CORPUS   LATINUM STAMPENSE
 
Henri Ier
En faveur de Notre-Dame d’Étampes 
charte de 1046
Texte établi, traduit et annoté par Bernard Gineste (2006)
 
Eglise de Dreux sur un denier d'Hugues Bardoul
Une église vers 1046
Folio 32 recto du Cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (fin XVe siècle) Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes (fin du XVe siècle, folio 32, recto)
Sceau d'Henri Ier Sceau d’Henri Ier
                         
     Voici un document capital pour l’histoire de la ville d’Étampes, qui n’avait jamais encore été édité de façon satisfaisante, et qui est de nature à renouveler d’une manière assez sensible notre connaissance du paysage étampois, à l’époque où notre bonne ville surgit enfin des brumes du Haut Moyen Age.

     Le lecteur pressé peut directement aller lire notre traduction légèrement annotée. Il y entreverra tout ce qu’apporte ce document à notre connaissance de l’histoire ancienne de la ville. Il est très probable par exemple que ce n’est pas Robert le Pieux qui a fondé Notre-Dame, et que l’église Saint-Basile est quant à elle d’origine carolingienne. On y trouve aussi une explication du nom de la Louette, etc.

Version 07 (21 février 2007)
(mis en ligne originellement le 12 novembre 2006)
     Pour citer cet article on voudra bien utiliser cette référence: Bernard GINESTE, «Henri Ier: Charte en faveur de Notre-Dame d’Étampes (1046)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-henri1notredame1046.html, 2006.
     Je remercie ici pour leurs remarques constructives: Pierre Gillon, Frédéric Gatineau et Alain Devanlay.

Proposition de plan du castrum d'Etampes en 1046


In memoriam aeternam J. J. discip. cariss.
Requiescat in pace.



          

Introduction

     L’histoire d’Étampes est enveloppée d’obscurité jusqu’au milieu du onzième siècle. C’est seulement à partir de ce moment que nous disposons d’une série de documents réellement consistants et proprement relatifs aux institutions locales. Le plus ancien et l’un des plus riches en informations est une charte qui se présente comme donnée aux chanoines de Notre-Dame par Henri Ier en 1046. Maxime de Montrond a justement souligné dès 1836 «son importance pour l’histoire de la ville d’Étampes» (1). De fait les auteurs du récent tome premier du Pays d’Étampes s’y réfèrent en huit endroits de leur ouvrage (2), qui fait actuellement référence sur la période considérée.

     Il nous faut d’abord établir le texte de ce document, tâche quelque peu aride;  on ne pourra qu’après cela le traduire et discuter les nombreuses données de détail qu’il présente, et qui trop souvent ont été soit négligées ou mal comprises, puis proposer une synthèse de ses principales données.
     (1) Maxime de Montrond, Essais historiques sur la Ville d’Étampes, tome 1, Étampes, Fortin, 1836, p. 72. 

     (2) Michel Martin et alii, Le Pays d’Étampes. 1. Des origines à la ville royale, Étampes, Étampes-Histoire, 2003, pp. 74 (et note 129), 75 (ter), 98 (et note 213), 105 (bis, et notes 249-247 et 253), 141 (et note 416), 142, 187 (et notes 610-511), 198.
     
     Introduction.— 01. Sources disponibles.— 02. Éditions et tradition interprétative.— 03. Remarques sur le texte.— 04. Texte et apparat critique.— 05. Structure du texte.— 06. Rôle du chancelier Baudouin.— 07. Trois couches du texte et cinq auteurs.— 08. La question de l’authenticité.— 09. Traduction sommairement annotée.— 10. Texte normalisé et traduction en regard.— 11. Biens du chapitre en 1046.— 12. Une fondation royale?.— 13. Aspect général d’Étampes en 1046.Annexe 1: Commentaire de Fleureau.—  Annexe 2: Note des Mauristes.Annexe 3: Commentaire de Montrond.— Annexe 4: Notice de Soehnée.


I. Histoire du texte

     En effet on ne dispose pour l’heure que d’un texte latin non critique et très fautif, édité dans des ouvrages rares datant respectivement de 1683, 1760, 1836 et 1867. L’édition de 1760 est accessible sur internet mais présente plus de quarante fautes de lecture dont deux lacunes de plusieurs mots chacune. Personne n’a encore étudié le document pour lui-même. Le texte n’est pas établi, son authenticité n’a jamais été discutée, ni sa teneur étudiée d’une manière réellement systématique. Que s’est-il passé à cet égard depuis 1046?

01. Les sources disponibles

     Le privilège accordé par Henri Ier en 1046, s’il est authentique, a dû être rédigé au moins en deux exemplaires, dont l’un a été conservé par la chancellerie royale, et l’autre par les chanoines, afin de pouvoir le présenter à tous ceux qui se risqueraient à leur contester telle ou telle  possession ou immunité. Mais les archives royales n’étaient pas bien tenues par les premiers capétiens, qui notamment les emmenaient avec eux lors de leurs voyages: et l’on sait que lors de la bataille de Fréteval en 1194, Richard Cœur de Lion pilla et détruisit les archives de Philippe Auguste. Ce n’est qu’à partir de cette date que les archives royales reconstituées vaille que vaille furent conservées à Paris.

     Quant à notre charte de 1046, nous voyons bien trois siècles plus tard les chanoines de Notre-Dame s’en procurer une «copie faicte à l’original», le lundi 18 juin 1364, «sous le seel de la prevosté d’Estampes». Mais il faut comprendre sans doute que le prétendu original en question vraisemblablement altéré, était alors conservé par les chanoines eux-mêmes plutôt que la prévôté. Tout laisse à penser qu’ils ont alors montré à la prévôté un vieux parchemin, et qu’on leur en a alors donné acte, sans plus. Les termes utilisés en 1364 ne font allusion à aucun sceau royal, à aucune marque certaine d’authenticité sur le document dont la prévôté atteste seulement la conformité avec sa copie.

     A la fin du XVe siècle, c’est cette copie de 1364, aujourd’hui perdue, que recopie d’abord l’auteur anonyme du Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes au folio 11 de son registre (recto et verso), en prétendant qu’elle avait été faite sur l
original. C’est un indice assez net de ce que ce prétendu original était soit perdu, ou altéré, ou qu’il ne présentait aucune marque d’authenticité qui puisse le faire préférer à cette copie de 1364, elle scellée.

     Ce qui confirme cette impression, c’est que l’auteur du cartulaire reproduit quelques folios plus loin (aux folios 32, recto et verso, et 33, recto) une deuxième copie de cette charte qui présente des particularités intéressantes et qui précisément paraît altérée. Son texte n’est pas exactement identique à celui de la première. Il est nettement meilleur, comme le montrera notre analyse de détail, et plus proche de leur source commune. En revanche, alors que le premier texte reproduisait explicitement la copie de 1364 (y compris les additions initiales par lesquelles cette copie se signale comme telle), le deuxième texte est visiblement tiré d’un document dont les premières lignes étaient abîmées, voire détruites (1). Mais par ailleurs ce deuxième texte a conservé la suscription finale du chancelier Baudouin sous la responsabilité duquel l’acte aurait été rédigé en 1046, suscription que la copie certifiée conforme en 1364 a négligé de reproduire. Il ne s’ensuit pas que ce deuxième texte constitue une copie de l’original de 1046. Le nombre important de fautes qu’il présente et certaines autres particularités permettent d’affirmer au contraire qu’il ne s’agissait déjà que d’une copie de copie, dont l’authenticité totale est loin d’être établie. Nous appellerons désormais la première de ces copies A, et la deuxième B.

     Notre troisième source pour établir le texte originel de cette charte est celui qui a été consulté par Dom Basile Fleureau vers 1668. Il en fit une copie qu’il inséra dans le manuscrit de son grand œuvre, les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes (2), en la faisant précéder d’une courte notice d’introduction. Le manuscrit de Fleureau  ne fut malheureusement édité qu’après sa mort, en 1683, de sorte que cette édition n’a pu bénéficier des corrections de l’auteur (3). Nous appellerons ce texte F. Fleureau n’indique pas sa source, mais l’expérience montre qu’il ne paraît pas connaître ou utiliser le cartulaire. Quand les deux copies du cartulaire divergent, il est d’accord tantôt avec A contre B, tantôt avec B contre A (4);  d’une manière générale ses points communs avec A contre B sont de mauvaises leçons (5), tandis que ses points communs avec B sont de bonnes leçons (6);  de plus certaines fautes de lecture de Fleureau, qui seraient inexplicables s’il avait utilisé B, se comprennent mieux si l’on suppose qu’il a mal compris une abréviation utilisée par A ou plutôt par la source de A (7);  il a donc sous les yeux, selon toute apparence, un troisième texte moins bon que B, mais complet, et d’autre part meilleur que A. L’intérêt du texte de Fleureau est surtout secondaire: il nous aide à reconstituer l’histoire des corruptions qui se sont introduites dans le texte (8), ce qui est parfois très précieux (9).

     Ce sont là les trois seuls témoins directs dont nous disposons pour établir le texte de notre charte sur des bases scientifiques. Lors de la Révolution en effet, le chartrier de Notre-Dame, qui conservait vraisemblablement beaucoup d’originaux (10), fut saisi et déposé au District d’Étampes, puis à Versailles, chef-lieu du nouveau département de Seine-et-Oise. Il fut restitué vers 1804 à la paroisse mais ce fut, selon les mots de l’abbé Alliot «un malheur pour la science»: lorsque les biens de l’église furent à nouveau confisqués vers 1905, on ne signale plus comme pièce ancienne que notre cartulaire, de la fin du quinzième siècle. Ce gros volume, d’abord conservé à nouveau à Versailles, a depuis été reversé aux Archives du nouveau département de l’Essonne, à Chamarande, où il est enregistré sous la cote 1 J 448 (11). C’est un registre en papier de format in-quarto, comptant 189 folios, dont 66 seulement ont été utilisés pour recopier, à l’extrême fin du 15e siècle, un ensemble de 114 pièces datées de 1046 à 1495 (12).

     Cependant une quatrième source peut nous aider indirectement à établir le texte de notre charte, concernant surtout la partie du texte qu’on appelle le préambule, et qui est ici un développement stéréotypé que j’ai retrouvé dans toute une série de chartes de Robert II et Henri Ier, toutes rédigées sous la responsabilité du chancelier Baudoin, de 1030 à 1058. Les chartes de Robert II et Henri Ier, malheureusement, n’ont pas connu d’édition critique générale depuis que Mauristes ont compilé celles que l’on connaissait au 18e siècle dans leur monumental Recueil des Historiens de la France. Deux seulement ont fait l’objet d’une édition fiable. La première, donnée par Robert II en 1030, au palais d’Étampes, en faveur de l’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés, a été éditée d’abord par Dom Bouillard en 1725, à qui les Mauristes la reprennent en 1760 (13);  mais il faut s’appuyer ici sur l’édition critique de Tardif de 1866, qui repose sur l’original lui-même (14);  nous appellerons ce premier témoin du préambule P1. Dans une charte du même de 1031 (P2), le préambule est incomplet. Les autres sont de Henri Ier. Une seule a été éditée de manière critique par Lasteyrie en 1887 (15) (P7). Citons pour mémoire d’autres chartes respectivement de 1045 (P4), 1048 (P5) et 1058 (P6), d’après l’édition non critique des Mauristes.

     On trouvera ci-dessous un graphique récapitulant l’histoire du texte ainsi reconstituée. Nous y intégrons déjà, à gauche, des données qui seront établies par la suite de cet article, comme l’existence d’une interpolation dans le texte qui nous est parvenu. On comprend en regardant sa partie droite pourquoi le meilleur texte est celui de B: c’est le plus proche de la source commune de nos trois copies, et il a pu même être copié sur cette source elle-même, quoique rien ne le prouve. Au contraire le texte de A est de loin le plus mauvais: c’est qu’il a existé au moins deux intermédiaires entre lui et cette source commune de nos trois textes.
Sceau d'Henri Ier
Sceau dHenri Ier






Henri Ier selon un camée des années 1630
Henri Ier selon un camée des années 1630









    (1) En effet: 1) il y manque l’invocation initiale à la Trinité; 2) le nom de l’auteur de l’acte, qui suivait immédiatement, est l’objet d’une erreur qui a été corrigée ultérieurement: le copiste a porté Ego Ludovicus, «Moi Louis», mots raturés et remplacés au-dessus dans l’interligne, par Henricus («Henri»).

     (2) Paris, Coignard, pp. 292-294.  Le manuscrit est apparemment perdu.

     (3) On le constate souvent, car même la ponctuation est souvent aberrante dans les Antiquitez, de sorte qu’on se demande si le typographe ou les typographes comprennent le texte qu’ils éditent.

     (4) Accords entre A et Fleureau: Herchembaldus, Nuarevieriis, alodum…Magneruallo, Albaterra, arpentum, hospitantur, contre B: Herchambaldus, Nuaremarii, alodum unum…Magniruallo, Alba Terra, arpennum, hospitentur

     (5) Accords entre B et Fleureau: nostrorum, que annotari, edificium, Sarcleis, présence de la suscription de Baudouin, contre A: meorum, annotari que, officium turris, Sarcleriis, absence de la suscription du chancelier.

     (6) Surtout pour Nuarevieriis et arpentum au lieu de Nuaremariis et arpennum.

     (7) C’est particulièrement net pour prosperatur lu per spatia, pour fisco regali Stampense au lieu de fisco regali Stampis, et pour la disparition de predictum, mots qui sont écrits en toutes lettres dans B mais en abrégé en A comme ils l’étaient dans la copie de 1364.

     (8) Son texte comparé à celui de A nous permet de conclure que les abréviations de cette copie n’était pas toujours claires en deux cas précis: 1) pour les noms des monnaies (Fleureau a écrit une fois «sous» au lieu  de « deniers» et ailleurs A a failli faire la faute inverse); 2) le tilde représentant l’abréviation de l’élément -er- (Fleureau en oublie un pour accesserit et A en ajoute indûment deux dans Sarcleriis et frustraretur).

     (9) Par exemple, sachant qu’un élement -er- indésirable peut s’introduire facilement à partir de cette copie, on est d’autant plus fondé à rejeter la variante Sarcleriis (A) et à adopter Sarcleiis (B). Il s’agit donc bien de Saclas, ce que refusait de croire Sœhné, et avec raison, si Sarcleriis, mauvaise correction de Montrond d’après A, était la bonne variante.

     (10) Il est certain que bien des originaux étaient encore conservées au début du 16e siècle, puisque le 5 novembre 1526 deux notaires attestent sur le cartulaire qu’ils ont vérifié le texte d’un acte de 1185 en le comparant avec l’original: Jean-Marie Alliot, Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes, Paris, Alphonse Picard (Documents publiés par la Société historique et archéologique du Gâtinais, n°3), 1188, p. VII.

     (11) Je dois ici remercier chaleureusement Frédéric Gatineau, qui me l’a signalé; car il y avait du mérite à le trouver, sous la cote où il est rangé .

     (12) Voyez l’introduction de l’abbé Alliot, op. cit.,  pp. V-XXVI.

     (13) Recueil des Historiens, tome X, p. 623B, d’après une édition antérieure faite sur l’original par Bouillard.

     (14) Jules Tardif, Monuments historiques. Cartons des rois, Paris, Claye, 1866, n°261, pp. 164-165.

     (15) Cartulaire général de Paris, tome I, 1887, p. 120. Il s’agit d’une charte non datée de Henri Ier (Lasteyrie note que ce préambule manque dans l’un des témoins de cette charte.)
     
Histoire du texte

02. Les éditions et la tradition interprétative de cette charte

     Nous avons déjà parlé de l’édition de Fleureau. Cette première édition a été reproduite au 18e siècle par les Bénédictins de l’ordre de Saint-Maur, au tome XI de leur monumental Recueil des historiens des Gaules et de la France, sous le n°XIV de leur série des diplômes de Henri Ier (1). Ce dernier ouvrage a été réimprimé en 1876 sous la direction de Léopold Delisle, réimpression mise en microfiches apparemment dans les années 1970, microfiches elles-mêmes récemment numérisées par la BNF, puis mises en ligne sur son site Gallica (2). Le texte des Mauristes ainsi mis sous les yeux de tous les internautes est une réédition assez scrupuleuse de celui de Fleureau;  ils aventurent une seule correction en note (3), mais par ailleurs deux nouvelles fautes, se glissent dans le texte, dont une nouvelle lacune de plusieurs mots. L’édition des Mauristes a été reprise par Jean-Marie Pardessus dans un volume de Supplément à son édition des Ordonnances des rois de France: mais il n’a même pas pris la peine daller revoir le texte de Fleureau et conserve la lacune propre au texte des mauristes (4).

     En 1836 Maxime de Montrond, conscient de l’importance de ce document, et sans doute alerté par certaines bizarreries évidentes du texte des Antiquitez (5), prend la peine de consulter le cartulaire, alors de retour à Étampes. Il est le premier à en traduire un passage, au premier tome de ses Essais historiques sur la Ville d’Étampes. Il en donne surtout, en annexe (6), une édition légèrement améliorée, qui reste cependant très imparfaite. L’examen de son propre texte montre qu’il a consulté les deux copies présentes dans le cartulaire, mais que son travail est loin d’être méthodique (7). Il corrige certaines fautes, de ci de là, le plus souvent de vaines variantes purement graphiques, en oubliant, sauf deux ou trois exceptions, les plus graves. Et quand même il repère une faute, il lui arrive de rayer le mot de Fleureau en oubliant de reporter la bonne leçon, ou bien ne pas la reporter au bon endroit, ou encore de ne pas porter la correction qu’il faudrait, sans parler de nouvelles fautes dues à l’inattention. Globalement cependant le texte auquel il parvient est légèrement meilleur que celui de Fleureau.

     En 1866 Ernest Menault donne de son côté une édition du Cartulaire de Morigny (8). En prélude à son texte il reproduit différentes chartes éditées avant lui par Fleureau qui ne se trouvent pas dans ce cartulaire, dont l’acte de 1046, qui contient la première mention du lieu-dit Morigny. C’est une reprise peu soignée du texte de Fleureau, qui ne tient de plus pratiquement pas compte des améliorations apportées au texte par Montrond, sans parler de nouvelles fautes par distraction ou de conjectures mal venues.

     En 1888, l’abbé Jean-Marie Alliot édite enfin le cartulaire de Notre-Dame. Malheureusement, il reçoit pour consigne de la Société historique et archéologique du Gâtinais, qui finance cette publication, de laisser de côté, par mesure d’économie, celles des chartes qui avaient déjà été éditées par Fleureau plus de deux siècles auparavant (9). Aussi se contente-t-il de reproduire l’introduction de la copie de 1364 inconnue du barnabite, ou négligée par lui comme étrangère à son propos. Il ignore visiblement le travail de Montrond, et ne prête de plus que très peu d’attention à cet acte, qu’il ne semble pas avoir lu attentivement (10), comme d’une manière générale les chartes déjà éditées par Fleureau (11), ce qui a échappé à ses lecteurs (12).

     En 1907 Frédéric Sœhnée, des Archives Nationales, publie un Catalogue des actes d’Henri Ier (13). Il y présente et analyse la charte de 1046, visiblement sans avoir consulté le texte original. Ce travail a cependant le mérite d’intégrer toutes les corrections opérées par Montrond, mais la présentation du l’histoire du texte est incomplète, sinon confuse (14). Et malheureusement, depuis cette date, personne n’a encore mené à bien l’édition des actes d’Henri Ier que pouvait laisser espérer ce catalogue maintenant centenaire (15). En 1992, dans la préface à sa remarquable édition des chartes de Louis VI, Jean Dufour annonçait comme imminente la publication de celles de Henri Ier par Olivier Guyotjeannin (
16); il lui paraissait alors certain que toutes les chartes des premiers capétiens seraient éditées avant la fin du millénaire; mais l’intéressé, six ans plus tard, ne faisait encore état de l’existence que de matériaux préparatoires (17), qui n’ont pas encore donné lieu à une édition. Il est fort dommage que des sources historiques d’une telle importance fassent encore défaut à l’historiographie française, et, dans le cas présent, aux historiens d’Étampes.

     Après 
Sœhnée en effet, rares sont les érudits qui mentionnent encore l’édition de Montrond, un peu moins mauvaise que celle de Fleureau: je n’ai trouvé que Louis-Eugène Lefèvre pour s’y référer en 1907 (18). Même Maurice Prou en 1908 l’ignore: il est vrai cependant qu’il a pour sa part personnellement consulté le cartulaire (19). Quant à Philippe Plagnieux et Jean-Marie Pérouse de Montclos en 1999 (20) ainsi que Michel Martin en 2003 (21), ils se contentent visiblement pour le texte, de Fleureau, et pour la compréhension de ses grandes lignes de la notice très elliptique de Sœhnée. Tout ceci n’est pas sans conséquences (22).
     (1) Pages 579-580. L’acte est signale  par Louis de Bréquigny, dans sa Table chronologique des diplômes, chartes, titres et actes imprimés concernant l’histoire de France, tome 2, Paris, Imprimerie royale, 1775, p. 36.

     (2) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k501290
.

     (3) Præpositus ou lieu de propositus, correction qui s’impose  immédiatement à tout lecteur attentif

     (4) Supplément édité sans date, vraisemblablement entre 1849 et 1853. En Pardessus il introduit avec raison dans le texte la correction suggérée en marge par les Mauristes, signalée en note 2.

     (5) Six exemples seulement: 1) rerum quæ.. religio… largitur est une faute de grammaire très étrange (quæ au lieu de quas);  2) de même l’indicatif accessit (au lieu du subjonctif attendu accesserit); 3) «fruit immuable pour tous» n’a guère de sens; 4) l’orthographe du toponyme Senauni n’est pas conforme au génie du latin médiéval qui ne rend le son o par la graphie au que s’il a une bonne raison de le faire, étymologique ou analogique; 5) une vigne d’un arpent et demi paye un cens de 14 deniers seulement tandis qu’une autre d’un seul arpent paye la somme énorme de 5 sous qui font 60 deniers («ce qui est beaucoup !» s’exclame justement Michel Martin, p. 98); 6) propositus Stamparum («propos d’Étampes») est un non sens et une erreur manifeste pour præpositus («prévôt»), déjà suggérée par les Mauristes.

     (6) Essais historiques sur la Ville d’Étampes, tome 1, Étampes, Fortin, 1836, pp. 72-74 (traduction partielle et commentaire); 197-198 (commentaire) et 199-202 (texte). 

     (7) Ce qui ne laisse pas d’étonner, de la part d’un ancien élève de l’École des Chartes.

     (8) Essais historiques sur les villages de la Beauce. Morigny, sa chronique et son cartulaire, suivis de l’histoire du doyenné d’Étampes, Paris, Aubry, 1867, t. 2, pp. 1-3. Cette édition méritoire en elle-même n’a pourtant pas été unanimement applaudie. Il est certain qu’il faudrait la réviser entièrement.

     (9) Au nombre de 42 sur 116 selon le compte d’Alliot.

     (10) Faisant dans son introduction la liste des actes reproduits deux fois par le cartulaire, il n’y mentionne pas l’acte de 1046;  lorsqu’il en arrive à la première copie, il note que Fleureau a conservé la suscription finale du chancelier, sans remarquer cette suscription se trouve dans la deuxième copie, qu’il ne mentionne même pas alors;  arrivant à la deuxième copie, il ne fait que mentionner sans commentaire que c’est un double; surtout il ne fait pas état des nombreuses fautes de Fleureau qu’il n’aurait pas manqué de constater s’il avait lu soigneusement le cartulaire;  il semble en fait avoir été pressé par le temps.

     (11) Par exemple au N°LXI, p. 57, son résumé est erroné.
D’ailleurs non seulement Alliot n’a pas relu dans le cartulaire le texte des chartes déjà éditées par Fleureau (sauf exceptions), mais il semble même qu’il n’a pas relu Fleureau lui-même: au point qu’il réédite sans s’en apercevoir une chartes déjà donnée par le barnabite sous une mauvaise date. De plus, il est particulièrement déplorable que le précieux index de son édition n’intègre pas les données des chartes éditées par Fleureau: tout ce travail est çà refaire.

     (12) Ainsi L.-E. Lefèvre, Étampes et ses monuments aux XIe et XIIe siècles, Picard, Paris, 1907, p. 9, n. 2, lui prête erronément  la pensée que Fleureau a eu en main l’original, en renvoyant à sa note p. 19.

     (13) Frédéric Sœhnée (et non pas Soehné), Catalogue des actes d’Henri Ier, roi de France, Paris, Honoré Champion (Bibliothèque des Hautes Études. Sciences philologiques et historiques, n°161), 1907.

     (14) Par exemple il ignore visiblement que le cartulaire contient deux copies de l’acte de 1046.

     (15) Ni d’ailleurs de ses père et grand-père Robert le Pieux et Hugues Capet, ce qui ne laisse pas d’étonner

     (
16) Recueil des actes de Louis VI, tome I, Paris, Imprimeri Nationale, 1992, p. XI: «On est en droit d’espérer qu’elle sera immédiatement suivie par l’édition des actes de Henri Ier (1031-1060)  — en cous d’achèvement par Olivier Guyotjennannin». 

     (17Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France (1998), p. 23, n. 10:  l’auteur dit s’appuyer sur des «matériaux préparatoires à l’édition des actes des trois premiers capétiens».

     (18) Loc. cit

     (19)  Il en cite un passage en note à son édition de la charte de 1082, Actes de Philippe Ier, 1908, p. 275 n. 3, où il apparaît qu’il a consulté la version B.

     (20) Bien plus ils renvoient à l’édition d’Alliot, qui précisément n’en donne pas le texte, Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, Paris, éditions du Patrimoine, 1999, p. 78, n. 176 (p. 279) et p. 89 et n. 207 (p. 279).

     (21) Le Pays d’Étampes. 1. Des origines à la ville royale, Étampes, Étampes-Histoire, 2003, surtout p. 187, où Martin s’appuie visiblement sur la notice de Sœhnée pour brosser un état des «propriétés de Notre-Dame à sa fondation».

     (22) Ainsi, je relève quinze erreurs de différentes sortes à la seule page 187 du tome I du Pays d’Étampes
 — ce qui n’a rien d’énorme, relativement à la  masse de travail et de données nouvelles que synthétise pour la première fois cet ouvrage pionnier. Ceux qui travaillent comprendront ce que je veux dire.
     
