CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Louise Abbéma
Lettre sur Louise Contat
1902
Avec une enquête sur cette ancêtre
de Louise Abbéma
par différents érudits
1904
 

Louise Abbéma: autoportrait
 
     En 1902 on joua avec un certain succès une pièce de Romain Rolland intitulée Le quatorze juillet. Ce drame en trois actes mettait en scène une certaine Louise Contat; il en faisait une disciple de Marat et lui accordait un rôle considérable dans le déclenchement de l’insurrection. En lisant le compte-rendu de cette pièce dans le Gaulois, Louise Abbéma, qui comptait Louise Contat parmi ses ancêtres, fut indigné d’un portrait de cette actrice si contraire à la vérité.
     Cette lettre publiée par le Gaulois en 1902 fut reprise en 1904 par l’Intermédiaire, dans le cadre d’une enquête sur cette famille de comédiens, enquête que nous reprenons ici par curiosité pour l’origine familiale du fameux peintre étampois.
 
               Cher Monsieur, 
  
     Voulez-vous, je vous prie, accorder l’hospitalité du Gaulois à ces quelques lignes? 
  
     En lisant ce matin dans les journaux le compte-rendu de la pièce: Le 14 juillet, je vois que son auteur, M. Romain Rolland, y présente Louise Contat sous un jour absolument inexact. 
  
     Ayant l’honneur d’être l’arrière-petite-fille de celle qui fut, de 1776 à 1808, une des gloires de la Comédie-Française, j’ai le droit et le devoir de défendre sa mémoire en protestant énergiquement contre cette étrange idée de travestir en une sorte de Théroigne de Méricourt la femme qui, honorée de l’amitié de la reine Marie-Antoinette, fut toujours une royaliste fervente et fidèle. 
  
     Incarcérée pendant la Terreur, elle fut la plus menacée de ses camarades et ne dut son salut qu’à La Bussière et au 9 thermidor. 
  
     Si vous consultez la Biographie universelle de Michaud, publiée en 1813, vous y trouverez, à la date même où M. Rolland la représente distribuant au peuple des cocardes tricolores, l’anecdote suivante: 
  
     Un trait peut faire connaître à la fois son esprit et la noblesse de ses sentiments. 
     La reine ayant désiré, en 1789, aller à la Comédie-Française et y voir représenter la Gouvernante, fit savoir à Mlle Contat qu’elle souhaitait la voir dans ce rôle, qui n’était pas de son emploi. Il fallait des efforts surnaturels pour apprendre en vingt-quatre heures plus de cinq cents vers. 
     Mlle Contat fit ce qu’on aurait pu croire impossible et, satisfaite d’elle-même, écrivit à la personne qui lui avait fait part du désir de la reine: 
     J’ignorais où était le siège de la mémoire, je sais à présent qu’il est au cœur. 
     Cette lettre, qui fut publiée par ordre de la reine, faillit bientôt après, coûter la vie à son auteur et devint, pendant les orages de la Révolution, le motif de son arrestation. 
     Louise Contat, devenue marquise de Parny, détruisit, peu de temps avant sa mort, un recueil assez considérable d’ouvrages en vers et en prose, qu’elle anéantissait parce qu’ils contenaient quelques traits de satire personnelle. 
  
     Je ne connais d’elle que ces vers, écrits après la mort de la Reine, et qui n’indiquent guère une âme révolutionnaire: 
        Ainsi finit la Royauté, 
        La beauté, la grâce enfantine. 
        Le niveau de l’Egalité, 
        C’est le fer de la guillotine.
     Pardonnez-moi cette longue lettre; mais je tenais absolument à ce que l’on sache bien qu’au sombre temps de la Terreur, mon arrière-grand-mère était du côté des victimes et non du côté des bourreaux. 
  
     Veuillez agréer, cher monsieur, mes meilleurs sentiments. 
  
LOUISE ABBÉMA.  
 
Source: réédition par L’intermédiaire en 1904, mise en ligne en mode image par la BNF, saisie par Bernard Gineste, avril 2003.
 
