étampes au malheureux maire, au milieu d’un grand nombre d’habitants; mais le service funèbre n’eut lieu que le 19 mars à l’église de Notre-Dame, où un éloge funèbre fut prononcé par Jean-François Sibillon, le nouveau maire (4).
     (4) V. la note 66.
     D’autres services funèbres eurent lieu dans beaucoup de villes de France en mars et avril, et la fête de la loi en l’honneur de Simonneau eut lieu à Paris le 3 juin (5).
     (5) V. le chapitre Rues.
     En janvier 1760, le roi ayant jugé à propos d’envoyer sa vaisselle d’argent à la Monnaie de Paris pour subvenir aux besoins de l’État, les seigneurs de la cour et plusieurs églises et communautés religieuses imitèrent son exemple. A cette occasion, la paroisse Notre-Dame envoya 19 marcs 4 onces d’argenterie, et la congrégation de Notre-Dame 57 marcs 4 onces 2 gros (6).
     (6) Mercure de France de 1760.
     Le 9 août 1792, il eut un autre envoi à la Monnaie par les [p.33] membres du District, composé de Charpentier, président, Héret, Venard et Crosnier. L’argenterie provenant des église et des couvents fut pesée par Hugo, orfèvre, après qu’il en eut séparé le bois, le fer, le verre et les pierres fausses, savoir:

     Chapitre Notre-Dame: un bâton cantoral dont la tête pesait 4 marcs 6 onces, et le manche 5 marcs 1 once 4 gros.
     Chapitre Sainte-Croix: deux calices, deux patènes, un ciboire, une tasse à quêter, deux encensoirs, deux navettes, deux cuillères et chaînes, le manche de la grande croix, le tout pesant 25 marcs 6 gros.
     Mathurins: un soleil de vermeil pesant 2 marcs 5 onces 6 gros, plus un calice, une patène, un ciboire, une custode, une navette, neuf couverts, quatre cuillères à ragoût et six à café, le tout pesant 14 marcs 5 onces.
     Barnabites: un calice, une patène, un soleil, un ciboire, une custode, le tout de vermeil, pesant 8 marcs 1 once.
     Cordeliers: un calice, une patène, un soleil, le tout de vermeil, pesant 8 marcs 1 once, plus une grande croix de procession, deux calices, deux patènes, un ciboire, une custode, une navette garnie d’une cuillère et chaîne, un encensoir et dix couverts, le tout pesant 53 marcs 1 once 5 gros.
     Capucins: deux patènes, un soleil, un ciboire, une custode, pesant ensemble 11 marcs 7 onces 5 gros.

     Pour parer à la cherté des grains, le gouvernement établit à Étampes un entrepôt général pour l’approvisionnement de Paris, où les cultivateurs de la Beauce apportaient leur blé qui était payé par un garde-magasin préposé à cet effet. Ce magasin était dans les bâtiments de la Congrégation (
1).
     (1) V. les notes 86 et 85.
     Les 4 et 25 novembre 1792, par suite de la saisie de l’argenterie des églises et couvents d’Étampes et des environs, l’administrateur et le procureur-syndic du district envoient à la Monnaie de Paris des objets religieux, croix, burettes, bénitiers, goupillons, encensoirs, formant ensemble 513 marc d’argent et de vermeil.

     Le 21 vendémiaire an II, devant le conseil général de la commune, les comités de surveillance prêtent le serinent de fidélité à
[p.34] la nation. La municipalité délivre des certificats de civisme aux habitants qui en demandent, notamment à Nicolas-Guillaume Lanon.

