CORPUS HISTORIQUE ÉTAMPOIS
 
Gabriel Barrière
La Prison d’Étampes
1975

Gabriel Barrière, maire d'Etampesde 1965 à 1977
Gabriel Barrière en 1971
 
     Gabriel Barrière a été maire d’Étampes de 1965 à 1977. Il avait manifestement un intérêt personnel pour ce qu’on appelle la culture, et nous avons publié le relevé qu’il a notamment donné du parler rural dans la région d’Étampes.
 
Bulletin Municipal
Étampes. Bulletin Municipal Officiel
20 (1975), pp. 18-19.
La Prison d’Étampes
  
     La Ville d’Étampes acquiert actuellement la Prison. Évidemment, c’est pour faire place nette et permettre une opération d’urbanisme du plus haut intérêt dans la mesure où elle intéressera les terrains laissés vacants par la scierie Berthelot et aussi ceux occupés actuellement par la Gendarmerie qui souhaite une autre implantation.
     Depuis quelques années, cette prison est désaffectée et ne servait plus qu’à des tournages de films, le dernier «Adieu poulet!» avec Lino Ventura pour vedette (notre photo).
 
Adieu Poulet, scène tournée à la prison d'Etampes
 
     Mais elle est très certainement riche d’histoires. Quels criminels célèbres par l’originalité de leur forfait ou par leur personnalité ont médité entre ses murs sur les avantages et les inconvénients de l’illégalité?
     Monsieur Baptiste, Conseiller Municipal, nous a envoyé récemment un extrait de «L’Illustration», n° 2616 du samedi 15 avril 1893. On y lit un article sur la Prison d’Étampes et une gravure que nous publions ici montrant un détenu en cagoule. Curieux certes, mais qui était ce Baïhaut, Ministre des Travaux Publics sous les fers? Qui étaient ces gens sans doute fameux à l’époque qui s’appelaient Turpin, Triponé, Le Guay? Et ce de Lesseps attendu, était-il de la famille du perceur de Suez?
     Quel historien étampois nous en dira plus long et ainsi concourra pour le prix annuel que le Conseil Municipal a fondé?
 
 Dr G. Barrière
 

     Au moment où, après sa condamnation, M. Baïhaut était transféré à la prison d’Étampes, un fonctionnaire de l’administration chargé de la surveillance de ce prisonnier de marque causait à voix basse, à quelques pas du wagon où l’ancien Ministre était monté, avec un des orateurs les plus écoutés de la Chambre.


