CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Adolphe Nouville
 Inauguration d’un théâtre à Étampes
L’Illustration, 1852
   
Marc: Inauguration d'un theâtre à Etampes le dimanche 2 mai
Nouveau théâtre d’Étampes. Élévation de la façade. — Dessin de Marc; gravure de Bost, Hotelin et Cie. (scan Jacques Corbel)   
 
     Le dimanche 2 mai 1852 est solennellement inauguré le théâtre d’Étampes. Adolphe Nouville, qui avait rédigé un Prologue joué à cette occasion, rend compte de l’événement dans le numéro du 8 mai de l’Illustration.
 
Inauguration d’un théâtre à Étampes,
le dimanche 2 mai.

 

     Un théâtre à Étampes! tel est le problème difficile qui vient d’être résolu après plusieurs tentatives infructueuses. Déjà, en 1838 et en 1845, cent quatre-vingt-quatorze actionnaires, représentant un capital de 50,000 fr., avaient répondu à l’appel de quelques citoyens amis des arts et de leur pays. Aujourd’hui, un capital de 100,000 f., remis entre les mains de quelques gérants pleins de zèle et de bonne foi, a suffi à la construction d’un édifice remarquable par sa forme et par son élégance, on pourrait presque ajouter par sa richesse.
 
     M. Davioud, architecte, a rempli, en dix mois, la tâche que les actionnaires lui avaient confiée; il a surpassé tout ce qu’ils attendaient de lui, non-seulement au point de vue de l’exécution matérielle, mais encore au point de vue de l’économie. L’extérieur est simple et gracieux. On remarque, à l’intérieur, une innovation qui, en dépit de certaines prévisions, ne nuit en rien à la sonorité de la pièce: la salle est octogone.
 
     On doit à M. Robert, sculpteur né à Étampes, deux beaux médaillons extérieurs, Molière et Corneille, qui placent le théâtre sous l’invocation de la morale et du génie, comme le dit M. Davioud dans son rapport; on lui doit encore, à l’intérieur, de charmantes cariatides et de gracieux génies représentant la muse comique et la muse tragique. M. Gérôme, peintre d’histoire, avec un désintéressement égal à son talent, a dessiné des grisailles qui accompagnent, au plafond, les portraits des grands écrivains dramatiques. La décoration de la salle, ainsi que celle de la scène, fait aimer la fraîcheur harmonieuse de la palette de M. Moynet.
 
     Dimanche dernier, 2 mai, l’inauguration de ce joli théâtre a été pour Étampes l’occasion d’une fête charmante, dont le souvenir vivra dans la mémoire des habitants. La place n’était pas encore illuminée qu’une foule compacte assiégeait les bureaux. Malheureusement, un très-petit nombre de billets avaient été mis à la disposition du public, attendu le service obligé des invitations et celui de la location.
 
     A 8 heures et quelques minutes, l’orchestre, composé des musiciens de la Société philharmonique, a exécuté l’ouverture de la Norma; puis le rideau s’est levé au bruit des applaudissements, qui ont redoublé à la vue du premier décor.
 
     Le prologue composé spécialement pour cette circonstance, et rempli de détails locaux, a été joué par MM. Got et Baron. Got, de la Comédie-Française, n’a pas besoin d’éloges; tout le monde sait apprécier le talent de ce comédien. M. Baron, habitant d’Étampes, a prêté son concours à son ami, et s’est distingué dans un petit rôle. Les concitoyens de M. Baron lui doivent, ce nous semble, des remercîments de toute espèce, d’abord pour son zèle, ensuite pour son talent. On a rappelé les deux acteurs du prologue.
 
     L’auteur de ce récit demande la permission de dire que c’est son nom même qui a été annoncé au public comme auteur de ce prologue, accueilli avec trop de bienveillance, grâce aux acteurs, — grâce aussi à l’intention des fondateurs du théâtre, exprimée dans ces vers, très-bien dits par M. Baron, parlant de sa ville:
Le plaisir n’y voyait nul toit où se poser,
Et cet hôte inconstant, fuyant nos murs rebelles
Les fouettait en passant de l’ombre de ses ailes;
Couvrant nos cabarets d’un regard de mépris,
Le plaisir tous les jours s’envolait à Paris.
Je parle du plaisir élégant, être étrange,
Dont les ailes d’azur, pures de toute fange
Portent le cœur humain vers un ciel merveilleux
D’où l’on revient meilleur, d’autant qu’on fut joyeux;
La joie est quelquefois une hymne à Dieu lui-même;
Une âme gaie est bonne, elle est aimée, elle aime!
                    GOT.
Son théâtre, je crois, le rend tout à fait fou!
                    BARON.
Étampes voulait donc s’amuser avec goût.
Un théâtre est l’asile et du rire et des larmes;
Rien ne peut y causer de regrets ni d’alarmes;
Et le pauvre artisan, qui vient s’y reposer,
Y trouve, en s’amusant, à se moraliser.
     Puis est venu le Barbier de Séville, par les acteurs du Théâtre-Français. Nous ignorons si quelque affection particulière attache Provost à la ville d’Étampes; ce que nous déclarons hautement, c’est qu’il n’a jamais joué avec plus de franchise et de gaieté. Got a moissonné de frénétiques bravos dans le rôle de Figaro, Leroux s’est montré, comme toujours, un noble, un magnifique Almaviva; Chéry a dit le morceau de la Calomnie avec un diabolique talent; Mlle Savary a été littéralement couverte de fleurs.
 
     Tous les comédiens du Théâtre-Français ont été rappelés, comblés d’applaudissements. Le public est sorti ravi, émerveillé.
 