     A la fin de 1793, on est en pleine révolution. Il se forme à Étampes une société populaire (
1) et un comité révolutionnaire (2). Couturier contraint plusieurs prêtres à se marier et à brûler leurs lettres de prêtrise (3).
     (1) Note 92.
     (2) Note 97.
     (3) Archives nationales.
     Le 24 vendémiaire an II (17 octobre 1793), il opère, selon son expression, «la régénération des corps constitués.» Il convoque les autorités dans l’église Saint-Gilles et déclare, au nom de la loi, la destitution des conseils généraux du district et de la commune, et en général de tous les magistrats et fonctionnaires nomme à leur place des administrateurs pour le Directoire du district, des juges et des membres du comité de surveillance pour les sections du nord et du midi (4). Il se rend ensuite au couvent «du Bonnet de la Liberté (5),» et sur la pétition des sans-culottes change les noms de trente-trois rues et places (6).
     (4) Registre des délibérations de l’Hôtel-de-Ville. V. la note 93.
     (5) Sans doute le couvent des Barnabites, où l’on avait déposé la pierre de la Bastille sur laquelle était un bonnet phrygien.
     (6) Registre des délibérations.
    Le même jour 17 octobre 1793, les prêtres d’Étampes partirent à Versailles (7). Ce n’est pas tout: il fait célébrer, dans tout le district d’Étampes, les jours de décade; il change les noms de personnes et les noms de lieux. Un de ses arrêtés ordonne que ceux qui se nommaient Louis s’appelleraient désormais Sincères; que les Rois se nommeraient Libres, les Reines Julie et les Antoinettes Sophie. Avec lui, Chalo-Saint-Mard devient Châlo-la-Raison Boissy-sous-Saint-Yon, Boissy-sous-la-Montagne; et Saint-Sulpice de-Favières, Favières-Défanatisée (8).
     (7) Manuscrits particuliers.



     (8) Procès-verbaux de la Convention, t. XXVI
     Le 2 brumaire an II, il nomme des commissaires pour faire l’extraction des objets d’or et d’argent des églises, encore et la plupart couverts de fleurs de lys.

     Un arrêté du même, daté du 17 novembre porte que «les administrateurs
[p.35] des districts sont autorisés à réduire les calices, saints et autres matières à leur juste valeur, en les convertissant en lingots (1).» Aussi, il envoie dans toutes les communes du district des commissaires pour recueillir l’argenterie des églises, ainsi que leurs cloches et grilles de fer (2).
     (1) Archives nationales.
     (2) Id.
     On descend presque toutes les cloches des églises du district le 17 novembre, dix-huit à vingt voitures partent pour Paris, chargées de cloches destinées à faire des canons. Le 18 novembre, ou amène au même lieu treize voitures chargées de 51,035 livres de fer et métaux venant d’Étampes (3).
     (3) Procès-verbaux de la Convention.
     Les églises Sainte-Croix et Saint-Pierre sont démolies, ainsi que la plupart des couvents. L’église Notre-Dame, par un arrêté de la société populaire, est transformée en temple de la Raison triomphante. On y célébra plusieurs fêtes décadaires (4).
     (4) Id., et de Montrond, Essais.
     L’église Saint-Gilles servit de halle au blé, par suite d’un arrêté de Couturier, et celle de Saint-Basile, transformée en salpétrière, devint la prison des Vendéens, et le citoyen Nanci en est établi gardien (5).
     (5) Archives nationales et municipales.
     Le 8 décembre, un procès-verbal signé: Couturier, Jérôme, Baron, Delisle, etc., constate l’envoi à la Monnaie de l’argenterie et des métaux précieux provenant des églises, montant à 3,000 marcs argent et vermeil, et 15,000 livres en pièces de monnaie et assignats (6).
     (6) Archives nationales.
     Le 12 décembre, Boulence, officier municipal à Étampes, informe la Convention «qu’il amène 36 milliers de fer provenant des ci-devant domiciles de la superstition; c’est le troisième envoi de cette nature, dit-il, et quatre-vingts voitures sont déjà prêtes à suivre la même destination (7).»
     (7) Procès-verbauxde la Convention.
     Les bois eux-mêmes prirent le chemin de la capitale et servaient à faire des affûts de canon. On abattit à cet effet les arbres de la promenade du port en 1792, et ils furent remplacés en 1795 par ceux actuels. [p.36]

     Le 1er pluviôse, on arrête que les croix placées au-dessus des églises seront détruites (
1).
     (1) Registre des délibérations de la commune.
     Le 2 avril 1794, les administrateurs du district envoyèrent s à la Convention, à la suite des saints de leur arrondissement, du linge et des effets d’équipement (2). Roux, député de la Haute-Marne, est envoyé à Étampes en mission en 1794 (3).
     (2) Procès-verbaux de la Convention.
     (3) V. la note 96.
     Nous entrons ensuite dans la période des fêtes révolutionnaires, car on célèbre successivement:

     Le deuxième décadi de nivôse an II, «une fête civique au temple de la Raison triomphante, pour l’heureux succès des armées de la République. Tous les ateliers devaient être fermés, sous peine de 50 livres d’amende.»
     Le 20 prairial an II, une fête en l’honneur de l’Être suprême. Des félicitations sont adressées aux citoyens Valery et Boivin-Chevalier, pour leur zèle déployé en cette occasion.
     Le 26 messidor an II (14 juillet 1794), la fête de la Fédération.
     Le 23 thermidor an 11 (10 août 1794), une autre fête nationale.
     Le 2 vendémiaire an III, une fête sans-culottide.
     Le 50 vendémiaire an III, une autre en l’honneur des victoires des armées de la République (
4).
     (4) Registre des délibérations de la commune.
     Le 5 frimaire an V, la colonne mobile faisant le sixième de la garde nationale sédentaire de la commune comprenait sept officiers, six sergents, douze caporaux, trois tambours et quatre-vingt-seize fusiliers (5).
     (5) Archives départementales.
     Le 23 frimaire an XI (14 décembre 1802), les ecclésiastiques de l’arrondissement, convoqués par les ordres du préfet, après une messe solennelle à l’église Notre-Darne, prêtèrent dans cette église, entre les mains de M. Hénin, sous-préfet, et en présence des autorités civiles, militaires et judiciaires, sur les saints Évangiles et chacun séparément, le serment prescrit par l’article 27 de la convention arrêtée le 10 septembre 180l entre le gouvernement et le pape Pie VII. [p.37]

     Voici les prêtres qui ont prêté ce serment, avec l’indication des paroisses où ils étaient nommés:
     Auger et Bidault, à Saint-Basile d’Étampes; Gibier et Vejux, à Notre-Dame; Devaux, à Saint-Gilles; Rigault, à Saint-Martin; Boulloy, à l’Hospice; Beaunier, à Saint-Maurice; Henry, au Val-Saint-Germain; Leroy, à Videlles; Filleau, à Boutigny; Lambert, à Corbreuse; Prieur, à Abbeville; Delaville, à Saclas; Boutin, à Buno; Moutié, à Bullion; Travers, à Guillerval; Daage, à Chamarande; Porcher, à Torfou; Mailhat, à Châlo-Saint-Mard; Lhomme, à Sermaises.

     En 1814, notre ville fut témoin du passage des Cosaques qui avaient établi deux camps, l’un au-dessous de Guinette, près du Port, et l’autre faubourg Saint-Pierre, près de Gérofosse.

     Le 10 mai 1825, le conseil municipal donna sa démission à cause de la censure qui lui fut infligée par le préfet, à propos de la présence dans ce conseil du docteur Baudet de Lary (
1), qui n’était pas agréé par le sous-préfet. Un mémoire imprimé rend compte des dissentiments qui existaient alors entre le conseil et le maire, Pierre-Louis-Marie de Tullières. Parmi les signataires du mémoire on remarque: Sergent, Charpentier, Geoffroy-Dumortous, Baudet du Lary (2).
     (1) Baudet-Dulary ou du Lary (du nom d’un petit bois qu’il possédait au Laris, près Brières) est mort le 1er juillet 1878, et, comme disciple de Louis Courier, il fut enterré civilement.

     (2) V. la note 101.
     En 1830, la garde nationale d’Étampes se dirigea sur Rambouillet au moment de l’abdication du roi Charles X; mais elle dut s’arrêter à Saint-Arnoult. Plusieurs gardes nationaux pris de boisson tirent assez de tapage, et une émeute entre eux et les habitants aurait éclaté sans l’heureuse intervention de M. Cretté, qui commandait la troupe à Saint-Arnoult.