     — Mais oui, Cher Monsieur, disait le fonctionnaire, un salon, un vrai salon, cette prison d’Étampes. Songez-y donc! J’ai Turpin, j’ai Triponé, j’ai Le Guay. J’emmène Baïhaut et j’attends de Lesseps. Où trouverez-vous une société plus… choisie?
     — Voilà des gens qui ne doivent pas aimer à se rencontrer ensemble.
     — Mais ils ne se rencontrent jamais.
     — Cependant, aux heures de promenade dans les préaux?
     — Ils ne se rencontrent pas; le service est organisé pour cela. Et se rencontreraient-ils, ils ne se reconnaîtraient pas!
     — Ils ont donc bien changé!
     — Non, mais ils ont un masque sur la figure.
     — Un masque? Des prisonniers masqués?
     Cette révélation saisie au passage excita ma curiosité, vous le devinez sans peine. Je n’eus plus qu’un désir: visiter la prison, voir un détenu sortant de sa cellule, le masque sur la figure.
     Dès le lendemain, Scott et moi, nous nous rendions à Étampes dans le but d’assister à cette scène étrange et de la représenter aux yeux des lecteurs de l’Illustration avec l’expression d’une chose réellement vue.
     Tout d’abord, en quelques mots, la description de la maison de détention.
     Derrière le mur d’enceinte qui ressemble, mais en petit, à tous les murs d’enceinte de nos prisons, un bâtiment presque coquet. La porte d’entrée franchie, on se trouve dans un couloir spacieux, élevé, bien éclairé, avec au fond, un autel minuscule pour le service religieux, et, derrière, une chaise haute, très haute. A droite et à gauche, au-dessus l’une de l’autre, deux rangées de cellules, celles du bas s’ouvrant sur le couloir, celles du haut, sur une galerie étroite. Le couloir est fermé par une cloison demi-circulaire vitrée. A hauteur d’homme les vitres sont dépolies.
Un prisonnier cagoulé à Etampes (dessin grossièrement reproduit d'après la belle gravure de l'Illustration)      Dans cette cloison sont ménagées cinq portes donnant accès sur cinq préaux ou promenoirs découverts, séparés les uns des autres par des murs de deux mètres de hauteur.
     C’est là que les prisonniers prennent individuellement et tour à tour leur récréation quotidienne d’une heure à une heure et demie. Les vitres dépolies ne leur permettent pas de chercher une distraction ailleurs que dans le préau, et elles les cachent en même temps aux yeux des visiteurs indiscrets. Seul, perché sur sa chaise haute, le gardien peut plonger les yeux sur les cinq préaux et exercer une surveillance attentive.
     Mais, pour se rendre de leur cellule au préau, ou du préau à leur cellule, les prisonniers doivent traverser le couloir, puis monter la galerie ou en descendre, s’ils sont logés au premier étage. Ce trajet, les prisonniers l’effectuent accompagnés d’un gardien, et les uns après les autres. Ils ne sont donc pas exposés à se rencontrer.
       Toutefois, il peut arriver qu’au moment où l’un d’eux sort de sa cellule pour se rendre au préau, il soit aperçu par un autre détenu, qui, sa promenade quotidienne achevée, suivi lui aussi de son gardien, regagne le local qui lui est assigné. Au surplus, des fournisseurs ou des visiteurs munis d’une autorisation ministérielle spéciale peuvent aussi se rencontrer fortuitement sur le passage des prisonniers. C’est en prévision de ces rencontres que l’administration a autorisé les détenus à se couvrir la tête d’une sorte de capuchon pour aller de leur cellule à leur préau.
     Ce capuchon est collé au collet du vêtement par une large bande de toile blanche. Il est d’une ampleur telle qu’il peut, au gré du détenu, ou s’abaisser de façon à couvrir le visage en entier, ou se rejeter en arrière en dégageant la tête. Il est d’une étoffe gris clair, et d’un tissu assez transparent pour permettre à celui qui le porte de distinguer les objets qui l’entourent tout en le dérobant aux regards de ceux qui voudraient distinguer ses traits.
     Ce n’est pas en vain que de si minutieuses précautions ont été prises. Les hasards de notre visite nous ont en effet mis en présence de deux détenus que nous n’avons pu reconnaître. Nous savons, de plus, que Turpin a toujours ignoré qu’il eût Triponé pour voisin de cellule, et ces deux détenus ont sans doute souvent croisé Baïhaut sans se douter que l’ancien ministre des Travaux Publics se trouvait sur leur passage.

Marcel EDANT.

BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Sources et éditions
  
     1) Marcel ÉDANT, «La Prison dÉtampes», in L’Illustration 2616 (samedi 15 avril 1893), pp. ?-?.
 
     2) Gabriel BARRIÈRE [maire
dÉtampes], «La Prison dÉtampes», in Étampes. Bulletin Municipal Officiel 20 (1975), pp. 18-19.
 
     
3) Bernard GINESTE [éd.], «Marcel Édant (1893) & Gabriel Barrière (1975): La Prison dÉtampes», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-1975barriere-prison.html, 2003.
Gabriel Barrière en 1975
Gabriel Barrière

     Gabriel BARRIÈRE, « Le parler rural contemporain dans la région d’Étampes», in S. H. A. C. E. H. [84e année] n°48 (1978), pp. 65-72.
     Réédition: Gabriel BARRIÈRE, « Le parler rural contemporain dans la région d’Étampes», in Corpus Étampoishttp://www.corpusetampois.com/che-20-gabrielbarriere1978parlerrural.html, 2004.

     Clément WINGLER, «Mandats municipaux de  Gabriel Barrière (note de synthèse, 2008)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-wingler2008gabrielbarriere.html, 2008.

Autres sources sur cette prison

     Abbé DUSSUC [aumônier de la prison], «Discours d’inauguration de la prison d’Étampes», in LAbeille d’Étampes (22 décembre 1849), p.?.

