CORPUS  HISTORIQUE  ÉTAMPOIS
 
Capitaine François Quilici
Rapport d’activité dans la Résistance à Étampes 
récit recueilli par E. Lansiart le 18 janvier 1954
 
François Quilici en 1945 (cliché de Gaston Beau)
François Quilici en 1945
(cliché de Gaston Beau publié par Philippe Oulmont)
Premier folio de son témoignage
 
     François Quilici était percepteur à Abbéville-la-Rivière lorsqu’il entra dans le réseau de résistance étampois de Louis Moreau, dont il fut le bras droit. Son témoignage, édité ici pour la première fois, permet de compléter heureusement, sur certains points de détail, la synthèse qu’a déjà donnée Philippe Oulmont sur cette question, et de mettre en lumière le rôle important d’un Autrichien méconnu à Étampes, Friedrich Meznik.
 
 
Archives départementales des Yvelines
cote J 2191
(don Lansiart)
Titré: Résistance dans la région d’Étampes.
Récit du capitaine Quilici (recueilli en 1954)

Rapport d’activité dans la Résistance
du capitaine François Quilici




SEINE-ET-OISE
LIBÉ-NORD (1)
SUSSEX (2)

     Rapport d’activité dans la Résistance du capitaine QUILICI François, officier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre avec palme (1914-1918 et 39-45), Médaille de la Résistance

     Recueilli par M. Lansiart

   


NOTES DE BERNARD GINESTE (février 2009)

     (1) Le réseau Libération-Nord, à dominante socialiste, s’est constitué en novembre 1941 autour de Christian Pineau et de l’équipe du Manifeste des douze.
     (2) Le plan interallié “Sussex”, avait selon Philippe Oulmont, Cahiers d’Étampes-Histoire 6 (2003), p.11, été conçu à Londres à la fin de 1943 par le BCRA et visait à parachuter une cinquantaine d’opérateurs radio chargés de communiquer au plus vite les renseignements collectés par la résistance française.
“Témoignage” des services stratégiques américains

     J’ai participé activement dès l’origine (
3), à l’organisation de la résistance dans la région d’Étampes, aux côtés de Louis MOREAU, chef de secteur.
     (3) Louis Moreau aurait été actif dès 1941 selon Jo Bouillon cité par Oulmont, op. cit., p. 8, mais il ne devait s’agir alors que de tâtonnements.
     Je n’ai jamais cessé, au cours de mes tournées, d’engager les Maires et les secrétaires de mairie de ma circonscription à s’opposer à l’ennemi et d’encourager les patriotes à se grouper en Centre sous les ordres de Louis MOREAU.

     Peu à peu le groupe “Louis Moreau”, ainsi appelé à l’origine
, a grossi, et, en 1942 son organisation propre représente déjà une force importante (4).
     (4) Selon Henri Poirier, Un Français dans la nuit, 1976, p. 38 (cité par Oulmont, op. cit., p. 8, n. 22), il n’existait encore aucun groupe organisé à Étampes à la mi-1942. Nous sommes donc à la fin de 1942.
     Les tracts et les journaux clandestins sont distribués et passent de mains en mains. Autour des postes camouflés, des réunions s’organisent pour écouter la radio de Londres. Mais toutes ces bonnes volontés sont impatientes de passer à l’action. C’est alors que Louis MOREAU prend contact avec M. Robert MONVOISIN (Ex. MOULIN) (5) responsable départemental du mouvement de résistance “Libération-Nord”. Selon les consignes lui seul doit être connu. En conséquence, il adhère personnellement à Libé-Nord. Cependant, après avoir donné à chacun de ses collaborateurs une mission particulière, recherché des agents de liaison, organisé et coordonné l’activité de chaque foyer de résistance, il fait entrer tout son groupe, en bloc, au mouvement le 7 janvier 1943 (6). [p.2]
     (5) Je n’ai pu identifier ce membre du réseau Libération-Nord.
     (6) Selon Philippe Oulmont (op. cit,, p. 8 et note 19, s’appuyant sur le rapport d’activité de Jean Straumann Archives Nationales 72AJ 71), “dès juillet 1942, il semble faire partie du comité directeur de Libération-Nord pour la région parisienne, ce qui implique des activités bien antérieures”; à la page suivante l’auteur est plus affirmatif (“On a vu que…)”. Nous voyons cependant que la date précise d’intégration de son groupe à ce réseau, donnée ici par Quilici, est seulement du 7 janvier 1943.
     Le rôle qui m’est dévolu est double. Il consiste d’abord, à seconder, d’une manière générale, le chef de secteur, en qualité d’adjoint, l’activité du groupe se déployant dans tous les domaines: renseignements, liaisons, courriers, impression et distribution de tracts, distribution de journaux clandestins, recherches de terrains favorables au parachutage, réception de parachutistes (7), formation d’équipes de sabotages, de dizaines chargées d’appuyer l’action du Comité local de libération, fournitures de cartes de rationnement aux réfractaires, aide aux personnes recherchées ou inquiétées par l’ennemi, établissement de fausses cartes d’identité, etc… Successeur désigné de Louis MOREAU, je reçois deux enveloppes renfermant, l’une la liste de tous ses collaborateurs (8), l’autre l’adresse des personnes à prévenir en cas d’arrestation, éventualité qui s’est malheureusement produite (9).
     (7) Il ne semble s’agir ici que d’une éventualité, qui ne réalisera que fin mai 1944, lors de l’opréation “Diane”; voyez plus loin et la note (21).

