Corpus Littéraire Étampois
 
Georges Vannier
Recueil de chansons
février 1946
 
Georges Vannier: Recueil de chansons (1946)
Cliquez ici pour feuilleter ce recueil photographié par Bernard Minet

     Voici un très précieux recueil de chansons étampoises composées en 1946 par Georges Vannier. Appartenant à la collection de G. Pinguenet et S. Bénard, il a été photographié au bénéfice de tous par Bernard Minet, et Bernard Métivier en a saisi le texte, que nous avons mis en page de manière à pouvoir  y insérer les notes explicatives que vous voudrez bien nous envoyer.
Bernard Gineste, 13 septembre 2011
   
   
Georges Vannier
Recueil de chansons
février 1946


     Voici donc quatorze chansons qui sont autant de monuments d’art populaire que de documents historiques sur la vie quotidienne difficile des Étampois juste après guerre. Merci aux cinq personnes qui ont conjugué leurs efforts pour permettre à tous de les relire le plus agréablement possible.
     Nous recherchons maintenant:
     1) Des personnes qui sachent encore chanter ces chansons (d’après les airs indiqués), pour les enregistrer.
     2) Tous les renseignements possibles sur les personnes, sur les événements et sur les détails de la vie quotidienne étampoise que vous pourrez collecter auprès de vos aînés pour mieux comprendre ces chansons. Interrogez vos aînés, et n’hésitez pas à nous communiquer le moindre détail qui leur reviendrait, à cette adresse: redaction@corpusetampois.com. Donnez pour titre à votre message: “
Chansons de Vannier”.

Bernard Gineste, 29 août 2011.




RECUEIL DE CHANSONS DE G. VANNIER



01. On troque dans notre petite ville02. Tous troquons — 03. Poulet à la Marseillaise   — 04. Il s’en alla un dimanche — 05. Nono agent de publicité — 06. Les queues — 07. Hiver printanier — 08. On emboche — 09. Oui et non — 10. Le joyeux Saint-Martin — 11. C’est un pays de cocagne — 12. Ballet des balais — 13. Raoust — 14. Final.




01. On troque dans notre petite ville

Air:
On chante dans mon quartier


Si vous passez dans not’ petit’ ville
Vous admirerez comm’ on y est habile,
Vous y verrez même les gosses
Se livrer au négoce.
Le cordonnier troqu’ un morceau d’ veau
Contr’ une paire de vieux godillots
Et le boucher des ribouis
Contre un gigot de brebis.

Refrain
On troque dans not’ petit’ ville
Tous, garçons et filles,
Des choses diverses.
On troque depuis plus d’cinq ans
Sans null’ controverses
Tout et rien se vend
Un paquet de cigarettes,
Une vieille défroque,
De tout, même des bicyclettes,
Tous les jours se troquent
Dans not’ petit’ ville.
Troc troc chocolat
Voila c’qu’on troque, voila c’qu’on troque.
Troc troc chocolat,
Voila c’qu’on troque chez moi.



02. Tous troquons

Air:
Auprès de ma blonde

I
Madame la sage-femme
Pour remplir ses fonctions (bis)
En douce vous réclame
Un gigot de mouton…[p.3]

II
Lorsque vote’ appendice
Doit subir l’ablation (bis)
L’toubib pour ses services
Garde le saucisson…

III
Pour vingt mille francs cinquante
L’gniaf vend des pardessus (bis)
L’tailleur troqu’ des toquantes
Pour des photos de nus.

IV
Au collège les potaches
Echangent des dollars (bis)
Pour un beau fils de vache,
Un cochon gras à lard…

V
Avant d’vider nos fosses
Ce bon monsieur Langlois (bis)
Profite de leur hausse
Pour réclamer une oie…

VI
Le quincailler mariole
Trouv’ le marché noir bon (bis)
Il échang’ une casserole…
Pour deux pair’s de jambon…

VII
On débite par tranches
Du veau chez l’mastroquet (bis)
L’boucher, lui, en revanche,
Trafique des complets…

VIII
Pour qu’la terr’ soit légère
Kléber à Saint-Martin (bis)
Enlève tout’s les pierres
Pour deux aun’s de boudin…

Refrain
Pour être à la page,
Tous troquons, troquons, troquons,
Pour être à la page,
Il faut tous troquer.
[p.4]



03. Poulet à la Marseillaise


Air:
Le grand singe d’Amérique. ( La Mascotte.)