 
Différents érudits
[D. C., Sir Graph, Nauroy, Arthur Pougin, Renaud d’Escles, J. G. Bord, Louise Abbéma]
Enquête sur Émilie et Louise Contat

L’intermédiaire n°1031 (20 février 1904), pp. 220-221:

     Emilie Contat. — L’actrice Marie-Emilie Contat, née à Paris le 28 janvier 1771, est décédée à Nogent-sur-Vernisson (Loiret) le 28 avril 1846. Elle a eu cinq [p.221] enfants dont une fille, qui épousa Amelot de Chaillou, et qui mourut le 29 novembre 1817. Quelles sont, sur cette comédienne, les sources d’informations les plus étendues. Quels sont ses descendants? 

D. C.
 
L’intermédiaire n°1033 (10 mars 1904), pp. 361-362:

     Emilie Contat (XLIX, 220). — J’ai visité récemment, aux environs de Coutances (Manche), un château dont il m’est impossible de me rappeler le nom, mais où j’ai vu, dans une sorte de bibliothèque-hall, des portraits de personnages et des livres ayant appartenu à la famille Amelot de Chaillou. Je croirais volontiers que des descendants de cette famille sont propriétaires du château et l’habitent. Peut-être D. C., en poursuivant de ce côté ses investigations (il serait facile de retrouver le nom du manoir) découvrirait-il le renseignement qu’il demande.  

SIR GRAPH.
*
*  *
     Voir dans le Curieux l’article intitulé: les Contat. 
NAUROY.
*
*  *
     Le mieux est, sans doute, pour se renseigner sur cette actrice aimable, sœur cadette de la grande Louise Contat, qu’elle était loin d’égaler en talent, de [p.362] recourir à Mlle Louise Abbéma, l’excellent peintre, qui est elle-même petite-nièce de cette dernière, dont la mémoire lui est particulièrement chère.
  
A. P.
L’intermédiaire n°1037 (20 avril 1904), p. 588:
  
     Emilie Contat (XLIX, 220, 361). — La famille des célèbres artistes Contat est encore représentée, dans les mâles, par M. Contat-Desfontaines, dont on trouverait l’adresse dans le Tout-Paris et qui pourrait peut-être renseigner le questionneur.

 
 
RENAUD D’ESCLES.
L’intermédiaire n°1042 (10 juin 1904), p. 866:

     Emilie Contat (XLIX, 220, 361, 588). — Marie-Emilie Contat est née à Paris le 28 décembre 1770 et non le 28 janvier 1771. 
     Elle était fille de Jean-François C. bourgeois de Paris, marchand de bas privilégié, et de Françoise-Madeleine Leroy, son épouse. 
     Emilie débuta le 5 octobre 1784, dans le rôle de Fanchette du Mariage de Figaro. Reçue à l’essai le 1er mars 1785, sociétaire le 20 novembre suivant, elle se retira le 1er août 1815. 
     Emilie Contat épousa, le 11 novembre 1817, Marie-Bernard Chagot de Fays, membre du Conseil du contentieux au ministère des Finances, né à Paris en 1757, et qui mourut quelques jours après son mariage le 27 novembre 1817. 
     Je ne crois pas qu’Emilie C. ait eu cinq enfants. 
     Je n’ai trouvé jusqu’ici que: 
     1° Emile-Philippe-Louis-Alexandre, né à Paris, rue Molière, (rue Rotrou actuelle) le 10 décembre 1791. Fils de Joseph-Louis-Philippe de Lichstenstein, ambassadeur d’Autriche; d’où le colonel de Lichstentein, attaché à la maison militaire de M. Grévy. 
     2° Gabrielle-Louise-Bathilde-Augustine, née à Paris, 3, rue de Chaillot (actuellement démolie par la rue François Ier), le 2 octobre 1793, fille de Jean-Gabriel-Maurice Roques, dit comte de Montgaillard. 
     Gabrielle Contat épousa le colonel baron Hurel; elle mourut à Perpignan, le 8 janvier 1822. 
     3° Céline, née le 13 août 1797, reconnue, le 11 novembre 1817, par Chagot de Fays, épousa Antoine-Victor-Anne Dijon, comte Amelot, marquis de Chaillou. 
     Emilie est morte le 27 avril 1846, au château de la Mivoye, par Nogent sous Vermisson (Loiret). Je serai très reconnaissant au collaborateur D. C., de me fixer positivement sur les noms des deux autres enfants? Je crois fort qu’il y a confusion entre les enfants d’Emilie et ceux de sa sœur Louise. 
 