     (8) Pourtant, selon Oulmont (pp. 12-13), “son successeur a eu du mal à renouer les fils du réseau”.
     (9) Allusion à l’arrestation de Louis Moreau le 29 juin 1944 au matin; il meurt à Buchenwald le 29 septembre, âgé de 66 ans.

     Ensuite et plus particulièrement, à centraliser les renseignements recueillis par les hommes placés sous ses ordres ou les faire porter à Louis MOREAU, chargé, lui, de les faire parvenir à l’échelon supérieur, à répartir les paquets de tracts et de journaux clandestins entre les résistants désignés pour la distribution, à diriger l’équipe chargée de la réception, de parachutistes, à prendre le commandement des dizaines en vue de l’action directe, etc…

     Les renseignements recueillis sont transmis au Centre de l’Île de France (10) que dirige LAIRE (ex Ludovic, ex Janin, ex Janvier) (11). Là, c’est un sous-chef de gare (12) relié par fil à Paris et Orléans qui communique les mouvements ferroviaires, là, c’est un soldat de l’armée allemande qui fournit toute une gamme de renseignements de premier plan (13), etc… [p.3]

     Au sujet de ce soldat, voici les faits. La ville d’Étampes abritait alors le Général WEISMANN (
14), commandant l’aviation allemande en France et son état-major — ce général exerçait en fait un commandement territorial sur toutes les forces allemandes stationnées sur notre sol et son rôle était — en dehors de son commandement propre — de coordonner par chiffre l’action des forces ennemies sur le territoire français (renseignements fournis par mon agent secret). De ce fait, la ville était étroitement surveillée, la Gestapo exerçait un contrôle actif et sévère car les secrets détenus par l’E.M. du général WEISMANN étaient tels qu’ils pouvaient faciliter considérablement l’action des Alliés. Précisément, je m’étais assigné, pour tâche principale, la découverte du code secret de l’ennemi, car je comprenais l’importance capitale, que présentait la connaissance de ce chiffre. Il était indispensable de prendre contact avec un membre de l’E.M. de WEISMANN. Selon mes instructions, un de mes fils — qui était mon agent de liaison — sous prétexte de parfaire ses connaissances en allemand (il préparait le baccalauréat) a été assez heureux de faire la connaissance d’un attaché au service du chiffre — MEZNIK Frédéric (15), docteur en droit (16) — désireux, lui, de mieux connaître le français. Mais faire un échange de langue est une chose, entrer en rapport avec un Allemand en uniforme, en temps de guerre, sous l’occupation, en vue de lui arracher des secrets militaires, en est une autre. Quelle allait être sa réaction? Allait-il dénoncer l’imprudent qui osait le prendre pour un traître à sa patrie? Ou bien allait-il penser qu’il se trouvait en présence d’un espion qui cherchait à le perdre? En cas d’échec le risque pouvait être lourd de conséquence.
     (10) Je n’ai rien trouvé sur cette instance qui était peut-être connue sous d’autres noms plus courants.
     (11) Je n’ai encore rien trouvé sur ce personnage.
     (12) Allusion au sous-chef de gare et résistant Gaston Beau (1904-1994), qui a donné en 2001 son nom au parking de stationnement régional créé sur l’emplacement de la cour de la gare de marchandises. Nous avons déjà mis en ligne quelques «Notes» sur la Libération d’Étampes (cliquez ici). Selon Frédéric Gatineau (Étampes en lieux et places, 2003, p. 17), “dès 1940, il hisse le drapeau national sur la gare le 14 juillet. En août 1944, Gaston Beau parvient à communiquer l’emplacement exact des batteries allemandes aux Américains, basés à Monnerville. Ces précieux renseignements évitent un bombardement massif de la ville”.