Par l’organe de la presse
Qui renseign’ les Etampois (bis, tous)
J’ai appris qu’une tigresse
Dans Etampes semait l’effroi (bis, tous)
Cet animal sanguinaire,
Rien que d’y penser j’frémis,
Attaqua monsieur le Maire
Entouré de ses amis,
Ils se sauvèrent en criant (bis, tous)
Où sont donc les agents (bis, tous)
Vraiment. (bis, tous)
Ils ont plaqué la Mairie.
Monsieur le Maire
La trouv’ amère,
Au moment d’un grand danger
De n’pas être protégé… Ah!... (tous)
Un passant, m’sieur Cousin Georges,
Plein de courage et d’sang-froid (bis, tous)
Prit le fauve par la gorge
Car il n’avait pas les foies. [ajout au crayon:
(bis, tous)]
Ce fut un’ lutt’ homérique
Entre les deux combattants.
Sous l’buste de la République,
Puis la tigresse ficha l’camp.
Où est-elle partie maintenant? (bis, tous)
Se demandent les brav’s gens (bis, tous)
Criant (bis, tous)
Dans les bois, au marché franc,
Dans les aulnettes
Où à Guinette,
Dans les waters pleins d’confort
Tout là-bas sur le port… Oh!... (tous)
Nous étions depuis en chasse
Tous les deux, ma femme’ et moi (bis, tous)
Tous les jours que l’Bon Dieu fasse
Cherchions le fauv’ dans les bois (bis, tous)
Quand j’appris, elle est saumâtre,
Que le tigre si bien dépeint,
Dont on parl’ auprès de l’âtre,
Etait chassé par Bodin.
Ce bobard n’est pas un canard
Disons-le tous sans retard (bis, tous)
Sans fard (bis, tous) [p.5]
Notr’ Etampois Tartarin
Aux solitaires
Faisant la guerre
Tuerais le fauv’ aux abois
Nous privant d’cet exploit… Ah…? (tous)




04. 
Il s’en alla un dimanche


Air:
Ça s’est passé un dimanche


D’Etamp’s par la grande presse
Nous apprenons avec grand plaisir
Qu’un de nos chasseurs fit de belles prouesses
Accomplies pendant ses loisirs
Bien qu’il soit moyen c’est un typo
Râblé, bien balancé,
Ne travaillant jamais du chapeau,
C’est un vraiment racé.

Refrain
Il s’en alla un dimanche
A la chass’ aux sangliers,
Tous les oiseaux sur les branches
Avaient peur de se faire escoffier.
Son fusil sur l’épaul’ dédaignant ce butin
D’un solitair’ il cherche la piaule
Du fauve si friand de laurier et de thym.
Avec adress’ il trouve sa taule
Pan, pan, deux ball’s dans l’épaule
Le rapace est éteint.


Il n’prenait jamais un verre
Chez nos cent cinquante-trois bistrots,
Par un’ très profond’ horreur du solitaire
Il en buvait deux,  c’est pas trop,
Tout en étant libre-penseur,
De mèch’ avec Bigot,
Ses magnifiques trophées de chasse
S’débitaient chez Sagot.
(Au refrain)


Au temps de la chasse à courre
On chassait de bell’s biches, de beaux daims
Maintenant pour rater un lièvre on parcoure
Les bois, les plaines, c’est mondain.
Le bel héros de cette chanson,
D’après bien des ragots,
Sans fatigu’ dans les soués à cochon
Ravitaill’ les Parigots.
(Au refrain) [p.6]



05. Nono agent de publicité


Air:
Prosper.

I
C’est moi qu’est surnommé Nono
Je suis de Saint-Gilles,
J’ai toujours l’air d’un rigolo
Je n’me fais pas de bile.
Dans la rue en peinard,
N’ayant jamais d’avatars.
J’déambul’ en mon car,
N’ayant pas de sleeping-car …

Refrain
Nono, hip, hurra!
Ne se fait jamais de bile.
Nono, Hip hurra!
J’ai toujours l’air «V» en ville.
Comm’ je manque de perlot
Partout je cueill’ les mégots
D’sus j’mets l’embargo.
A Saint-Gill’ ou bien au Port
Je cherch’ les clops à bout d’or
Dans les crottes d’Azor.
Le jour,
Tous les jours,
Je cherche sans artifices
Mêm’ au carrefour
Et sans craindre la police
Les Camel mêm’ rabougries
Les mégots de tabac gris
Je suis sans caprices,
Sans défauts et cœtera
Hip, hurra, hurra!