J. G. BORD.
 
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*  *

     Si M. D. C. n’est pas pressé, je lui conseille d’attendre environ deux mois la publication de mon article très complet dans le Dictionnaire des Comédiens (sous presse: Rose Chéri). 
 

H. LYONNET.
L’intermédiaire n°1044 (30 juin 1904), p. 979:
  
     Emilie Contat (XLIX, 220, 361, 588, 866). — La fille de Louise Contat, qui s’appelait Amalric Contat, avait épousé un sieur Abbema dont le célèbre peintre contemporain, Mme Louise Abbema, est descendante. Nous pensons donc que l’on pourrait avoir, par ce conduit, des renseignements sur Mlles Louise Contat, Emilie Contat, sa sœur, et Amalric Contat, sa fille. Cette dernière mourut à Rimini (Italie).
   
 
H. LYONNET.
L’intermédiaire n°1046 (20 juillet 1904), p. 85:
  
     Emilie Contat (XLIX, 220, 361, 588, 866, 979). — La question posée par... ne concernait pas les enfants de Louise, mais bien ceux d’Emilie. Je connais quatre enfants à Louise: un fils de Maupeou, un fils du comte d’Artois, une fille de Louis de Narbonne (Amalricque) et un fils légitimé du marquis de Parny. Sous peu, je donnerai des renseignements (?) sur les Contat dans l’histoire du Théâtre. Je pose donc à nouveau la question: Est-ce que Emilie eut comme sa sœur quatre enfants, comme l’affirme Fortia-Piles dans le Préservatif à la biographie des contemporains et le Collaborateur...? Qui était le quatrième enfant?
   
 
J. G. BORD.
L’intermédiaire n°1047 (30 juillet 1904), pp. 133-134:
  
     Émilie CONTAT (XLIX, 220, 361, 588, 866, 979; L, 85). — M. Romain Rolland, a fait jouer à Louise Contat, un rôle contre lequel Mme Louise Abbéma, comme descendante des Contat, a protesté dans le Gaulois, par cette lettre:
   

          Cher Monsieur, 
     Voulez-vous, je vous prie, accorder l’hospitalité du Gaulois à ces quelques lignes? 
     En lisant ce matin dans les journaux le compte-rendu de la pièce: Le 14 juillet, je vois que son auteur, M. Romain Rolland, y présente Louise Contat sous un jour absolument inexact. 
     Ayant l’honneur d’être l’arrière-petite-fille de celle qui fut, de 1776 à 1808, une des gloires de la Comédie-Française, j’ai le droit et le devoir de défendre sa mémoire en protestant énergiquement contre cette étrange idée de travestir en une sorte de [p.134] Théroigne de Méricourt la femme qui, honorée de l’amitié de la reine Marie-Antoinette, fut toujours une royaliste fervente et fidèle. 
     Incarcérée pendant la Terreur, elle fut la plus menacée de ses camarades et ne dut son salut qu’à La Bussière et au 9 thermidor. 
     Si vous consultez la Biographie universelle de Michaud, publiée en 1813, vous y trouverez, à la date même où M. Rolland la représente distribuant au peuple des cocardes tricolores, l’anecdote suivante: 
     «Un trait peut faire connaître à la fois son esprit et la noblesse de ses sentiments. 
     «La reine ayant désiré, en 1789, aller à la Comédie-Française et y voir représenter la Gouvernante, fit savoir à Mlle Contat qu’elle souhaitait la voir dans ce rôle, qui n’était pas de son emploi. Il fallait des efforts surnaturels pour apprendre en vingt-quatre heures plus de cinq cents vers. 
     «Mlle Contat fit ce qu’on aurait pu croire impossible et, satisfaite d’elle-même, écrivit à la personne qui lui avait fait part du désir de la reine: 
     «J’ignorais où était le siège de la mémoire, je sais à présent qu’il est au cœur. 
     «Cette lettre, qui fut publiée par ordre de la reine, faillit bientôt après, coûter la vie à son auteur et devint, pendant les orages de la Révolution, le motif de son arrestation. 
     «Louise Contat, devenue marquise de Parny, détruisit, peu de temps avant sa mort, un recueil assez considérable d’ouvrages en vers et en prose, qu’elle anéantissait parce qu’ils contenaient quelques traits de satire personnelle.» 
     Je ne connais d’elle que ces vers, écrits après la mort de la Reine, et qui n’indiquent guère une âme révolutionnaire: 
        Ainsi finit la Royauté, 
        La beauté, la grâce enfantine. 
        Le niveau de l’Egalité, 
        C’est le fer de la guillotine.
     Pardonnez-moi cette longue lettre; mais je tenais absolument à ce que l’on sache bien qu’au sombre temps de la Terreur, mon arrière-grand-mère était du côté des victimes et non du côté des bourreaux. 
     Veuillez agréer, cher monsieur, mes meilleurs sentiments.
   