     (13) Cet épisode n’est connu qu’indirectement par Philippe Oulmont (op. cit., p. 11 et n. 32), par une notice rédigée par l’inspecteur primaire Clément Guignepain (correspondant départemental de la Commission d’histoire de la Seconde guerre mondiale) et conservée aux Archives nationales (72AJ 194 BIII6), notice elle-même fondée sur des informations fournies par le résistant Henri Poirier. Poirier ne paraissait pas connaître le nom du secrétaire autrichien que nous livre ici Quilici. Oulmont semble émettre de prudentes réserves, sinon sur la réalité, du moins sur l’importance de cet épisode mal documenté, et surtout mal daté; notre publication ne permet pas de dater les faits, mais semble bien confirmer autant leur réalité que leur importance.
     (14) Eugen Weissmann, général de l’artillerie antiaérienne, général-commandant en chef de la Région Aérienne de France Ouest depuis le 1er juin 1942, mort le 30 avril 1945. Nous avons déjà mis en ligne la préface qu’il avait donné à un ouvrage publié en allemand sur Étampes à la Noël 1942 (cliquez ici). On semble conserver à Washington un manuscrit de lui, “Flak in Coastal and Air Defense, the Atlantic Wall”, au Département de l’Armée, dans le bureau du Chef de l’Histoire militaire, sous la cote ms D-179.
     (15) Sur Friedrich Meznik (1908-1989), voyez notre Annexe 1.
     (16) Il avait obtenu ce titre à l’université de Vienne en janvier 1932.
     Mais puisque la chance semblait vouloir me favoriser en mettant à ma portée un homme de confiance du chef d’E.M., je devais courir ce risque. Je passe sur les détails. Le voici à ma table. [p.4] J’ouvre mon poste pour écouter Londres (17). Il ne comprend pas très bien. Je lui propose d’attendre l’émission en allemand. Il veut se retirer, mais l’émission commence, il paraît s’y intéresser. Il prend congé sans se livrer. Mais il revient peu à peu, y prend goût. J’apprend qu’il est d’origine autrichienne et qu’il a eu des démêlés avec la Gestapo à Vienne (18). Je m’étonne alors qu’il occupe un poste de confiance (19). Mais il me fournit un argument de poids qui va me permettre de le gagner à ma cause en développant le thème: les Autrichiens qui n’acceptent le régime de Hitler, ont, comme les Français, le devoir de tout mettre en œuvre pour faciliter la libération de leur pays. Monsieur, me dit-il, je ne suis pas dupe. J’ai bien compris, dès vos premières questions, le travail auquel vous vous livrez et ce que vous espérez obtenir de moi. Vous rendez-vous compte de ce que vous me demandez et des risques que je prendrais si j’acceptais de rentrer dans votre jeu? Sans compter que vous auriez les mêmes risques. Je demande à réfléchir. Le lendemain (mais que ces 24 heures m’ont paru longues) le pacte était conclu aux seules conditions suivantes: n’être connu que de moi et engagement d’honneur de ma part de ne jamais divulguer la source de mes renseignements, quoi qu’il arrive (20).
     (17) On notera que par coïncidence à cette époque une émission de Radio-Londres était animée par un certain François Quilici, homonyme de notre narrateur.
     (18) Selon une notice consacrée en 1989 à Meznik par la Munzinger Biographie, Autrichien patriote hostile à l’annexion de la pays par l’Allemagne hitlérienne (Anschluss), il aurait même été incarcéré, avant d’être intégré à l’armée allemande et envoyé en France. Dès la libération de Paris, il y dirigea les émissions de radio adressées par les alliés aux Autrichiens qu’on essayait alors de détacher de l’Allemagne hitlérienne en plein débâcle.
     (19) C’est de fait un point qui reste peu clair dans la trajectoire de Meznik, surtout si on le rapproche du fait qu’il ne paraît avoir contacté la Résistance qu’en 1944, même si Quilici laisse volontiers ce point dans l’ombre.
     (20) De fait, même après la guerre, il semble qu’aucun Étampois n’ait connu son identité, par même Henri Poirier, qui semble avoir su seulement que c’était un Autrichien (d’après la notice de Guignepain cité par Oulmont, op. cit., p. 11 et n. 32).
     “Que désirez-vous connaître?
     “Tout, absolument tout.”