II. Établissement du texte

Folio 32 recto du Cartulaire de Notre-Dame d'Etampes (fin XVe siècle)
Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes (fin du XVe siècle, folio 32, recto)

03. Remarques sur le texte

     La situation est plutôt bonne: nous disposons de trois témoins indépendants et complémentaires qui peuvent nous faire remonter à un état du texte antérieur à 1364, sans parler de parallèles textuels dans d’autres chartes dues au même chancelier Baudoin.

     Dans notre apparat critique nous appellerons A la première version du cartulaire, B la deuxième, P le formulaire habituel du chancelier Baudouin, avec éventuel indice pour ses différents témoins (1); nous attirons l’attention sur le fait que le premier (P1) est le plus fiable car il s’agit de l’édition critique d’un acte original, et non d’une copie; nous appellerons par ailleurs Fleureau F, Montrond m, Alliot a, Prou Prou
(ce dernier juste pour une phrase); nous citerons aussi pour mémoire les particularités les plus notables de la tradition textuelle secondaire sous les dénominations respectives suivantes: Mauristes, Pardessus, Menault, Sœhnée et Martin. Nous respecterons selon l’usage les graphies des manuscrits, et ne mentionnerons celles de chaque éditeur que lorsqu’elles peuvent être de quelque utilité (2).

     Nous mettons en italiques les sections hors-texte de notre document, à savoir tout d’abord les titres donnés par le cartulaire à notre charte; d’autre part, nous mettrons entre crochets et en retrait, en petits caractères,
la section finale du dispositif, de toute évidence apocryphe, qui doit représenter une interpolation probablement du XIIIe siècle. Enfin nous mettons aussi en italiques la partie du dispositif où l’auteur de la charte reproduit un texte émanant des chanoines eux-mêmes, et où ils parlent à la première personne du pluriel.
     (1) P1 pour le préambule de 1030 d’après l’édition de Tardif, P2 pour 1031 (formulaire seulement partiel), P4 pour 1045, P5 pour 1048, P6 pour 1058, d’après l’édition des Mauristes, P7 pour un acte non daté édité par Lasteyrie, Cartulaire général de Paris, tome I, p. 120; ces variantes peuvent nous aider à comprendre celles de notre document.


     (
2) Fleureau restitue par exemple systématiquement la graphies -æ- simpliée au moyen-âge en -e- (ces -e- étaient le plus souvent cédillés d’après l’édition par Tardif de la charte de 1030, mais ils ne le sont pas dans notre cartulaire); il restitue -ti- à la place de -ci-; il distingue le -v- du -u-, etc. Nous respecterons quant à nous les graphies du cartulaire, selon l’usage contemporain.


04. Texte et apparat critique

     [Titre de la première version dans le Cartulaire] Copie faicte à l’original. Comment il appert que la iustice laye ne peulent mettre la main a ung chanoine d’Estampes ne prendre riens ès maisons où ilz demeurent sur (1) pene de .c. livres d’ammende.

     [Titre de la copie de 1364 qui fait l’objet de cette première copie] Donné par (2) copie soubz le seel de la preuosté d’Estampes l’an de grace mil .ccc. soixante et quatre le lundi xvii° iour du moys de iuing.

     [Titre de la deuxième version dans la Cartulaire] Carta data a rege Henrico, quomodo iustitia Stampensis virique seruientis non possunt aliquid accipere in domibus canonicorum sub pena .c. librorum, et de confirmacione precariarum et alodorum plurimorum.

     [Texte proprement dit de la charte] In nomine sancte (3) et indiuidue Trinitatis (4). Ego Henricus (5) Dei gracia (6) Francorum rex.

     Cum in exibicione (7) temporalium rerum quas (8) humana religio diuino cultui (9) famulando locis sanctorum (10) et congregacionibus (11) fidelium ex devocione (12) animi largitur tam presentis quam perpettue (13) vite (14), ut iam pridem multis expertum est indiciis, solatium adquiratur (15), saluberrimus ualde et omnibus immitabilis (16) est hic fructus primittive (17) uirtutis scilicet caritatis (18) per quem (19) et mundi prosperatur (20) tranquillitas (21) et felici (22) remuneracione (23) eterna (24) succedit felicitas.

     Nouerit ergo omnium sancte matris ecclesie fidelium et nostrorum (25) sollers (26) curiositas quod deuote accesserit (27) ad nostre serenitatis presenciam communis assensus Sancte Marie Stampensis castri, postulans (28) et obnixe obsecrans nostre auctoritatis precepto firmari ea que Herchembaldus (29) prepositus et plures alii, annuente uel pocius (30) fauente bone memorie genitore meo (31) Roberto, predicto loco concesserant (32).

     Sunt autem que annotari (33) petierunt hec: uicus qui dicitur Canisculus cum omnibus appendentiis (34) sine ulla redibicione; precariam unam in terra Sancte Crucis cum omnibus consuetudinibus sub censu (35) .u. (36) solidorum; sepultura Stampensis castri et totius suburbii cum ecclesia sancti Basilii, a molendino Sewanni (37) usque ad terram que pertinet (38) ad uetus edificium (39) Brunichildis (40) et usque ad ripam Louie (41); mollendinum (42) unum cum hospitibus cum omni consuetudine ad nos pertinentibus in eodem (43) suburbio; oblationes altaris sancte Marie per totum annum, excepta Assumpcione sancte Marie; alodum unum (44) qui (45) dicitur Magniruallo (46) et Frotmundiuillario (47) cum omnibus consuetudinibus; et unum alodum qui (48) dicitur Anseniuillario (49) ex beneficio Teudonis militis cum omni consuetudine; et unum alodum in uilla (50) que dicitur Alba Terra (51) cum duobus hospitibus et cum omni consuetudine; et unum alodum in uilla que dicitur Montelosberti (52) cum omni consuetudine (53); et precariam unam in uilla que dicitur Nuaremariis (54) cum omnibus consuetudinibus sub censu duodecim denariorum; et unum (55) alodum in uilla que Mauriniacus dicitur (56); et duos molendinos in Biervilla sub censu .x. (57) solidorum (58), quis (59) census de fisco regali Stampis (60) donante Roberto rege ad opus ecclesie persoluitur; in Sarcleiis (61) dimidium molendinum in uadimonio precii (62) .iii. (63) unciarum auri et .xl. (64) solidorum; in supradicta Biervilla (65) molendinum unum sub censu .iii. (66) solidorum (67); et de Culturis Regis que super (68) Stampas Vetulas sunt decimas; et iuxta molendinum nostrum predictum (69) in suburbio (70) uineam (71) cum .ii. (72) hospitibus sub (73) censu .u. (74) denariorum (75); subtus castrum Stampis (76) uinee arpennum (77) et dimidium qui (78) soluit .xiiii. (79) denarios; et unum alodum apud Mansum Bavonis quem dedit Adeladis filia Benzelini propter sepulturam eius; et alium (80) alodum quem (81) dedit supradicta (82) Adeladis (83) post excessum eius et domini sui (84) in uilla que dicitur Roureia
[Interpolation, probablement du XIIIe siècle] [et ne prepositus (85) Stamparum uel aliqua persona alia (86) audeat aliquid (87) inuadere uel accipere in domibus canonicorum; et ne hospitentur (88) canonici ullomodo; si autem in posterum alicui persone locus concederetur ad custodiendum, ne eius prelatio canonicis (89) obesse posset; omnia ministeria ecclesie canonicorum potestati et voluntati concedimus; et ne discuciatur causa canonicorum iudicio alicuius secularis persone (90) nisi tantum regis iudicio aut precentoris cui (91) committetur ille locus ad custodiendum.
     Hec supra annotanda (92) exarata (93) que actenus (94) sunt concessa et que amodo (95), deo (96) donante, concedenda, regali precepto concedimus, et nostra auctoritate astipulendo (97) corroboramus, eo pacto ut, si quis legem dissimullando (98) uel neglegendo (99), hec uiolare temptauerit (100), conatus illius omnino frustretur (101), et fisco regali .c. (102) libre auri persoluantur.

     Actum Compendii m° xlmo 
(103) ui° anno incarnati Verbi, regnique Henrici regis xui.

     Ego Balduinus 
(104) cancellarius relegendo subscripsi (105).
     (1) sur a. Le manuscrit porte un S suivi d’une abréviation confuse qui doit effectivement selon l’usage le plus courant représenter sur plutôt que sous.— (2) pour a.— (3) sanctæ… indiuiduæ P1 (témoignage d’autant plus intéressant que dans la suite du texte P1 porte des e cédillés, voire des e simples), sanctę…individuę P7.— (4) La phrase manque dans B.— (5) B, qui ne porte pas la phrase précédente a de plus porté par erreur Ludouicus; go Ludouicus est rayé et il est porté au-dessus Henricus.— (6) Dei gracia manque dans Fm (Nous résolvons ainsi l’abréviation par analogie, mais P1, qui est un original, porte bien gratia.) — (7) in exibicione B, in exibitione A, in exhibitione Fm, P (dont P1;  in manque en P6).— (8) quas ABP, quæ Fm (contre la grammaire).— (9) cultui ABFmP24567, cultu P1 (seulement dans l’édition Tardif).— (10) locis sanctorum ABP12367, Montrond, locis sanctis P5 F (par une mauvaise résolution de l’abréviation).— (11) congregacionibus A, congregationibus P7.— (12) deuocione A, deuotione BP.— (13) perpettue A, perpetue BP1-6Fm, perpetuę P7.— (14) Vitę P7.— (15) adquiratur BP136, ad quiratur A, acquiratur P25Fm.— (16) immitabilis (8 jambages) B, imnitabilis A (il manque un jambage, même problème plus bas pour domini en B et domni en A), imitabilis P, immutabilis (9 jambages, et sens peu satisfaisant) Fm.— (17) primittiue AB, primitivae P1-6Fm, primitivę P7.— (18) caritatis AB, karitatis P16, charitatis P5Fm. Le mot manque en P3.— (19) quem ABP156, quam P3Fm.— (20) mundi prosperatur ABP3 et mundi prosperatur P5, per mundi spatia F (la faute de Fleureau, incompréhensible s’il avait utilisé B où le mot est écrit en entier, s’explique s’il a utilisé la copie de 1364 dont A a conservé l’abréviation), mundi per spatia m (pour une fois suivi par Menault), mundi adquiratur P1, et mundi adquiratur P6,— (21) tranquillitas BFmP1-6, transquillitas P7, tranquilitas A.— (22) felici ABP156, fœlici P3Fm, faelici Menault (et pareillement pour felicitas).— (23) remuneratione A.— (24) ęterna P7.— (25) nostrorum BPFm, meorum A.— (26) sollers B, solers AFm. (cf. solertie P1).— (27) accesserit ABm(P1), accessit F (contre la grammaire).— (28)
postulant (sic) AB, postulans Fm (P1).— (29) Herchembaldus AFm, Herchambaldus B — (30) pocius B, potius AFm.— (31) meo ABm, nostro F.— (32) A a d’abord écrit consecc.., puis a raturé et recommencé.— (33) annotari que B, que annotari AFm.— (34) appendentiis Am, appendetiis B (oubli du tilde représentant le n), dependentiis F.— (35) A a d’abord écrit sub s… puis a raturé et recommencé.— (36) .u. ABm, quinque F.— (37) Sewanni B, Sevanni A, Senauni Fm («moulin de Senaune»), Lefèvre, Sœhnée, Martin p. 105.— (38) ad terram que pertinet manque dans F (par saut du même au même, de ad à ad), restitué par m.— (39) edificium B, Fleureau, officium turris A, edificium turris m.— (40) m ajoute ici, par erreur, in eodem suburbio (voir plus bas).— (41) Louie AB, Iuinæ F, Juinæ m, Menault, Sœhnée, Martin.— (42) mollendinum B, molendinum AFm.— (43) eodem manque dans F. m a repéré la faute mais s’est embrouillé dans ses notes et a ajouté in eodem suburbio après Brunichildis.— (44) unum semble raturé en A et n’était donc sans doute pas dans sa source; il manque de fait dans Fm.— (45) quod Fm (alodum étant pris erronément pour un mot neutre).— (46) Magniruallo AB, Magnervallo Fm, Sœhnée, Magnervallus Martin.— (47) Frotmundivillario ABm, Sœhnée, Frotmunvillario F, Frotmunivillario Menault, Frutmanvilleria Martin.— (48) quod Fm (alodum étant pris pour un un neutre); mot sauté par les Mauristes.— (49) Anseniuillario ABm, Sœhnée, Ausunvillario F, Ausunivillario Menault, Ausunvillarius Martin.— (50) in uilla ABm, in terra F, Martin (p. 98: «sur la terre d’Albaterre»).— (51) Alba terra B, Albaterra AFm.— (52) Montelosberti AB (en A la syllabe  -ber- peut être lue –ba- par un lecteur trop rapide), Montelesbati m, Sœhnée, Sœhnée. Item omis par F, Menault, Martin.— (53) et unum alodum in uilla que dicitur Montelosberti cum omni consuetudine manque dans F (par saut du même au même) et Martin; texte partiellement rétabli (sauf cum omni consuetudine) dans m, Sœhnée.— (54) Nuaremariis B, Nuarevieriis AFm, Menault, Sœhnée, Martin.— (55) unum manque dans F.— (56) Mauriniacus dicitur ABm, dicitur Mauriniacus F.— (57) .x. ABm, decem F.— (58) Solidorum ABFm, mais A a commencé par écrire un d (pour deniariorum) qu’il a raturé; plus bas F commet la faute de lecture inverse, solidorum au lieu de deniarorum.— (59) quis AB (sic), qui F.— (60) Stampis B, Stamp’ A, Stampensi F; le mot manque chez m qui  a oublié de porter sa correction.— (61) Sarcleiis BF (ce dernier sans majuscule initiale, et de même chez les Mauristes), Martin. Sarcleriis A (par ajout d’un tilde indû, sans doute parce que les deux i de sa source portaient des points qui ont été pris pour une abréviation de l’élement -er-), m (qui pourtant écrit encore Sarcleis à la page 74 de son tome 1, où il renvoie à son édition qui porte Sarcleriis), Sœhnée (qui pour cette raison rechigne à identifier ce toponyme à Saclas).— (62) precii manque dans Fleureau, rétabli par m qui de façon incohérente garde l’orthographe du manuscrit A alors qu’il garde par ailleurs les graphies normalisées par Fleureau (qui aurait porté pretii).— (63) .x. ABm, decem F.— (64) 40 Fm.— (65) Bierrila Menault.— (66) .iii. B, trium AFm.— (67) Tout cet item a été sauté par les Mauristes et Pardessus (saut du même au même, de solidorum à solidorum).— (68) super AB, supra Fm.— (69) predictum manque chez Fm, Sœhnée (ce dernier: «à côté du moulin appartenant au roi»), Martin (pour qui la charte mentionne trois moulins).— (70) suburdio Menault.— (71) uineam ABm, vineam unam F.— (72) .ii. ABm, duobus F.— (73) sub manque chez F.— (74) .v. ABm, quinque F.— (75) denarium AB, solidorum Fm, Sœhnée («un cens de cinq sous»), Martin (id.).— (76) Stampis B, Stamp’ A, Stampense F. Manque dans m. Il est à noter qu’on lit bien Castellum Stampis sur les monnaies de Philippe Ier: le mot est alors indéclinable.— (77) arpennum B (cf. P1), arpentum AFm.— (78) quod Fm (considérant arpentum comme un neutre).— (79) .xiiii. AB, XIV Fm.— (80) aliud Fm (considérant alodum comme un neutre).— (81) supradicta manque dans m.— (82) quod Fm (considérant arpentum comme un neutre).— (83) Adelardis Mauristes (anthroponyme également attesté).— (84)  domini sui B, domni sui A (il manque un jambage, même problème que plus haut pour immitabilis), domum sitam F (l’erreur s’explique mieux si F a la même source que A), domum sui m.— (85) prepositus AB Prou, propositus F, Menault); «forsitan praepositus» suggéré par les Mauristes en marg, Praepositus m, Pardessus.— (86) aliqua personalia AB (lia raturé et alia ajouté au-dessus à droite dans B); aliqua alia persona Fm; aliqua persona alia Prou.— (87) aliquid manque dans A et a été ajouté en marge.— (88) hospitentur B, Maurice Prou, hospitantur AFm Mauristes Pardessus.— (89) canonicus m.— (90) personæ sæcularis (inversion) Fm.— (91) cum F Mauristes Pardessus.— (92) annotanda B, annotenda A, annotata et F, annotenda et m.— (93) exarata ABF.— (94) actenus AB, hactenus Fm.— (95) amodo A, admodo B (le d étant raturé), modo Fm.— (96) Deo AB, Domino Fm.— (97) adstipulando Fm.— (98) dissimullando B, dissimulando A, Fm.— (99) neglegendo AB, negligendo Fm.— (100) temptauerit ABm, tentaverit F.— (101) frustretur B, Fm, frustraretur A (sous forme de tilde; même insertion vicieuse de -er- que plus haut pour Sarcleiis, Sarcleriis).— (102) .c. AB, centum Fm.— (103)  xlmo B (cf. P1), .xl°. A, XL Fm.— (104) Balduinus ABm, Menault, Baldovinus F, Mauristes, Pardessus.— (105) La suscription finale manque dans A. En B, le copiste s’y est repris à plusieurs fois pour écrire le mot final, qui ne porte pas moins de quatre ratures qui le rendent illisible; une main postérieure a réécrit suscripsi.
 
III. Discussion

05. Structure du texte

     Cette charte royale d’Henri Ier, rédigée par un notaire inconnu sous la direction du chancelier Baudouin, respecte évidemment les formes de rigueur. Vient d’abord l’invocation qui place l’acte sous le patronage d’une autorité divine. L’invocation à la Trinité est la plus usuelle, spécialement sous cette forme: «Au nom de la Sainte et indivisible Trinité».

     Vient ensuite la suscription, non moins stéréotypée, qui donne l’identité de l’auteur de l’acte: pronom personnel, nom personnel et titre intégrant une formule de dévotion: «Moi Henri par la grâce de Dieu roi des Français ». Deux parties manquent ici, l’adresse (qui énonce l’identité du destinataire, individuel, collectif ou universel) et le salut. Leur absence caractérise précisément un acte considéré comme très solennel.

     Suit le préambule, constitué de considérations générales qui motivent et légitiment l’acte.

     L’étape suivante est la notification, brève formule standard exprimant la volonté de porter à la connaissance des lecteurs et des auditeurs de l’acte ce qui suit, à savoir, à savoir les deux parties centrales et essentielles de l’acte, qui sont aussi les plus longues, l’exposé et le dispositif.

     L’exposé énonce les circonstances qui ont amené l’auteur de l’acte à prendre sa décision, en l’occurence ici la démarche du chapitre auprès du roi. Le dispositif explicite  par le menu la teneur de cette décision. Ce sont évidemment ici les parties qui intéressent le plus directement l’historien local, puisque ce sont les seules à présenter des données concrètes d’intérêt proprement local.

     L’exposé est suivi systématiquement de clauses finales, ici d’une clause pénale qui prononce à l’avance une condamnation séculière des éventuel infracteurs ;  celle-ci n’a rien de très original et se retrouve sous cette forme ou d’autres dans bien d’autres chartes du temps éditées par les Mauristes. Suit la date, qui mentionne le lieu et l’année de la composition de l’acte.

     Les éventuels signes de validation qui suivaient, comme le dessin du monogramme royal et la nature du sceau apposé à l’original, n’ont pas été reproduits ni indiqués par l’auteur du cartulaire qui le fait pourtant dès qu’il le peut: nouvelle preuve qu’on ne possédait plus l’original intact à Notre-Dame à la fin du 15e siècle. Nous n’avons que la suscription finale du chancelier Baudouin, conservée seulement que par la deuxième copie du cartulaire, ainsi que nous l’avons déjà noté.
Sceau d'Henri Ier
Sceau dHenri Ier

06. Rôle du chancelier Baudouin

     Le chancelier Baudouin (1) a commencé sa carrière sous le règne de Robert le Pieux: il contresigne pour la première fois à ma connaissance une charte en 1015 à Dijon, en l’absence du chancelier Francon, en temps que notaire (apocrisarius) (2), puis 1018, comme sous-chancelier (subcancellarius) «à la place de l’archevêque Arnoult, premier chancelier» (3). A partir de 1019 il est le seul chancelier mentionné jusqu’à la mort de Robert II (cancellarius) (4) et tout au long du règne suivant. Sa carrière se continuera même sous le règne suivant de Philippe Ier, au moins jusqu’en 1067. Dès 1019 sa suscription est pratiquement la même qu’en 1046: Ego Balduinus cancellarius relegi et subscripsi: «C’est moi le chancelier Baudouin qui ai relu et ai souscrit».

     C’est son rôle essentiel: relire et signer après avoir vérifié que le texte est conforme aux directives qu’il a données à ses notaires pour donner forme à la volonté royale. Lorsqu’il écrit lui-même, ce qui est rare, il le mentionne, par exemple à deux reprises en 1030: scripsi et subscripsi, «j’ai écrit et souscrit» (
5). Il précise même une fois d’une manière éloquente: «j’ai souscrit de ma propre main» (6). Autrement le texte est matériellement rédigé par l’un de ses notaires, dont le nom n’est mentionné que lorsque il est absent et qu’on doit signer à sa place: ainsi entrevoyons-nous Seguin en 1051 (7), Foulques en 1059 (8), ou un certain Guillaume (9). C’est un donc un tel notaire qui a rédigé les deux originaux de l’acte de 1046, d’après les consignes données par Baudouin: il est resté anonyme parce que Baudouin était présent.

     Si la personnalité de Baudouin a laissé une trace dans notre document, c’est dans la seule partie de notre charte qui laisse quelque place à la créativité, le préambule, qui formule la justification idéologique d’une décision royale avant de la notifier (10). C’est ici une longue période, mûrement composée. On y voit les concepts-clés d’une pensée théologico-politique peu innovante (11) se couler dans le moule des antithèses et des redondances binaires chère à la rhétorique médiévale; on imite les longues périodes oratoires de Cicéron d’une manière un peu poussive à la vérité. A travers les chartes composées par Baudouin, relues rétrospectivement, on voit progressivement s’assembler les différents éléments qui vont finir par composer ce morceau, en formules de plus en plus complexes, jusqu’à se réunir vers 1030 sous la forme représentée par notre charte, dans une charte précisément donnée par Robert II au palais d’Étampes, en faveur de l’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés (12). Il sera régulièrement repris tel quel en alternance avec d’autres formulaires pendant plus d’un quart de siècle (13). On conservait visiblement une sorte d’aide mémoire pour les formules-types: nous retrouvons celle-ci mot pour mot 
(14) dans neuf chartes contresignées par Baudouin sous Robert, Henri et Philippe Ier, puis deux qui le sont par son successeur Pierre sous le même Philippe Ier (15).

     Il semble que l’on choisisse ce préambule lorsqu’il s’agit pour le roi de constater et de garantir de son autorité des donations opérées par autrui en faveur d’établissements religieux. Le concept ambigu d’exhibitio qui ouvre la période est en effet clairement à entendre en ce sens, d’après le contexte: il ne s’agit pas pour le roi lui-même d’opérer une donation, mais d’en faire état d’une manière qui ne lui donne pas seulement l’appui de son autorité, mais encore surtout une forme de publicité, avec l’objectif explicite de susciter ainsi dans toute la société une émulation de générosité charitable.

     L’idée que le roi attend de son bienfait une double rétribution, la vie éternelle sans doute, mais aussi dès ici-bas un règne qui ne soit pas troublé ni brutalement interrompu, cette idée est déjà représentée dans les diplômes carolingiens. Ce qui est plus daté, c’est l’idée que son acte est un exemple d’amour, ou plutôt la célébration d
un acte d’amour (caritatis) dont lexemple peut être suivi par tous (omnibus imitabilis), et ainsi faire prospérer la paix: ce qui nous ramène à l’idéologie de la paix de Dieu, caractéristique du règne de Robert II.
     (1) La carrière de Baudouin a été étudiée soigneusement par Maurice Prou, et plus au long qu’elle ne l’est ici, dans une partie de son introduction qui avait échappé à mon attention lorsque j’ai mené mes propres recherches: le lecteur curieux pourra s’y reporter avec fruit, op. cit., pp. L-LIII.
     (2) Recueil des Historiens, tome X, p. 597D: Balduinus sacri palatii apocrisarius postulatus.
     (3) Ibid., p. 602D.
     (4) Sauf dans un texte lacunaire et mal daté (soit 1021 ou 1027 selon les Mauristes) où il se qualifie seulement de «notaire» (notarius, ibid., p. 604E).
     (5) Ibid., pp. 624E et 623A.
     (6) Ego Balduinus Cancellarius manu propria subscripsi (ibid., p. 599A)
     (7) Seguinus sciolus scripsit ad vicem Balduini regii cancellarii (ibid. p. 589C ): «C’est Seguin sciolus qui a écrit à la place du chancelier royal Baudouin»;  le sens de sciolus est probablement ici «lettré», peut-être dans une acception technique qui nous échappe; originellement c’est un mot ironique dont le sens est «demi-savant», «pédant»). Exceptionellement, en 1047, c’est Rainault, abbé de Saint-Médard de Soissons, qui fournit son propre chancelier Rainod (ibid., p. 582A)
     (8) Sous Philippe Ier.
     (9) Scriptam manu Guillelmi ad vicem Balduini regii cancellarii (ibid., p. 560D).
     (10) Je n’ai consulté qu’après avoir mis cette édition en ligne un article d’Olivier Guyotjeannin qui fait la part belle à notre préambule, reproduit in extenso en Annexe avec une certaine emphase; en tête de «quelques grands textes», il est présenté comme l’une «des compositions les plus admirables», comme le «préambule-type de la chancellerie royale» (on aimerait savoir de quel point de vue), comme «l’exemple le plus achevé de sa formulation», sans être pourtant ni traduit ni commenté précisément, son propos spécifique n’étant même pas énoncé, comme si tous les préambule étaient interchangeables: «Le roi de France en ses préambules», in Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France (1998), pp. 21-44. Notons par ailleurs deux légères erreurs de l’auteur: ce formulaire ne s’est pas «figé dans les années 1040-1050» (p.27), mais bien dès 1030; il ne disparaît pas en «1067» (ibid.), mais en 1071.
     (11) Ces concepts sont déjà énoncés sous d’autres formes dans les diplômes carolingiens.
     (12) Ibid., p. 623B, d’après une édition antérieure faite sur l’original par Dom Bouillard.
     (13) La même année 1030, nous trouvons une charte où la deuxième partie du préambule est différente, ce qui tend à trouver que la première a d’abord eu une existence propre, et que c’est peut-être à Étampes la même année que l’ensemble prend sa forme définitive pour la première fois.
     (14) Sauf négligence, comme par exemple, dans les chartes de 1030 et 1058, où prosperatur est remplacé par une répétition vicieuse d’adquiratur.
     (15) Une de Robert (1030), six de Henri, et quatre de Philippe Ier: 1061 (Prou, p. 39), 1065 (p. 58), 1071 (p152) et 1071 (p. 153). On notera que Maurice Prou ne paraît pas avoir remarqué que ce préambule remontait au deux règnes précédents.