II
Pour moi c’est la chouette vie
Dans les rues d’la ville
Au public je clam’ les avis
En automobile.
Mes bons pneus d’chez Champy
Roulent toujours sans répit,
Mes deux fers à repasser
Me permettent de trisser…
(Au refrain.) [p.7]



06. Les queues

Air:
Le Biniou

I
De Saint-Martin à Saint-Pierre
Afin de pouvoir becq’ter
Un bout de lard ou d’gruyère
Des heur’s il faut poireauter.
J’aim’ entendre dans les files
Les bonnes femm’ cancaner
Car rapide le temps file
D’entendr’ les gens débiner.

Refrain
Tricotant des gambettes
Il vous faut toujours sans cess’ cavaler
Oui, toujours, c’est ça qu’est chouette
Queuter, bien queuter, toujours queuter.

II
Dans not’bel hôtel de ville
On voit le peupl’ souverain
Sous l’œil des agents de ville
Fair’ la queue pour le scrutin
Quand des impôts tomb’nt les feuilles
Dans les salons du percepteur
Pour vider son portefeuille
On s’morfond mais quel honneur…
(Au refrain.)

III
Quand on souffre des molaires
Il faut chez Monsieur Gaignon
Avant de les fair’ extraire
Attendr’ geignant au salon.
Pour fair’ d’un timbre l’emplette
Chez ces dam’s aux PTT
En grillant un’ cigarette
Longtemps il faut poireauter.
(Au refrain.)

IV
Sous le soleil ou la bise
A l’Alhambra chez Duguay,
De ciné la foul’ éprise
Attend devant les guichets.
Afin d’avoir des légumes,
Chez Ducuing on fait la queue
Mais hélas! quell’ amertume
Ils sont bien souvent acqueux…
(Au refrain.) [p.8]

V
Lorsque pour le grand voyage
Il faut partir tôt ou tard,
Il est bien souvent d’usage
D’emprunter un corbillard.
Et derrièr’ dans un cortège
Les bonn’gens vont deux par deux
Bavardant, quel sacrilège!
Un’ fois d’plus ils font la queue…
(Au refrain)



07. Hiver printanier


Air:
Le pendu

I
Tout va très bien, la vie est belle
Il fait vingt au dessous d’zéro,
Rougis les nez font la chandelle
La terr’ sèch’ retient les poireaux.
Mais la bonn’ Abeille vous rassure
Dans son édition à vingt sous.
Les oignons étant sans pelures,
Ell’ annonc’ un hiver très doux. (bis)

II
Si dans la neig’ où nos chaussures
Font de lamentables gis-gis,
Sous la bise qui souffle dure,
On fait la queue pour du from’gie.
Cent pour cent soyons optimistes
Nous aurons bientôt des radis
Pas d’hiver, c’est pas un fumiste
Mais Monsieur Collard qui l’a dit. (bis)

III
Dans les fourneaux, le bois vert fume
On voudrait bien en fair’ autant.
On se dit avec amertume
Où sont donc les tabacs d’antan.
Bah! ne nous faisons pas de bile,
Froid, verglas, restrictions, bobards!
D’y croire serait imbécile
L’hiver est doux écrit Collard.

IV
Un peu partout si l’on grelotte
C’est par erreur assurément.
[p.9]
Pourquoi avons-nous la tremblotte
Lorsque l’hiver est si clément
Ne racontons pas tant d’histoires
Monsieur Collard a bien raison
Car les pelures c’est notoire
Sont aussi rar’s que les oignons. (bis)




08. On emboche


Air:
Musique de chambre

I
Tout auprès du Castel Matho
Où Zaoui dans sa boutique
Débitait au cours les plus hauts
De quoi guérir maux et coliques
De mêch’ avec les occupants
Fut installée un’ officine
D’où en foule des combattants
Devaient partir battre Staline.