     En 1832, notre ville ressentit de rudes atteintes de choléra asiatique. Il se montra à Paris dans le courant de mars, et trois semaines après, dans les premiers jours d’avril, on observait le premier cas à Étampes sur un homme qui n’avait jamais quitté le pays. Le mal fit ensuite beaucoup de progrès, surtout du 9 au 17 avril, et le nombre des morts s’éleva à trente-cinq en un seul jour. Le dernier cas observé est du 11 septembre. Le fléau avait donc duré
[p.38] cinq mois, et, pour la commune d’Étampes seulement, il y eut sept cent quatre-vingt-cinq malades et deux cent quatre-quinze morts (1).
     (1) Coup d’œil sur deux épidémies de choléra asiatique à Étampes, par le Dr Bourgeois, 1854, in-8.
     En 1848, des arbres de la liberté furent plantés sur la place Saint-Gilles, au Prateau, dans les cours des écoles, et en d’autres lieux et places publiques, et la garde nationale d’Étampes accourut à la défense de la capitale.

     En 1849, il y eut une nouvelle épidémie de choléra, jointe cette fois à une épidémie de suette. Comme en 1832, le fléau fit son apparition en avril, trois semaines après s’être montré dans la capitale, et comme en 1832 sans passer dans les pays intermédiaires. Le mal fit des progrès lents, mais suivis, car il produisit en mai deux ou trois décès par jour, et en juin cinq à dix; il cessa également tout à fait en septembre. Le nombre des malades fut d’environ un sur trente habitants, et celui des morts un sur cinquante. Bien qu’ayant fait moins de victimes que la première, cette épidémie a été relativement plus grave, car presque tous ceux qui en ont été atteints fortement ont succombé (
2). Cependant chacun prenait des précautions contre le terrible fléau, et nous nous souvenons que l’usage des cigarettes de camphre était général, et que dans toutes les rues on brûlait des plantes aromatiques et résineuses.
     (2) Bourgeois, ouvrage cité. D’une épidémie particulière de suette survenue à Étampes en 1849. (Arch. gén. de méd., 1849.)

     Il est à remarquer qu’en 1832 comme en 1849 la mortalité fut plus grande dans les vallons humides que dans les vallons secs, et plus grande dans ceux-ci que sur les plateaux, où certains villages ont été complètement préservés.

     Le dimanche 11 octobre 1857, jour de clôture de la foire Saint-Michel, eut lieu l’inauguration très-solennelle de la statue de Geoffroy Saint-Hilaire. Les rues Saint-Jacques et Sainte-Croix, par où passa le cortége de députés, académiciens et autres personnages présents à la cérémonie, furent décorées durant le jour et illuminées pendant la nuit. Autour de la statue, où de nombreux rangs de tribunes avaient été établis, plusieurs discours éloquents furent
[p.39] prononcés. Le soir, on tira un brillant feu d’artifice représentant l’apothéose du monument élevé au célèbre naturaliste. Ce  spectacle, qui réussit à merveille, fit d’autant plus d’effet que de mémoire d’homme, ou du moins depuis longtemps, on n’avait pas vu de feu d’artificee à Étampes.

     Nous arrivons à la période néfaste de la guerre franco-allemande, en 1870-1871.

     Le 26 août 1870, le 1er bataillon des gardes mobiles de Seine-et-Oise, comprenant l’arrondissement d’Étampes et les cantons d’Arpajon et de Corbeil, se réunit à Étampes pour prendre possession des effets d’habillement. Les jeunes gens profitèrent de leur séjour pour faire quelques tranchées destinées à arrêter la marche de l’ennemi. Plus tard, à l’approche du flot envahisseur, les habitants firent des provisions et des cachettes murées dans leurs caves ou leurs habitations, en cas de pillage.

     Le 17 septembre, la ville était complètement isolée de Paris, et l’on vit arriver d’Étréchy les premiers Prussiens. La curiosité fit même que beaucoup d’habitants allèrent au-devant d’eux. Les Prussiens restèrent à l’entrée de la ville, mais quelques cavaliers se rendirent à la Mairie, prétendant faire désarmer la garde nationale qu’on avait établie à Étampes. La population, rassemblée en masse sur la place, frémissait, car un conflit semblait imminent.

