Corpus Littéraire Étampois
 
 
Victor Hugo
Incident en gare d'Étampes
13 février 1871
 
 
 La gare d'Etampes en 1845
La gare d’Etampes en 1845
 
     Le 13 février 1871 Victor Hugo tranverse la France occupée par l’armée prussienne pour se rendre par chemin de fer à Bordeaux où doit se réunir l’Assemblée constituante qui instaurera la IIIe République. Lors d’un arrêt à Étampes a lieu un incident où l’écrivain, extrêmement populaire, est reconnu et défie l’occupant prussien dans un grand élan patriotique.
  
   
13 février 1871.

     J’ai lu, hier, avant le dîner, à mes convives, M. et Mme Paul Meurice, Vacquerie, Lockroy, M. et Mme Ernest Lefèvre, Louis Koch et Vilain (moins Rochefort et Victor qui ne sont arrivés que pour l’heure du dîner) deux pièces qui feront partie de Paris assiégéA Petite Jeanne.» — «Non, vous ne prendrez pas l’Alsace et la Lorraine (1).») Après le dîner sont venus Louis Blanc, Rey, Duverdier.
     — Pelleport m’a apporté nos neuf laissez-passer. N’étant pas encore proclamé représentant, j’ai mis sur le mien Victor Hugo, propriétaire, vu que les prussiens exigent une qualité ou une profession.
     — J’ai quitté ce matin avec un serrement de cœur l’avenue Frochot et la douce hospitalité que Paul Meurice me donne depuis le 5 septembre, jour de mon arrivée.
     — A Clémence, servante de Mme Paul Meurice, en partant: 30 frs.
     — Dépense de la dernière semaine au Pavillon de Rohan: 984 frs.
     (Pour payer cette somme, j’ai dû prélever, sur l’or du voyage, un appoint de 760 frs., ce qui a réduit les 4.500 frs. à 3.740 frs.)
     — Neuf 1er classe pour Bordeaux: 630 frs. Supplément par salon: 58 frs. 50 Bagages : 35,80.

Casque d'uhlan du 115e hessois      Partis à midi dix minutes. Arrivés à Étampes à trois heures et quart. Station d’une heure trois quarts et luncheon.
     — Après le lunch, nous sommes rentrés dans le wagon-salon pour attendre le départ. La foule l’entourait, contenue par un groupe. de soldats prussiens. La foule m’a reconnu et a crié: «— Vive Victor Hugo!» J’ai agité le bras hors du wagon en élevant mon képi, et j’ai crié: «Vive la France!» Alors un homme à moustaches blanches, qui est, dit-on, le commandant prussien d’Étampes, s’est avancé vers moi d’un air menaçant et m’a dit en allemand je ne sais quoi qui voulait être terrible. J’ai repris d’une voix plus haute, en regardant tour à tour fixement ce prussien et la foule: «— Vive la France!» Sur quoi, tout le peuple a crié avec enthousiasme: «— Vive la France!» Le bonhomme en colère se l’est tenu pour dit. Les soldats prussiens n’ont pas bougé.
     — Voyage rude, lent, pénible. Le salon-wagon est mal éclairé et point chauffé. On sent le délabrement de la France dans cette misère des chemins de fer. Nous avons acheté à Vierzon un faisan et un poulet et deux bouteilles de vin pour souper. Puis on s’est roulé dans des couvertures et des cabans et l’on a dormi sur les banquettes.

[d’après la saisie de Gaillard]

NOTES DE HENRI GUILLEMIN (1953)
[d’après la saisie de J.L.N. Gaillard]

     1. Cette seconde pièce n’avait pas encore de titre; elle devint «A qui la victoire définitive?» (Décembre, IX); il est d’ailleurs possible que le poète ait fondu, finalement, en une seule, deux pièces dont la première commençait par: «Sachez-le...» et la seconde par «Non, vous ne prendrez pas...» A la fin du manuscrit, ceci: «Paris assiégé, 8 janvier 1871.»

     Carnets Intimes de Victor Hugo 1870-1871, & notes de Henri Guillemin – Gallimard 1953 p.101.
ENGLISH TRANSLATION
by
John Newmark  (2001)

     February 14.--Left yesterday at 12.10 P.M. Arrived at Etampes at 3.15. Wait of two hours, and luncheon.
 
     After lunch we returned to our drawing-room car. A crowd surrounded it, kept back by a squad of Prussian soldiers. The crowd recognised me and shouted "Long live Victor Hugo!" I waved my hand out of window, and doffing my cap, shouted: "Long live France!" Whereupon a man with a white moustache, who somebody said was the Prussian commandant of Etampes, advanced towards me with a threatening air and said something to me in German that he no doubt intended to be terrible. Gazing steadily in turn at this Prussian and the crowd, I repeated in a louder voice: "Long live France’!" Thereat all the people shouted enthusiastically: "Long live France!" The fellow looked angry but said nothing. The Prussian soldiers did not move.

     The journey was a rough, long and weary one. The drawing-room car was badly lighted and not heated. One feels the dilapidation of France in this wretched railway accommodation. At Vierzon we bought a pheasant, a chicken, and two bottles of wine for supper. Then we wrapped ourselves up in our rugs and cloaks and slept on the seats.


D’après une page de John Newmark, http://www.gavroche.org/vhugo/VHM/vhm-assembly.html
Source:  le site et les saisies de Gaillard.
 
   
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
 
Éditions

     Henri GUILLEMIN [éd.], Carnets Intimes de Victor Hugo 1870-1871 [avec des notes], Paris, Gallimard, 1953, p.101.

     J.L.N. GAILLARD [éd.], «Chronologie détaillée. Année 1871», in ID., Chronologie Victor Hugo, http://www.chronologievictor-hugo.com/pages/corp1871(1,2).htm (in http://www.chronologievictor-hugo.com/page1871.htm), en ligne en 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Incident en gare d’Étampes (Carnet intime,
13 février 1871)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1871etampes.html, 2004.

 Autres sources  

     John NEWMARK [éd.], «The Assembly at Bordeaux. Extracts from Note-Books», in ID., Victor Hugo Central [«The internet research hub for Victor Hugo enthusiasts»], http://www.gavroche.org/vhugo/VHM/vhm-assembly.html, 2001 (en ligne en 2004). 

   Georges BRUNET, Victor Hugo. Ouvrage illustré de 48 planches hors-texte en phototype [104 p.], Paris, Rieder [«Maîtres des littératures» 19], 1935.

     SCÉRÉN & CNDP, «Victor Hugo dans l’Essonne», in ID., Voyages de Victor Hugo en France et à l’étranger, http://www.victorhugo.education.fr/enclasse/dep/91.htm, en ligne en 2004.
 
Victor Hugo dans le Corpus Étampois

     Bernard GINESTE [éd.], «Étampes dans l’œuvre de Victor Hugo», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Sur la Tour de Guinette (une erreur archéologique dans Notre-Dame de Paris, 1831)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1831donjondetampes.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Lettre à Léopoldine (22 août 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834leopoldine.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Ma main pressait ta taille frêle (poème, 1834)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1834mamainpressait.html, 2004.

     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Étampes entrevue de la malleposte (Journal de voyage, 1843)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1843malleposte.html, 2004.

 
     Bernard GINESTE [éd.], «Victor Hugo: Incident en gare d’Étampes (Carnet intime, 13 février 1871)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-19-hugo1871etampes.html, 2004.
  
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