 
LOUISE ABBÉMA.
L’intermédiaire n°1049 (20 août 1904), pp.242-245:
  
     Émilie CONTAT (XLIX, 220, 361, 588, 866, 979; L, 85, 133). — Mlle Louise Abbema descend en effet de Louise Contat, par la grand’mère de son père, Louise-Amalrique-Bathilde-Isidore, fille de Louise Contat, et de Louis-Marie-Jacques-Amalric de Narbonne. 
     A l’époque où le Gaulois publia la lettre de Mlle Abbema, l’Intermédiaire reproduisait (XLVII, 122) une lettre de Louise Contat. Cette lettre est fausse ou mal lue et mal datée. 
     En effet, en tête, elle est datée du 17 septembre 1793, et, à la fin, du Ier sans-culotte de l’an II. 
     Or le Ier sans-culotte de l’an II est le 17 septembre 1794, et non le 17 septembre 1793. Du reste, en septembre 1793, le calendrier révolutionnaire n’était pas encore en vigueur. 
     La lettre contient une seconde erreur plus grave: en la supposant authentique, il faut lire 17 septembre 1794. A cette époque, Louise Contat ne pouvait demander la mise en liberté des Girondins, guillotinés le 30 octobre 1793. Il s’agit probablement des frères Girardins, arrêtés à Sézanne et qui ne furent mis en liberté qu’après le 9 thermidor. Louise Contat avait mis en effet au monde, le 12 août 1793, à Chaillot, un fils de Girardin: Amable-Ours-Louis-Alexandre, qui mourut le 20 juin 1865, à Saint-Germain-en-Laye, général de brigade, gouverneur du château de Saint-Germain.
   
 
J.-G. BORD.
 
*
*  *

     Il est certain que Louise Contat n’eût pu jamais passer pour révolutionnaire. En 1790, lors de la grande querelle suscitée à la Comédie-Française par le Charles IX de Marie Joseph Chénier et les réclamations de Talma, Mlle Contat faisait [p.243] partie de la droite de la Comédie, tandis que la gauche était représentée précisément par Talma, Dugazon, Mme Vestris et quelques autres. Et quand cette querelle devint violente, Mlle Contat et Mlle Raucourt refusèrent de continuer leur service avec Talma, et la première le fit connaître par une lettre adressée à ses camarades, lettre que Fleury vint lire un soir devant le public et qui était ainsi conçue: 
          Messieurs et chers camarades, 
     J’ignore ce qui s’est passé à votre théâtre, mais la lettre que je reçois, en m’annonçant une nouvelle preuve de l’indulgence du public, excite en moi la plus vive sensibilité; ses bontés seront long-tems l’objet de mes vœux, et seront toujours l’objet de ma respectueuse reconnaissance. Les motifs qui m’ont forcé à renoncer au bonheur de lui consacrer mes faibles talens sont connus et subsistent: ils ne prennent pas leur source, ainsi qu’on l’a calomnieusement supposé, dans un esprit de parti, mais bien dans une impérieuse nécessité. Il est des sentimens avec lesquels on ne suppose pas: tels sont ceux qui m’ont fait, au mois de juillet dernier, signer, après vous, une délibération qui vous parut alors indispensable et juste, et que depuis vous avez rendue publique. Les nouveaux chagrins qui vous ont été suscités par M. Talma ne peuvent me paraître un motif pour revenir sur cette résolution, pour consentir à le regarder jamais comme mon associé, comme mon camarade. Son existence  à la Comédie-Française compromet toutes les autres; ses volontés nuisent à l’Intérêt général; ses amis troublent le repos public, calomnient les actions, les pensées, et sont enfin parvenus, à l’époque de la liberté, à faire traiter les comédiens comme de vils et malheureux esclaves, à ravir à leur société le droit qu’on ne peut disputer à nulle autre, celui de se régit d’après ses reglemens, et pour son plus grand avantage. 
     L’idée d’un pareil asservissement ne peut, je crois, s’allier aux myens nécessaires pour cultiver un art moral; du moins éprouvé-je, pour ma part, qu’il détruit cette liberté d’esprit indispensable à son exercice. Les motifs ci-dessus détaillés sont ceux de ma retraite; en l’imputant à M. Talma, je ne prétends appeler contre lui aucun ressentiment; mais je dois au public, qui m’a comblée de ses bontés, qui m’a donné des marques précieuses de son intérêt, je lui dois le soin de me disculper d’une ingratitude qui me rendrait coupable à mes propres yeux. Veuillez bien, Messieurs, être près de lui les interprètes de [p.244] mon profond respect, de mes vifs et durables regrets. Vous ne pourrez jamais lui peindre qu’imparfaitement la reconnaissance dont je serai pénétrée jusqu’au dernier jour. 
     Je suis etc. 