07. Trois couches du texte et cinq auteurs.

     Un examen approfondi des particularités de notre texte nous amène à y distinguer, malgré sa brièveté et sa simplicité apparente, trois niveaux de rédaction où interviennent à des titres divers cinq personnes, dont trois prennent la parole à la première personne. Faute de le comprendre, on s’expose à de graves erreurs d’interprétation.

     Le texte auquel nous avons affaire, tel que du moins il nous parvenu, a été composé en effet en trois étapes. Tout d’abord, les chanoines ont constitué une liste de leurs possessions, et l’ont présentée à la chancellerie de Henri Ier, qui séjournait alors à Compiègne. Une charte de type standard leur fut alors accordée, qui reprenait mot pour mot cette liste à l’intérieur de son dispositif. Enfin, sans doute au XIIIe siècle, un copiste qu’on peut qualifier de faussaire a inséré une interpolation de son cru à la fin de cette liste.
Il nous reste à le démontrer.
     Commençons par les trois personnages dont le rôle est le plus évident.
     Nous établirons ensuite la préexistence d’une liste rédigée par les chanoines à la première personne du pluriel et reprise telle quelle par la charte, puis l’existence d’une interpolation.


    1. Le premier des ces personnages à retenir l’attention, et le seul dont on fasse généralement état, malheureusement, est l’auteur moral du texte, à savoir le roi Henri Ier sous l’autorité duquel il est édicté, et à qui on fait dire «Moi Henri, etc.» Naturellement, il ne dicte pas l’acte, ni même probablement ne le relit.

     2. Le second est celui qu’on pourrait appeler le responsable éditorial, à savoir le chancelier Baudouin sous la direction duquel l’acte est rédigé; il est chargé de donner les formes requises à l’expression de la décision royale (1);  nous avons déjà vu quelle est part dans la composition et la rédaction de l’acte. C’est lui qui conclut, également à la première personne: «J’ai souscrit».

     3. Le troisième est le notaire anonyme dont Baudouin s’est contenté de viser le travail.


     4. En quatrième lieu viennent les chanoines eux-mêmes. Plusieurs indices en effet nous invitent à penser que dans la section du dispositif qui énumère la première partie des items concédés, ce sont les chanoines qui parlent à la première personne du pluriel. C’est-à-dire que le notaire a reproduit telle quelle la liste de biens qu’ils ont présentée à la chancellerie royale. Comme cette considération est très importante pour l’interprétation de notre document, il nous faut ici l’étayer d’une manière indiscutable, par les quatre remarques qui suivent.

     Première remarque. Cette liste est pleine de fautes de grammaire bizarres qui semblent bien originelles, d’après la tradition manuscrite que nous avons reconstituée;  surtout, elles ne dénotent pas le même niveau de maîtrise du latin et de ses flexions que le reste du document.
     Par exemple, le premier item de la liste est au nominatif, comme l’impose ce qui l’introduit, chacun des items successifs étant grammaticalement apposé au pronom hec (hæc, «ces choses»), lui-même au nominatif; mais nous voyons au contraire alterner arbitrairement accusatifs et nominatifs (
1).
     Par ailleurs l’auteur formule certains toponymes à l’ablatif, alors qu’ils sont en fonction d’attributs du sujet (
2), après le tour qui dicitur, «qui s’appelle», barbarisme véritablement étonnant à cette époque. Toutes ces fautes de déclinaison sont concentrées dans la liste, et totalement absente du reste de l’acte. On ne les trouve pas dans les autres actes de la chancellerie royale du temps (3), ni dans le cartulaire. En revanche elles ne sont pas écho dans le contexte local, et peuvent reposer sur un particularisme local (4).
     Enfin on doit noter une confusion barbare entre l’adjectif relatif qui et le pronom interrogatif quis (
5).

     Deuxième remarque. Il est deux fois question dans l’acte du roi Robert, père et prédécesseur de Henri. La première fois, Baudouin fait dire à ce dernier: «notre géniteur de bonne mémoire Robert»; la deuxième fois, dans la liste, il est précisé que le revenu du cens de deux moulins a été affecté aux besoins de la collégiale «par un don du roi Robert». Or dans la langue des chartes, il est obligatoire, lorsqu’on parle (6) d’une personne ou d’une chose déjà mentionnée, même à la phrase immédiatement précédente, voire dans le membre de phrase précédent, d’utiliser un tour qui l’indique; on devrait donc avoir «le même roi Robert», ou «le susdit», ou «le susmentionné» , etc. C’est bien le cas un peu plus loin pour Alais par exemple
. Nouvel indice que la liste est un élément prérédigé et recopié tel quel par le notaire.

     Troisième remarque, qui nous ramène à ce moulin. Il est d’abord question dans cette section d’un moulin: «un moulin avec les hôtes et tout le droit coutumier qui nous appartiennent (ad nos pertinentibus) dans le dit faubourg», puis, un peu plus loin, d’un arpent et demi de vigne «à côté de notre susdit (nostrum predictum) moulin dans le faubourg». Qui dit «nous» et «notre moulin» ? Tous ceux qui se sont référés à ce texte comprennent que c’est le roi qui parle et qu’il s’agit donc d’un, voire de deux moulins royaux (
7). Il est vrai que le texte corrompu par Fleureau et Montrond, qui ont sauté le mot «susdit» (predictum) ajoute un élément d’obscurité à ce passage (8).
     Mais dans le premier cas déjà, même s’il s’agissait d’un nouveau moulin, comment Henri pourrait-il dire sans absurdité qu’il reconnaît aux chanoines la jouissance de coutumes et surtout d’hôtes qui lui appartiennent à lui? C’est donc qu’ils n’en jouissaient pas jusqu’au moment où on rédige cet acte? Et dans ce cas pourquoi ne mentionne-t-il pas expressément qu’il en fait don?
     Dans le deuxième cas on arrive à une situation encore plus absurde, puisque le roi appellerait «notre moulin» celui dont il vient justement de garantir la propriété aux chanoines. Voilà précisément le genre d’ambiguïté voire d’obscurité que la langue des notaires abhorre plus que tout.
     D’ailleurs la vigne dont il est question, 
«sous notre moulin», ne peut être que celle qui a donné son nom à la rue de la Vigne, non loin du Moulin Notre-Dame, et non près de celui de Darnétal, qui lui appartenait au roi.

     Quatrième remarque: cette liste est clairement encadrée par des formules qui n’ont pas été comprises de Fleureau, parce que son texte était déjà altéré, mais qui signalent clairement à qui sait les lire (
9) qu’on donne la parole à une tierce personne.
     Il faut considérer les termes qui l’introduisent: «Voici les items dont ils ont demandé qu’il y soit souscrit»; et ceux qui la clôturent: «Les ci-dessus items mis par écrit pour qu’il y soit souscrit, etc.».
     Par suite, dans cette liste, «nous» signifie «nous les chanoines» et «notre susdit moulin» ne peut renvoyer qu’au moulin qui s’est appelé pendant des siècles Moulin Notre-Dame, et dont rien n’indique qu’il ait jamais été royal.
     (1) hec: uicus … precariam… sepultura… mollendinum… oblationes…  alodum... etc. (Rappelons que le mot alodus, «alleu», est dans la langue de notre charte un nom masculin et non pas neutre comme dans la forme canonique ultérieure allodium, chose que n’a pas remarquée Fleureau, qui par suite se permet plusieurs corrections injustifiées du texte, par exemple de quem en quod).

     (2) Magniruallo, Frotmundiuillario, Anseniuillario, Monte-losberti, Nuare-mariis. Le reste est au bon cas: Canisculus, Mauriniacus, ou bien à une forme où il n’est pas possible de déterminer si le rédacteur songeait à un nominatif ou à un ablatif, Alba terra, Roureia. On surestime parfois la connaissance du latin qu’avait le commun des clercs au moyen âge; certaines traductions médiévales de chartes latines en français contiennent des fautes grossières, notamment à Étampes.

     (3) Je n’ai trouvé trace que d’une seule dénomination analogue dans les chartes des trois premiers capétiens éditées du moins par les Mauristes (vers 987: quartam partem de villa quæ vocatur Judeis, «le quart du domaine appelé Aux-Juifs», ibid., p. 558B).

     (4) En 1274 une charte de reine Marguerite que la boucherie d’Étampes s’appelle non pas «Les Nouveaux Étaux», mais «Aux Nouveaux Étaux» (boucheriam stampensem quæ dicitur ad novos stallos), tour qui ressemble fort à notre usage de l’ablatif de lieu en lieu et place d’un nominatif en fonction d’attribut du sujet, par exemple, in uilla que dicitur Montelosberti, «un alleu appelé au-Mont-Losbert».)

     (5) Quis census, au lieu du qui census attendu. A moins de comprendre ici qu’on a un tour interrogatif, suivi d’une réponse elliptique: «deux moulins à Bierville moyennant un cens de dix sous... lequel?! ce cens, extrait du trésor royal à Étampes, par un don du roi Robert, est reversé au bénéfice de l’Église!» mais ce genre d’effet de style est totalement exclu par la langue des actes, qui vise à la clarté maximale même au prix des répétitions les plus fastidieuses. Admettons cependant que cette faute peut être aussi imputée à la copie locale source du faussaire dont nous parlerons ensuite.

     (6) Précisément Fleureau et Montrond ont oublié une fois ce mot devant une occurrence du mot «moulin», et c’est la source d’une erreur de Sœhnée et de Martin qui en concluent que la charte parle de trois moulins distincts à Étampes, alors qu’elle n’en cite que deux.

     (7) En dernier lieu Martin parle de trois moulins royaux (ibid. p. 105, mais ce passage n’est pas clair, la note 253 n’arrangeant rien à l’affaire) au lieu qu’il n’en est que deux, dont aucun ne paraît royal et dont au moins l’un ne l’est certainement pas, celui que précisément l’auteur affuble malheureusement de la dénomination «moulin Royal» (ibid., pp. 174 bis et 178).

     (8) C’est sans doute ce qui explique la phrase embarrassée de Michel Martin, qui conserve le flou du texte corrompu par Fleureau: «un moulin avec des hostes dans la périphérie et, près du moulin royal dans la périphérie étampoise, un arpent de vigne etc.».

     (9) En effet le verbe annotare a entre autres sens en latin médiéval le sens de souscrire, et on est bien forcé de lui donner de ce sens ici (plutôt que celui de «mettre par écrit») , parce que dans sa deuxième occurrence, il ne peut pas signifier la même chose que le verbe erarare («mettre par écrit»), sans quoi on aboutirait au sens absurde de «mis par écrit pour qu’il soient mis par écrit». Il est manifeste que Fleureau n’a pas compris ce passage puisqu’il le corrige arbitrairement, y voyant une simple redondance, annotata et exarata, «rédigés et mis par écrits». Montrond non plus puisqu’il corrige le premier mot d’après le manuscrit mais conserve le et introduit par Fleureau: «devant être mis par rédigés et ayant été mis par écrit».
     5. Venons en maintenant au faussaire à qui l’on doit la deuxième section du dispositif que nous avons mise entre crochet. Plusieurs indices convergent en ce sens et nous les regrouperons en huit remarques.

     Première remarque. Le faussaire n’a pas observé que la liste des possessions garanties aux chanoines étaient purement et simplement recopié sur un document où ce sont les chanoines qui disent «nous», de sorte que dans les nouveaux items qu’il a surajoutés, il fait parler le roi à la première personne du pluriel d’une manière incohérente avec le contexte:
concedimus, «nous avons concédé».

     Deuxième remarque. La teneur de ces items ne concorde pas avec ce qui est annoncé au commencement de la charte, puisque le roi annonce seulement qu’il va certifier par le présent édit les donations opérées par certains particuliers sous le règne de son père.

     Troisième remarque. Un des privilèges prétendument accordés dans cette section envisage une situation ultérieure qui n’était pas forcément prévisible en 1046, d’une manière qui engendre naturellement le soupçon.
     Elle établit à l’avance les pouvoirs juridictionnels du préchantre qui à l’avenir pourrait faire office d’abbé en lieu et place du roi. Par là même elle envisage de plus comme une situation naturelle que le roi le roi lui-même se réserve le titre d’abbé de Notre-Dame.
     Or il est difficile de croire qu’en 1046 on ait pu envisager cette situation comme prévisible. En 1082 nous voyons que l’abbé de Notre-Dame est un certain Bernodalius
(10), qui l’est toujours en 1104 (11), apparemment apparenté à une famille noble de la Ferté-Alais (12). Ensuite vient un certain Payen. Puis deux fils de Louis VI le Gros. Mais ensuite à nouveau deux personnages obscurs: un certain Jean de la Chesne, puis, encore mentionné en 1193, un certain Eudes Clément (13).
     Ensuite, à partir de 1210, il n’est plus question que du préchantre (praecantor, dénomination ultérieurement simplifiée en chantre). Ce n’est donc que sous le règne de Philippe Auguste que les rois de France prirent le titre d’abbé de Notre-Dame d’Étampes et qu’il déléguèrent au préchantre l’administration effective du chapitre. L’insertion n’est donc certainement pas antérieure au XIIIe siècle.

     Quatrième remarque. De même cette insertion garantit les intérêts des chanoines vis-à-vis de toutes les autres nouvelles dignités ecclésiastiques qui pourraient être instituées au sein de la collégiale Notre-Dame, ce qui paraît anticiper le conflit chronique qui opposera chanoines et les chapelains plusieurs siècles durant.

     Cinquième remarque. Il a déjà été bien établi par Maurice Prou, dans son édition des actes de Philippe Ier (
14), qu’une des chartes de ce roi, datée de 1082 et conservée seulement par notre cartulaire, contenait d’évidence une section apocryphe de ce genre, anticipant de la même manière, ab eventu, les conflits ultérieurs qui opposèrent cette fois les chanoines à leur abbé.
     Ce sont les deux chartes les plus anciennes conservées par le cartulaire, et les indices de la falsification sont du même ordre: incohérence matérielle de l’insertion avec le contexte (
15), et contradiction de sa teneur avec ce qui est annoncé au départ.

     Sixième remarque. On peut même supposer que c’est le même faussaire qui a trafiqué ces deux chartes, puisque ces deux insertions contiennent des stipulations analogues dont tout dénonce le caractère anachronique et apocyphe (
16).
     C
harte de 1046: «Et que le prévôt d’Étampes ni aucune autre personne n’ose rien occuper ni saisir dans les maisons des chanoines, et qu’on n’impose le droit d’hébergement aux chanoines en aucune manière».
     C
harte de 1082: «Dans les terres des chanoines qui seraient à l’Église, que nos officiers ne rendent aucun jugement ni ne commettent aucune exaction et qu’il ne se fassent pas dans leurs maisons des hébergements forcés» (17).
     Charte de 1046:
«Et si, à l’avenir un poste était concédé à quelque personne pour l’administrer, que la dignité qui lui sera accordée ne puisse porter préjudice aux chanoines: nous avons concédé tous les ministères de l’église au pouvoir et à la volonté des chanoines».
     Charte de 1082: «Et ces droits coutumiers que la dite église avait obtenus du susdit roi Robert, comme il a été dit plus haut, et de notre père notre père, à savoir que les dits chanoines attribuent et confèrent les ministères de la dite église, les dignités de prévôt, de chevecier, de chantre à quiconque d’entre eux ils auront choisi pour ce faire, etc.» (18).

     Septième remarque. On sait d’ailleurs qu’au travers de l’histoire la collégiale Notre-Dame, il est arrivé à plusieurs reprises que soit contestée l’authenticité ou l’intégrité des titres que présentaient les chanoines à leurs rivaux pour garantir leurs droits (19).

     Huitième remarque. Plus précisément on sait avec certitude que personne n’a jamais pris au sérieux le prétendu droit des chanoines à désigner eux-mêmes tous les dignitaires de leur collégiale. A la fin de l’Ancien Régime encore, les ducs d’Étampes, détenteur du droit de patronat de cette église, s’arrogeaient encore, malgré les récriminations du chapitre, le droit de nommer les chapelains (20).

     Nous pensons donc avoir démontré d’une part que le dispositif de notre charte reprend mot pour mot une liste prérédigée par les chanoines à la première personne du pluriel, et d’autre part que cette liste est suivie, dans l’état actuel de notre texte, d’une interpolation qu’on peut dater approximativement du XIIIe siècle.


     (10) Charte de Daimbert de Sens éditée par Fleureau, op. cit., p. 338.

     (11) Michel Martin (op. cit., p. 188, n. 616) pense que c’est un certain Hugo Bardulphus qui serait alors abbé de Notre-Dame, et relève à ce sujet une prétendue erreur de Clément Wingler (Notre-Dame sous l’Ancien Régime, Étampes, Archives Municipales d’Étampes, 1998, p. 40). Il a tort: la charte de 1082 mentionne bien comme abbé Bernodalius. Quant à Hugues Bardoul Ier (Hugo Bardulfus), dont la mention suit immédiatement une deuxième mention de l’abbé, c’est un nobliau du temps, fils d’Erembert ou Isembert, seigneur de Nogent-le-Roi (Nogent-l’Erembert), lui-même seigneur de Broye et frère de l’évêque d’Orléans Isembert. Au reste, la charte de 1082, présente de graves problèmes d’authenticité et surtout d’intégrité, et la première mention sûre d’un abbé de Notre-Dame est donc bien celle de Bernodalius en 1104.

     (12) L’anthroponyme est rare et nous le retrouvons porté vers la même époque, selon la Chronique de Morigny, par un seigneur de la Ferté-Alais qui donna aux moines de Morigny l’église de Guigneville. Mention est faite aussi du don de l’église de Cerny aux mêmes par Bernodalius Potinus, qui est sans doute le même personnage.

     (13) Clément Wingler (Notre-Dame sous l’Ancien Régime, Étampes, AME, 119, p. 40) cite pour denier abbé Jean de la Chesne; Michel Martin quant à lui s’abstient de le nommer dans sa liste (op. cit., p. 188); dans l’acte de 1193 en question édité par Fleureau, p. 303-304, il se donne lui-même le nom d’Eudes (Odo). Voyez Fleureau, op. cit., p. 350.

     (14) Maurice Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, Paris, Imprimerie nationale, 1908, p. 275, nn. 1 et 3.

     (15) En l’occurrence, dans la charte de 1082, elle est insérée entre l’annonce des suscriptions et les signes royaux de validation.

     (16) Il est amusant de remarquer que Prou concédait que la fin de l’insertion qu’il incrimine dans la charte de 1082 avait pourtant des chances d’être authentique… parce que sa teneur se retrouvait dans celle de 1046. Étudiant spécifiquement les chartes de Philippe Ier, il n’a pas évidemment étudié celle d’Henri Ier avec le même soin que celle de Philippe, qu’il se proposait d’éditer, et il n’a pas soupçonnée qu’elle avait été elle-aussi interpolée dans le même sens.

     (17) Et ne prepositus Stamparum uel aliqua persona alia audeat aliquid inuadere uel accipere in domibus canonicorum; et ne hospitantur canonici ullomodo (1046); In terris canonicorum, que ecclesie fuerint, ministeriales nostri nullam justiciam nec exactionem faciant, nec in domibus eorum violenter hospitalicia fiant (1082).

     (18) Si autem in posterum alicui persone locus concederetur ad custodiendum, ne eius prelatio canonicis obesse posset; omnia ministeria ecclesie canonicorum potestati et voluntati concedimus (1046); Hec vero consuetudines, quas ipsa ecclesia tenuerat a prefato  Roberto rege, sicut supradictum est, et Henrico rege, patre nostro, videlicet ut ipsi canonici ecclesie ipsius ministeria, preposituram, capiceriam, cantoriam, quibuscunque  ex eis elegerint donent et disponant, etc. (1082).

     (19) Voyez l’introduction d’Alliot à son édition du Cartulaire (en ligne ici sur le Corpus Étampois).

     (20) Clément Wingler, Notre-Dame sous l’Ancien Régime, Étampes, Archives Municipales d’Étampes, 1998, pp. 20-21.

Histoire du texte

08. La question de l’authenticité

     Le lecteur attentif doit ici se poser une question: mais alors, notre charte est-elle authentique? Si l’on excepte le passage que nous venons de caractériser comme évidemment apocryphe, quelle garantie d’authenticité nous donne le reste? Chacun de nos trois témoins du textes en effet contient le passage incriminé; nous ne connaissons donc qu’un texte trafiqué.

Raisons apparentes d’en douter

     De plus plusieurs indices orthographiques trahissent l’unité d’origine de nos trois témoins (1). Ainsi, dans l’exposé, une formule pourtant stéréotypée, postulans et obnixe obsecrans, «demandant et suppliant instamment», est déformée comme suit: postulant et obnixe obsecrans, «demandent et suppliant instamment». Surtout la source commune de nos trois textes a une tendance fâcheuse à multiplier les consonnes doubles (
2). Ces traits ne peuvent être attribué ni à l’auteur du cartulaire, qui nen est pas familier, ni et encore moins à la chancellerie royale.

     Enfin l’insertion dans une charte royale d’une liste non remaniée produite par des demandeurs semble assez inhabituelle, et il est difficile de comprendre pourquoi on a conservé jusqu’aux fautes de syntaxe les plus évidentes de cette liste. On peut imaginer, naturellement, qu’un notaire opérant à Compiègne en 1046 n’a pas voulu se mêler de corriger les toponymes de la liste qu’on lui avait donnée à recopier, soit par manque d’esprit d’initiative, ou de peur d’altérer des noms de lieu étampois dont il ne connaissait sans doute pas l’arrière-plan vernaculaire. Mais enfin il aurait pu corriger quelques autres fautes de grammaire.

     Il paraît donc légitime de douter de l’authenticité même de notre charte dans son entier: on pourrait parfaitement imaginer que le faussaire a simplement recopié les parties purement formelles d’une charte quelconque de Henri Ier, en y insérant, d’une part, une ancienne liste des biens des chanoines qu’il aura retrouvée dans les archives de la collégiale, puis quelques items de son cru en rapport avec les différents conflits d’intérêt qui étaient ceux des chanoines à son époque, à une période indéterminée comprise entre 1046 et 1364.
     (1) Ces fautes d’orthographe n’apparaissent pas dans le texte de Fleureau qui normalise comme à son habitude l’orthographe des chartes (encore qu’il ait laissé passer par négligence une faute de grammaire évidente qu’on retrouve dans A mais non dans B, ne… hospitantur pour ne… hospitentur). Mais sa faute immutabilis pour imitabilis atteste que sa source avait la même tendance à multiplier les consonnes doubles.

     (2) Perpettue, immitabilis, primittive, sollers, mollendinum (les cinq autres occurrences du mot molendinum n’ont qu’un seul l), dissimullando et sans doute Sewanni (pour le double n). On remarque que A, qui d’une manière générale est beaucoup plus infidèle que B tend à corriger ce travers: perpetue, solers, dissimulando, et va même trop loin dans ce sens dans le cas de tranquilitas, sans parler de imnitabilis, Stamp’ (Stampis), domni (domini), Sevanni (Sewanni), xl° (xlmo).  La comparaison avec le reste du cartulaire, où cette tendance est absente, montre clairement qu’elle provient bien de ses deux sources, et donc de leur source commune, et que celui des deux témoins qui en présente le moins est corrigé par rapport à cette source. Les quelques diplômes originaux édités de manière critique par Tardif en 1866 ne manifestent pas cette tendance qui paraît donc propre à la copie locale qui a été utilisée par le faussaire, car l’interpolation ne présente pas de telles consonnes doubles.
Indices d’authenticité

     Ce qui plaide néanmoins très fortement en faveur de l’authenticité c’est la modestie tout d’abord de ce qui est attesté par cette charte, abstraction faite du passage si évidemment inauthentique.

     Le fait le saillant, à cet égard, est l’absence de toute référence à une fondation de la collégiale par le roi Robert II. La liste des items dont la possessions est confirmée aux chanoines ne mentionne ce roi qu’en passant comme ayant accordé une petite rente à la communauté, sans que même aucune charte ait été accordée en son temps par le dit roi. Le roi Henri de son côté atteste seulement que son père à donné son accord aux donations opérées par ses vassaux. Maurice Prou, évoquant en note notre charte dans son édition de celle de 1082, écrit que «le diplôme du roi Robert est perdu»
(3); mais s’il avait consulté avec plus d’attention la charte d’Henri, il en aurait plutôt tiré la même conclusion que nous: ce diplôme n’a jamais existé, sans quoi celui d’Henri n’aurait pas du tout la forme qu’il a; un faussaire n’aurait pas rédigé de lui-même des passages si évidemment en contradiction avec ce qu’on voulait faire croire au XIIIe siècle.

     Rien n’indique non plus en dehors de notre interpolation que le titre d’abbé de Notre-Dame revienne au roi, ni que ce dernier se réserve quelque droit que ce soit à ce sujet, pas même le patronat; et au contraire tout s’y oppose, si l’on veut bien y réfléchir un instant. Car si le faussaire était aussi l’auteur de l’ensemble de notre charte, il n’aurait pas manqué d’y mentionner, dans la section appelée l’exposé, les droits et les liens particuliers du roi avec le chapitre de Notre-Dame d’Étampes.

     Un troisième indice non négligeable de ce que le faussaire s’est cantonné à interpoler ces nouveaux items, est l’absence de faute grammaticale ou orthographique dans la section évidemment apocryphe qu’on lui doit, et spécialement l’absence de consonnes doubles indésirables, ce qui tend à démontrer que toutes celles qu’on trouve ailleurs dans le texte sont  à attribuer à la source qu’il a utilisée, qui était une copie locale de l’original assez fautive.