     M. Brunard, maire à cette époque, montra le plus grand courage. Irrité des outrecuidantes prétentions d’un officier prussien, il le saisit à la gorge. Celui-ci avait pâli et faisait apprêter les armes à ses soldats. Quatorze le couchent en joue! mais il se fait contre eux un rempart du corps de leur chef. Cette attitude énergique en imposa à l’ennemi, qui se contenta d’un logement pour la nuit et de vivres pour le soir seulement.

     Le 24, un détachement de soixante dragons arrivait par la route de Paris, traînant un chariot d’avoine réquisitionné en route, et il pensait obtenir davantage à Étampes; mais devant le refus du maire, le commandant se décida à ramener ses hommes par le même chemin.

     Devant l’abandon de cette ville par les troupes françaises qui ne dépassaient pas Orléans, toute résistance était impossible; aussi fut-il décidé qu’on sauverait au moins les fusils de la garde nationale [p.40] en les envoyant à Orléans, ce qui fut exécuté; mais en route ils tombèrent entre les mains de l’ennemi. Environ cinquante à soixante qu’on avait conservés pour garder le poste de police de l’Hôtel-de-Ville durent être livrés à tout prix devant les exigences de l’officier d’un détachement de hussards prussiens arrivé le 26 octobre, et suivi de plusieurs autres qui établirent leur camp au-dessus du faubourg Saint-Pierre, vers le hameau de Bretagne. Après avoir fait plusieurs réquisitions, ils partirent pour La Ferté; mais ils furent remplacés le lendemain par un bataillon d’infanterie bavaroise, qu’on logea à la gare et dans quelques maisons voisines. Un certain nombre de blessés furent menés à l’hospice. Un antre bataillon vint bientôt rejoindre le premier. Ils s’occupèrent de désarmer complètement les habitants, et, pour se conformer aux ordres précis des Allemands, le maire dut faire battre le tambour pour que les fusils de chasse, pistolets et autres armes de luxe fussent remis à la mairie. Le commandant avait promis que ces armes seraient conservées et rendues plus tard; mais comme il n’y avait pas encore de garnison prussienne à Étampes, il s’empressa d’emporter ces armes avec lui.

     Le 30 septembre, les Bavarois partirent dans la direction d’Orléans et de Pithiviers. Le même jour, un autre bataillon du même régiment arrivait à Étampes et repartait aussitôt vers Orléans on vit ensuite passer beaucoup de soldats bavarois qui, transformés en bouviers, conduisaient vers Paris les dépouilles de la Beauce.

     Le 1er octobre, on vit arriver un détachement de cuirassiers venant d’Orléans, accompagnés de dragons qui apportèrent la proclamation du général Thann, indiquant aux habitants et aux communes les pénalités sévères qu’elles encouraient si elles faisaient acte d’hostilité.

     Le dimanche 2 octobre, quatre cents lanciers prussiens se dirigeant vers Orléans firent à Étampes une forte réquisition de vaches, avoine, bougies et vins.

     Le lendemain, on eut à supporter cinq réquisitions et à loger quinze officiers et trois cents soldats qui furent placés les uns près de la gare, les autres près des abattoirs, pour garder un troupeau de deux cent quinze vaches réquisitionnées dans les environs de
[p.41] Toury, ainsi qu’une cinquantaine de voitures d’avoine et de blé. Il paraît que le pillageétait bien  organisé dans la plaine; mais il ne se faisait pas pas sans résistance, car il passa dix voitures de blessés qu’on dirigeait sur Arpajon. Le même jour, il passa un convoi de cinq cents vaches et de mille moutons venant de l’autre côté de Pithiviers, conduits en partie par des gens du pays et dirigés sur Paris, après avoir campé en face de Morigny.

     Le 4, on vit passer un régiment de hussards de la mort, campés à Bel-Air, et qui, après avoir réquisitionné des vivres, prirent la même direction que les troupeaux.

     Le 4 et le 5, beaucoup de chariots venant d’Orléans traversèrent la ville et prirent la route des hussards.

     Le 5, il y eut une grande panique à Étampes, à la suite d’un combat entre une brigade de l’armée de la Loire et les Prussiens logés à Toury.