II
Avec un battage surprenant
On vit défiler par centaines
En uniformes rutilants
Groupés autour de leurs emblèmes
Pédestrement ou en autos,
Des collabos plus qu’héroïques,
Ni chair, ni os mais en photos,
Bien encadrés avec leur clique.

III
Mais les vues ne suffisent pas,
On embaucha Monsieur Nicolle
Qui fit passer d’vie à trépas
Tant de Russes de rac’ mongole.
Avec une brun’ dactylo
Ils attendir’nt tout deux stoïques
Les volontaires qui à flot
Allaient envahir la boutique.
[p.10]

IV
Les mois passant après les jours
Sans qu’il vit un seul volontaire,
Monsieur Nicoll’ se dit quel four
Pour en trouver, mon Dieu! que faire!
Quand il reçut un beau matin
Envoyé par la préfecture
De quoi inonder Saint-Martin
Un flot immense de brochures.

V
On lisait qu’à la croq’ au sel
Des Mongols y mangeaient leurs femmes
Des histoires sur le cartel
Des Alliés aux desseins infâmes.
Ils eurent un très grand succès
Les bouquins antibritanniques
En remplaçant dans les closets
Les blocs de papier hygiénique.





09. Oui et non

Air:
Ferme tes jolis yeux.

I
M’sieur Taffoureau plein d’endurance
Déambulait l’autre matin
Avec du chic, de l’élégance,
Il maniait sa cann’ de rotin
Tout en cherchant une combine
Qui lui permit de déguster
Comm’ autrefois une chopine
Il murmurait en aparté.

Refrain
D’ répondr’ aux deux questions
Joint’ au scrutin de liste,
Trouble la digestion
Mêm’ des plus optimistes.
D’biffer oui non de non oui
N’est pas du tout simplexe
Ils nous rendent perplexes
Non oui, oui non, oui oui.

II
M’sieur Midol avec assurance
Nous dit il faut voter oui ou non.
Palewski, au nom de la France,
Veut des oui oui, crénom de nom.
Mais pour sauver la République,
Claud’ Bourdet, les S.F.I.O.
Sont non [ajout au crayon: des] oui ouist’ en politique
Et partout ils le crient bien haut.
(Au refrain.)

III
La C.G.T. est oui noniste,
L’Front National également.
Raymond Patenôtre et sa liste
[p.11]
Sont pour non non évidemment.
Pour des oui oui tête de liste
Est Brasseau ancien sénateur.
Tous cent pour cent sont réformistes
Et jur’nt de fair’ notre bonheur.
(Au refrain)

IV
Mais tout’ cett’ politiqu’ altère
Les électeurs qui dans l’pétrin
Jusqu’au cou, voudraient que des verres
De bon vin arros’ les scrutins,
Que gratuits et obligatoires
De bons crus soient distribués
Afin de fêter la victoire
De la quatrièm’ constituée.
(Au refrain)




10. Le joyeux Saint-Martin

Air:
La souris noire.

I
Tout au pied des coteaux verdoyants
Du Rougemont aux tons chatoyants
Arrosé par la clair’ Chalouette
Et par la Louette
Fertilisant
Saint-Martin aux rues très pittoresques
Avec ses maisons paysannesques
Sous l’ roi Clovis fut bâti.
Douce époque où sapristi
On pendait dit-on les mercantis.

Refrain
Saint-Martin est historique
On y est en République,
On apprécie bien le jus de la treille
Qu’il soit en litres ou qu’il soit en bouteilles.
Tout’ les femmes y sont charmantes
Les jeunes fill’ ravissantes
Tous à la page on vit avec entrain
Dans le quartier Saint-Martin.

II
Pendant cinq années aussi gracieux
Que le boul’dog’ à M’sieur Borderieux,
Les All’mands, les Prussiens et les boches
Remplir’ leurs poches
En nous ruinant.
Un des jours glorieux de la riflette
[p.12]
On les chassa, depuis que d’goguettes
On fit bal un peu partout
Chez Messieurs Girault itou
Où l’un d’eux obtint un succès fou.