     Le quatrième indice qu’on peut faire valoir en faveur de l’authenticité est qu’il existe un lien organique et non ostensible entre l’exposé et la partie du dispositif qui énumère les biens du chapitre. Le principal donateur mentionné par Henri Ier, Herchembault, est un personnage local dont nous ne savons rien par ailleurs et qui n’est même pas mentionné par la liste, qui en revanche donne incidemment les noms de trois autres donateurs auxquels faisait allusion le roi sans les citer, à savoir Thion d’une part, Robert II lui-même d’autre part et enfin Benzelin et sa fille Alais, ces derniers étant, à nouveau, de parfaits inconnus par ailleurs.

     Enfin si le faussaire avait tout composé lui-même, il est douteux qu’il aurait lui-même fait le choix d’insérer dans le texte du dispositif une liste non remaniée où les chanoines parlent à la première personne du pluriel, et, s’il l’avait fait, il aurait continué de la même manière la liste de ses items apocryphes.

     Concluons: que la charte elle-même soit authentique ou non, la liste des possessions du chapitre qu’elle a reproduite présente quant à elle tous les caractères de l’ancienneté et de l’authenticité; mais comme, par ailleurs, elle s’insère harmonieusement dans le cadre de l’acte qui nous l’a conservé (au contraire de l’insertion apocryphe que nous avons mise en évidence), absolument rien ne permet de douter que nous sommes en présence d’une charte authentique, donnée par Henri Ier aux chanoines de Notre-Dame d’Étampes, à Compiègne, un beau jour de l’année 1046.

Sceau d'Henri Ier
Sceau dHenri Ier


     (3) Op. cit., p. 274, n. 1 Dejà, avant lui, Pardessus.



Sceau de Robert II le Pieux
Sceau de Robert II le Pieux

IV. Traduction et commentaire

09. Traduction annotée sommairement

[TITRES DES COPIES]

[TITRE DE LA PREMIÈRE COPIE DANS LE CARTULAIRE]
Copie faite sur l’original: comment il appert que la justice laïque ne peut appréhender un chanoine d’Étampes ni rien saisir dans les maisons où ils demeurent, sous peine de 100 livres d’amende.

[TITRE DE LA COPIE DE 1364 SOURCE DE CETTE PREMIÈRE COPIE] Donné par copie sous le sceau de la prévôté d’Étampes l’an de grâce 1364 le lundi 18e jour du mois de juin (1).

[TITRE DE LA DEUXIÈME COPIE DANS LE CARTULAIRE] Charte donnée par le roi Henri
(2): comment la justice étampoise et les hommes d’un sergent (3) ne peuvent rien prendre dans les demeures des chanoines sous peine de 100 livres d’amende, et confirmation d’un grand nombre de précaires et d’alleux (4).

[ACTE LUI-MÊME]

[INVOCATION] Au nom de la très sainte et indivisible Trinité. [SUSCRIPTION] Moi Henri par la grâce de Dieu roi des Français.


[PRÉAMBULE]
 Faire connaître (5) les largesses que la dévotion a inspirées à la piété humaine en faveur du culte divin, c’est se mettre au service des établissements patronnés par les saints (6) et des communautés de croyants, et ainsi s’assurer une protection autant pour la vie présente que pour la vie éternelle, comme on en a eu de nombreuses preuves depuis longtemps. Ce fruit de la première-née des vertus, à savoir de la charité, est donc des plus salutaires et doit être imité de tous (7): c’est grâce à lui que la paix se répand sur le monde, et qu’aux heureuses récompenses qu’il nous mérite succèdera l’éternelle félicité.

[NOTIFICATION] Qu’il soit donc connu de la diligence experte de tous les fidèles de notre sainte mère l’Église et des nôtres 
(8) [EXPOSÉ] que s’est respectueusement portée en la présence de notre Sérénité la pleine unanimité de Sainte-Marie (9) de la place forte (10) d’Étampes, réclamant et suppliant instamment que soient certifiées par un édit de notre autorité les donations que le prévôt Herchambault (11) et plusieurs autres, avec l’autorisation ou plutôt avec l’approbation de mon père de bonne mémoire Robert, avaient concédées au dit établissement.

[DISPOSITIF] Voici les items dont ils ont demandé qu’il y soit souscrit:  «1. Le village appelé Chancul [Champdoux] avec toutes ses dépendances sans la moindre réserve; 2. une précaire dans le territoire de Sainte-Croix avec tous ses droits coutumiers; 3. le droit de sépulture pour la forteresse d’Étampes, ainsi que pour tout son faubourg y compris l’église Saint-Basile
(12), depuis le moulin de Seguain (13) jusqu’à la terre qui touche au vieux bâtiment (14) de Brunehaut et jusqu’à la rive de la Louie (15); 4. un moulin avec les hôtes (16) et tout le droit coutumier qui nous reviennent, dans le dit faubourg; 5. les offrandes déposées sur l’autel de Sainte-Marie tout au long de l’année sauf lors de l’Assomption de sainte Marie (17); 6. un alleu appelé à-Magneruel-et-Fromonvilliers [Richerelles (18) et Fromonvilliers (19)] avec tous ses droits coutumiers; 7. un alleu appelé à-Anzanvilliers (20) provenant d’un don du chevalier Thion (21) avec tout son droit coutumier; 8. un alleu dans le domaine appelé Aube-Terre (22) avec deux hôtes (16) et avec tout son droit coutumier; 9. un alleu appelé au-Mont-Losbert (23) avec tout son droit coutumier; 10 une précaire dans le domaine appelé aux-Nouare-Mares (24) avec tous ses droits coutumiers moyennant un cens  de douze deniers; 11. un alleu dans le domaine appelé Morigny (25); 12. deux moulins à Bierville (26) moyennant un cens de dix sous, lequel cens, extrait du trésor royal d’Étampes, par un don du roi Robert (27), est reversé au bénéfice de l’Église; 13. à Saclas (28) un demi-moulin en gage pour un montant de trois onces d’or et quarante sous; 14. au susdit Bierville un moulin moyennant un cens de trois sous; 15. les dîmes provenant des Coutures-le-Roi [les Hautes-Coutures] (29) qui sont en contre-haut des Vés-Étampes (30); 16. à côté de notre susdit moulin dans le faubourg une vigne avec deux hôtes moyennant un cens de cinq deniers (31); 17. sous la forteresse d’Étampes un arpent et demi de vigne (32) qui paie quatorze deniers; 18. un alleu à Mébon [Bonvilliers] (33) , qu’a donné Alais (34), fille de Benzelin, pour les funérailles de ce dernier; 19. un autre alleu qu’a donné la susdite Alais, après le décès de ce dernier et de son mari (35), dans le village appelé Rouvray».
     [ADDITION APOCRYPHE DU XIIIe SIÈCLE: 19. Et que le prévôt d’Étampes ni aucune autre personne n’ose rien occuper ni saisir dans les maisons des chanoines, et qu’on n’impose le droit de gîte aux chanoines en aucune manière; 20. et si, à l’avenir un poste était concédé à quelque personne pour l’administrer, que la dignité qui lui sera accordée ne puisse porter préjudice aux chanoines: nous avons concédé tous les ministères de l’église au pouvoir et à la volonté des chanoines; 21. que les affaires des chanoines ne soient pas arbitrées par le jugement d’une personne séculière sinon seulement par le jugement du roi ou bien par celui du préchantre auquel aura été déléguée l’administration de cet établissement.]
[SUITE DU DISPOSITIF AUTHENTIQUE] Les ci-dessus items mis par écrit pour qu’il y soit souscrit, ceux qui ont déjà été accordés et ceux qui à l’avenir, seront dispensés, nous les accordons par édit royal et nous les certifions en les confirmant par notre autorité, [CLAUSE FINALE (PÉNALE)] avec cette clause: si quelqu’un, dissimulant ou négligeant la loi, tente d’y porter atteinte, que son entreprise échoue complètement, et qu’il paie cent livres d’or au trésor royal (36).

[DATE] Fait à Compiègne
(37) l’an 1046 de l’Incarnation du Verbe, et 16 du règne du roi Henri.

[SUSCRIPTION FINALE] C’est moi le chancelier Baudouin, qui, tout en relisant, ai soussigné.

     (1) On est au tout début du règne de Charles V, Jean II le Bon vient de mourir à Londres; le comté d’Étampes est aux mains de Louis II d’Évreux et de son épouse Jeanne d’Eu.
     (2) Henri Ier, troisième fils de fils de Robert II le Pieux et petit-fils de Hugues Capet, né en 1008, sacré dès 1027, règne depuis la mort de Robert en 1031.
     (3) De l’officier royal, c’est-à-dire, public.
     (4) Un alleu est une terre que l’on détient en pleine propriété, tandis que la jouissance d’une précaire (théoriquement révocable comme son nom l’indique) impose de reconnaître, par des redevances et des prestations, l’existence et la supériorité d’un autre propriétaire, le seigneur.
     (5) Est-il question de fournir soi-même des biens (l’un des sens d’exhibere), ou de faire état des donations d’autrui (autre sens de ce verbe)? Nous penchons clairement en faveur de ce deuxième sens; plusieurs passages des chartes du temps expriment en effet nettement le caractère en soi méritoire de cette action.
     (6) C’est ce que signifie en latin médiéval, au moins depuis l’époque carolingienne, l’expression difficile à traduire loci sanctorum, littéralement «les lieux des saints», tour que Fleureau a altéré en «lieux saints».
     (7) Et non pas «immuable pour tous» (?), comme le laisserait croire le texte corrompu que donne Fleureau et que conserve Montrond. On n’est pas loin ici de l’idéologie de la paix de Dieu caractéristique du règne de Robert II.
     (8) Corrélativement la charte est rédigée eu deux exemplaires originaux, l’un destiné aux chanoines eux-mêmes, l’autre conservé par l’administration royale.
     (9) C’est-à-dire le chapitre, l’ensemble des douze chanoines.
     (10) Latin castrum, ancien français châtre, qu’on pourrait peut-être remettre à l’honneur.
     (11) La forme Archambault n’a pas de raison d’être ici car elle repose sur une confusion entre la racine d’origine grecque arch- et l’étymologie germanique erchen- que le latin a parfaitement et délibérément conservée.
     (12) Littéralement: «le castrum et (et) tout le suburbium avec (cum)», c’est-à-dire «y compris» l’église Saint-Basile.
     (13) Sewannus, graphie non attestée par ailleurs à ma connaissance d’un anthroponyme qui doit être le même que Sewinus, forme alternative de Seguinus, prononcé de toute façon Sevin ou plutôt Seguin, mais ici compris Sevain et latinisé sur le modèle de Silvain, latin Sylvanus. Le double n est sans doute à mettre au compte du copiste intermédiaire antérieur au faussaire.
     (14) Edificium Brunechildis. Le texte de la première version du cartulaire (moins fiable) porte ici un texte différent: Officium turris Brunechildis, «jusqu’à la terre qui appartient (autre sens du verbe pertinere) à l’antique ensemble domanial (?) (officium) de la tour de Brunehaut». Notons que ce sens médiéval du mot officium est fort rare ( on trouve aussi celui de «lieu où l’on rend la justice»), et surtout que le texte de A, seul à porter cette leçon est corrompu en plusieurs endroits; que Fleureau ne l’a pas lu dans leur source commune; et qu’enfin le mot edificium est pour sa part bien représenté dans la langue des chartes du temps, spécialement dans les descriptions de ce genre.
     (15) Et non pas de la Juine (erreur de Fleureau non corrigée par Montrond). Voir le commentaire.
     (16) Un hôte est un tenancier qui n’est théoriquement pas soumis au seigneur de par son statut personnel (à la différence des hommes de corps), mais seulement de par la coutume de la seigneurie où il réside.
     (17) C’est-à-dire le 15 août, où, comme il sera précisé en 1120, les offrandes reviennent à l’abbé.
     (18) Magniruallo et non Magnervallo comme le transcrivent Fleureau et Montrond, c’est-à-dire «Ruel de Magne» ou «de Mainier», est devenu entre 1046 et 1343 Richerelles (hameau de la commune d’Andonville, tout proche de Fromontvilliers), «Ruel de Riche» ou «de Richer», par une évolution comparable à celle de la Ferté Baudouin devenue la Ferté Alais.
     (19) Frotmundiuillario (transcrit erronément Frotmunvillario par Fleureau, Frotmunivillario par Menault, Frutmanvillaria par Martin), c’est-à-dire «ferme de Fromont».
     (20) Nous n’avons pu localiser ce lieu-dit.
     (21) Étampois bien connu par ailleurs, notamment par une donation aux moines de Fleury antérieure à 1031.
     (22) Ou Obterre, lieu-dit de la commune de Chalô-Saint-Mars, aujourd’hui Les Boutards.
     (23) Lieu-dit non identifié. Cet anthroponyme rare paraît bien avoir été en usage à Étampes puisque nous voyons en 1246 un certain Lobert d’Étampes (Loobertus) panetier de saint Louis.
     (24) Peut-être les Hautes-Mares (c’est-à-dire la Pointe à Corbeil) et les Basses-Mares, au Chesnay. Nouare (Nuara) est d’après le contexte un anthroponyme vraisemblablement féminin.
     (25) Première mention de ce lieu-dit, une génération avant l’arrivée des moines de Saint-Germer-de-Fly.
     (26) Hameau de la commune de Boissy-la-Rivière.
     (27) C’est apparemment la seule donation faite par le roi lui-même aux chanoines: on leur rend le cens qu’ils continuent tout de même de verser pour  marquer qu’ils ne sont pas seigneurs de ces moulins.
     (28) Il s’agit bien de Saclas, malgré les réticences de Sœhnée égaré par une mauvaise leçon de la version A,
     (29) Tout le secteur jusqu’à Lhumery paraît avoir été originellement de possession royale. Il y existe encore une terre dite les Hautes Coutures.
     (30) Le mot vés, «gués» se prononçait en ancien français comme l’adjectif vez, «vieux, vieilles», de sorte que l’expression «les Gués d’Étampes», qui désignait le secteur de Saint-Martin d’Étampes depuis l’époque mérovingienne, après l’érection d’un pont sur la Louette et la Chalouette vers le 10e siècle, a été compris «les Vieilles Étampes».
     (31) Et non pas cinq sous, ce qui serait douze fois plus
     (32) Vigne non localisée à notre connaissance.
     (33) Mansus Bavonis, que nous rendons audacieusement ici par «Mébon» puisque Mansus Roberti a bien donné donné «Mérobert». Il apparaît que le tour Manse de Bavon a ultérieurement été remplacé par le tour Villier de Bavon (Bavonis villare). Les deux termes désignaient un «domaine», sans qu’on puisse préciser la nuance qui les distinguait éventuellement.
     (34) Latin Adeladis, comme plus tard la dame éponyme de la Ferté-Alais.
     (35) C’est bien l’un des sens usuels de dominus.
     (36) C’est la peine la plus fréquemment envisagée pour ce genre d’actes au moins sous Robert II et Henri Ier. Le mot latin fiscus alterne librement selon les chartes avec ærarium.
     (37) Compiègne (Oise) est depuis le règne de Dagobert (629-638) l’un des sièges principaux du gouvernement itinérant des rois mérovingiens, carolingiens, puis capétiens.

10. Texte normalisé et traduction vis-à-vis
     Nous donnons ci-après un texte à l’orthographe normalisée, à l’intention des latinistes qui ne seraient pas familiers avec les graphies du latin médiéval et pour faciliter les recherches des internautes. Nous gardons cependant pour «alleu», la graphie alodus (au lieu de la forme canonique postérieure neutre allodium), et de même pour «arpent», la graphie arpennum plutôt que la forme canonique postérieure arpentum. Nous portons en regard une traduction allégée de toute note.

[TITRES DES COPIES]

     Donné par copie soubz le seel de la preuosté d’Estampes l’an de grace mil .ccc. soixante et quatre le lundi xvii° iour du moys de iuing.

     [A] Copie faicte à l’original. Comment il appert que la iustice laye ne peulent mettre la main a ung chanoine d’Estampes ne prendre riens ès maisons où ilz demeurent sur pene de .c. livres d’ammende.

     [B] Carta data a rege Henrico, quomodo justitia Stampensis virique servientis non possunt aliquid accipere in domibus canonicorum sub poena C librorum, et de confirmatione praecariarum et alodorum plurimorum.
[TITRES DES COPIES]

     [Titre de la copie de 1364] Donné par copie sous le sceau de la prévôté d’Étampes l’an de grâce 1364 le lundi 18e jour du mois de juin.

     [Titre de la version A (fin XVe siècle)]
  Copie faite sur l’original: comment il appert que la justice laïque ne peut appréhender un chanoine d’Étampes ni rien saisir dans les maisons où ils demeurent, sous peine de 100 livres d’amende.

    [Titre de la version B (fin XVe siècle)] Charte donnée par le roi Henri:
comment la justice étampoise et les hommes d’un sergent ne peuvent rien prendre dans les demeures des chanoines sous peine de 100 livres d’amende, et confirmation d’un grand nombre de précaires et d’alleux.


     In nomine sanctae et individuae Trinitatis. Ego Henricus Dei gratia Francorum rex.

     Cum in exibitione temporalium rerum quas humana religio divino cultui famulando locis sanctorum et congregationibus fidelium ex devotione animi largitur tam praesentis quam perpetuae vitae, ut jam pridem multis expertum est indiciis, solatium adquiratur, saluberrimus valde et omnibus imitabilis est hic fructus primitivae virtutis, scilicet caritatis, per quem et mundi prosperatur tranquillitas et felici  remuneratione aeterna succedit felicitas.

     Noverit ergo omnium sanctae matris ecclesiae fidelium, et nostrorum  sollers curiositas, quod devote accesserit ad nostrae serenitatis praesentiam communis assensus Sanctae Mariae Stampensis castri, postulans et obnixe obsecrans nostrae auctoritatis praecepto firmari ea quae Herchembaldus praepositus, et plures alii, annuente uel potius favente bonae memoriae genitore meo Roberto, praedicto loco concesserant.

     Sunt autem quae annotari petierunt haec: Vicus qui dicitur Canis Culus cum omnibus appendentiis sine ulla redhibitione; praecariam unam in terra Sanctae Crucis cum omnibus consuetudinibus sub censu V solidorum; sepultura Stampensis castri et totius suburbii cum ecclesia sancti Basilii, a molendino Sewanni usque ad terram quae pertinet ad vetus aedificium Brunihildis et usque ad ripam Louiae; molendinum unum cum hospitibus cum omni consuetudine ad nos pertinentibus in eodem suburbio; oblationes altaris sanctae Mariae per totum annum, excepta Assumptione sanctae Mariae; alodum unum qui dicitur Magni Ruallo et Frotmundi Villario cum omnibus consuetudinibus; et unum alodum qui dicitur Anseni Villario ex beneficio Teudonis militis cum omni consuetudine; et unum alodum in villa quae dicitur Alba Terra cum duobus hospitibus et cum omni consuetudine; et unum alodum in villa quae dicitur Monte Losberti cum omni consuetudine; et praecariam unam in villa quae dicitur Nuarae Mariis cum omnibus consuetudinibus sub censu duodecim denariorum; et unum alodum in villa quae Mauriniacus dicitur; et duos molendinos in Biervilla sub censu X solidorum, qui census de fisco regali Stampis donante Roberto rege ad opus ecclesiae persolvitur; in Sarcleiis dimidium molendinum in vadimonio precii III unciarum auri et XL solidorum; in supradicta Biervilla molendinum unum sub censu III solidorum; et de Culturis Regis quae super Stampas Vetulas sunt decimas; et juxta molendinum nostrum praedictum in suburbio vineam cum II hospitibus sub censu V denariorum; subtus castrum Stampis vineae arpennum et dimidium qui solvit XIV denarios; et unum alodum apud Mansum Bavonis quem dedit Adeladis filia Benzelini propter sepulturam ejus; et alium alodum quem dedit supradicta Adeladis post excessum ejus et domini sui in villa quae dicitur Rovreia
     [et ne praepositus Stamparum vel aliqua persona alia audeat aliquid invadere vel accipere in domibus canonicorum; et ne hospitentur canonici ullomodo; si autem in posterum alicui personae locus concederetur ad custodiendum, ne ejus praelatio canonicis obesse posset; omnia ministeria ecclesiae canonicorum potestati et voluntati concedimus; et ne discutiatur causa canonicorum judicio alicujus saecularis personae nisi tantum regis judicio aut praecentoris cui committetur ille locus ad custodiendum.]
     Haec supra annotanda exarata, quae hactenus sunt concessa et quae amodo, Deo donante, concedenda, regali praecepto concedimus, et nostra auctoritate adstipulendo corroboramus, eo pacto ut, si quis legem dissimulando vel neglegendo, haec violare temptaverit, conatus illius omnino frustretur, et fisco regali C librae auri persolvantur.

     Actum Compendii millesimo quadragesimo sexto
anno incarnati Verbi, regnique Henrici regis decimo sexto. Ego Balduinus cancellarius relegendo subscripsi.
[ACTE LUI-MÊME]

     Au nom de la très sainte et indivisible Trinité. Moi Henri par la grâce de Dieu roi des Français.

     Faire connaître le
s largesses que la dévotion a inspirées à la piété humaine en faveur du culte divin, c’est se mettre au service des établissements patronés par les saints et des communautés de croyants, et ainsi s’assurer une protection autant pour la vie présente que pour la vie éternelle, comme on en a eu de nombreuses preuves depuis longtemps. Ce fruit de la première-née des vertus, à savoir de la charité, est donc des plus salutaires et doit être imité de tous: c’est grâce à lui que la paix se répand sur le monde, et qu’aux heureuses récompenses qu’il nous mérite succèdera l’éternelle félicité.

     Qu’il soit donc connu de la diligence experte de tous les fidèles de notre sainte mère l’Église et des nôtres
que s’est respectueusement portée en la présence de notre Sérénité la pleine unanimité de Sainte-Marie de la place forte d’Étampes, réclamant et suppliant instamment que soient certifiées par un édit de notre autorité les donations que le prévôt Herchambault et plusieurs autres, avec l’autorisation ou plutôt avec l’approbation de mon père de bonne mémoire Robert, avaient concédés au dit établissement.

    Voici les items dont ils ont demandé qu’il y soit souscrit:  Le village appelé Chan Cul avec toutes ses dépendances sans la moindre réserve; une précaire dans le territoire de Sainte-Croix avec tous ses droits coutumiers; le droit de sépulture pour la forteresse d’Étampes, ainsi que pour tout son faubourg y compris l’église Saint-Basile, depuis le moulin de Seguain jusqu’à la terre qui touche au vieux bâtiment de Brunehaut et jusqu’à la rive de la Louie; un moulin avec les hôtes et tout le droit coutumier qui nous reviennent, dans le dit faubourg; les offrandes déposées sur l’autel de Sainte-Marie tout au long de l’année sauf lors de l’Assomption de sainte Marie; un alleu appelé à-Magneruel-et-Fromonvilliers avec tous ses droits coutumiers; un alleu appelé à-Anzanvilliers provenant d’un don du chevalier Thion avec tout son droit coutumier; un alleu dans le domaine appelé Aube-Terre avec deux hôtes et avec tout son droit coutumier; un alleu appelé au-Mont-Losbert avec tout son droit coutumier; une précaire dans le domaine appelé aux-Nouare-Mares avec tous ses droits coutumiers moyennant un cens  de douze deniers; un alleu dans le domaine appelé Morigny; deux moulins à Bierville moyennant un cens de dix sous, lequel cens, extrait du trésor royal d’Étampes, par un don du roi Robert, est reversé au bénéfice de l’Église; à Saclas un demi-moulin en gage pour un montant de trois onces d’or et quarante sous; au susdit Bierville un moulin moyennant un cens de trois sous; les dîmes provenant des Coutures-le-Roi qui sont en contre-haut de d’Étampes les Vés; à côté de notre susdit moulin dans le faubourg une vigne avec deux hôtes moyennant un cens de cinq deniers; sous la forteresse d’Étampes un arpent et demi de vigne qui paie quatorze deniers; un alleu à Mébon qu’a donné Alais
, fille de Benzelin, pour les funérailles de ce dernier; un autre alleu qu’a donné la susdite Alais, après le décès de ce dernier et de son mari, dans le village appelé Rouvray.
     [INTERPOLATION DU XIIIe SIÉCLE]: Et que le prévôt d’Étampes ni aucune autre personne n’ose rien occuper ni saisir dans les maisons des chanoines, et qu’on n’impose le droit de gîte aux chanoines en aucune manière; et si, à l’avenir un poste était concédé à quelque personne pour l’administrer, que la dignité qui lui sera accordée ne puisse porter préjudice aux chanoines: nous avons concédé tous les ministères de l’église au pouvoir et à la volonté des chanoines; que les affaires des chanoines ne soient pas arbitrées par le jugement d’une personne séculière sinon seulement par le jugement du roi ou bien par celui du préchantre auquel aura été déléguée l’administration de cet établissement.]
     Les ci-dessus items mis par écrit pour qu’il y soit souscrit, ceux qui ont déjà été accordés et ceux qui à l’avenir, seront dispensés, nous les accordons par édit royal et nous les certifions en les confirmant par notre autorité, avec cette clause: si quelqu’un, dissimulant ou négligeant la loi, tente d’y porter atteinte, que son entreprise échoue complètement, et qu’il paie cent livres d’or au trésor royal.

     Fait à Compiègne 
l’an 1046 de l’Incarnation du Verbe, et 16 du règne du roi Henri. C’est moi le chancelier Baudouin, qui, tout en relisant, ai soussigné.