     Le 6, des troupes de toutes armes, surtout de la cavalerie, venant de Pithiviers et de Toury, arrivèrent en ville et envoyèrent des vedettes sur les collines. Des réquisitions de toutes sortes furent faites à la Mairie, à cause de l’arrivée imminente dans la ville des princes de Saxe et Albert de Prusse, qui croyaient avoir à leurs trousses toute une armée. Pendant ce temps, la brigade française dont l’avant-garde s’était avancée jusqu’aux portes d’Étampes était retournée en arrière dans ses cantonnements, sans se douter malheureusement de la panique des Allemands.

      Un intendant militaire en chef formula de dures réquisitions, tout en s’emparant de deux cartes du département accrochées aux murs de la mairie.

     Le 7 octobre, sur les hauteurs qui dominent la ville, des pièces de canon furent braquées dans toutes les directions. Pour l’armée on réquisitionna tout le fromage et toute la charcuterie, et pour le service des princes des œufs et des vins fins.

     Le 8, on vit passer tonte la journée des régiments d’infanterie bavaroise allant vers Orléans, et on entendit bientôt le canon prussien dans la direction de Sermaises. Cela venait du fameux combat de Courpain, hameau de Fontaine-la-Rivière, où quelques francs-tireurs tinrent tête à plusieurs régiments prussiens, et en mirent deux cent sept hors de combat, tandis qu’eux ne perdirent
[p.42] que trois hommes. Ce combat fut malheureusement sans résultat et les troupes françaises qui étaient à Pithiviers ne pouvaient tenter aucune opération sérieuse contre une formidable armée prussienne. Des forces ennemies arrivent à Étampes de plus en plus nombreuses et se logent à leur gré dans les maisons, dont plusieurs furent pillées. Les boulangers, réquisitionnés, ne pouvaient qu’à grand peine cuire du pain à leurs pratiques; le sel fut pendant longtemps une chose très-rare.

     Le dimanche 9 octobre, il passa un corps d’environ dix mille Prussiens avec cent vingt pièces de canon et plusieurs mitrailleuses prises sur nos soldats. Le 10, ce fut le tour des équipages des ponts et d’un grand nombre de chariots. Le 11, il y eut encore quelques passages de troupes, et il resta à cette époque quatre cents hommes environ de soldats du génie et ouvriers militaires les autres étaient partis au combat d’Artenay, où nos troupes furent délogées, malgré leur belle résistance.

     Le 12, on vit arriver huit cent soixante-dix prisonniers français pris le 10 au combat d’Artenay; ils furent logés surtout au grenier d’abondance. Le même jour, on vit défiler un bataillon de Bavarois. Le 13, les prisonniers furent emmenés dans la direction de Paris, et dix-sept qui étaient malades restèrent à l’hospice; d’autres qui étaient cachés dans les maisons purent s’évader. Le même jour, on logea un millier de Bavarois de la landwher.

     Le 16, une réquisition de 40,000 fr. est demandée à la ville, parce que le télégraphe. prussien avait été coupé aux environs; et si la somme n’était pas fournie le lendemain, tout le conseil municipal devait être emmené prisonnier à Orléans. Comme on le pense, le conseil n’accorda rien; et, restant à Étampes comme prisonnier, le maire et six conseillers partirent à Orléans sous escorte pour s’entendre avec le général de Thann et obtenir remise de tout ou partie de l’indemnité, qui fut réduite à 20,000 fr. (
1).
     (1) Les Prussiens à Étampes, par H. B. (Henry de la Bigne). (Abeille de mars-octobre 1871).
     Le 8 décembre, plusieurs régiments de prisonniers français furent dirigés sur la Prusse: il en passa quarante-cinq mille par [p.43] Corbeil (1), neuf mille par La Ferté-Alais (2) et six mille par Étampes. Ces derniers furent logés un jour et une nuit au grenier d’abondance et dans les églises Saint-Gilles, Saint-Basile et Notre-Dame, transformées en casernes. Chacun rivalisa de zèle et de dévoûment pour fournir à ces infortunés de la soupe, du pain et d’autres vivres; beaucoup de dames montrèrent leur charité en venant secourir elles-mêmes nos soldats. Des habitants leur firent parvenir, non sans danger, des vêtements civils leur permettant de s’évader (3).
     (1) Desjardins, Tableau de la guerre des Allemands dans Seine-et-Oise, 1873, in-8.
     (2) Milliard, Les Allemands à La Ferté-Alais, 1871, in-8.