     Léon MARQUIS, Les rues d’Étampes et ses monuments, Histoire - Archéologie - Chronique - Géographie - Biographie et Bibliographie, avec des documents inédits, plans, cartes et figures pouvant servir de supplément et d’éclaircissement aux Antiquités de la ville et du duché d’Étampes, de Dom Basile Fleureau [in-8°; 438 p. & planches; avec une préface de V. A. MALTE-BRUN], Étampes, Brière,
1881 [rééditions en fac-similé: Marseille, Lafitte reprints, 1986; Éditions de la Tour Gile, 1996], pp. 165-166 [«Rue de la Prison»] & 403 [«Note justificative E»].

     Charles BAÏHAUT, Projet de loi ayant pour objet d’autoriser la Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama à faire une émission d’obligations à lots, présenté... par M. Sarrien,... par M. Sadi Carnot,... et par M. Baïhaut,... (17 juin 1886.) [in-4°; 10 p.; Chambre des Députés. 4e législature, session de 1886. N ̊841], Paris, A. Quantin, 1886.

     LE PETIT JOURNAL, «La prison d’Étampes», in Le Petit Journal. Supplément illustré 4 (samedi 29 avril 1893, n°124), pp. 111 [texte] & 112 [gravure pleine page d’Henri MEYER].

     LE PETIT JOURNAL, «Première heure de liberté. M. Turpin sortant de la prison d’Étampes», in Le Petit Journal. Supplément illustré 4 (samedi 29 avril
1893, n°127), pp. 129 [gravure pleine page d’Henri MEYER] & 135-136 [texte].
 
     Charles BAÏHAUT, Impressions cellulaires [in-16; 411 p.; 7e mille; 1893: Mazas, la Conciergerie, Étampes; 1894: Étampes; 1895: Étampes; 1896: Étampes, la Conciergerie; Épilogue: Sainte-Pélagie], Paris, Flammarion,
1898 [dont une saisie numérique en cours par le Corpus].

     Charles BAÏHAUT, L’Amoureuse Foi [in-12; 372 p.], Paris, E. Flammarion,
1898.

     Charles BAÏHAUT, L’Idée suprême de Galérius Kopf [in-12; 383 p.], Paris, E. Flammarion,
1899.

     Charles BAÏHAUT, La Vie anxieuse [2 vol. in-12: I. Chair à misère; II. Fini de rire], Paris, E. Flammarion, 1900.
 
     Louis FERSTEL, «Le procès de l’ancien ministre Baïhaut, en 1893», in ID. Histoire de la responsabilité criminelle des ministres en France, depuis 1789 jusqu’à nos jours [XXXI+229 p.], Paris, L.-H. May,
1899 [dont une réédition numérique en mode image par la BNF, gallica.bnf.fr, N074773, http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?E=0&O=n074773.htm (en ligne en 2003), pp. 164-165.
 
     Michel BILLARD,
«Un monument exceptionnel aujourd’hui démoli: la prison et son projet de conversion morale au XIXe siècle», in ID., Voyages à travers lhistoire dÉtampes [24 cm; 234 p.; 20 figures], Étampes, Éditions du Soleil, 1985, pp. 167-175.
 
     Frédéric GATINEAU,
«La Prison», in ID., Étampes en Lieux et Places. Toponymie de la ville et de la commune d’Étampes [30X21 cm;150 p.; nombreuses illustrations], Étampes, Association A Travers Champs, 2003, p. 104.
 
Dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd.], «Léon Marquis: Sur la prison d’Étampes (1881)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-marquis-prison.html, 2003.

     Frédéric GATINEAU [curé dÉtampes], «La Prison dÉtampes» [extrait de Étampes en Lieux et Places], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-21-gatineau-prisondetampes.html, juin 2003.
 
     
Bernard GINESTE [éd.], «Marcel Édant (1893) & Gabriel Barrière (1975): La Prison dÉtampes», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-1975barriere-prison.html, 2003.
    
     Bernard GINESTE [éd.], «Charles Baïhaut: Impressions cellulaires (1898)» [édition progressive], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-1898baihaut.html, 2003.

     Bernard GINESTE [éd.], «Le Petit Journal: Eugène Turpin A la prison d’Étampes (1893)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-19-1893petitjournal-turpin.html, juin 2003.
 
    Bernard GINESTE [éd.], «Henri Meyer:  M. Turpin sortant de la prison d’Ét
ampes (gravure, 1893)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-hmeyer-turpin.html, juin 2003.

     Bernard GINESTE [éd.], «Henri Meyer: La prison d’Étampes (gravure, 1893)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cae-19-hmeyer-prison.html, juin 2003.


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