11. Les biens du chapitre en 1046

     1. Chancul (Canis Culus). Sur le hameau (vicus) de Chancul, alias Champdoux, qui n’est plus qu’une ferme, nous renvoyons à ce que nous en avons déjà écrit (1). Rappelons seulement ici nos conclusions: ce toponyme signifiait, avec un jeu de mots certainement délibéré, «Écart tenu par le dénommé Chien»; en 1106, Gilbert Chien est le dernier abbé de Saint-Martin; les Chien (dont le nom était prononcé localement Chan) étaient donc une très noble famille de l’Étampois.  Ajoutons-y un nouvel indice de leur puissance: il existe un lieu-dit Chanval à Guillerval, commune voisine de celle d’Étampes, dont l’étymologie n’est pas douteuse, «Val de Chien», et qui ne peut qu’avoir appartenu à la même famille. Dans la suite des temps, le lieu-dit Chancul a pris le nom plus décent de Chandos (Chandoux), où Dos remplace Cul, évolution comparable à celle qu’on observe à Dozulé en Normandie, qui s’est autrefois appelé Culuslé.
cla
     L’ordre de notre liste est peut-être aléatoire mais certainement pas le choix du premier item mentionné. Le principal donateur, à ce qu’il paraît, avait été le prévôt Herchembault (
2), dont nous ne connaissons le nom que par cette charte. Il est donc très probable qu’il est l’auteur de la première donation mentionnée. Et si c’est Herchembault qui a bien donné Chancul, c’est qu’il était comme Gilbert à la génération suivante d’une famille assez puissante au tout début du XIe siècle pour que le roi y recrute et son prévôt et les abbés de la plus ancienne collégiale de la ville: c’était certainement un Chien.
Chandou et le Chesnay sur la carte de Cassini de 1756
Chandou et le Chesnay vers 1756

     (1) Cahier d’Étampes-Histoire n°6, pp. 76-79. Ajoutons que dans le même diocèse de Sens, Villecien, commune de l’Yonne, est cité au XIIe siècle sous le nom de Villa Canis, comme une possession de l’abbaye de l’abbaye de Vauluisant (fondée en 1127 à Courgenay dans l’Yonne) puis au XIIIe siècle comme appartenant à Saint-Pierre-le-Vif de Sens. Il existe aussi une commune de Villechien dans la Manche (citée dès 1096).
     (2) Et non pas le roi Robert lui-même, comme l’écrivent avec un curieux aveuglement presque tous les auteurs qui se réfèrent à notre document, dont L.-E. Lefèvre, op. cit., p. 9.
    2. Une précaire dans la terre de Sainte-Croix. Il ne s’agit évidemment pas ici de la collégiale Sainte-Croix d’Étampes, comme l’affirme par erreur Sœhnée (1), puisque cette église ne sera fondée qu’en 1183, mais du chapitre de Sainte-Croix d’Orléans, qui possède depuis l’époque carolingienne (2) un vaste domaine comprenant les lieux-dits actuels Ormoy-la-Rivière, Boissy-la-Rivière, la Forêt Sainte-Croix et le Mesnil-Girault (3). Les propriétaires ecclésiastiques de l’époque carolingienne accordaient fréquemment à des chevaliers (milites) de telles précaires, avec pour condition de défendre leurs terres. Ainsi entrée dans le patrimoine d’une famille de chevaliers, elle a été donnée ou léguée au chapitre de Notre-Dame d’Étampes, qui se trouve ainsi sur cette terre vassal de celui de Sainte-Croix d’Orléans.
     (1) Loc. cit.
     (2) Un diplôme de Carloman de 883 confirme la donation de cette terre et de ses dépendances faite par son grand-père Charles le Chauve (843-877). Les confirmations suivantes précisent le nom des dépendances principales, à partir d’un diplome de Lothaire de 956.
     (3) Voyez l’étude récente d’Alain Devanlay, «Le domaine du Chapitre de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans dans l’Étampois (IXe siècle-XVIIIe siècle)», in Cahier d’Étampes-Histoire 7 (2005), pp. 58-71
     3a. La forteresse d’Étampes. Il s’agit ici de la partie fortifiée de la ville, castrum, correspondant à l’ancien français châtre, terme qu’il faudrait peut-être remettre à l’honneur. La suite permet de se faire une idée de l’extension de cette enceinte, nettement plus restreinte que ce qu’a suggéré Michel Martin en 2003.

Proposition de plan du castrum d'Etampes en 1046

     3b. Tout le faubourg y compris l’église Saint-Basile. Littéralement: du castrum «et» (latin et) de tout le suburdium «avec» (latin cum), c’est-à-dire «y compris» l’église Saint-Basile. La préposition cum, dans les listes de ce genre, introduit habituellement une sous-partie de l’item dont on parle plutôt qu’un nouvel item à proprement parler. Le contexte semble bien indiquer que l’église Saint-Basile est alors en dehors des remparts, sous (sub-) les murs de la ville (-urbi-), hors du châtre. Le sens naturel du texte implique donc que l’église Saint-Basile n’était pas comprise dans l’enceinte du castrum, contrairement à ce qu’affirmait encore récemment Michel Martin avec insistance (1).

     De plus, on ne peut donc plus également en attribuer la construction à Robert II, comme je l’ai fait moi-même dans un article précédent (2), à la suite de Fleureau et de tous les historiens d’Étampes. La base de cette croyance était le témoignage d’Helgaud qui attribue à Robert la fondation à Étampes d’une deuxième église dont il ne donne pas la titulature mais qu’il situe dans le palais: Item in ipso castro, ęcclesiam unam in palatio.

     Or le palais était évidemment dans l’enceinte de la forteresse (3), mais non pas Saint-Basile. Il en faut donc conclure que cette deuxième église était bien la simple chapelle de ce palais, dont dans un autre passage Helgaud attribue plutôt la fondation à la reine Constance, et qui fut ultérieurement déplacée avec celui-ci, du côté de Guinette, en dehors de la première enceinte, hypothèse déjà envisagée par Fleureau, mais rejetée par lui pour de mauvaises raisons
(4).

     De plus, au début du XIIe siècle, lorsque Hugues de Sainte-Marie (lui aussi moine de Fleury) fait à son tour la liste de ce qu’a bâti Robert II, il ne mentionne plus en ce sens qu’une seule église à Étampes, Notre-Dame (5). La fondation de Saint-Basile, mentionnée sous Henri Ier comme une dépendance de Notre-Dame dans une liste de possessions remontant au règne précédent, remonte donc nécessairement, soit à Hugues Capet, ou plutôt à la période carolingienne (
6), comme l’indique la caractère très archaïque des sculptures qui ornent encore pour quelques années son tympan, et dont je rappelle quelles sont en voie de disparition totale sans que personne ne paraisse sen soucier.

     Cette hypothèse n’est pas déraisonnable du point de vue d’un spécialiste du culte des saints en Île-de-France. Pierre Gillon
en effet, de l’Université de Picardie, en réaction à la première mise en ligne de cet article (7), nous écrit que «la mémoire de Basile a été commémorée dans les monastères dès lors que la Règle de saint Benoît s’est imposée au début du IXe siècle»; or «la fondation d’Étampes est une titulature rare (pas d’autre en Ile-de-France; en Normandie, J. Fournée (8) n’en signale que trois sur 4334 églises), à connotation fortement monastique»; on peut donc effectivement se demander «s’il ne s’agirait pas d’une petite fondation monastique carolingienne, absorbée par la nouvelle collégiale».

Griffon du tympan de l'église Saint-Basile d'Etampes (début XIe siècle)
Griffon de Saint-Basile d’Étampes régurgitant une jambe (Xe ou XIe siècle)
     (1) Op. cit., pp.75, 85 (plan) et 187.

     (2) Cahier d’Étampes-Histoire 6 (2004), pp. 54-66.

     (3) Où était le palais de Robert le Pieux? Fleureau et la plupart des auteurs ultérieurs le situent à l’emplacement de celui qu’on appelé ultérieurement le palais du Séjour, qui est l’actuel Palais de Justice. Mais cette hypothèse posait déjà un problème à l’époque de Fleureau où certain se sentaient par suite obligés de supposer (à ce qu’il rapporte, op. cit., p.26) «qu’ils y residoient seulement le jour, & se retiroient le soir au Château pour le seureté de leurs personnes». Michel Martin hésite: «En effet, si le palais se situe à l’emplacement du du palais du Séjour, il se trouve hors du castrum, contrairement à l’indication du moine Helgaud» (op. cit., p. 141). En fait Monique Chatenet a montré que le palais de Robert se trouvait plus probablement dans le secteur encore appelé Donjon au XVIe siècle, entre l’impasse aux-Cerf et la rue du Petit Panier. «Selon l’acception médiévale, le terme donjon désigne la partie principale du logis seigneurial — aussi bien le lieu d’exercice du pouvoir que le complexe résidentiel» (in Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, Paris, éditions du Patrimoine, 1999, pp. 39-41).

     (4) Antiquitez, pp. 399-400. Fleureau voit bien que castrum signifie non pas proprement le château mais toute la partie fortifiée de l’agglomération. Mais il pense qu’elle a toujours eu la même extension et donc englobé, dès l’époque de Robert II,  le château de Guinette et Saint-Basile. De plus il ne cite et donc connaît ou ne veut connaître qu’un texte tronqué d’Helgaud (pp. 290 et 399), amputé de la mention in palatio, «dans le palais». Le raisonnement de Fleureau, de toutes façons parti sur la mauvaise base d’une information tronquée, s’embrouille par ailleurs: car il prétend qu’il n’a jamais existé rien d’autre dans le château qu’un oratoire qui n’a jamais pu être appelé église, ecclesia, alors que c’est bien le titre que donne à la chapelle Saint-Laurent le premier document qui en fasse mention, à savoir une bulle du pape Luce III en date de 1185, qu’il cite lui-même, pages 317-318.

     (5) Recueil des Historiens de la France, tome XII, p. 794.

     (6) On notera à titre de curiosité que dans la Chanson de Roland (du XIe siècle), le pommeau de la fameuse épée du héros, Durandal, entre autres reliques prestigieuses, contient «du sang de Saint-Basile» (mais, à ce que nous indique Pierre Gillon, il a été démontré qu’il y a alors confusion avec le saint martyr Basilide).

     (7) Pierre Gillon, courriel au Corpus Étampois en date du 12 novembre, dont il nous a autorisé à reproduire des passages, vu qu’il n’envisage pas de publier le résultat de ses recherches sur saint Basile, dont le culte est trop peu représenté en Île-de-France.

     (8) Le culte populaire et l’iconographie des saints en Normandie, t. 1, Paris, 1973, p. 31.
     3c. Le moulin de Segain. Et non pas de Sénaune, comme l’écrivait Montrond d’après le texte de Fleureau qu’il a négligé encore une fois de corriger. Le texte B porte Sewannus, simplifié en Sevannus par le texte A. Rappelons par ailleurs que nous dépendons d’un copiste qui a tendance à redoubler les consonnes et que par suite la leçon originelle était peut-être Sewanus. Il s’agit peut-être d’une variante locale de l’anthroponyme plus courant Sewinus, autrement écrit Seguinus et Sevinus (sur le modèle Albin, Albinus). Nous supposons qu’il s’agit ici d’une rétroversion latine maladroite de Seguin / Sewin, compris Segain, Sewain (sur le modèle de Sylvain qui provient bien pour sa part d’un latin Sylvanus). Le nom de Sevinus, Sewinus ou Seguinus a notamment été porté par archevêque de Sens à la fin du 10e siècle, sous le règne de Hugues Capet et au commencement de celui de Robert le Pieux (1).

     Le contexte suggère que le moulin qui portait se trouvait à la limite de la paroisse de Notre-Dame du côté de Saint-Martin (puis de Saint-Gilles, paroisse détachée ultérieurement de celle de Saint-Martin). Deux possibilités se présentent. Il peut s’agir, comme le suggère après d’autres Michel Martin, du moulin ultérieurement appelé Sablon, qui appartenait au roi, et qui de fait pendant des siècles marqua la limite de la paroisse Notre-Dame, d’abord avec celle de Saint-Martin, puis avec celle de Saint-Gilles lorsque cette dernière fut constituée par un démembrement de celle de Saint-Martin.

     Mais comme rien n’indique positivement que ce moulin de Segain ait appartenu au roi, et comme son nom tend plutôt à indiquer le contraire, on ne peut exclure que ce moulin se soit trouvé plus bas, sur l’ancien cours de la Louie ou Loa (c’est-à-dire sur le cours du ruisseau dit de la Filière) encore alimenté par les eaux de la Chalouette, avant que celles-ci ne soient réunies elles aussi à celles de la Louette devenue la Rivière d’Étampes. Ce serait dans ce cas, un moulin depuis longtemps disparu.

     (1) Seguin de Sens a été un grand reconstructeur dans toute l’étendue de son diocèse, au moins à Sens même et à Melun: pourquoi pas, donc, à Étampes?
     3d. Le vieux bâtiment de Brunehaut. Jusqu’au début du XIXe siècle on voyait encore dans ce secteur les assises certainement gallo-romaines d’une tour circulaire que je soupçonne fortement d’avoir été initialement un monument funéraire plutôt que militaire, et qui portaient les ruines de reconstructions ultérieures, peut-être mérovingiennes.

     Il est plus d’un site qu’on ait appelé Tour de Brunehaut et pour certains depuis fort longtemps (
1). Mais cela n’implique pas que cette dénomination soit fantaisiste. Elle peut refléter au contraire une occupation mérovingienne faisant suite à l’occupation gallo-romaine du secteur, déjà avérée par l’archéologie au XVIIe siècle.

     A Tongres en Belgique, des fouilles ont livré déjà depuis le XIXe siècle une partie d’autel dans les fondations du «Château de Brunehaut», de même qu’on a trouvé au Brunehaut d’Étampes à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe un atlante ithyphallique toujours conservé au Musée d’Étampes et provenant lui aussi certainement, à mon sens, d’un autel gallo-romain monumental.

La Tour de Brunehaut au XVIIIe siècle

     (1) Comme à Auxerre, à Girolles dans l’Yonne, à Vaudémont et à Époisses en Lorraine, ou à Chiny en Belgique, entre autres.
     3e. La Louie. En latin Louia, et non pas Iunia. Tous les éditeurs de notre texte écrivent que les chanoines ont le droit de sépulture (sepultura) jusqu’à la rive de la Juine (usque ad ripam Juinae). C’est l’une des nombreuses fautes que Montrond n’a pas corrigées. Nous donnons ci-contre la photographie du texte des deux versions pour ce mot, et, à l’appui de cette lecture, ceux du mot locis dans la même charte. Les deux textes manuscrits portent sans aucun doute possible usque ad ripam Louie (1), c’est-à-dire «jusqu’à la rive de la Lovie» ou plutôt «de la Louie», rivière dont le nom se transcrivait encore Loa au VIIe siècle, dans la chronique dite du pseudo-Frédégaire (2). Fleureau s’est laissé obnubiler par sa conception préconçue des limites de la paroisse Notre-Dame, qui de son temps est séparée de celle de Saint-Pierre par la Juine. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce n’est pas le seul cas où le nom de la Louette a été altéré et abusivement remplacé par celui de la Juine (3).

     Comment donc comprendre notre texte? A mon sens il n’est qu’une seule solution. Avant le détournement de la Louette, cette rivière se joignait à la Chalouette. Puis les eaux mêlées de ces deux rivières suivaient le cours de ce qu’on a appelé, après le détournement ultérieur de la Chalouette, le ruisseau de la Filière, et ce jusqu’à la Juine. Comment appelait-on le cours d’eau formé par la réunion de la Louette et de la Chalouette? Selon les conventions actuellement en vigueur, ce serait Chalouette, puisque le cours de cette rivière en aval du confluent est nettement plus long que celui de la Louette. Mais nos ancêtres n’avaient que faire de telles conventions et il paraît bien qu’on appelait alors la Louie (évolution du latin mérovingien Loa), le cours des eaux réunies de la Louette et de la Chalouette jusqu’à leur embouchure dans la Juine.

     Rappelons qu’il ne s’agit pas alors de déterminer proprement la limite des paroisses, mais l’étendue de la zone où s’exerce le droit de sépulture du chapitre. Dans ce cadre, la zone marécageuse qui séparait la Loa de la Juine n’intéressait pas alors grand monde, puisqu’elle était sans doute alors inhabitée.

     Quant au cours supérieur de la Loa, seul conservé, il a pris, ou plutôt conservé pour nom la forme diminutive que l’on accorde usuellement aux affluents de certaines rivières tels que le Loiret (Ligeritus, petite Loire, Ligeris) ou la Moselle (Mosella, petite Meuse, Mosa). Il en a été de même, probablement en grande partie par analogie, pour le cours supérieur de la Chalouette dont le nom originel, d’après un diplôme de 615 (
4), était Calla, sans trace de diminutif, ce qui aurait dû donner à l’époque moderne Challe ou Chelle (5).

     Cette hypothèse nous paraît plus séduisante que celle qu’ont développée récemment Olivier Devilliers et Jean Meyer (6) et qui suscite les justes réticences de Michel Martin (7): l’origine de ces diminutifs seraient dû selon eux à une baisse du débit de ces rivières.
louie (version A)
LOUIE (version A)
louie (version B)
LOUIE (version B)
locis (version A)
LOCIS (version A)

locis (version B)
LOCIS (version B)




     (1) Le -e final est un génitif que Fleureau aurait transcrit selon l’usage de son temps par .

     (2) Voyez ce que j’en ai écrit dans le Cahier d’Étampes-Histoire 6 (2004), p. 75 n. 12 où j’ai traduit et commenté ce passage (et de même Michel Martin, ibid., pp. 67-70).

     (3) Ainsi, dans la Chronique d’Aimoin, lorsqu’elle reproduit le récit de celle de Frédégaire dont nous venons de parler , ne parle plus de la Louette (Loa) mais de la Juine (orthographié Ionia). Dans les deux cas, le L initial est pris pour un I; à quoi s’ajoute le préjugé, qui dispose toujours à lire ce qu’on connaît, ou ce à quoi on s’attend, même au prix d’une supposée correction, plutôt que ce qu’on ignore ou qui surprend; on sait par ailleurs qu’il est parfois difficile, voire impossible de distinguer le u du n dans les manuscrits médiévaux).

     (4) Cet acte mentionne «le domaine de Boinville sur la Chalouette dans le territoire d’Étampes» (villam Bobane quæ est in terraturio Stampense super fluvio Calla).

     (5) La Chronique de Morigny paraît citer le fluvium Calo (éd. Mirot, p. 30), au début du XIIe siècle, mais malheureusement dans un passage très clairement corrompu, sur lequel on ne peut donc pas s’appuyer.

     (6) Frédégaire, Chronique des Temps mérovingiens, Turnhout, Brepols, 2001.

     (7) Michel Martin, «La localisation de la bataille de 604 entre Thierry et Landry», in Cahier d’Étampes-Histoire 6 (2004), pp. 67-68. Nous irons même plus loin que lui: même si l’existence de cette baisse de débit était avérée, elle ne pourrait en aucun cas constituer une explication satisfaisante de cette (prétendue) évolution de l’hydronyme.
     4. Un moulin dans le dit faubourg. «Ce moulin, écrit Michel Martin, p. 105, est situé à l’extérieur du castrum, ce qui paraît curieux». Mais c’est bien ce que dit le texte, et il fait donc bien reconsidérer le tracé de l’enceinte qu’il a proposé, qui de ce côté-là de la ville également est largement surestimé.

     Il s’agit du Moulin Notre-Dame dont on voit encore aujourd’hui les ruines près de la rue du Pont Danjouan, non lui de la Rue qui s’appelle toujours de la Vigne, cette vigne que les chanoines mentionnent un peu plus loin, item n°16.

Le Moulin Notre-Dame et la Rue de la Vigne sur le plan d'Etampes sous l'Ancien Régime reconstitué par Léon Marquis en 1881
Moulin Notre-Dame et rue de la Vigne (Marquis, 1881)

     5. Les offrandes déposées sur l’autel. Les offrandes déposées par les fidèles (selon l’usage du temps) sur l’autel même de la collégiale Notre-Dame le 15 août revenaient en propre à l’abbé, comme cela est précisé en 1120.

     6a. Maigneruel-et-Fromonvilliers (Magniruallo et Frotmundiuillario) L’ensemble est porté fautivement à l’ablatif. Il s’agit ici d’après le contexte, d’un seul et même alleu (1). Comment donc interpréter ce double nom? On pourrait penser qu’il s’agit de deux dénominations alternatives (2). Cependant il est plus vraisemblable qu’il s’agit ici de deux lieux-dits proches l’un de l’autre et constituant une seule unité seigneuriale. De fait nous voyons que le chapitre de Notre-Dame possède encore au 17e siècle un vaste domaine de ce genre autour de Fromonvilliers (3). Après la terrible année 1652, les chanoines considérablement appauvris sont obligés de s’en défaire. Ils cèdent le hameau de Richerelles en 1654 à un seigneur des environs; puis, en 1660, à un autre, leurs droits sur «Fromonvilliers, Tremeville et autres lieux». Fleureau nous précise alors qu’ils les détenaient «d’ancienneté», c’est-à-dire depuis une époque immémoriale, et, apparemment, sans en avoir conservé les titres.
Fromonvilliers et Richerelles au XVIIIe siècle
Fromonvilliers et Richerelles (1756)

     (1) Contrairement à ce qu’en dit Martin, ibid.
     (2) Reflétant le nom de deux propriétaires successifs, comme dans le cas de La Ferté Alais, qui s’est d’abord appelée La Ferté Baudouin.
     (3) Fleureau, Antiquitez, pp. 24-25.
     6b. Magne Ruel (Magniruallo). Ce toponyme est difficile.

     Le latin Magniruallo a été corrompu par Fleureau, malheureusement non corrigé par Montrond, en Magnervallo, terme incompréhensible où aucun des deux éléments constituant le toponyme n’est reconnaissable. En effet l’élement vall- qui a donné -val ou -vau est en latin de la troisième déclinaison (vallis) de sorte qu’il ne peut en aucune manière présenter un ablatif en -o (1); et par ailleurs l’élément Magner- ne peut pas représenter le génitif d’usage dans la langue de notre charte, qui correspond à l’anthroponyme habituel.
     Heureusement les deux copies du cartulaire nous ont conservé la bonne leçon,
Magniruallo, où Magni représente évidemment le génitif de Magnus, et où l’on est par suite obligé de reconnaître dans ruallo l’ablatif d’un mot ruallum ou ruallus, non classique, qui doit être la latinisation du vieux français rual, bien représenté en toponymie (2), bien que son sens ne soit pas certain.
     Que faut-il penser de l’élément Magnus? Il ne signifie pas nécessairement que la véritable étymologie de ce toponyme soit
«Ruel de Magne», mais seulement qu’en 1046 sa prononciation pouvait laisser supposer une telle étymologie. Or, comme l’anthroponyme Magne n’est guère représenté à ma connaissance, il est bien plus probable qu’on est en présence d’un Ruel de Mainier, anthroponyme beaucoup mieux attesté.
     Que faut-il penser maintenant de l’élément Ruel? On évoque le plus souvent dans les cas analogues un diminutif de Ru,
«petit ruisseau».
     
Enfin, est-il possible d’identifier ce lieu-dit? Il s’agit très probablement de Richerelles dans le Loiret, lieu-dit tout proche qui a constitué effectivement une seule unité avec Fronmonvilliers jusqu’au XVIIe siècle. Nous avons vu en effet que les chanoines se défont de ce hameau en 1654; nous trouvons aussi dès 1343 un Sanche de Richerelles (Sancius de Richerellis), chapelain de Notre-Dame (3).
     Magneruel
et Richerelle reflètent selon toutes apparences une étymologie analogue, «Ruel de Mainier» et «Ruels de Richer», de même que vers la même époque «La Ferté Baudouin» se transforme en «La Ferté Alais».

Fromonvilliers et Richerelles au XVIIIe siècle
Fromonvilliers et Richerelles
(carte de Cassini de 1756)




     (1) Le nominatif Magnervallus suggéré par Martin est impossible.

     (2) Par exemple il existe des lieux-dits Le Ruel, dans la commune d’Haravilliers au canton de Marines dans le Val d’Oise, dans la commue de Marais-Vernier dans l’Eure, dans la commune de Cormolain dans le Calvados et dans celle de Bagnols-en-Forêt dans le Var; deux lieux-dits Le Rual en Isère (à Roche et Vignieu), un Ruel à La Guéroulde dans l’Eure, etc. sans parler de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine)

     (3) Édition Alliot, n°33, p. 23.
     6c. Fromonvilliers (Frotmundivillarium), commune du Loiret. Étymologiquement c’est la «ferme de Fromont», c’est-à-dire de Frotmund, anthroponyme germanique (1), encore assez courant au 11e siècle (2) et porté par exemple par le comte de Sens du temps, Fromont II, né vers 960 et mort en 1012, qui portait le nom de son grand-père mort en 951, nom que portera encore son fils et successeur Fromont III, mort en 1029.
     (1) Il est formé de façon classique sur les éléments frod et mund, «prudent» et «protection».
     (2) Rien que dans le tome XI du Recueil des Historiens de la France (qui concerne la période 1031-1050), on trouve mentionnés cinq Fromont différents.
     7a. Anzanvilliers (Anseni Villarium). Fleureau porte Ausunvillario, dont Martin tire un improbable nominatif Ausunvillarius (1). Montrond cependant, justement suivi par Sœhnée, avait pourtant ici heureusement corrigé le texte d’après le témoignage convergent de A et de B, contre lequel ne peut prévaloir celui de Fleureau, d’après l’histoire du texte que nous avons reconstitué: Anseniuillario, c’est-à-dire Anseni Villarium, étymologiquement, Domaine d’un certain Ansenus (2).
     On trouve un toponyme voisin de celui-ci dans une charte de Hugues Capet de 987 sous la forme Anseinivilla, c’est-à-dire Anseini Villa. Il s’agit alors d’Enzanville, actuellement hameau de la commune de Sermaises dans le Loiret, et pendant tout le Moyen Age possession du chapitre de Sens. Il ne peut s’agir du même lieu, puisquAnzanvilliers est un alleu et que les chanoines de Sens sont seigneurs dEnzanville, mais l’anthoponyme représenté est le même dans les deux cas.
     Quel est donc cet anthroponyme rare
Ansenus ou Anseinus, curieusement récurrent dans notre secteur? On peut imaginer qu’il s’agit de l’hypocoristique local d’un nom d’origine germanique dont le premier élément serait Ans- (Anséric, Ansfred, Ansegise, Ansbert, Anschar, etc.), comme c’est probablement le cas pour le plus usuel Ansellus (Anseau).
     Logiquement donc ce toponyme, s’il avait survécu, aurait dû donner quelque chose comme Anzanvilliers
(3). Mais nous ne trouvons pas dans le secteur trace d’un toponyme de ce genre.     
     (1) Villarium est en effet un mot neutre.
     (2) On doit donc rejeter nettement comme rigoureusement impossibles les deux identifications proposées sous toutes réserves par Martin, p. 187, Andonville (Undoni Villa) et Sainvilliers.
     (3) Il faut ici signaler l’existence d’un patronyme contemporain Danzanvilliers (apparemment représenté de nos jours par une seule famille parisienne qui n’en connaît plus l’origine): c’est peut-être une simple coïncidence et ce patronyme peut représenter l’altération du plusieurs toponymes français analogues.
     7b. Le chevalier Thion (ou Teudon, ou Theudon). Ce Thion Ier d’Étampes, né dans la fin du Xe siècle, est très loin d’être un inconnu (1), même si Joseph Depoin l’a curieusement ignoré dans sa généalogie d’Ours le Riche (2). Nous le voyons donner à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire un alleu qui lui venait de son père sous l’abbatiat de Gauslin, c’est-à-dire entre 1008 et 1031 (3). Il est mentionné ici, en 1046, pour avoir donné de son vivant, et probablement sous Robert II, c’est-à-dire avant également avant 1031, à Notre-Dame un alleu non identifié, Anseni Villarium.