     Et notre collaboration prend corps. Mais bientôt les renseignements de tous ordres sont si nombreux et d’une telle importance qu’il y a intérêt à les faire parvenir le plus rapidement possible directement à Londres. C’est pourquoi nous demandons et obtenons que soient parachutés 2 officiers du réseau “SUSSEX” avec postes émetteurs et récepteurs (21). Nous recevons “CLAUDE” (Lieutenant de PERTHUIS) (22) et “RENÉ” (Lt DRAP) (23). Les résultats obtenus [p.5] sont inespérés. Qu’on en juge par ces quelques exemples.
     (21) Épisode daté du 25 mai 1944 et raconté tout au long par Henri Poirier, Un Français dans la nuit, 1976, pp. 73-76. La mission de ces officiers était surnommée “Diane”.
     (22) Le lieutenant de Perthuis était officier de renseignement et était aussi surnommé “Bertrand”.
     (23) Drap, en fait seulement sous-lieutenant, était l’opérateur radio.
     Étaient connus à l’avance et transmis en temps utile:
     — le mot (24) de l’armée allemande
     — les signaux de reconnaissance, entre avions, entre aérodromes et avions
     — la position exacte des divisions allemandes et blindés cantonnées en France, les changements survenus ou envisagés (déplacements, départs, arrivés).
     — l’emplacement précis, pour toute la France, de tous les aérodromes, de toutes les pistes d’envol;
     — de centres téléphoniques, télégraphiques et radiotélégraphiques importants;
de cables (25) d’essences et de munitions, de câbles souterrains;
     — le chiffre des états-majors, des généraux et autres officiers ayant un commandement de quelque importance, des aérodromes, et pistes d’envol;
     — le chiffre des villes anglaises, des transports ferroviaires (26);
     — le résultat des bombardements effectués par les forces aériennes alliées;
     — les nouveaux types d’avions allemands avant leur mise en service;
     — la situation de l’approvisionnement en munitions, etc…
     — la désignation d’une usine spécialisée pour la construction des V1 (27).
     (24) Il faut peut-être lire “le mvt” et comprendre “le mouvement” (?).





     (25) Il faut sans doute lire ici “dépôts” au lieu de “cable”, qui n’a pas de sens.

     (26) C’est-à-dire des désignations cryptées des cibles de l’aviation allemande.
     (27) Les V1 (V pour Vergeltungswaffe, c’est-à-dire “arme de représailles”) étaient comme l’on sait le dernier cri de la technologie allemande, à savoir des bombes volantes, premiers en date des missiles de croisière de l’histoire aéronautique. Ils furent utilisés du 13 juin 1944 au 29 mars 1945 par l’Allemagne nazie contre le Royaume-Uni, avant d’être progressivement remplacés par les V2 en septembre 1944.
     On a pu d’autre part, alerter des patriotes de Nantes sur le point d’être arrêtés (28); déjouer les plans de l’ennemi qui avait pu connaître les projets de débarquement sur la côte méditerranéenne (29), etc… [p.6]

      Une note du Commandement Suprême parvenait-elle à l’E.M. signalant que les Alliés étaient parvenus à se procurer certains renseignements d’une haute importance, aussitôt MEZNIK m’en communiquait la teneur, ainsi que les renseignements prescrits (30) dont les Alliés étaient immédiatement informés.

     (28) La cellule du réseau Libération-Nord à Nantes fut décimée le 17 avril 1944 par l’arrestation de la plupart de ses membres.
     (29) Le débarquement allié en Provence commença le 15 août 1944 sous le nom de code Anvil Dragoon.


     (30) “Prescrits” doit signifier ici “devenus sans valeur”.
     En raison des services rendus à la cause des Alliés, Londres a adressé plusieurs fois des félicitations à la résistance de la région d’Étampes (31).

     Je tiens à déclarer que ces résultats n’auraient pas pu être obtenus sans la puissante organisation des Mouvements national [sic] de Résistance Libération-Nord et l’aide apportée par la mission DIANE du plan interallié SUSSEX.