Refrain
Il y eut grand’ affluence
Des fanatiqu’ de la danse
Mais pour danser il faut de la musique
Les manitous l’oubliant, c’est comique,
Pour gambiller rien à faire
Ce beau soir-là, quell’ affaire
On tiqua, puis l’on chanta plein d’entrain
On s’fout d’tout à Saint-Martin.

III
A la tour qui pench’, chez Hérignon,
Y’a bonn’ tabl’, bons vins, gais compagnons.
C’est là que la boule d’or, cett’ merveille
Doucement sommeille
Gar’ au réveil.
Chez Pecquet, café de l’Espérance,
D’ Saint-Martin berceau d’ la Résistance
Sont partis les F.F.I.
Armés de mauvais fusils
Pour aider nos amis les Tommies
[Tommies raturé, remplacé par Sammies]

Refrain
Partout le beau sex’ s’agite
Discutant d’un plébiscite.
Les femmes votant seront nos maîtresses
Car ell’ nous imposeront une mairesse.
Le sex’ fort, pilul’ amère,
N’ pourra plus être père et maire
Mais il reste confiant dans le destin
Du chic quartier Saint-Martin.



11. C’est un pays de cocagne

Air:
Avant d’être capitaine.

I
Au grand palace de l’enfer
Les petites bottines
Ces dames dans leurs rocking-chair
Contr’ l’amour vous vaccine
Rosé d’anjou, saumur, bordeaux,
[p.13]
De crus fameux, des vins sans eau,
D’alcool au fin bouquet,
Plein le col chez Pecquet
On s’en met.

Refrain
C’est un pays de cocagne
Que notre charmant pays.
Les commerçants sont affables
D’ boir’ de l’eau y semble impie.
Dans les rues la foule se presse
Aux magasins épatants.
Tout y est je le confesse
D’un bon marché surprenant.

II
Bientôt dans le pimpant et gai
Joyeux jazz de Guinette,
Avec les bons amis Joguet
On fera des goguettes.
Derrièr’ leur comptoir de bois peint
Tous les joyeux pharmaciens
Aimables, oh! combien,
Tendent leurs ingrédients
Pour presque rien.
(Au refrain)

III
Quand Monsieur Durand les marie
Il donne aux deux époux
Des meubles et de la lit’rie
Et berceau d’acajou.
Avec le sourir’ Colombet
Lorsque l’on quitt’ ce bas mond’
Fournit l’dernier complet
De teinte brun’ ou blond’.
Plutôt blonde.
(Au refrain)




12. Ballet des balais

Air:
Lili Marlène.

I
Depuis que les Boches
Guid’nt nos destinées,
Plus d’mains dans les poches,
Nous d’vons tous travailler
Gratter, frotter et balayer
[p.14]
Il faut toujours bien nettoyer
Verflucht aber, los schnell,
Verflucht aber, los schnell.

II
Regardez le boche
Lorgner les travaux.
Ce qu’il peut êtr’ moche
Quand il braill’ comme un veau.
Heureusement que quand il crie
On l’prend en riant sans s’fair’ d’soucis.
Verflucht aber, los schnell,
Verflucht aber, los schnell.

III
Les Alliés approchent
Vit’ en vérité
On voit bien les boches
Pressés d’se défiler.
Avec nos balais nous saurons
Bien caresser tous ces fripons.
Verflucht aber, los schnell,
Verflucht aber, los schnell.

IV
Vous pouvez le croire
On s’ra remplacé,
Bientôt les trottoirs
Seront bien balayés
Par les friquets tous bien pantois
D’êtr’ les valets des Etampois.
Ainsi nous s’rons vengés.
Ainsi nous s’rons vengés.




13. Raoust

[Remarque: nous avons déjà réédité à part et annoté cette chanson, ici.]

Air:
La chanson du maçon.
     Raoust est une graphie populaire française pour l’interjection allemande Raus!, «Dehors!» (avec contamination de l’interjection française Ouste!), fréquemment mise dans la bouche de l’occupant et symbolisant la brutalité avec laquelle s’exerçait son autorité, comme Schnell!, «Vite!» et Achtung! «Attention!» Elle lui est ici retournée ironiquement, ce qui donne le ton du début de la chanson.
I
Pendant près de cinq ans,
Messieurs nos occupants
Souriants, pour nous pleins de tendresse,
Veillaient avec amour
Sur nous la nuit le jour
De Saint-Pierr’ aux Belles-Croix sans cesse
Grâce à eux un bon ravitaillement
Donna de la sveltess’ aux bedonnants.
[p.15]
     L’occupation allemande d’Étampes a duré du 15 juin 1940 au 22 août 1944, soit 4 ans, 2 mois et 7 jours.