CONTAT.
   
     Cependant les choses s’arrangèrent... pour le moment, Talma se réconcilia avec ses camarades, et Mlles Contat et Raucourt consentirent à reparaître à la Comédie. Mais la paix fut de courte durée, et l’on sait que les choses s’envenimèrent à ce point qu’une scission finit par se produire, et que Talma, avec ceux de son bord, s’en alla au théâtre de la rue de Richelieu, qui n’allait pas tarder à devenir le «Théâtre de la République,» et qui faisait une concurrence directe à la Comédie, devenue elle-même le «Théâtre de la Nation.» On sait aussi qu’en 1793, à la suite des représentations orageuses de Paméla, la fameuse comédie de François de Neufchâteau, et de celle de l’Ami des lois, de Laya, les artistes du Théâtre de la Nation, depuis longtemps en butte à la haine des Jacobins, furent arrêtés en masse et incarcérés, en attendant leur jugement. Louise Contat et sa sœur Emilie subirent, naturellement, le sort de leurs camarades, et ne furent délivrées que par le Neuf-Thermidor. Or, à cette époque, quelques misérables ou imbéciles ne craignirent pas d’oser dire que Talma était l’auteur de la proscription de ses anciens camarades, et qu’elle était due à son esprit de vengeance en même temps qu’au désir qu’il avait de supprimer toute rivalité et toute concurrence au théâtre de la République, dont il était le plus solide soutien. C’était une infamie en même temps qu’une calomnie, mais, comme toutes les calomnies, celle-ci avait la vie dure, si bien que Louis Contat crut devoir elle-même en disculper Talma par cette lettre rendue publique: 

     A Paris, ce 3 germinal, l’an 3e de la République. [Mars 1793]. 

     Ce fut à l’époque même de notre persécution que je reçus de Talma et de sa femme (que je ne voyois plus depuis long-tems) des marques d’un véritable intérêt. Je les jugeai si peu équivoques qu’elles firent disparaître les légers nuages de nos anciennes divisions, et nous rapprochèrent. Je m’empresse de rendre cet hommage à la vérité. Puisse-t-il [p.245] détruire une inculpation que je ne savois pas même exister! 
     Je ne concevrai jamais qu’un artiste spécule froidement sur la ruine des autres, et je pense que Talma n’étoit pas alors plus disposé à profiter de nos dépouilles que nous ne serions aujourd’hui à bénéficier des siennes. Je dis nous, sans avoir consulté mes camarades, mais je le dis avec la certitude de n’en être pas désavoué.
 
 
Louise CONTAT.
 