     Au moment du départ d’Étampes de l’E.M. WEISMANN (32), MEZNIK a déserté avec armes et bagages. Hébergé par moi, il a failli être cueilli lors d’une perquisition effectuée par les allemands à mon domicile de refuge à Ormoy la Rivière (33). Il ne leur a échappé que grâce à la présence dans la maison d’un chien méchant qui s’est jeté sur eux et les a retenus à la porte pendant quelques instants. MEZNIK, avec la rapidité d’un éclair et une réelle présence d’esprit, en a profité pour se sauver par le toit. Sans ce concours de circonstances vraiment miraculeux, son arrestation était certaine et il est facile de deviner la conséquence qu’elle aurait entraînée tant pour lui que pour moi.
     (31) Philippe Oulmont note plus précisément que son “travail de renseignement valut par deux fois au groupe d’Étampes des félicitations alliées retransmises par la B.B.C.” (op. cit., p. 11).


     (32) Selon Gaston Beau (“Notes”) les cheminots allemands fuirent la gare d’Étampes le 16 août 1944 vers 21 h; mais c’est seulement le 21 août vers 23 h qu’eut lieu “la fuite éperdue des Allemands restant encore à Étampes”;  “le 22 août, à 8 h 30 les fantassins américains faisaient leur entrée dans la ville”.
     (33) De nombreux Étampois avaient fui les bombardements et autres dangers dans les villages alentour et notamment à Ormoy-la-Rivière, comme par exemple René Collard, journaliste à l’Abeille d’Étampes et auteurs de deux brochures successives sur les bombardements de 1940 et de 1944.

     MEZNIK enregistré sous le n°1792 Frédéric, MISSION SUSSEX, archives de l’I.S. américain (34).

     En 1945 il a été chargé d’une émission quotidienne en langue allemande à la Radiodiffusion française (35).

     Rentré à Vienne, il est devenu chef du Service de l’Information à la Chancellerie fédérale d’Autriche. Il l’est encore (36).
     (34) Intelligence Service (“Bureau de Renseignement”); il ne s’agit pas de la C.I.A. (“Central Intelligence Agency”) fondée seulement en 1947, mais de l’Office of Strategic Services (“Bureau des services stratégiques”).
     (35) Il y animait une émission en langue allemande à l’intention du public autrichien.
     (36) Il fut Chef service de presse fédéral (Bundespressechef) du 1er mars 1955 à 1972. Rappelons que le témoignage de Quilici a été recueilli en 1956.
     Le Gouvernement français lui a décerné la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur (37), en récompense des éminents services [p.6] rendus à notre pays.
     (37) Nous ne connaissons pas la date où il a reçu cette distinction, entre 1945 et 1956.
     Je certifie sur l’honneur l’exactitude des faits exposés ci-dessus.

     Fait en double exemplaire, Étampes le 18 janvier 1954.

Le Capitaine François QUILICI
41, rue Louis Moreau — Étampes (38)
Président du Comité de Libération (39)
     (38) D’après l’Annuaire d’Étampes pour l’année 1958 que nous avons mis en ligne, c’est encore l’adresse de Quilicy à cette date.
     (39) Selon Frédéric Gatineau (Étampes en lieux et places, 2003, p. 99), c’est Henri Poirier qui devint président de ce comité en 1944; Quilici paraît donc lui avoir succédé.
   

François Quilici en 1945 (cliché de Gaston Beau)
Premier folio de son témoignage
François Quilici en 1945 (cliché de Gaston Beau)
 
ANNEXE 1
FRIEDRICH MEZNIK, UN RÉSISTANT AUTRICHIEN A ÉTAMPES
simple esquisse, par Bernard Gineste


     Friedrich Meznik, né le 4 février 1908 à Vienne, y fit ses études et y obtint son doctorat de droit en janvier 1932. Il travailla d’abord dans les tribunaux puis à partir de juillet 1933 dans la gestion. En 1936 il fut employé par le ministère du commerce, tout en poursuivant une carrière de journaliste sportif.

     Après l’Anschluss à laquelle il déclare avoir été hostile, il fut semble-t-il incarcéré ou détenu un temps comme opposant, ou peut-être seulement comme suspect. En 1942 il fut cependant envoyé effectuer son service militaire en France. Et ce n
est à mon avis quau début de 1944 qu’il entra en contact avec la résistance française à Étampes, dans les circonstances que raconte François Quilici.

     Il transmit ainsi aux Alliés d’importantes informations militaires de tous genres propres à hâter la défaite de l’armée allemande et la fin du régime hitlérien.

     Après sa désertion en 1944 il anima à Paris des émissions radiophoniques destinées à la population autrichienne qu’on s’efforçait de désolidariser du régime hitlérien agonisant.