     (3) V. la note A.
     A partir de cette époque, on ne vit plus guère à Étampes que le commandant de place avec son personnel, et quelques soldats prussiens sédentaires appartenant à la landwher.

     Pendant tout l’hiver, dit M. Desjardins (4), Étampes eut sous les yeux un spectacle navrant. Dans les magasins de la gare, ouverts à tous les vents, sont attachés des centaines de chevaux enlevés par force dans les campagnes, sans litière, presque sans nourriture, fouettés par la pluie et la neige. Leurs conducteurs grelottent à côté d’eux; emmenés pendant l’été, vêtus d’une blouse en toile, on les gardait ainsi par des froids de 15 degrés, mourant de faim et roués de coups. Plusieurs sont tellement maltraités-qu’ils s’enfuient, abandonnant chevaux et voitures, et beaucoup périrent des tourments qu’ils avaient endurés.

     En janvier 1871, le préfet prussien de Brauchitsch s’avisa que la perception des impôts indirects était interrompue et la remplaça en ajoutant 150 pour 100 à l’impôt foncier. Il n’eut pas le temps d’en poursuivre partout le recouvrement; mais il extorqua ainsi à l’arrondissement d’Étampes 165,047 fr., qui donna en outre: pour les cinq douzièmes réclamés par l’ennemi 289,074 fr., pour les réquisitions 2,255,521 fr., et qui subit en dégâts et impôts divers des pertes évaluées à 1,193,699 fr., sans compter celles des chemins de fer.
     (4) Alors archiviste de Seine-et-Oise.
     Le 5 février, un arrêté du ministre de l’intérieur nommait un [p.44] sous-préfet à Étampes et un autre à Corbeil;mais ces nominations furent annulées par le préfet prussien. Ce dernier, ne pouvant réaliser au moyen d’un emprunt les 10 millions imposés au département, eut recours à la violence. Le 18 février, des officiers se présentèrent devant les maires des chefs-lieux de canton, pour leur notifier la somme imposée à la circonscription. On donnait jus qu’au lendemain à midi pour payer, et un retard devait avoir pour conséquence le logement et la nourriture d’une compagnie et le paiement par jour de 6 fr. par officier et 2 fr. par homme. Pendant les pourparlers, les détachements annoncés arrivaient et s’installaient sans façon dans les maisons. Le lendemain, à midi, les officiers revinrent à la mairie pour toucher l’argent qui, bien entendu, n’était pas prêt, car c’est à peine si on avait eu le temps d’avertir les autres communes du canton. Le sous-préfet bavarois Von Feilitszch fit enlever les maires par des soldats dans toutes les communes des arrondissements de Corbeil et d’Étampes. On les réunit au chef-lieu de canton, dans la mairie cernée par la troupe, en leur notifiant qu’ils ne sortiraient qu’après avoir pris des mesures pour payer. Les maires tinrent tête aux mauvais traitements et aux menaces, et ne versèrent qu’une partie des sommes réclamées. Au lieu de 10 millions pour le département, l’ennemi ne réalisa que 2,044,477 fr. dont 376,528 fr. pour l’arrondissement d’Étampes (1).
     (1) Desjardins, ouvrage cité.
     Les derniers Allemands, qui avaient un rôle de gendarmes ou de garnisaires, étaient des Poméraniens. Ils ne restèrent pas longtemps dans cette ville, car ils partirent le lendemain, et on en fut dès lors débarrassé tout à  fait.