     C’est probablement ce même personnage qui a donné son nom au lieu-dit Thionville (4), actuellement situé dans la commune de Congerville-Thionville (Essonne), à côté de Chalou-Moulineux (autrefois Chalo-la-Reine), dans un secteur qui relevait du diocèse de Chartres bien que tourné naturellement vers Étampes, bien plus proche que la lointaine métropole du diocèse.

Thionville et Etampes sur la carte de Cassini (1756)

     Il paraît avoir eu un fils, Ours
(Ier) le Riche, lui-même mort avant 1064, date à laquelle il est mentionné pour avoir détenu de son vivant un certain un alleu à  Étampes, et pour être le père d’un certain Thion (II) (5).

     Thion II, probable petit-fils de Thion Ier, mentionné à la même date de 1064, comme fils d’Ours
(5), puis en 1067 (6), l’est encore en 1082, à Étampes, comme témoin de la charte accordée par Philippe Ier aux chanoines de Notre-Dame (7). Quelques auteurs ont cru devoir conclure de ce passage que le «Thion d’Étampes» en question était le fils d’un certain «Ours de Paris»; mais je montrerai prochainement dans mon édition de la charte en question que ce passage est en réalité corrompu et que l’élement «de Paris» a été déplacé par un copiste maladroit: il qualifiait originalement la personne citée immédiatement après, «Pierre prévôt (de Paris)» comme le montre la suite de la charte, dont le texte est d’ailleurs corrompu de la même amnière en plusieurs autres endroits.

     Ce Thion II eut apparemment à son tour pour fils d’une part Ours (deuxième du nom), et d’autre part Aimon et Milon, qui furent moines.

     Cet Ours II, fils de Thion II, petit-fils d’Ours Ier et probable arrière-petit-fils  de Thion Ier,
est l’objet en 1096 d’une plainte d’Yves, évêque de Chartres, qui demande à l’archevêque Daimbert de Sens de le frapper de sanctions ecclésiastiques en raison des exactions quil a commises dans la partie du diocèse de Chartres qui jouxte le pays étampois (8), à savoir probablement dans le secteur de Thionville.
     Vers la même époque Ours II, alors appelé Ours le Riche d’Étampes, avec son frère Aimon, d’une donation en faveur de l’abbaye de Longpont
(9).
     De même, il est témoin avec son frère Milon, moine, d’une donation au monastère parisien de Saint-Martin-des-Champs (
10).
     Ours II est encore témoin d’un acte signé à Étampes apparemment dans les premières années du XIIe siècle; il est alors accompagné de son fils Thibaud (11).

     Ours II, outre ce Thibaud, paraît avoir eu pour fils un Thion III, que nous voyons vers 1110 autoriser une donation opérée par son propre fils Geoffroy
(12). Voilà pour la descendance apparente de ce Thion, mentionné par notre charte.

     Relativement à sa généalogie ascendante, on est conduit à se demander avec Joseph Depoin (13) si notre Thion Ier d’Étampes et son père, dont nous ignorons le nom, qui paraissent avoir été possessionés dans l’est du pays chartrain, ne seraient pas apparentés, ou à tout le moins alliés à un certain Etienne Chef-de-Fer (Stephanus Caput de Ferro) nommé avec ses fils également nommés Thion et Aimon (Teudo et Amo) dans une charte d’Aivert (Agobardus), évêque de Chartres, entre 1049 et 1060 (14).
     Le dit Thion Chef-de-Fer eut un fils Hardouin (que nous voyons seigneur de Denonville) et une fille Milesende (que nous voyons mariée à Gautier d’Aunay). Il se fit moine de Marmoutier, apparemment au prieuré de Saint-Martin-de-Brétencourt: nous le voyons vers 1080 se démener de tout côté dans la région pour obtenir en faveur de cet établissement la possession de Vierville, et notamment à Étampes où différentes personnes, dont certaines lui sont sans doute apparentées, possèdent des droits sur le même lieu (15).
     Il faut accorder à Depoin que la résurgence des deux mêmes prénoms, Thion et Aimon, dans une famille si proche géographiquement de celle qui nous intéresse, est troublante. Thion Chef-de-Fer est probablement un cousin dOurs II et peut-être sa mère était-elle une sœur de Theudon II.
     (1) Contrairement à ce qu’en dit Dom Jean Leclercq, Yves de Chartres, Correspondance, tome 1, Paris, Belles-Lettres, 1949, p. 206, n. 2.

     (2) Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix 15 (1909), pp. 78-83. En fait Depoin est obnubilé par l’idée que cette famille descend des Le Riche de Paris.

    (3) Mémoire de la Société archéologique de l’Orléanais, II, § 29.

     (4) Hippolyte Cocheris, dans son Dictionnaire des anciens noms des communes du département de Seine-et-Oise de 1874, p. 53, donne trois graphies anciennes de ce nom de lieu sans préciser ses sources: Tyoinvilla (XIIIe s.), Taignunvilla (XIIe s.) et Thianville.

     (5) En 1064, Sanceline, épouse de Gauthier Castel, possède par héritage le huitième d’un «aleu d’Ours Le Riche, père de Thion» (Cartulaire de Longpont, édition Marion, n°CCCXIII, p. 251).

      (6) M. Prou et A. Vidier, Recueil des Chartes de Saint-Benoît-sur-Loire, tome 1, p. 202: Theudo miles Stampensis filius Orsionis..

     (7) Fleureau, Antiquitez, p. 295; Alliot, Cartulaire, p. 68; Maurice Prou, Philippe Ier, p.180.

     (8) Yves de Chartres, Correspondance, tome 1, Paris, Belles-Lettres, 1949, n° 50, pp. 206-207.

     (9) Aymon et son frère Ours Le Riche d’Étampes (Ursus Dives, de Stampis;  Aymo, frater ejus) sont témoins d’une donation de Hugues de Champigny au monastère de Longpont vers 1090 (Cartulaire de Longpont, éd. Marion, n°CIX, pp. 133-134).

      (10) A la fin du XIe siècle, le moine Milon d’Étampes et son frère Ours (Milone monacho de Stampis et frater ejus Urso) sont témoins d’une cession de dîme à ce monastère par Gautier d’Étampes (Liber testamentorum de Saint-Martin-des-Champs, fol. XVIII-XIX, éd. Coüard et alii, Paris, Picard, 1905, p. 52, n°XL, fin XIe siècle).

      (11) Ours fils de Thion (Ursio filius Tedonis) et Thibaud fils d’Ours (Teobaldus filius Ursonis) (Liber Testamentorum de Saint-Martin-des-Champs folio XII, n° XXVII, édition Coüard et alii, Paris, Picard, 1905, p. 25).

     (12) Accord de Thion fils d’Ours d’Étampes, vers 1110, pour la donation de la moitié du port de Paluel par son fils Geoffroy (Cartulaire de Longpont, éd. Marion, n°CCXV, p. 191).

     (13) Op. cit., loc. cit.

     (14) Collection Moreau, XXIV. 152 (cité par Couärd et alii, Liber testamentorum, p. 49, n. 218).

     (15) Archives départementales de l’Eure-et-Loir (et non de l’Eure comme le portent par erreur Depoin et Coüard, dans deux ouvrages différents), cote H 2254. J’éditerai prochainement en ligne cette charte importante qu’ils paraissent ne connaître qu’indirectement et n’avoir pas avoir consultée personnellement.
     8. Aube-Terre (Aubterre, Obterre). Ce lieu-dit bien localisé s’appelle maintenant Les Boutards et se situe dans la commune de Chalô-Saint-Mars. Ce toponyme n’est pas isolé, et il est bien possible qu’il ait réellement signifié, étymologiquement, «Blanche Terre», comme l’entend la retroversion latine de notre charte, qui est usuelle dans le cas des lieux-dits homonymes (1).
     (1) En quelques cas assez rares l’élément Alba-, dans les rétroversions latines du temps, a rendu une forme dévivée par altération de «Abbe-», de sorte qu’il n’est pas en soi rigoureusement impossible qu’on ait ici en réalité une ancienne «Abbeterre, terre de l’abbé».
     9. Mont-Losbert. Le cartulaire mentionne «un alleu nommé Montelosberti avec toutes ses coutumes». Cet item disparaît complètement dans le texte de Fleureau. Montrond repère la lacune mais ne la comble que partiellement en y introduisant qui plus est deux fautes de lecture. Il porte seulement «un alleu nommé Montelesbati». En effet, dans la deuxième copie, la syllabe -ber- est mal formée et peut être lue -ba- si l’on y prête pas attention. Tout se passe comme dans le cas précédent: Menault néglige cette correction, Sohnée suit Montrond, mais l’item disparaît à nouveau dans la liste des biens de Notre-Dame que donne Michel Martin.

     Il s’agit pourtant d’une donnée intéressante, puisque nous sommes cette fois en présence d’un «Mont de Losbert»: anthroponyme fort rare, qui précisément est attesté deux siècles plus tard à la cour de saint Louis, où nous trouvons en novembre 1246 un Loobert d’Étampes panetier, qui ne devait pas être né de la dernière pluie (
1). Par ailleurs les archives du fief de Foresta mentionnent en 1274 comme censitaires les enfans feu Lobert et peu après les anfan feu Loubert (2).
     (1) En novembre 1246 saint Louis récompense Lobert d’Étampes (Loobertus), son panetier, mari d’une certaine Marie elle-même veuve du panetier Loubin (Leobinus), selon Lucien Merlet (Cartulaire des Vaux-de-Cernay, Tome premier 1118-1250, Paris, Henri Plon, 1857, p. 349, note 1, citant Arch. d’Eure-et-Loir, fonds du chap. C. 41, n°56, mis en ligne par l’École des Chartes, http://elec.enc.sorbonne.fr/cartulaires/vauxcernay1/acte384/, en ligne en 2006). Notons qu’en 1236 le bailli d’Étampes s’appelle Adam Le Panetier, ce qui n’est peut-être pas une coïncidence.
     (2) Inventaire-Sommaire des  archives de Seine-et-Oise, série E, tome II, p.276a et 277a.
     10. Nouare-Mares (Nuare-Mariis) toponyme altéré et méconnaissable dans le texte A comme chez Fleureau et Montrond (Nuarevieriis). Notons un possible parallèle dans le Calvados, une commune appelée La Chapelle-Noiremare. Cependant ce n’est pas du tout l’étymologie que suggère la rétroversion latine Nuare Mariis, où le premier élément Nuare paraît représenter un génitif de la première déclinaison (plutôt que l’adjectif noires, car on aurait alors Nigris Mariis; et, de toute façon, l’adjectif noir n’avait pas au XIe siècle sa prononciation actuelle, avec laquelle coïncide par hasard celle de ce terme latin). On paraît donc ici être en présence des Mares d’une certaine Nuara«Nouare». Cet anthroponyme ne paraît pas attesté. Qui a une idée?
     Qoui qu’il en soit, il s’agit peut-être ici du Champtier situé au-dessus du Chesnay, appelé les Hautes-Mares (nom attesté par un plan de 1779 selon Gatineau (1)), ainsi que Pointe à Corbeil, et mentionné sous le premier nom de ces noms comme possession du chapitre dans le Terrier de Notre-Dame de 1539 (2); notons que ce nom de Hautes Mares fait pendant à celui des Basses-Mares (mentionnées au moins en 1781, toujours selon Gatineau), lieu-dit aussi dénommé Champtier des Rosières, à l’entrée du hameau du Chesnay (ces dernières mares existant toujours).
Chandou et le Chesnay sur la carte de Cassini de 1756
Chandou et le Chesnay vers 1756

     (1) Op. laud. ad verb.

     (2) Archives départementales de l’Essonne.
      11. Morigny. Il s’agit ici de la première mention du lieu-dit Morigny, qui va devenir un noyau de peuplement probablement seulement à partir de l’installation des moines de Saint-Germer-de-Fly au siècle suivant, tandis jusqu’alors dans le secteur le noyau principal était probablement Bonvilliers, ce Mansus Bavonis, devenu ultérieurement un Bavonis Villare (ou Villarium).

     12a. Deux moulins à Bierville. On ne sait pas par qui ont été donnés ces moulins: il apparaît que ce n’est pas par le roi lui-même, qui s’est contenté pour sa part de donner son accord à cette donation et qui y a ajouté que le cens qui lui était dû sur ces moulins serait désormais, après sa perception, versé au chapitre.

     Le cens continue cependant d’être versé, parce qu’il constitue la marque principale de la seigneurie, dont le roi n’entend pas se défaire concernant ces moulins, pour lesquels le chapitre lui doit certainement hommage. On les voit encore sur la carte de Cassini de 1756 (ci-contre).

Les deux moulins de Bierville sur la carte de Cassini de 1756
Les deux moulins de Bierville vers 1756
     12b. De fisco regali Stampis, «du trésor d’Étampes». Il ne faut pas interpréter ici Stampis comme un ablatif complément de lieu. Ce tour est en effet à rapprocher de celui qu’on trouve plus bas, subtus castrum Stampis«sous le châtre d’Étampes».
     Dans les deux cas le nom d’Étampes est à comprendre comme un génitif complément de nom, bien qu’il soit traité comme un nom propre indéclinable: c’est alors l’usage pour les villes principales du royaume, Ambianis (Amiens), Aurelianis (Orléans), Cenomanis (Le Mans), Parisius (Paris), Remis (Reims), Senonis (Sens), Trecis (Troyes), Turonis (Tours) (1).
     C’est aussi ce qui explique la légende des monnaies frappées à Étampes depuis le règne du roi Raoul (923-936) jusqu’à celui de Louis VI, qui toutes portent la légende Castellum Stampis, où la forme Stampis qui représente évidemment un complément de nom au génitif, n’est compréhensible qu’à la condition de savoir que Stampis est alors considéré comme indéclinable.

     La source commune du manuscrit utilisé par Fleureau et de la copie A du cartulaire ont abrégé ce tour dans les deux cas en Stamp’, abréviation malheureuse que Fleureau a erronément interprétée comme celle d’un adjectif (2).

Stampis Castellum sur un denier du roi Raoul (923-936)
Stampis (Castellum) sur un denier du roi Raoul (923- 936)

     (1) Voyez le Formulaire d’Odart Morchesne
d’après la version du ms BNF fr. 5024
, édité par Olivier Guyotjeannin et Serge Lusignan sur le site ELEC de l’École des Chartes, http://elec.enc.sorbonne.fr/morchesne/chapitre19/.

     (2) La première fois à l’ablatif, Stampensi, et la deuxième à l’accusatif, Stampense.
     12c. Au bénéfice de l’église (ad opus ecclesie). L’archéologue Louis-Eugène Lefèvre, à qui l’histoire étampoise doit beaucoup, a tenté de soutirer à notre charte, si possible, quelques renseignement sur les campagnes de construction de la collégiale Notre-Dame.
     C’est dans cette optique qu’il relève que cette remise de cens se fait ad opus ecclesiæ. Il voudrait en tirer la conclusion que la construction (opus, «œuvre») de la collégiale Notre-Dame (ecclesia) est toujours en cours en 1046 (1); il est suivi sur ce point par plusieurs auteurs (2) dont ceux de la notice des Monuments Historique, désormais mise en ligne par plusieurs sites internet, notice qui répercute aussi la légende d’une fondation de Notre-Dame à la date précise de 1022
(3).
     Malheureusement pour l’archéologie, le sens constant de l’expression ad opus, en latin médiéval, est tout simplement: «au benéfice de»; au reste il ne faudrait pas oublier que le sens usuel en latin d’ecclesia est celui de «communauté ecclésiastique». Aussi cette expression signifie-t-elle tout simplement que cette somme est versée au chapitre. Fleureau lui-même reproduit une charte de Louis VII de 1147 qui mentionne une donation ad opus Canonicorum, «au bénéfice des chanoines» (4).

     (1) Op. cit.

     (2)  Pratiquement tous, en fait.

     (3) Jean-Marie Pérouse de Montclos, L. Saulnier et Julia Fritsch, Notice (pour l’Inventaire général des Monuments Historiques): «Fondation due à Robert le Pieux en 1022: la crypte en est le seul vestige, mais l’église n’était pas achevée en 1046 Martin, p. 105,  n. 252, se référant à la même source, porte pour sa part 1018, apparemment par distraction.

     (4) Antiquitez, p.119.
     13. Saclas (ablatif Sarcleiis). Il s’agit bien de Saclas, évolution normale de Sarcleiae ou Sarcleia (1), et au-delà de Sarclitæ (639) et de Salioclita (2e siècle, Itinéraire d’Antonin), contrairement aux réticences de Sœhnée, qui a été induit en erreur par la mauvaise graphie Sarcleriis de A, malheureusement adoptée par Montrond.
     La présence de moulins à Saclas est attestée depuis 639, sous Dagobert Ier (
1),
     (1) Le contexte ne permet pas de déterminer s’il s’agit d’un neutre pluriel, Sarcleia, ou d’un féminin pluriel, Sarcleae.

     (2) Cf. Martin Bouquet, Recueil des Historiens, t. 4,  p. 629.
      15. Les Coutures-le-Roi (Culturae Regis). Il s’agit des terres situées entre le secteur de Saint-Martin et Lhumery, y compris probablement ce dernier lieu-dit. On trouve encore au dessus de Saint-Martin une pièce de terre appelée les Hautes Coutures.
     Tout ce secteur paraît avoir été originellement de possession royale, jusqu’à Lhumery compris, lieu où le roi paraît avoir perçu de ses serfs la huitième gerbe
(1). Louis VII le Jeune expulsera de Lhumery certains occupants considérés comme des squatters en 1158, puis mettra ce même secteur en vente en 1179 (2).
     (1) «Huitième» se disant ancien français huime, comme «dixième» se diait dîme, Lhumery représente donc une Huimerie, comme on a aussi dans le secteur des lieux-dits Dîmerie. J’ai montré tout cela dans le Cahier d’Étampes-Histoire 6 (2004), pp. 79-81; François Guizot avait déjà fait l’hypothèse que le nom de ces terres Octavae leur venait d’un tel prélèvement de la huitième gerbe.

     (2) Ibid.
     16. A côté de notre susdit moulin une vigne dans le faubourg (iuxta molendinum nostrum predictum in suburbio uineam), c’est-à-dire sous le moulin Notre-Dame déjà mentionné (item n°4), sans doute entre les actuelles rues du Pont-d’Anjouan, de la Roche et Magne, secteur qui touche à la fois le Moulin Notre-Dame et la rue qui s’appelle encore de la Vigne.

     
     

Le Moulin Notre-Dame et la Rue de la Vigne sur le plan d'Etampes sous l'Ancien Régime reconstitué par Léon Marquis en 1881
Moulin Notre-Dame et rue de la Vigne (Marquis, 1881)

     17. Une vigne sous la forteresse d’Étampes. Nous n’avons pu la localiser. La première, d’un arpent et demi, paie quatorze deniers. Dans le texte de Fleureau, non corrigé par Montrond, la deuxième, d’un seul arpent, payerait 5 sous, qui font 60 deniers, «ce qui est beaucoup!» s’exclame justement Michel Martin (1). Les deux textes du cartulaire portent évidemment «cinq deniers», soit douze fois moins, ce qui est au contraire plutôt modeste.
     (1) Op. cit., p. 98.
     18a. Mébon (Mansus Bavonis). Nous rendons un peu audacieusement ce toponyme disparu par «Mébon». En effet nous avons toutes les raisons de considérer qu’il s’agit de Bonvilliers, toponyme qui répond pour sa part à un latin théorique Bavonis Villare ou Villarium. Cette évolution correspond probablement à un développement du domaine, mais les nuances entre ces termes, Villa et Villarium, sont très difficiles à discerner.
    Niemeyer donne pour villare le sens de
«lieu habité faisant partie dun domaine», et, pour mansus, toute une palette de sens entre lesquels il est extrêmement difficile de trancher ici. Peut-être faut-il retenir celui de «centre dexploitation rurale (la maison avec ses annexes et son enclos)», en comprenant que ce lieu-dit, une fois intégré à un ensemble plus vaste provenant de donations ultérieures, et circonvoisines, a dès lors été appelé villiers plutôt que mas?
     Les moines de Morigny reconnaissent en 1443 en faveur des chanoines de Notre-Dame que «dés loncg temps ancian iceulx avoyent, tenoient et possédoient, et encores ont, tiennent et possèdent au lieu de Bonvillier ung hostel et appartenances avecque plusieurs et grant quantité de terres au territoire du dit lieu et situez en plusieurs pièces, etc.» (1) Cet hôtel est sans doute notre mas.
     (1) Cartulaire de Notre-Dame, n°LXXXIV, éd. Alliot, p. 99 (cf. pp. 98, 101, 104, 111, 113).
     18b. Alais, fille de Benzelin. La forme latine Adeladis est l’une des nombreuses graphies de l’anthroponyme féminin d’origine germanique Adal-haïd, «noble lande». Nous adoptons ici la forme française Alais attestée dans notre région par le toponyme La Ferté-Alais. Mais c’est par distraction que Michel Martin identifie cette Alais avec son homonyme dame de la Ferté à la génération suivante (1).
     (1) Op. cit., p. 187. Et comme c’est sur cette base qu’il identifie le Mansus Bavonis avec Baulne, proche de La Ferté Alais, il faut renoncer aussi à cette hypothèse qui n’a d’ailleurs pour elle aucune vraisemblance philologique.
      18c. Benzelin. L’orthographe Benzelinus présentée par les manuscrits est plus proche de l’étymologie germanique que les formes plus usuelles Bezelin, Bencelin ou Becelin. Sous ces différentes formes, l’anthroponyme Benzelin est bien attesté en Île-de-France encore au début du 12e siècle (1).

     C’est la forme longue de Bentz, lui-même hypocoristique de Berthwald. En d’autres termes, une même personne pouvait être appelée, selon les circonstances, Berthwald (Berthoud), Bentz ou Benzelin (en latin Berthoaldus, Bencius, ou Benzelinus). C’est encore le cas en anglais de nos jours: quelqu’un selon les circonstances et les usages peut être appelé William, Bill ou Billy, Richard, Dick ou Dicky. Ce phénomène est bien connu et attesté depuis l’époque carolingienne sur le continent pour certains anthroponymes d’origine germanique, et il l’est encore au XIe siècle. Ainsi par exemple le célèbre archevêque de Reims Adalbéron, mort en 1031, que Hugues Capet a hébergé à Dourdan et qui l’a ensuite sacré roi de France en 987, est appelé alternativement Adalbéron et Ascelin suivant le même processus, Azzo étant la forme intermédiaire (latin Aszo), hypocoristique de tous les anthroponymes dont le premiers élément est Adal-.


     Cette remarque prendra tout son sens à l’article 19b.
     (1) Un Bencelinus est mentionné vers 1104 (cartulaire de l’abbaye Saint-Martin de Pontoise), un autre en 1117 (cartulaire de Longpont), un autre, pelliparius, en 1122 (cartulaire de l’abbaye Saint-Martin de Pontoise), etc.
     19a. Après la mort de ce dernier et celle de son mari. Après la mort de son père Benzelin et de son mari anonyme, en sus du «Manse de Bavon», que nous identifions avec Bonvilliers, Alais dispose d’un bien dont nous ne savons pas s’il lui venait de l’un ou de l’autre. La mention de la mort de son mari signifie probablement que ce bien a également été donné à l’occasion du décès et dans le même but que précédemment. La note qui suit fait penser que ce bien lui venait plutôt de son père.

     19b. Rouvray. Le latin porte Rovreia, c’est-à-dire très vraisemblablement Rouvray-Saint-Denis en Eure-et-Loir, car cette forme qui peut difficilement refléter le Rouvre du Loiret que suggère Michel Martin.

     En effet la terminaison latine choisie pour rendre ce toponyme, -eia, est régulièrement une alternative à la terminaison caractéristique en latin classique des noms de lieux plantés: -etum, correspondant aux modernes -ay, -aie et -oy (
1). Ainsi Cocheris (2), note-t-il une graphie Charmeia (XIIIe s.) pour La Charmoie (aujourd’hui La Hauteville), et Urmeia à côté de Ulmetum et de Ormetum pour Ormoy.

     Deuxième argument en faveur de cette identification, quoique nettement plus conjectural: A moins de sept kilomètres de Rouvray-Saint-Denis se trouve Berthouvilliers (
3), c’est-à-dire le «domaine de Berthwald»; or nous avons vu que Benzelin est l’hypocoristique de Berthwald; il s’agissait donc peut-être de la même personne, ou de deux membres de la même lignée. Un peu plus loin encore on trouve Bonvillettes, qui a peut-être aussi la même étymologie que Bonvilliers.
Rouvray-Saint-Denis et Berthouvilliers sur la carte de Cassini de 1756
Rouvray-Saint-Denis et Berthouvilliers (1756)

     (1) Une meilleure rétroversion latine du toponyme aurait donc été Roboretum, «lieu planté de chênes rouvres» (toponyme déjà en usage à l’époque galloromaine, puisque nous trouvons une localité espagnole Roboretum sur l’Itinéraire d’Antonin).

     (2) Dans son Dictionnaire des anciens nom des communes de Seine-et-Oise, Paris, Bibliothèque de «l’Écho de la Sorbonne», 1874, que nous avons mis en ligne.

     (3) La carte de Cassini (ci-dessus) porte Bartouvilliers au milieu du 18e siècle.

12. Notre-Dame, fondation royale?
     Les caractères généraux de ce document n’ont généralement été saisis correctement la plupart des auteurs qui en ont parlé. Quel est le propos essentiel de l’acte? On prétend généralement ou on répète de confiance qu’il s’agit d’une confirmation par le roi Henri Ier de privilèges accordés au chapitre de Notre-Dame par son père et prédécesseur Robert II le Pieux.