     Dès la fin de la guerre il regagna Vienne où il attaché au service de presse fédéral. Le 1er mars 1955, il devint chef de la troisième section de la Chancellerie fédérale, c’est-à-dire Chef service de presse fédéral (Bundespressechef), fonction qu’il occupa jusqu’en 1972, participant à des publications qui contribuèrent à rendre à l’Autriche sa place, et une position respectée au sein du monde libre. Friedrich Meznik est mort le 4 août 1989 à Vienne, chevalier de la Légion d’Honneur.

Bernard Gineste, février 2009
François Quilici en 1945 (cliché de Gaston Beau)
François Quilici, contact de Meznik à Étampes
(cliché de Gaston Beau publié par Philippe Oulmont)
   
ANNEXE 2
FRANÇOIS QUILICI, BRAS DROIT DE LOUIS MOREAU
simple esquisse, par Bernard Gineste


     Il faut bien dire que nous ne savons pas pour l’instant sur ce personnage grand chose de plus que ce qu’il nous en dit lui-même ici, et que son rôle paraît avoir été sous-estimé par ceux qui ont jusqu’ici parlé de la résistance étampoise.

     Il ne faut surtout pas le confondre avec un autre François Quilici — il s’agit d’un nom d’origine corse —
également actif dans la lutte contre l’occupation allemande à la même période, mais depuis Londres, et qui fut ultérieurement un homme politique de la IVe République.

     Notre François Quilici, ancien combattant de la Grande Guerre, apparemment avec le grade de capitaine, était quant à lui percepteur à Saint-Cyr-la-Rivière lorsqu’il fut recruté par Louis Moreau pour devenir son bras droit et successeur désigné. Son mérite principal est d’avoir été le contact à Étampes de Friedrich Meznik, par le canal duquel furent transmises aux Alliés à partir de 1944 d’importantes informations de toutes natures.

     A la Libération, Quilici cacha Meznik chez lui à Ormoy-la-Rivière. Il fut comme Meznik fait chevalier de la Légion d’Honneur, et il était président du Comité de Libération d’Étampes (fonction d’abord occupée par Henri Poirier), et
décoré de ma Médaille de la Résistance, lorsqu’il fut interviewé par E. Lansiart le 18 janvier 1954, en son domicile du 41 rue Louis-Moreau. Il y résidait encore en 1958.

     Merci à toute personne qui pourrait nous en apprendre plus sur ce personnage, qui paraît avoir été quelque injustement oublié jusqu’à présent.

Bernard Gineste, février 2009
François Quilici en 1945 (cliché de Gaston Beau)
François Quilici en 1945
(cliché de Gaston Beau publié par Philippe Oulmont)
   
ANNEXE 3
E. LANSIART, AUTEUR D’ENQUÊTE SUR LA RÉSISTANCE
simple esquisse, par Bernard Gineste
   
     E. Lansiart (1), à qui nous devons ce précieux document, n’a publié aucun ouvrage à ma connaissance sous son propre nom, mais paraît en revanche être l’auteur de plusieurs contributions ou notes relatives à la Résistance française dont on trouve trace çà et là:
     — «Rapport sur la répression pour la commune de Saint-Germain-en-Laye», conservé aux Archives Nationales (2) et cité par François Boulet (3).
     — «Activités des résistants de la région parisienne en 1943», cité par Henri Michel (4) et Jacques Évrard (5).
     — «Rapport d’activité dans la Résistance du capitaine Quilici François», conservé aux Archives départementales des Yvelines (6) et présentement éditée pour la première fois.

     Je soupçonne qu’il a dû faire partie du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale animé par l’historien Henri Michel (
7), qui s’efforçait entre autres de collecter des témoignages pour préserver la mémoire de cette époque troublée.

     A titre indicatif, voici un autre texte que lui attribuent actuellement sans références précises plusieurs pages web à vocation pédagogique:

Activités des résistants de la région parisienne en 1943
     1er juillet, Juvisy, sabotage-fer, dépôt des machines.
     Nuit du 2 au 3/7, Villepreux, attentat à la grenade contre un train de permissionnaires. Rueil, «récupération» de 12 revolvers à la mairie.
     5 juillet, Vert-le-Petit, incendie d’un camion d’essence.
     14/7, Villacoublay, bombardement du camp d’aviation sur renseignements.
     14/7, Dourdan, manifestation patriotique, 200 personnes chantent la Marseillaise dans la rue.
     14/7, Les Clayes, manifestation patriotique : 4 drapeaux tricolores attachés à des poteaux.
     14/7, Argenteuil, tract annonçant l’exécution d’un commissaire de police.
     14/7, Gazeran, sabotage-fer, déraillement de la machine et de onze wagons.
     14/7, Etréchy, hébergement d’un officier aviateur américain jusqu’au 4 septembre 1943.