     Un grand banquet offert aux autorités de la ville, aux acteurs, aux gérants, aux artistes, aux actionnaires, aux personnes enfin qui ont aidé à la construction, à l’embellissement, à l’inauguration du théâtre, a clos cette soirée magnifique. De nombreux toasts ont été portés: — aux comédiens; Provost a répondu au nom de tous par quelques paroles bien senties; — à l’architecte Davioud; — au peintre Gérôme; — au sculpteur Robert; — aux gérants; — aux autorités; — et enfin à l’auteur du Prologue.
 
     La vente du Prologue, imprimé aux frais des actionnaires, a produit, avec le dixième de la recette brute, prise sur le petit nombre de places livrées au public, une somme d’environ 300 francs, laquelle somme est destinée aux pauvres d’Étampes.
 
AD. NOUVILLE.


Nous joindrons ultérieurement à cette page le dessin suivant:
Inauguration du nouveau théâtre d’Étampes, le 2 mai 1852. — Dessin de Renard et Valentin; gravure de Bost, Hotelin et Cie.
Source: L’Illustration, texte saisi par Bernard Gineste, image scannée par Jacques Corbel, 2003.
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Éditions
 
      Adolphe NOUVILLE, «Inauguration d’un théâtre à Étampes, le dimanche 2 mai», in L’Illustration, journal universel 19 (1852) [n°480 du 8 mai 1852], p. 292 [avec un dessin de Marc et un autre de Renard et Valentin, tous deux gravés par Bost, Hotelin et Cie].

      Bernard GINESTE [éd.], «Adolphe Nouville: Inauguration du théâtre d’Étampes (L’Illustration, 1852)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-nouville1852inauguration.html, juin 2003.
 
Adolphe Nouville

     Un site généalogique cite un Adolphe Anténor Nouville né le 7 avril 1815 à Pavilly, Seine-maritime, fils de Louis Jean, né avant 1779 et de Marie Anne Martin, née avant 1802. S’agit-il de notre homme? Nous ne saurions le dire à l’heure qu’il est.

     Adolphe NOUVILLE, Le Monde poétique. 1er volume [in8°; 284 p.], Paris,  Joubert, 1844.

     Adolphe NOUVILLE & V. BILLET, La Goguette du quartier latin, recueil de chansons, par MM. A. Nouville et V. Billet. 1re livraison. Une noce chez Dagneaux [gros in-8°; 4 p.], Paris, Chez les principaux libraires et dépositaires de nouveautés littéraires, 1846.

     Adolphe NOUVILLE, Les Trois journées de 1848 [in-8°; 4 p.], Sans lieu,  impr. de Pommeret et Guénot, 1848.

     Adolphe NOUVILLE, Création d’un théâtre d’essai. Mémoire [in-8°; 16 p.], Paris, P. Mascagna, 1848.

     Adolphe NOUVILLE, Aurora [in-12; 180 p.], Paris, Martinon, 1849.

     Adolphe NOUVILLE, Le Collier [in-8°; 60 p.], Paris, Les libraires, 1851.

     Adolphe NOUVILLE, Histoires de l’Espagne arabe, par Adolphe Nouville. Megnoun. la Péri. Natayda [in-8°; 183 p.], Paris, Vve Gaut, 1851.

     Adolphe NOUVILLE, Une rencontre, prologue en 1 acte et en vers, par Adolphe Nouville. Étampes, 2 mai 1852 [in-8°; 15 p.], Étampes, Les libraires, 1852 [dont une édition pour l’instant partielle par Jacques Corbel et Bernard Gineste, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-nouville1852rencontre.html, 2003].

     A. NOUVILLE [absolument rien ne nous permet à l’heure qu’il est qu’il s’agisse de notre Adolphe Nouville, nous notons ici cette référence seulement pour mémoire et sous réserve de vérification], Papiers A. Nouville. (Série : Notaires et huissiers.) Comptes et correspondances relatifs à mes affaires avec M. Bénard, ancien huissier à Goderville, aujourd’hui marchand de vin à Grainville (17 janvier 1853) [in-8°; 6 p.], Paris, impr. de J. Claye, 1853.

Le théâtre d’Étampes

     ARCHIVES MUNICIPALES D’ÉTAMPES: Collection d’affiches et de programmes du théâtre d’Étampes [98 pièces, don Clément], sous-série 18Z

     Romuald FÉRET, «Le théâtre à Étampes au XIXe siècle», in ASSOCIATION ÉTAMPES-HISTOIRE, Le pays d’Étampes au XIXe siècle, Éditions Amattéis, Le Mée-sur-Seine, 1991, pp. 67-87. 

     ARCHIVES MUNICIPALES D’ÉTAMPES, Le Théâtre. Naissance et vie au 19e siècle [21 cm; 20 p.; 15 documents figurés; plaquette à l’occasion de l’exposition « Le Petit Théâtre, naissance et vie au 19e siècle, mai 1991, avec l’aide de Romuald Féret], Étampes, Ville d’Etampes, 1991.

     Julia FRITSCH & Dominique HERVIER [dir.], Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix [316 p.; 10 contributeurs, 942 notes; 340 documents photographiques, la plupart en couleur; avec un résumé, with a summary, pp. 297-304], Paris, Éditions du Patrimoine, 1999
 
     Romuald FÉRET, «1848: pas de liberté pour le théâtre», in Serge BIANCHI, Muriel GENTHON [dir.], La république confisquée ? 1848 en Essonne — Actes du colloque de Crosne, 21 et 22 novembre 1998 [300 p.], Grâne, Créaphis, 1999, pp. 97-109. 
 
     Clément WINGLER [directeur des Archives Municipales d’Étampes], Étampes et le théâtre. 1797-1914 [21 cm; 48 p.;  23 documents figurés], Étampes, Archives Municipales d’Étampes, 2001.

  
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