     En réalité il n’y a aucune trace d’aucune charte de quelque sorte que ce soit accordée par Robert à ce chapitre, et un tel document, s’il avait existé, ferait forcément l’objet d’une allusion, voire d’une citation in extenso. Ni charte de fondation, ni même de confirmation: personne même ne semble avoir requis ou obtenu de ce roi de charte en faveur de Notre-Dame d’Étampes.

     Bien plus l’acte de Henri Ier ne dit en aucune façon que Robert II ait été lui-même à l’origine de la fondation du chapitre de Notre-Dame, il exprime seulement l’idée, bien modeste à la vérité, que Robert a favorisé, ou plutôt même simplement vue d’un bon œil les donations qui avaient été faites de son vivant à ce chapitre: avec l’autorisation, ou plutôt avec l’approbation de mon père de bonne mémoire Robert. Le mot ou plutôt (immo) qui paraît tout dabord vouloir corriger l’impression fâcheuse selon laquelle le roi ne serait pas pour grand-chose dans cette fondation, mais la précision qui suit ne dit rien d’autre que ce qui précède, car favere ne désigne rien d’autre techniquement, dans la langue des actes, que l’acte de consentir à une donation. Lui-même n’a rien donné, sinon une remise de cens ad opus ecclesiæ, c’est-à-dire tout simplement «au bénéfice des chanoines», bienfait qui n’est mentionné qu’en annexe au douzième des dix-neuf items de notre liste.

     En réalité, tout cet acte reflète une réalité bien différente de ce qu’ont donné à croire pendant plusieurs siècles tant le pouvoir royal puis ducal que la communauté des chanoines d’Étampes, dont les intérêts étaient communs en cette matière, puisque tous deux voulaient échapper à la tutelle de l’archevêque, et ainsi se partager à son détriment le droit de collation des prébendes: Robert II n’a eu aucune part directe à la fondation de ce chapitre, dont rien ne prouve d’ailleurs avec certitude qu’elle ait eu lieu sous son règne plutôt que sous celui d’Hugues Capet.

     Le plus grand rôle semble avoir été joué par des nobliaux locaux, au premier rang desquels vient le prévôt d’Étampes, Herchembault, qui lui-même paraît appartenir à une famille bien possessionnée dans l’Étampois. Les deux autres familles de nobliaux étampois qui ont doté le nouveau chapitre sont celles de Thion d’Étampes, fils d’Ours, famille assez bien connue par ailleurs, ainsi que celle d’un certain Benzelin et de sa fille Alais.

     Il semble donc au contraire que la charte de 1046 soit le tout premier acte royal entérinant globalement toutes les possessions et privilèges dont est dotée la nouvelle communauté ecclésiastique, qui s’est formée selon toute apparence sous le règne précédent d’une manière qui reste mystérieuse, comme cela avait déjà été le cas à Saint-Martin d’Étampes à une époque antérieure indéterminée, et comme ce sera encore le cas après 1182 lors de la création de la collégiale Sainte-Croix, qui n’a pour sa part jamais réussi à faire accroire à qui que ce soit qu’elle était de fondation royale.

     Il vaut la peine d’examiner l’argumentation de Fleureau pour refuser à la collégiale de Sainte-Croix le statut de fondation royale. Sainte-Croix avait pourtant été édifiée sur l’emplacement d’une synagogue par ordre de Philippe Auguste. Fleureau lui même donne le texte de cette charte royale de 1183 (1). Cependant, fait-il observer quelques pages plus loin, on infere avec raison que l’Eglise, & le College de sainte Croix n’est pas de fondation Roiale de ce que les Prebendes sont à l’entière disposition de l’Archevêque Diocesain. Joint que suivant la remarque faite par Choppin, au livre premier de sa Police Ecclesiastique: il ne suffit pas, afin que le Roy s’attribuë la collation ou nomination aux Benefices d’une Eglise, qu’il ait fait consacrer au culte du vray Dieu, des edifices qui luy avoient déja été dediez sous un culte illicite; à cause que ces edifices avoient déja été en quelque façon, mis hors du commerce des hommes par la destination des fondateurs. D’ailleurs Rigord en la vie du Roy Philippe Auguste remarque que les habitans d’Estampes sont les fondateurs des Prebendes Canoniales de l’Eglise de sainte Croix de leur ville, j’ay ci-devant rapporté le passage latin, & l’on ne voit point que cette Eglise possede aucuns biens [certains biens], qui luy aient été donnez par ce Roy. On trouve seulement une confirmation de la donation, avec l’amortissement d’une maison, qu’on nommé Roger avoit donnée, en pure aumône, à ces Chanoines etc.
(2)

    Si l’on utilise les mêmes critères dans le cas de la collégiale Notre-Dame que ceux qu’applique Fleureau à celle de Sainte-Croix, on voit mal sur quel titre les rois de France pouvaient fonder leur patronat et droit de collation. Il n’est aucune trace de quelque charte de Robert II en faveur de Notre-Dame. Seul son fils accorde à cet établissement une charte, et une charte qu’on ne peut même pas qualifier de charte d’amortissement. Le cas est donc encore plus défavorable que le sera ultérieurement celui de Sainte-Croix. De plus, Robert aurait-il même fait bâtir Notre-Dame à ses dépens, ce qui est loin d’être assuré, c’était de l’aveu de Fleureau lui-même sur l’emplacement d’un lieu de culte antérieur, à savoir d’une chapelle dédiée à Saint Serin Confesseur (3), et ce ne serait pas un titre suffisant au Patronat, selon la logique du même Fleureau: le principe qu’il invoque en la matière dans le cas de Sainte-Croix, fondée sur l’emplacement d’une synagogue, s’applique à bien plus forte raison à celui de Notre-Dame, élevée sur l’emplacement d’une chapelle où se pratiquait déjà le culte catholique.

     Mais alors, pourquoi Fleureau accepte-t-il de considérer Notre-Dame comme une fondation royale? Le Roy Robert, écrit-il, en dotant l’Eglise de Nostre-Dame d’Estampes, s’est retenu ce droit de Patronat; puisque ses successeurs en ont jouÿ: & c’est en cela, & en la nomination de l’Abbé seculier, que consistoit la marque de leur Patronage sur cette Eglise, pendant qu’il y eut des Abbez; puisque c’étoient ceux-cy qui conferoient les Prebendes (4)
. Notons d’abord le curieux aveuglement de Fleureau relativement à la prétendue dotation de Notre-Dame par Robert II, puisque le seul titre qu’il a allégué prouve en réalité que Robert n’a jamais lui-même doté Notre-Dame, et qu’elle ne l’a été que par des nobliaux du pays. Mais sur le fond, Fleureau, si on sait le lire, reconnaît qu’il n’y a aucune preuve de ce qu’il avance, à moins d’accepter le principe selon lequel force fait droit.

      Il semble en effet que les rois de France ont tout bonnement usurpé ce patronat vers le XIIIe siècle, en même temps que le titre d’abbé.
C’est dans ce cadre qu’ont été insérées dans les chartes les plus anciennes les interpolations que nous avons signalées et qui se réfèrent à cet état de fait. Mais, bon indice que personne ne les prenait vraiment au sérieux, c’est que les ducs d’Étampes encore à la fin de l’Ancien Régime, n’en tenaient compte que dans la mesure de leur intérêt: ils ne voulaient pas en connaître lorsqu’elles conféraient au chapitre lui-même le droit de se partager des bénéfices. Clément Wingler nous montre en effet le Prince de Conti conférer lui même les prébendes de telle ou telle chapellenie, malgré les récriminations et les remontrances du chapitre (5).

     
Quant au fait que, dès avant d’usuper l’abbatiat, les rois de France se seraient réservé le droit de nommer des abbés séculiers de Notre-Dame, c’est une pure supposition de la part de notre savant barnabite, même si elle a tous les caractères de la vraisemblance (6), car il n’en donne aucune sorte de preuve. Mais admettons: cela signifierait-il pour autant nécessairement que cette pratique était fondée en droit? et qu’on pourrait en tirer par là une preuve rétroactive du rôle de Robert II dans la fondation de Notre-Dame? Évidemment non.
Robert II le Pieux d'après un camée des environs de 1630 (BNF)
Robert II sur un camée des années 1630



Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché CGB)
Robert II sur un denier de Laon



Buste de Robert II le Pieux sur un denier de Laon (© Cliché BNF)
Robert II sur un denier de Laon




Sceau de Robert II le Pieux
Sceau de Robert II le Pieux




Eglise de Dreux sur un denier d'Hugues Bardoul
Une église vers 1046



     (1) Antiquitez, page 380.

     (2) ibid., pp. 394-395.

     (3) ibid., p. 288.

     (4) Ibid., p. 296.

     (5) Notre-Dame sous l’Ancien Régime, Étampes, Archives Municipales d’Étampes, 1998, pp. 20-21.

     (6) Le premier abbé connu est Bernodalius (cité en 1082 et 1104), le second Payen, le troisième Henry de France fils de Louis VI le Gros, après 1137, le quatrième son frère Philippe, cité comme défunt en 1171 (cf. Fleureau, op. cit., p. 350); mais on trouve ensuite Jean de la Chesne (cité en 1171) et Eudes Clément (cité en 1189 et 1193).
Le témoignage d’Helgaud

     La seule autorité vraiment ancienne qui attribue fermement à Robert la fondation de la collégiale Notre-Dame d’Étampes (monasterium sanctę Marię in Stampensi castro) est son biographe ou plutôt hagiographe Helgaud (6). Mais la liste que donne cet auteur des fondations faites par son royal ami est extrêmement sujette à caution, car elle est contredite dans certains des rares cas où on a l’occasion de la vérifier par d’autres sources. Ainsi, selon Helgaud, Robert aurait fait édifier (aedificavit) l’église de Saint-Vincent-des-Vignes à Orléans, alors qu’on a la preuve que cet établissement existait déjà sous sous Charles le Chauve (7). De même, dans le même diocèse de Sens, c’est à Robert qu’il attribue la fondation à Melun de la collégiale Sainte-Marie (monasterium sanctę Marię  in Miliduno castro) alors qu’on sait il y avait déjà là en 901 un petit monastère (abbatiola) (8). Quant au monastère de Saint-Germain de Paris, qui lui est également attribué par Helgaud, il aurait été en réalité reconstruit par l’abbé Morard, selon une chronique du temps qui ne mentionne pas Robert à ce sujet (9).

     A la génération suivante Hugues de Sainte-Marie, dans la liste bien plus modeste des constructions qu’il attribue à Robert II, cite encore Notre-Dame d’Étampes (10). Mais cet auteur est comme Helgaud un moine de Fleury: comme lui apporter plus de crédit qu’à celui qui est probablement sa source?

     (6) L’édition critique de référence (du moins pour le texte latin) en est maintenant celle de Robert-Henri Bautier et Gillette Labory, Helgaud, Vie de Robert le Pieux, Paris, CNRS, 1965, pp. 128-133.

     (7) Joseph Thillier et Eugène Jarry, Cartulaire de Sainte-Croix d’Orléans, 1906, introduction, p. LVI.

     (8) Ph. Lauer, Recueil des actes de Charles III, pp. 82-83, cité par Bautier et Labory, ibid., p. 130, n. 7.

     (9) Continuation de la chronique d’Aimoin éditée par Dom du Breul, 1603, p. 359, cité par Bautier et Labory, p. 132, n. 2.

     (10) Recueil des Historiens, t. XII, p. 794.
Sur la prétendue date de 1022

     Cependant, nous objectera-t-on peut-être, un grand nombre d’auteurs (11) affirment qu’on connaîtrait même la date précise de la fondation de Notre-Dame par Robert II, qui nous aurait été transmise par une tradition des chanoines eux-mêmes: 1022.
     Sur quelle source s’appuient tous ces auteurs pour cette date?
     Sur une déclaration de l’abbé Alliot, qui, dans son édition du cartulaire de Notre-Dame d’Étampes, résume une pièce de procédure du XVIe siècle qui a été copiée à la suite du cartulaire, près d’un siècle après sa composition.
     Et sur quelle source s’appuie l’abbé Alliot?
     Non pas sur le texte lui-même de cette pièce de procédure, qui ne mentionne pas cette date, mais sur une note marginale porté au crayon par une main du XIXe siècle en marge du cartulaire, au recto du premier folio, seule à porter la date de 1022.
     Et sur quelle base s’appuie l’auteur de cette note anonyme? Le texte ainsi annoté porte en effet seulement que chanoines prétendaient «quil y avoit cinq cens cinquante ans que Robert premier de ce nom avoit fondé ladicte Eglise Notre dame d’Estampes».
     Notons au passage que l’auteur de cette note anonyme ne se recommande pas à notre confiance par la note qu’il a mise au folio suivant, où il porte «chapelain (sic) en 1331 (sic)», en regard d
un texte qui rapporte que selon les mêmes chanoines, l’office des chapelains n’aurait été institué qu’en 1231 (12).
     Sur quelle base a donc été calculée cette date de 1022 aujourd’hui encore canonisée par la tradition historiographique?
     L’auteur de la note a été voir la date qui a été portée à la fin de ce dossier de procédure, où il a trouvé celle de 1572, date de l’arrêt final. Il n’a pas observé que nous sommes en présence d’une pièce composite longue de 26 folios écrits recto verso, qui commence ex abrupto par une charte de Charles IX en date de 1555, charte qui mentionne elle-même que l’affaire a été porté devant le Bailly d’Étampes dès 1554.
      La déclaration des chanoines est en bas du verso de ce premier folio; elle n’est pas datée clairement (13). A quel moment de cette longue procédure ont-ils allégué cette durée de 550 ans, qui est de toute façon évidemment donnée en chiffres ronds et sans prétention à l’exactitude, c’est ce qu’il est bien difficile de déterminer.
      De plus, même si nous avions tort sur ce point, et si les chanoines avaient eu l’idée de cette date précise de 1022, comme l’a supputé l’auteur de cette note anonyme, comment de toute façon leur accorder le moindre crédit, que ce soit dans un sens ou dans l
autre, quand on voit que dans la même phrase ils qualifient Robert le Pieux de «premier de ce nom», alors qu’il s’agit de Robert II, et quand on les voit alléguer quelques lignes plus loin que le dit Robert avait institué onze chanoines sous la direction d’un chantre, ce qui est un anachronisme manifeste (14)? Et que dire de cette date fantaisiste pour la création de la dignité de chapelain, prétendument en 1231 (transformée en 1331 par notre annotateur), alors qu’on trouve déjà dans le Cartulaire lui-même des chanoines un réglement relatif aux chapelains édicté par l’abbé Eudes en 1193 (15)? Il est manifeste que nos chanoines de Notre-Dame sont au XVIe siècle d’une ignorance crasse de leur propre histoire, outre que leur propos est alors partisan.
     Alliot souligne lui-même d’ailleurs dans son introduction qu’un grand nombre des affirmations des chanoines reproduites dans ce dossier sont des plus suspectes, et d’autres clairement erronées, parce qu’en contradiction flagrante avec certaines chartes de leur propre cartulaire, où il a pourtant ensuite été recopié (16).
     Si du reste il y avait eu le moindre document à la disposition des chanoines à l’appui de cette date fantaisiste, en admettant qu’ils aient prétendu la donner, il est clair qu’on en aurait au moins une copie dans le cartulaire.
Fleureau quant à lui, qui avait à sa disposition toutes les archives de Notre-Dame, observe précisément qu’on n’a aucune donnée sur la date de cette fondation, et il se rapporte sur cette question à la célèbre déclaration du chroniqueur Raoul le Glabre, selon lequel l’année 1003 marqua le commencement d’une vague générale de construction d’églises par toute la terre et spécialement en Italie et dans les Gaules (17).
     C’est certainement à une date analogue qu’ont songé les chanoines, et il est bien probable qu’il faut faire courir les 550 ans dont ils parlent, en chiffre ronds, à partir du commencement de la procédure lancée en 1554, ce qui nous ramène aux environs de l’an 1003 supputé de son côté par Fleureau, en l’absence de toute données d’archives. De toute façon, l’historien n’a pas à tenir compte de ces opinions, parce que ceux qui les ont formulées n’avaient pas plus d’informations que nous à ce sujet. Ils en avaient même moins à certains égards.

Sceau de Robert II le Pieux
Sceau de Robert II le Pieux



Sceau d'Henri Ier
Sceau dHenri Ier






     (11) Pratiquement tous.

     (12) Il est curieux qu’Alliot mentionne et discute la valeur de cette deuxième note marginale comme s’il s’agissait d’un témoignage de quelque importance, alors qu’elle est évidemment due à lecteur aussi tardif qu’étourdi.

     (13) Pour se faire une idée claire de cette question de détail, il faudrait que quelqu’un se dévoue pour déchiffer entièrement ce dossier de plus de 50 pages et en dégager la structure. Le Corpus Étampois serait prêt à éditer cette source un peu indigeste mais sûrement très utile par ailleurs pour l’histoire du XVIe siècle étampois.

     (14) On sait qu’il y avait douze prébendes au départ et que la douzième ne fut supprimée qu’en 1142. F leureau, ibid., pp. 297-300, donne le texte de quatre chartes relatives à cette question.

     (15) Charte éditée et commentée par Fleureau, pp. 303-304. Fleureau pense qu’il y a eu des chapelains dès l’origine: c’est peut-être excessif. Les chapelains cités en 1082 sont en fait des chapelains du roi, comme l’a vu Prou

     (16) Voyez Alliot, op. cit., pp. 145-146.

     (17) Antiquitez, p. 290.
Et l’évêque du lieu?

     Si l’on observe par ailleurs que le moulin qui indique le point de séparation entre le territoire du chapitre de Notre-Dame et celui des chanoines de Saint-Martin, s’appelle le moulin de Seguain ou de Sevain (qu’il se soit situé sur l’ancien cours de la Louette, ou comme le veut Martin, à l’emplacement du moulin dit ultérieurement Sablon), on en vient naturellement à une tout autre hypothèse.
     Qui d’autre aurait pu être à l’initiative de la fondation du chapitre de Notre-Dame d’Étampes que l’évêque du lieu? Qui d’autre aurait pu enlever au chapitre de Saint-Martin le droit de sépulture de tout ce secteur et l’attribuer autoritairement au nouveau chapitre de Notre-Dame, sinon l’archevêque diocésain de Sens, sans l’accord duquel de toute façon rien n’a pu se faire? Or ce personnage est curieusement absent de tous les premiers actes conservés par le chapitre de Notre-Dame.

     Au début du règne de Robert, l’archevêque de Sens, personnage considérable, puisque, rappelons-le, il prétend comme celui de Lyon à la primature de toutes les Gaules et les Germanies, est précisément de 978 à 999 un Seguin (alias Sewin). Cet archevêque n’a pas bonne presse dans la jeune dynastie capétienne parce que précisément il s’est ouvertement opposé au sacre d’Hugues Capet autant qu’il a pu; il est vrai que cédant à la demande du pape il a fini par reconnaître la nouvelle dynastie et même consenti à sacrer Robert II en 988, du vivant de son père Hugues Capet; mais il s’est à nouveau attiré les foudres de ce dernier au concile de Saint-Basle (17) en 991 où il a refusé de consentir à la déposition de l’archevêque de Reims Arnoul, partisan des carolingiens et carolingien lui-même: et il fut incarcéré pendant trois ans à Orléans.

     Seguin de Sens, mort en 999 après avoir récupéré son siège, a lui aussi été un rebâtisseur. Non seulement il a fait reconstruire à Sens même le monastère de Saint-Pierre-le-Vif à Sens et inauguré la nouvelle cathédrale en 982, mais encore ailleurs dans son diocèse il a fait réparer et doté l’église Saint-Pierre de Melun, en 981. Notons que ces constructions ou reconstructions, fondations ou refondations, ont lieu bien avant l’an 1003 dont parle Raoul le Glabre, qu’il ne faut pas nécessairement prendre au pied de la lettre
(18).
     Or nous n’avons pas plus de raison pour attribuer à Robert II l’inititiative de la fondation de Notre-Dame d’Étampes qu’à l’évêque du lieu.
     Dans l’état actuel de nos connaissances, rien ne permet donc d’exclure une fondation du chapitre de Notre-Dame d’Étampes avant l’an mil, sous l’impulsion de l’archevêque de Sens. C’était d’ailleurs l’ordre naturel des choses si l’on veut bien lire ce qu’en écrit incidemment Fleureau lui-même à un autre sujet: «la Religion chrêtienne s’augmentant, les Evêques n’ont pû faire par eux-mêmes tout ce qui étoit de leurs charges; & (...) ils ont été obligez de prendre des personnes qui les aidassent en la plus part de leurs fonctions; (...) dans la suite des temps l’on a fondé dans les autres villes des collèges de chanoines sur le modèle de ceux qui étoient auprés de l’Evêque» (19).

     Le successeur de Seguin, qui occupe le siège archiépiscopal de Sens pendant toute la suite du règne de Robert II et le début de celui de Henri Ier, soit de 999 à 1032, est un certain Lierry (Leothericus), auquel la tradition ne paraît pas rapporter de fondations dans le diocèse.
     En revanche son pontificat est tumultueux. Il est dès le départ mis en difficulté par son parent et rival le comte de Sens, au point que le roi Robert en profite pour intervenir
à Sens à deux reprises, d’abord en 1001, puis à nouveau en 1015, où il prend possession de la ville, comme de bien entendu.
     Ce Lierry est l’homme de Robert à Sens. Il n’a pas les moyens de faire valoir ses droits à Étampes, sur les terres d’un prince dont il est le jouet, alors qu’à Sens même le fils du comte lui crache au visage pendant la messe. Une fois Sens aux mains du roi, les choses ne s’arrangent pas: le roi se mêle de tout et lui dicte sa loi même en matière de théologie, n’hésitant pas à lui reprocher une prétendue hérésie. C
est lui qui préside ce fameux concile dOrléans qui inventa en 1022 de livrer des hérétiques au  bûcher, sous la pression de ce roi qu’on appelle le Pieux.
     Après la mort de Robert en 1031, Sens échappe en partie à son fils qui ne réoccupera vraiment ce comté qu
en 1055. Il réussit toutefois à y installer contre la volonté des habitants du lieu un  archevêque qui lui doit tout, mais qui n’arrive pas à se faire respecter dans son propre diocèse, Gelduin (20), que ses ouailles réussissent au bout du compte à faire déposer pour simonie (1032-1049) et à remplacer par Mainard, fils du comte de Sens (1050-1062).
     Le chapitre d’Étampes pendant ce temps est livré à lui-même, ou plutôt à l’influence des nobliaux des environs, qui se partagent ses prébendes, d’ailleurs peut-être non sans droit légitime. Le premier abbé mentionné est apparenté visiblement à une famille noble de La Ferté-Alais. Nul ne songe à préserver les droits éventuels de l’archevêque. Un siècle plus tard, lors de la fondation de Sainte-Croix, les choses se passeront différemment.

     Nous débordons ici naturellement le cadre de nos conclusions les plus sûres. Il s’agit de pistes de travail, et d’hypothèses que des travaux ultérieurs devront soit infirmer, ou confirmer.

Robert II le Pieux vu par un artiste du XVe siècle, Jean Fouquet
Robert II le Pieux et les chanoines d’Orléans,
vus par un artiste du XVe siècle, Jean Fouquet







     (17) Saint Basle (latin Basolus) était fort en honneur en ce temps-là. Il n’est pas vraisemblable cependant qu’il y ait eu  confusion de titulature, même si celle de Saint-Basile (Basilius) est d’une rareté intrigante, et même si la chanson de Roland, au XIe siècle, confond bien allégrement avec notre saint Basile le saint martyr Basilide, dont le sang est contenu dans le pommeau de Durandal. Dans le domaine liturgique, même en comptant avec l’ignorance des clercs du temps, la confusion est peu vraisemblable.

     (18) Et ce d’autant que la reconstruction par exemple de la cathédrale Saint-Étienne de Sens, terminée par Seguin, avait été commencée par son précédesseur Anastase (968-978).

     (19) Antiquitez, p. 421.

     (20) Ce Gelduin (ou Gerduyn, comme écrit Fleureau, Antiquitez, p. 367) aurait présidé en 1048 ou 1049 un concile provincial à Étampes, qu’il vaudrait mieux qualifier de synode, et dont on ignore le sujet: mais cette affirmation reste à étayer car les auteurs paraissent varier sur la date et le lieu de ce synode.


13. Aspect général d’Étampes en 1046

Proposition de plan du castrum d'Etampes en 1046
     Nous ne faisons ici que quelques brèves observations, réservant à une prochaine page un tableau de la société et de la topographie étampoises vers 1046.
     Ainsi que l’écrit Michel Martin, «ce diplôme trace, quoique de façon assez vague, la topographie de la ville» et «en 1046 le suburbium est très bien défini autour du castrum» (1).

     Nous en sommes d’accord, mais nous pensons qu’il a largement surestimé l’extension du dit castrum, ou châtre, qui ne comprenait certainement que quelques pâtés de maison actuels du Centre-Ville. Cette enceinte ne comprenait ni l’église Saint-Basile ni le moulin Notre-Dame, et elle n’allait certainement pas jusqu’au cours forcé de la rivière. Elle suivait d’abord la rue Évezard puis passait derrière les terres des chanoines jusqu’au début de la rue du Renard, qui garde encore une trace de cet arrondi, jusqu’à la rue de Petit Panier, faisant ainsi le tour de l’ancien palais royal, secteur qui gardait encore au XVIe siècle le nom de Donjon. Je conjecture qu’elle suivait ensuite la rue Sainte-Croix jusqu’aux Quatre-Coins. La synagogue n’était sûrement pas comprise dans la première enceinte. Les fouilles récentes menées par Xavier Peixoto pendant la première rédaction de cet article semblent bien confirmer ce tracé de l’enceinte au XIe siècle du côté de la rue Évezard et derrière les maisons canoniales: elles ont même mis à jour un tracé de lenceinte encore plus rapproché de Notre-Dame que je ne lavais dabord pensé, comme on le voit sur le plan que je propose ci-dessus, où est porté en rouge le fossé découvert par les archéologues de lINRAP, précisément daté de la fin du XIe siècle et du début du XIIe. 