Cité daprès Henri Michel
 
Bernard Gineste, février 2009
     (1) Je n’ai pu découvrir son prénom.
     (2) Sous la cote 72AJ 193, Seine-et-Oise, dossier A.
     (3) François BOULET & Patrick PÉRIN (collab.), Leçon d’histoire de France. Saint-Germain-en-Laye: Des antiquités nationales à une ville internationale [576 p.], DISLAB, 2006, p. 343 (note 353).
     (4) Henri MICHEL, Textes et documents pour les enseignements du 2nd degré.... 20, La Résistance française [in-4°; 56 p. non paginées; illustrations], Paris, S.E.V.P.E.N., 1965, p. ? [texte repris sans plus de référence par plusieurs pages web page à vocation pédagogique].
     (5) Jacques ÉVRARD, La déportation des travailleurs français dans le IIIe Reich [460 p.], ‎1972, p. 449.
     (6) Sous la cote J 2191.
     (7) Voyez la note de l’Annuaire des Sociétés savantes sur cet organisme (cliquez ici).
   
BIBLIOGRAPHIE

Titre et cote du dossier d'archives Éditions

        E. LANSIART, «Rapport d’activité dans la Résistance du capitaine Quilici François» [7 feuillets de format A4 dactylographiés avec quelques corrections manuelles], conservé aux Archives départementales des Yvelines (anciennement de Seine-et-Oise), sous la cote J 2191.

     Bernard GINESTE [éd.], «François Quilici: Rapport d’activité dans la Résistance à Étampes (témoignage recueilli par E. Lansiart le 18 janvier 1954)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-quilici1954resistance.html, 2009.


Sur la carrière postérieure de Friedrich Meznik

Voyez avant tout cette notice:

     «Friedrich Meznik», in Munzinger Biographie. Internationales Biographisches Archiv 42/1989 (9 octobre 1989), http://www.munzinger.de/search/portrait/Friedrich+Meznik/0/10824.html, texte complet en ligne seulement pour les abonnés.


Voici ensuite à titre indicatif un échantillon des nombreuses traces qu’a laissées la carrière postérieure de Meznik:

     Vierhundertjahre akademisches Gymnasium: Festschrift [78 p.], Wien (Vienne), Austria Akademisches Gymnasium, 1953, p. 77.

     «Österreich-Besuch: Statt Hammel Sachertorten», in Der Spiegel 3 (13 janvier 1954), p. 8.
     Dont une réédition numérique: http://wissen.spiegel.de/wissen/dokument/dokument.html?id=28954945&top=SPIEGEL, en ligne en 2009.

    «Empfang mit Schmunzeln», in Hamburger Abendblatt 150 (30 juin 1960), p. 2.
     Dont une réédition numérique: http://www.abendblatt.de/extra/service/944949.html?url=/ha/1960/xml/19600630xml/habxml60_17548.xml, en ligne en 2009.

     «Wir notieren kurz», in Hamburger Abendblatt 168 (21 juillet 1960), p. 6.
     Dont une réédition numérique: http://www.abendblatt.de/extra/service/944949.html?url=/ha/1960/xml/19600721xml/habxml60_19598.xml, en ligne en 2009.

     H. BÖHLAUS, Katalog der Tonbandaufnahmen B1 bis b3000 des Phonogrammarchives der österreichischen Akademie der Wissenschaften in Wien [211 p.],  Wien (Vienne), Kommissionsverlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 1960, p. 92.

     Iran Almanach and Book of facts, Echo of Iran, 1966, p. 262.

     Stephen TAYLOR, Who’s who in Austria: a biographical dictionary containing about 4000 biographies of Austrian personalities [703 p.], Central European Times Pub. Co., 1967, p. 459.

     Peter NICS, Otto KUCERA & Annemarie HAUER, Das Werk der Auslandsösterreicher in der Welt: Biographisches Verzeichnis der Auslandsösterreicher [97 p.], Vienne, Weltbund der Auslandsösterreicher, 1969, p. 33.