     Le 15 février, le 8e régiment de hussards et un grand nombre de gardes mobiles arrivèrent à Étampes. Ils eurent de nombreuses altercations avec la garnison de la landwehr prussienne, qui quitta cette ville le lendemain avec son commandant de place, pour retourner en Allemagne (
2).
     (2) Abeille d’Étampes du 25 mars 1871.
     Par suite de l’insurrection qui éclata, dans Paris le 18 mars 1871, le service du chemin de fer d’Orléans, qui avait commencé à [p.45] reprendre après le départ des Prussines, fut de nouveau interrompu. Le mardi de Pâques (11 avril), les trains sur Paris furent arrêtés à Brétigny et cette station devint tête de ligne jusqu’au mois de juin. Le bureau de poste de la gare d’Orléans fut transporté à Étampes durant ces temps malheureux; c’est pourquoi on remarqua dans notre gare un grand nombre de wagons poste.

     M. Vivaux, sous-préfet d’Étampes, resté en fonctions, fit payer les employés et les rentiers sur les caisses des receveurs des contributions indirectes et des domaines. Il continua à remplir les dangereuses fonctions d’intendant militaire et à délivrer des feuilles de route. Il s’appliqua à entretenir avec les maires des relations clandestines pour leur donner des conseils de fermeté, et à envoyer aux généraux de nos armées et au gouvernement tous les renseignements qu’ils purent recueillir sur les mouvements de troupes ennemies. M. Vivaux alla en outre à Bordeaux toucher une somme de 100,000 fr. qui fut répartie entre les créanciers de l’État (
1).
     (1) Desjardins, ouvrage cité.
     Le dimanche 18 mai 1875, il y eut un grand concours composé de quatre-vingt-huit sociétés d’orphéons, harmonies et fanfares, aux huit endroits suivants: théâtre, collége, asile Saint-Pierre, école communale, écoles des Frères, asile Saint-Martin et salle de la Rotonde. Les rues et les places étaient décorées d’arcs de triomphe, de guirlandes et d’écussons (2).
     (2) V. la note 140.
     Le 1er juin 1879 fut organisé un grand concours de pompiers sur l’emplacement du marché aux bestiaux, où une vaste tente avait été construite à ce sujet par M. Berthelot. Les sociétés qui y prirent part étaient au nombre de quarante-trois. Comme en 1875, les rues et les places étaient admirablement décorées de guirlandes, de drapeaux, de trophées; on remarqua surtout deux arcs de triomphe place du Tribunal et rue Saint-Jean. Le feu d’artifice qu’on tira le soir, dans le bois de Guinette, représentait des pompiers éteignant un incendie. Le dimanche 24 août suivant, sous les auspices de la Société des fêtes étampoises, on organisa un [p.46] festival-concours d’orphéons, harmonies et fanfares, auquel prirent part quarante-sept sociétés, et qui eut lieu aux six endroits suivants: théâtre, Rotonde, collége, école mutuelle, asile Saint-Pierre, et sous une tente, promenade du Port (1).
     (1) V. les notes 152 à 155.
     La dernière fête qu’on célébra à Étampes est la fête nationale dit 14 juillet 1880, rappelant la fête de la Fédération qu’on célébra à la fin du dernier siècle. Les décorations et illuminations furent assez brillantes, surtout à la Mairie, et sur la promenade du Port. On a remarqué, rue du Haut-Pavé, un piédestal supportant un buste de la République, et à côté une colonne qui était un diminutif de la colonne de Juillet.



Source: Saisie numérique de Bernard Gineste, juillet 2011.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions


    
Léon MARQUIS, «Préface», in ID., Les rues d’Étampes et ses monuments, Histoire - Archéologie - Chronique - Géographie - Biographie et Bibliographie, avec des documents inédits, plans, cartes et figures pouvant servir de suppléments et d’éclaircissement aux Antiquités de la ville et du duché d’Étampes, de Dom Basile Fleureau [in-8°; 438 p.; planches], Étampes, Brière, 1881. Dont deux rééditions en fac-similé: Marseille, Lafitte reprints, 1986; Éditions de la Tour Gile, 1996, pp. 1-46.

     Bernard GINESTE [éd.],
«Léon Marquis: Introduction. Résumé de l’histoire d’Étampes et ses monuments (1881)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis-rues00b.html, 2003-2009.

Sur Victor Malte-Brun

     COLLECTIF D’INTERNAUTES, «Victor Adolphe Malte-Brun», in Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Adolphe_Malte-Brun, en ligne en 2009.


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