     En dehors et non loin de l’enceinte s’étirait déjà le cours forcé de la Louette, qui faisait tourner au moins le moulin Notre-Dame, et certainement aussi dès lors, non loin la porte de la ville qui est tournée vers Sens, le moulin royal (dit de Darnatal après la création des Nouveaux Étaux par Philippe Auguste). Mais il est bien possible que les eaux de la Chalouette pour leur part suivaient encore leur ancien cours. En tout cas c’est le premier tracé de ce cours qu’on appelait encore la Louie, ou bien la Loué, après avoir été appelée la Loa au VIIe siècle

     De l’autre côté de la ville se dressait l’église Saint-Basile depuis au moins deux générations, sinon davantage, indice d’un noyau de peuplement ancien dans le secteur. En effet on ne peut plus en attribuer la construction à Robert II, comme je l’ai fait moi-même dans un article précédent
(2), à la suite de Fleureau et de tous les historiens d’Étampes. Je tends maintenant à croire qu’il s’agit d’une petite fondation monastique caroligienne.
Sceau d'Henri Ier
Sceau dHenri Ier










     (1) Op. cit., respectivement pp. 187 et 45.

     (2) Cahier d’Étampes-Histoire 6 (2004), pp. 54-66.

Bernard Gineste, 12 novembre 2006

     Introduction.— 01. Sources disponibles.— 02. Éditions et tradition interprétative.— 03. Remarques sur le texte.— 04. Texte et apparat critique.— 05. Structure du texte.— 06. Rôle du chancelier Baudouin.— 07. Trois couches du texte et cinq auteurs.— 08. La question de l’authenticité.— 09. Traduction sommairement annotée.— 10. Texte normalisé et traduction en regard.— 11. Biens du chapitre en 1046.— 12. Une fondation royale?.— 13. Aspect général d’Étampes en 1046.Annexe 1: Commentaire de Fleureau.—  Annexe 2: Note des Mauristes.Annexe 3: Commentaire de Montrond.— Annexe 4: Notice de Soehnée.

ANNEXE 1
Remarques de Basile Fleureau (vers 1668)
(où il mêle les données des chartes de 1046 et de 1082, et sollicite
surtout sur les passages apocryphes que nous datons du XIIIe siècle)


     On ne peut pas sçavoir tous les reglemens que le Roy Robert prescrivit aux Chanoines de Nôtre-Dame, outre les communs portez par les saints Canons, ny quels Privileges il leur accorda; parce que les tiltres de cette fondation ne se trouvent pas: mais deux tiltres l’un de l’an 1046. du Roy Henry Premier son Fils: & l’autre de l’an 1082. de Philippe aussi Premier, son petit Fils, nous apprennent seulement ceux-cy.

     L’Abbé avoir trois prerogatives, outre celle d’étre Chef du Chapitre. La premiere étoit de conferer les Prebendes lors qu’elles vaquoient. La deuxiéme que toutes les oblations en deniers, or, argent & autres menues offrandes, qui étoient faites dans l’Eglise [p.292] depuis les Nones de la veille, jusques à None du jour de la Fête dc l’Assomption de Nôtre-Dame, luy appartenoient excepté que les Chanoines participoient aux pains, aux services; car l’Abbé étoit obligé de donner de son pain à celuy qui gardoit ce jour l’Autel pour luy, & le Chevecier, quoy qu’il fût institué par les Chanoines, prenoit sur le total des offrandes de ce jour-là ce qui luy étoit necessaire pour vivre pendant le Jour. Et la troisiéme prerogative c’étoit l’exemption de pouvoir étre contraint par les Officiers du Roy de donner caution dans les cas, ausquels chacun étoit obligé d’en donner. De plus il avoir jurisdiction sur les Chanoines, & les Chapelains de son Eglise, comme nous verrons cy-aprés. Il étoit defendu au même Abbé de prendre aucune chose du commun tresor, que du consentement des Chanoines: ny d’oster par violence quoy que ce fût des choses qui appartenoient à l’Eglise.

     Les prerogatives des Chanoines étoient la premiere, de pouvoir élire de leur Corps les Officiers de leur Eglise, un Prevost, un Chevecier, un Chantre, & autres. La deuxiéme de pouvoir disposer de tous les biens de leur Eglise, excepté des Oblations de la fête de l’Assomption dc Nôtre-Dame, lesquelles étoient reservées à l’Abbé, à cause de sa dignité. La troisiéme l’exemption de la justice Seculiere pour leurs personnes, qui demeuroient seulement sujettes au Roy, & au Chantre, sans que ceux que Sa Majesté commettoit pour la garde, & la conservation de leur Eglise pûssent prendre aucune connoissance de leurs causes personnelles. La quatriéme que les officiers du Roy, ne pouvoient faire aucune taxe, ny imposition dependentes de leur Eglisc, ny mettre par force aucun logement dans leurs maisons, qui par ce moyen demeuroient dechargées du droit de gistes que les Fondateurs des Eglises Collegiales, avoient coûtume de se reserver dans les maisons Canoniales. Les Chartes dont j’ay extrait ces usages & ces Privileges furent expediées la premiere à Compiegne, & la deuxiéme dans le Palais du Roy à Estampes les nouvelles, en la presence & du confcntement de Bernodalius, Abbé, & des Chanoines, & Chapelains. Sa Majesté la souscrivit avec Robert Comte de Rochefort, Gervais Grand Maître de la Maison du Roy, Adelard Grand Bouteillier, Jerbault Connêtable, Galleran Chambellan. Et Geoffroy Evêque de Paris, Chancelier l’expedia, la premiere de ces Chartes est de la teneur suivante. [Suit le texte des chartes de 1046 et de 1082].

     De trois Officiers que les Chanoines élisoient d’entr’eux, le Prevost avoit le soin de l’administration des biens de l’Eglise. (Les Grecs l’appelloient anciennement L’œconome.) Et quoy qu’il n’y ait aucun Canon dans le Droit qui traite specialement de son office, il ne laisse pas d’en être fait mention dans les lettres des Papes; & dans les Eglises d’Allemagne de Pologne, de Flandres , & d’Angleterre , & en quelques unes de France; la qualité de Prevost porte au moins personat, & dignité. Les deux autres avoient l’œil à bien regler le Service divin. Le Chevecier, autrement Primicier, ainsi appellé, à cause qu’il étoit le premier écrit en l’ordre du tableau, qui étoit ordinairement de cire, ancienne matiere de l’écriture, semblable à une longue tablette de cire, prescrivoit aux Diacres, & aux autre Clercs inferieurs les leçons des Matines, les Responsoires, & les autres choses qu’ils devaient dire à l’Office. Il avoir aussi le soin du luminaire, de faire sonner les seings, c’est à dire les cloches pour assembler les clercs à l’Office, & selon les diverses coûtumes des Eglises, il avoit plus ou moins d’autorité.

     Le devoir du Præcentor, que l’on appelle communément Chantre, étoit de commencer dans le Chœur, les Antiennes les Pseaumes, & de regler le chant de sorte que l’on peut dire en quelque maniere que le premier preparoit la matiere, & que le second donnoit la forme, aux loüanges de Dieu, dans l’Eglise. La qualité de Præcentor portoit aussi, au moins personat, & dignité: ce que j’ay dit des fonctions de ces trois Officiers leur est attribué par les Canons: mais outre cela ils ont des droits, & des prerogatives particulicres, selon les divers usages des Eglises, dont nous verrons quelque chose dans la suite.

     Le Roy Robert en dotant 1’Eglise de Nostre Dame d’Estampes s’est retenu ce droit de Patronat; puisque ses successeurs en ont joüy: & c’est en cela, & en la nomination de l’Abbé seculier, que consistoit la marque de leur Patronage sur cette Eglise, pendant qu’il y a eû des Abbez; puisque c’étaient ceux-cy qui conferoient les Prebendes, comme je l’ay cy-dcvant remarqué. Etc.

Source: Saisie de B.G. sur l’original, 2007, notes de 2007

ANNEXE 2
Note des Mauristes sur la Tour de Brunehaut (1767)
(inspirée des indications de Fleureau)


Note des Mauriste (tome XI, p. 570)
Traduction par B.G.
     Sub extrema Arenularum Planitiei (la Plaine des Sablons) parte videntur adhuc rudera verteris ædificii et Turris Brunechildis vulgò dictæ, à percelebri Reginâ filiâ Athanagildi Visigothorum Regis atque uxore Sigiberti I Metarum seu Austrasiæ Regis. Fert populorum tradition à Brunechilde locum hunc fuisse occupatum. Utrùm ab ipsa constructum, ignoratur. Monumenta nonnulla, Romanorum opus inuunt. Fleureau Antiquit. Stamp. Cap. 9, pag. 16.
     Au bout de la Plaine des Sablons se voient encore les ruines d’un ancien bâtiment et d’une Tour communément appelée de Brunehaut, du nom de la très illustre reine fille du roi des Wisigoth Athanagilde et épouse de Sigebert Ier, roi de Metz, c’est-à-dire d’Austrasie. La tradition populaire rapporte que ce lieu a été habité par la reine Brunehaut. On ignore s’il été bâti par elle. Plusieurs restes appuient la thèse d’une construction des Romains. Fleureau, Antiquités d’Étampes, chap. 9, pag. 16.

Source: Saisie de B.G. sur l’original, 2007, notes de 2007.

ANNEXE 3
Commentaire de Maxime de Montrond (1836)
(tome I, avec une traduction partielle)

     Plusieurs diplômes des rois Henri 1er, Philippe Ier, Louis-le-Gros, etc., datés du palais d’Étampes (Actum Stampis in palatio), attestent que les successeurs de Robert , charmés comme lui des agrémens de cette habitation royale, y firent aussi leur demeure. C’était souvent durant ces intervalles, que ces princes accordaient tour à tour aux habitans de nouvelles immunités, ou confirmaient celles déjà concédées par leurs prédécesseurs. Mais l’un de ces diplômes, le plus précieux pour l’objet spécial de nos recherches, est celui qui fut donné à Compiègne, l’an 1046, en faveur de l’église de Sainte-Marie d’Étampes-le-Châtel.

     Ce diplôme fut accordé par le roi Henri Ier pour confirmer diverses concessions faites à cette collégiale, au temps du roi Robert. Dans l’énumération des biens mentionnés en ce titre, nous trouvons quelques indications sur l’ancien aspect des lieux dont j’écris l’histoire. Les rentes et les redevances féodales dont nous voyons ces biens chargés envers le roi, nous donnent en outre une idée de ce que possédait le fisc royal à Étampes, au commencement du onzième siècle. L’objet de cette donation consiste en un grand nombre d’alleuds, vignes, moulins et autres genres de concessions, telles que le produit des sépultures d’Étampes-le-Châtel et de tout le faubourg, avec l’église de Saint-Basile, depuis le moulin de Senaune jusqu’au vieil édifice de Brunehaut, et jusqu’aux bords de la Juine, la dîme d’une culture royale sous Etamnpes les offrandes faites à l’église Sainte-Marie durant toute l’année, excepté le jour de 1’Assomption, un alleud dans le domaine [p.73] de Morigny, deux moulins à Bierville, etc. (1). Arrêtons-nons un instant ici, et tirons quelques indications des expressions mêmes de ce titre. Nous y voyons d’abord que le territoire d’Étampes comprenait à cette époque un grand nombre de ces terres dites alleuds, sorte de propriétés particulières, qui furent dans l’origine entièrement indépendantes, prises, occupées, ou reçues en partage par les Francks, lors de la conquête. La vigne y était cultivée sans doute avec succès. Enfin, on découvre que sous le règne de Robert, une partie des habitans d’Étampes se livrait déjà au genre d’industrie qui fait encore la principale richesse de cette contrée. Ainsi, sur les eaux de la Juine, plus considérable alors que de nos jours, on apercevait de nombreux moulins, dont les noms se sont perpétués jusqu’à nous. Il est utile de reporter sa pensée vers de pareils souvenirs. Celui qui par un travail pénible cultive aujourd’hui cette même industrie sur ces mêmes bords, peut-être accomplira sa tâche avec plus d’ardeur et de courage, s’il vient à songer que là, dans ces lieux qu’il habite, ses aïeux, huit siècles déjà écoulés, se livraient à un semblable labeur; et ses regards se tourneront avec amour vers l’onde bienfaisante qui baigne sa demeure, en songeant qu’elle sut de tout temps enrichir ses rives de précieux trésors.
     (1Voyez le texte de cette charte aux pièces justificatives, note V.
    Nous trouvons encore dans ce diplôme de Henri 1er une mention expresse de l’église Saint-Basile d’Étampes. C’est la première fois que son nom paraît dans notre histoire. [p.74] Mais dès lors qu’elle figure ici, il n’est plus permis de douter de son antiquité. On doit croire que son origine avait précédé le règne de Henri Ier la mention de cet édifice, dans un acte émané de ce prince, confirme donc l’opinion commune, qui, d’après quelques paroles de l’historien Helgaud, ainsi qu’on l’a déjà vu ailleurs, attribue au roi Robert la fondation de ce monument (1). Il résulte aussi de ce titre, qu’au commencement du XIe siècle, Étampes était divisé en deux parties bien distinctes, dont l’une, (le quartier Saint—Martin actuel) portait le nom d’Étampes-les-Vieilles, Stampæ vetulæ; et l’autre, celui d’Étampes-le-Châtel, Stampense castrum. Le bourg de Saclas, est ici mentionné par ces mots: in Sarcleis.

     Enfin, il n’est pas jusqu’au vieil édifice de la reine Brunehaut, dont la désignation, consignée dans cet acte, ne puisse nous fournir quelques précieux enseignemens. Cet édifice, existant au onzième siècle, avait donc échappé à la fureur des Normands. Son antiquité était donc déjà reconnue à cette époque; et il avait conservé le nom de Brunehaut, non moins que le lieu où gisent aujourd’hui sous la terre quelques-uns de ces débris.

     (1) Voyez au chap. V, les détails sur l’église Saint-Basile.
[...] [p.199]
     Cette charte, extraite d’un vieux cartulaire, et que nous donnons ici en entier à cause de son importance pour l’histoire de la ville d’Etampes, se trouve aussi imprimée dans l’ouvrage du Père Fleureau. Mais elle y est entachée de quelques fautes que nous avons pris soin de rectifier d’après le manuscrit. [Suit le texte établié par Montrond]


Source: Saisie de B.G. sur l’original, 2007, notes de 2007

ANNEXE 4
La Notice de Sœhnée sur cette charte (1907)
(avec indications des données qui paraissent désormais périmées, par B.G.)



Catalogue des actes d’Henri Ier, roi de France,
Paris, Honoré Champion, 1907, pp. 76-78.


73
1046. Compiègne.

     Henri Ier, à la prière des chanoines de Notre-Dame d’Étampes, leur confirme les biens concédés jadis, avec l’autorisation du roi Robert II, par le prévôt Herchembaud et plusieurs autres donateurs. Ces biens sont: le village de Canisculus (1), avec toutes ses dépendances, sans aucune redevance; une précaire sur la terre de Sainte-Croix (2), avec toutes les coutumes, sous le cens de cinq sous; le droit de sépulture du château d’Étampes et de tout le faubourg, avec l’église de Saint-Basile, depuis le moulin Senauni
[Lisez en fait: Sewanni (B.G.)] jusqu’à la terre qui touche au vieux bâtiment dit de Brunehaut (3), dans ledit faubourg, et jusqu’au bord de la Juine [Lisez en fait: de la Lovia ou Louia (B.G.)] (4); un moulin et des hôtes, avec toutes les coutumes appartenant au roi [Lisez en fait: appartenant aux chanoines (B.G.)] dans le faubourg; les offrandes de l’autel de Notre-Dame, pendant toute l’année, excepté le jour de l’Assomption; l’alleu appelé Magnervallo [Lisez en fait: Magniruallio (B.G.)]; Frotmundivillario avec toutes les coutumes; un alleu appelé Ansenivillario, donné par Teudo, chevalier, avec toutes [p.77] les coutumes; un alleu sur la terre d’Obterre (5), avec deux hôtes et toutes les coutumes; un alleu au village de Montelesbati [Lisez en fait: Montelosberti (B.G.)]; une précaire au village de Nuarevieris [Lisez en fait: Nuaremariis (B.G.)], avec toutes les coutumes, sous le cens de douze deniers; un alleu au village de Morigny (6); deux moulins à Bierville (7), sous le cens de dix sous, cens qui est perçu sur le fic royal, par concession du roi Robert, pour les besoins de l’église; in Sarcleriis [Lisez en fait: Sarcleiis (B.G.)] (8), la moitié d’un moulin, en gage du prix de trois onces d’or et quarante sous; les dîmes sur les coutures du roi au-dessus d’Étampes-les-Vieilles (9); à côté du moulin appartenant au roi [Lisez en fait: appartenant aux chanoines (B.G.)] dans le faubourg, une vigne avec deux hôtes, sous un cens de cinq sous [Lisez en fait: cinq deniers (B.G.)]; au-dessous du château d’Étampes, un arpent et demi de vignes, qui paie quatorze deniers; un alleu apud mansum Bavonis, donné pour sa sépulture par Adélaïde, fille de Benzelinus; un autre alleu donné par elle après sa mort, et sa maison, au village de Roureia.

     Ni le prévôt d’Étampes ni personne autre ne pourra envahir les biens des chanoines, lever des droits sur leurs maisons, ou exiger d’eux le droit de gîte. S’il arrive un jour qu’on donne à quelqu’un ce lieu à garder, le roi leur donne les charges de l’église (ministeria ecclesiae). Leurs procès ne pourraient pas être jugés par une autre personne séculière que le roi ou le préchantre. [Tout ce dernier paragraphe eonstitue en fait une interpolation d’un faussaire du XIIIe siècle (B.G.)]

     «Actum Compendii, MXLVI anno incarnati Verbi, regnique Henrici regis XVI.»
[p.78]
    
     A. Original perdu (existait encore au XIVe siècle).
[affirmation gratuite: rien n’indique que le texte copié sous le sceau de la prévôté d’Étampes de 1364 était l’original au sens où nous entendons ce mot, même si c’est c’est le mot qu’utilise le cartulaire pour parler de la source de cette copie, et tout indique plutôt le contraire (B.G.)]
     B. Copie du XVe siècle: cartulaire de Notre-Dame d’Étampes. Archive de l’église Notre-Dame d’Étampes, d’après un vidimus, donné sous le scel de la prévôté d’Étampes, le lundi 17 juin 1364, perdu. [Sœhnée ignore visiblement qu’il existe deux copies de la charte de 1046 dans le Cartulaire (B.G.)] — C (?) Copie d’une date incertaine, qui a servi à Fleureau pour son édition du diplôme, d’après B (?).

     a. Fleureau, Antiquitez d’Estampes, p. 292, d’après C (?). — b. Rec. des Hist. de France, t. XI, p. 579, d’après a. — c. Max. de Mont-Rond, Essais historiques sur la ville d’Estampes (Paris, 1836, in-8°), t. I, p. 199 et suiv., d’après un vieux cartulaire conservé aux archives de l’église Notre-Dame d’Étampes, c’est-à-dire d’après B. — d. Menault, Morigny, son abbaye…, pièces justificatives, p. 1, d’après a et c.

     INDIQ.: Bréquigny, Table des diplômes, t. II, p. 36. — Alliot (l’abbé J.-M.), Cartulaire de N.-D. d’Étampes (Paris et Orléans, 1888, in-8°. Doc. publ. par la Soc. Hist. et archéol. du Gâtinais, t. III) n° s XXVIII, p. 19, et LIX, p. 56, d’après B.
     (1) L’abbé Alliot (Cart. de N.-D. d’Étampes, p. 151, col. 1) identifie ce lieu avec la ferme de Chandoux, Seine-et-Oise [Essonne], arr., cant. et comm. d’Étampes, mais nous ne pouvons pas admettre cette identification) [Je pense avoir montré qu’Alliot avait pourtant raison (B.G.)].

     (2) Sainte-Croix, ancienne collégiale sise sur la paroisse Saint-Basile, qui a disparu à la Révolution. [Erreur patente, cette collégiale ayant été fondée en 1182 (B.G.)]

     (3) La carte de l’état-major indique encore un «château de Brunehaut», un peu au nord de Morigny [Ce château n’a rien à voir avec la Tour de Brunehaut]. Du temps de Fleureau, on voyait encore «au bout de la plaine des Sablons, sur le bord des prez, des restes d’un vieil bâtiment et d’une tour dite communément la tour de Brunehaut» (Antiq. d’Estampes, p. 16). Il y voit du reste une construction romaine, comme le prouvent, dit-il, «la façon de la structure de ce qui reste», et les monnaies qu’on y avait récemment trouvées. Cf. également, sur ces ruines romaines: Mont-Rond, Essais historiques sur la ville d’Étampes, t. I, pp. 30 et 74.

     (4) La Juine, rivière, affluent de l’Essonne. [En fait le texte ne parle pas de la Juine, mais de la Louie. (B.G.)]

     (5) Obterre, Seine-et-Oise [Essonne], arr. et cant. d’Étampes, comm. de Chalo-Saint-Mars.

    (6) Morigny, Seine-et-Oise [Essonne], arr. et cant. d’Étampes.

     (7) Bierville. Seine-et-Oise [Essonne], arr. d’Étampes, cant. de Méréville, comm. de Boissy-la-Rivière.

     (8) In Sarcleriis. Nous hésitons à identifier cette localité avec Saclas (arr. d’Étampes, cant. de Méréville), comme l’a fait Mont-Rond (Essais historiques sur la ville d’Étampes, t. I, p. 74), qui rapproche cette forme de celles de Sarclitae, dans un diplôme du roi Dagobert, et de Salioclita, dans l’itinéraire d’Antonin (op. cit., t. II, p. 190). [Les réticences de Sœhnée sont fondées sur la mauvaise leçon de la première version du Cartulaire, malheureusement adoptée par Montrond, alors que Fleureau avait la bonne leçon en commun avec la deuxième version: In Sarcleiis.]

     (9) D’après ces deux passages, Mont-Rond (op. cit., t. I, p. 74) conclut que, «au commencement du XIe siècle, Étampes était divisé en deux parties bien distinctes, dont l’une (le quartier Saint-Martin actuel) portait le nom d’Étampes-les-Vieilles, Stampae vetulae, et l’autre celui d’Étampes-le-Châtel, Stampense castrum».

Source: Saisie de B.G. sur l’original, 2003, notes de 2006.


ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes [
registre en papier de format in-quarto, comptant 189 folios, dont 66 seulement ont été utilisés pour recopier, à l’extrême fin du 15e siècle, un ensemble de 114 pièces datées de 1046 à 1495], conservé en 2006 aux Archives départementales de l’Essonne, à Chamarande, sous la cote 1 J 448, folios 11 r°/v° (version A) et 32 r°/v° et 33 r° (version B).

      Dom Basile FLEUREAU (religieux barnabite,
1612-1674), Les Antiquitez de la ville, et du Duché d’Estampes avec l’histoire de l’abbaye de Morigny et plusieurs remarques considerables, qui regardent l’Histoire generale de France [in-4°; 622 p.; rédigé entre 1662 et 1668; publication posthume par Dom Remy de Montmeslier], Paris, J.-B. COIGNARD, 1683 [dont une réimpression: Marseille, Lafittes reprints, 1977; édition numérique en cours: Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-fleureau.html, depuis 2001], pp. 292-294.

     Jean-Baptiste HAUDIQUIER, Charles HAUDIQUIER, Étienne HOUSSEAU, Jacques PRÉCIEUX & Germain POIRIER (bénédictins de l’ordre de Saint-Maur) [éd.], Rerum Gallicarum et Francicarum Scriptores. Tomus undecimus (Novæ Collectionis Historicorum Franciæ tomus undecimus) – Recueil des Historiens des Gaules et de la France. Tome onzième, contenant ce qui s’est passé sous le règne de Henri premier, fils du roi Robert le Pieux; c’est-à-dire depuis l’an MXXXI, jusqu’à l’an MLX, par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur [in-8°; CXLIII-798 p.; sommaire: pp. CVI-VIII], Paris, Imprimerie Royale, 1767 [dont une réédition: Léopold DELISLE (membre de l’Institut, 1826-1910) (éd.), Recueil des historiens des Gaules et de la France. Tome onzième, édité par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur. Nouvelle édition publiée sous la direction de M. Léopold Delisle (mêmes texte & pagination), Paris, Victor Palmé, 1876; dont une réédition en microfiches: Doetinchem, Microlibrary Slangenburg Abbey; dont une réédition numérique en mode image par la BNF sur son site Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k501290, 1995 (en ligne en 2005)], pp. 579-580 (n°XIV de la série des diplômes de Henri Ier).

     Maxime de MONTROND, Essais historiques sur la Ville d’Étampes, tome 1, Étampes, Fortin, 1836, pp. 72-74 (traduction partielle et commentaire); 197-198 (commentaire) et 199-202 (texte). 

      Ernest MENAULT,
Essais historiques sur les villages de la Beauce. Morigny, sa chronique et son cartulaire, suivis de l’histoire du doyenné d’Étampes, Paris, Aubry, 1867, t. 2, pp. 1-3

     Jean-Marie ALLIOT, Cartulaire de Notre-Dame d’Étampes, Paris, Alphonse Picard (Documents publiés par la Société historique et archéologique du Gâtinais, n°3), 1188, p. [édition seulement des titres donnés par le cartulaire à ses deux versions de la charte]

 
     Maurice PROU [éd.],
Recueil des Actes de Philippe Ier, Roi de France (1059-1108), Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 275 , n. 3 (édition d’une seule phrase de la charte, en note à celle de 1082).

     Bernard GINESTE, «Henri Ier: Charte en faveur de Notre-Dame d’Étampes (1046)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-henri1notredame1046.html, 2006.

Éléments de commentaire

     Louis de BRÉQUIGNY, Table chronologique des diplômes, chartes, titres et actes imprimés concernant l’histoire de France, tome 2, Paris, Imprimerie royale, 1775, p. 36.

     Frédéric SŒHNÉE, Catalogue des actes d’Henri Ier, roi de France, Paris, Honoré Champion (Bibliothèque des Hautes Études. Sciences philologiques et historiques, n°161), 1907, pp. 76-78 (n°73).

     Louis-Eugène LEFÈVRE, Étampes et ses monuments aux XIe et XIIe siècles, Picard, Paris, 1907, p. 9.

     Michel MARTIN et alii [éd.], Le Pays d’Étampes. 1. Des origines à la ville royale, Étampes, Étampes-Histoire, 2003, pp. 74 (et note 129), 75 (ter), 98 (et note 213), 105 (bis, et notes 249-247 et 253), 141 (et note 416), 142, 187 (et notes 610-511), 198.

     Bernard GINESTE, «Henri Ier: Charte en faveur de Notre-Dame d’Étampes (1046)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cls-11-henri1notredame1046.html, 2006.


 
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