     Joseph KLAUS, Macht und Ohnmacht in Österreich: Konfrontationen und Versuche [495 p.], Molden, 1971, p. 459.

    
Cahier d'Etampes-Histoire n°5 (2003) Otto J. GROEG, Who’s who in Austria: A Biographical Dictionary Containing More Than 4000 Biographies of Prominent Personalities from and in Austria [600 p.], 1977, p. ?.

     Walter WODAK & Reinhold WAGNLEITNER, Diplomatie zwischen Parteiproporz und Welpolitik [1012 p.], 1980, p. 1000.

     Karl STRUTE & Theodor DOELKEN, «Maeznik, Friedrich», in Who’s who in Austria: A Biographical Encyclopedia of the International Red Series [1200 p.], Who’s Who the international red series Verlag, 1983 (10e édition), p. ?.

     Franz Richard REITER, Unser Kampf: In Frankreich für Österreich: Interviews mit Widerstandskämpfern [328 p.], Böhlau, 1984, p. 185.

     Martin Florian HETZ & Renhold WAGNLEITNER, Understanding Austria: The Political Reports and Analyses of Martin F. Herz, Political Officer of the U.S. Legation in Vienna, 1945-1948 [653 p.], W. Neugebauer, 1984, p. 645.

     Österreichisch-Französisches Jahrbuch - Annales franco-autrichiennes, Wien (Vienne), Boehlau Verlag, 1984, p. 79.

     Bruno KREISKY, Zwischen den Zeiten: Erinnerungen aus fünf Jahrzehnten [494 p.], Siedler, 1986, p. 437.

     Herbert FRITZ & Hermann FRITZ, Farben tragen, Farbe bekennen 1938-45: Katholische korporierte in Widerstand und Verfolgung [407 p.], Wien (Vienne),  Österreichischer Verein für Studentengeschichte, 1988, p. 257.

     Glenn W. LaFANTASIE [dir.], David M. BAEHLER & Charles S. SAMPSON, Foreign Relations of the United States. 1958-1960. Volume IX. Berliin Crisis, 1959-1960; Germany, Austria, Washington, US Government Printing Office, 1993, pp. 769 & XXVIII.

     Kurt TOZZER & Günther KALLINGER, Marschmusik für Glockenspiel: 1968, Österreich am Rande des Krieges [319 p.], Wien (Vienne), NP, 1998, p. 105.


  Sur François Quilici (très peu de choses pour l’instant)

     Philippe OULMONT, «Louis Moreau, un inspecteur primaire dans la résistance étampoise», in Des grands Étampois méconnus. Louis Moreau, Nathan Ben Meschullam, la chanoine Desforges [80 p.], Étampes, Étampes-Histoire [«Cahiers d’Étampes-Histoire» 5], pp. 10 (avec une photo, p. 9, prise par Gaston Beau en septembre 1945 et communiquée par son fils René Beau à Philippe Oulmont, dont nous reprenons ici un détail.

     MAISON SERGE VANIER [éd.], «Liste des habitants d’Étampes», in Le Familial 1958. Annuaire de la ville et de l’arrondissement d’Étampes [11 cm sur 17,5; 276 p.], Étampes, Serge Vannier (Imprimerie La Familiale), 1958, p. 220: «
Quilici François, percepteur, 41, rue Louis-Moreau».

Sur Louis Moreau (1888-1945)

     Henri POIRIER (1904-1981), Un Français dans la nuit [245 p.], Paris, La Pensée universelle, 1976.
 
     Philippe OULMONT, «De Ma petite patrie au camp de Buchenwald», in Jean-François CHANET & Vincent DUCLERT [dir.], Les “petites patries” dans la France républicaine [190 p.], Malakoff
, Société d’études jaurésiennes [«Cahiers trimestriels Jean Jaurès» 152], 1999, pp. 131-152.

     Philippe OULMONT, «Louis Moreau, un inspecteur primaire dans la résistance étampoise», in Des grands Étampois méconnus. Louis Moreau, Nathan Ben Meschullam, la chanoine Desforges [80 p.], Étampes, Étampes-Histoire [«Cahiers d’Étampes-Histoire» 5], pp. 2-13.

Sur la période 39-45 dans le pays étampois

     COLLECTIF, «Le Pays d’Étampes de 1939 à 1945» [page  de liens], in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-39-45b.html, depuis 2003.


Toute correction, critique ou contribution sera la bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
Source: les archives départementales des Yvelines, consultées le18 février 2009.

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