     On voit bien que Mlle Louise Abbema avait raison de protester contre le rôle qu’on a prétendu faire jouer pendant la Terreur à sa glorieuse bisaïeule. Je connaissais la lettre de Mlle Abbema, et je l’avais soigneusement classée dans mes notes comme un document utile. Mais, si elle veut bien me le permettre, je complèterai ici le couplet de Louise Contat, dont elle n’a donné que la seconde moitié et qui comportait huit vers. On assure que la célèbre comédienne l’écrivit dans sa prison, quelques jours avant le Neuf Thermidor, et qu’elle se déclarait prête à le chanter sur la charrette qui devait la conduire à l’échafaud. Le voici en entier: 
        Je vais monter sur l’échafaud,
        Ce n’est que changer de théâtre. 
        Vous pouvez, citoyen bourreau, 
        M’assassiner, mais non m’abattre. 
        Ainsi finit la Royauté, 
        La valeur, la grâce enfantine... 
        Le niveau de l’égalité, 
        C’est le fer de la guillotine.
 
ARTHUR POUGIN.
Source: L’intermédiaire de 1904, mis en ligne en mode image par la BNF, saisi par Bernard Gineste, avril 2003.
 
 
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
  
Éditions de la Lettre

     Louise ABBÉMA, «Lettre», in Le Gaulois, n° ? (?, 1902), pp. ?-?
 
     Louise ABBÉMA, «Lettre», in L’intermédiaire des chercheurs et curieux. Questions et réponses littéraires, historiques, scientifiques et artistiques, 40e année, vol. L (1904) [dont une réédition numérique en mode image par la BNF, gallica.bnf.fr, N073409, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=n073409.htm, en ligne en 2003], n°1046 (20 juillet 1904), p. 85; n°1047 (30 juillet 1904), pp. 133-134.
 
     Bernard GINESTE [éd.], «Louise Abbéma: Lettre sur Louise Contat (1902)», suivi de «Différents érudits (D. C., Sir Graph, Nauroy, Arthur Pougin, Renaud d’Escles, J. G. Bord, Louise Abbéma): Enquête sur Émilie et Louise Contat (1904)» in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-abbema-louisecontat.html, 2003.
 

Éditions des articles afférents
 
     DIFFÉRENTS ÉRUDITS [D. C., SIR GRAPH, NAUROY, A. P., Renaud d’ESCLES, J. G. BORD, H. LYONNET], «Émilie Contat», in L’intermédiaire des chercheurs et curieux. Questions et réponses littéraires, historiques, scientifiques et artistiques, 40e année, vol. XLIX (1904) [dont une réédition numérique en mode image par la BNF, gallica.bnf.fr, N073408, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=n073408.htm, en ligne en 2003], n°1033 (10 mars 1904), pp. 361-362; n°1033 (10 mars 1904), pp. 361-362; n°1037 (20 avril 1904), p. 588; n°1042 (10 juin 1904), p. 866; n°1044 (30 juin 1904), p. 979.   

     DIFFÉRENTS ÉRUDITS [J. G. BORD, Louise ABBÉMA, J. G. BORD, Arthur POUGIN], «Émilie Contat», in L’intermédiaire des chercheurs et curieux. Questions et réponses littéraires, historiques, scientifiques et artistiques, 40e année, vol. L (1904) [dont une réédition numérique en mode image par la BNF, gallica.bnf.fr, N073409, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=n073409.htm, en ligne en 2003], n°1046 (20 juillet 1904), p. 85; n°1047 (30 juillet 1904), pp. 133-134; n°1049 (20 août 1904), pp. 242-245.

     Bernard GINESTE [éd.], «Enquête de différents érudits (D. C., Sir Graph, Nauroy, Arthur Pougin, Renaud d’Escles, J. G. Bord, Louise Abbéma) sur Émilie et Louise Contat (1904)», in ID., «Louise Abbéma: Lettre sur Louise Contat (1902)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-abbema-louisecontat.html#intermediaire, 2003. 

Sur Louise Abbéma
 

     Bernard GINESTE [éd.], «Quelques œuvres de Louise Abbéma», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-abbema.html, 2003.

     Bernard GINESTE [éd.], «Louise Abbéma (1853-1927): Une bibliographie»
, in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cbe-louiseabbema.html, 2003.
 

Merci de nous communiquer toute donnée supplémentaire sur cette question. 
 
 
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