     Le quartier Saint-Pierre et la rue des Belles-Croix représentent ici les deux extrémités d’Étampes au long de l’ancienne Route Nationale 20, l’une en direction de Paris, et l’autre dans celle d’Orléans.

Refrain
Partout le rutabaga fut roi
On en mangea un, deux même trois.
La Rosaline nectar des Dieux
Nous fit entr’voir les cieux.
On trouva au rat l’goût
Du mouton en ragoût.
De Barbier à prix doux
On mangea les bons petits toutous.
Partout ce n’étaient que des festins
Où l’on bâfrait du soir au matin.
     Le rutabaga (ou chou-navet) autrefois utilisé pour les animaux remplaçait pendant l’Occupation la pomme de terre. Henri Amouroux, dans La France et les Français de 1909 à 1945 (Paris, Armand Colin, 1970) a précisément donné pour titre à l’un de ses chapitres «Le rutabaga-roi».
     La rosaline, selon Fernand Minier, était un succédané local de boisson alcoolisée à base d’extrait de framboise, de saccharine et d’eau gazeuse.
     Le père Barbier, selon le même Fernand Minier, était sous l’Occupation un personnage pittoresque résidant au Petit-Saint-Mars que la rumeur publique accusait de voler des chiens, et surtout de les manger.

II
Au Grand Courrier, des boches
Les chefs étaient conviés
Place Romanet au grand Monarque,
Alourdi de piliers
Dans des fauteuils d’osier,
Se prélassaient des Friquets de marque.
Les pensionnaires de la rue d’Enfer
Exhibaient toutes le portrait d’Hitler.
     Le Grand Courrier était un hôtel situé au n°65 de la rue Saint-Jacques, détruit lors du bombardement anglais de juin 1944.
     L’Hôtel du Grand Monarque est au n°1 de la Place Romanet. Sous l’Occupation, c’était l’Offizierkasino, c’est-à-dire le mess des officiers. Il s’agirait donc ici selon Clément Wingler d’un jeu de mots, les officiers allemands étant ici qualifiés de «piliers de casino». Friquets était l’un des sobriquets appliqués aux occupants (avec Boches, Chleuhs, Frigolins, Frisons et Fritz).
     Il y avait sous l’occupation, rue d’Enfer, une maison close destinée à la soldatesque allemande (puis étatsunienne).

Refrain
Les Etampois devant l’Escargot
Pouvaient ramasser les beaux mégots
Que gentils ces messieurs laissaient choir
Tout le long du trottoir.
Tous corrects, prévoyants,
Ils avaient, c’est charmant,
La bien douce manie
D’expédier, là-bas, en Germany
En souvenir de nous, amis chers,
Tous nos trésors par chemins de fer.
     L’hôtel de l’Escargot est situé au n°71 de la rue Saint-Jacques.

     On notera cette bizarre orthographe de Germanie, à l’anglaise, qui indique peut-être la prononciation souhaitée par l’auteur, pour signifier que désormais l’ancien occupant est lui-même occupé par les Sammies et les Tommies.
     Quelqu’un a-t-il un témoignage à fournir sur des pillages opérés par les Allemands à Étampes?
III
Mais Sammies et Tommies
Ces rasés nos amis
D’un saut franchirent de l’Atlantique
Le grand mur si fameux
Et ça en moins de deux.
Les F.F.I. armés de leurs triques,
Leur donnant un sérieux coup de main
Aux boches firent repasser le Rhin.
     Sammies et Tommies étaient des sobriquets appliqués aux soldats respectivement étatsuniens et britanniques. Quelqu’un peut-il nous dire ce que veut dire ici rasés?
     Le Mur de l’Atlantique est comme l’on sait un gigantesque ensemble de fortifications cotières élevées par l’occupant à partir de 1942 depuis le Pas-de-Calais jusqu’au Pays Basque, et qui fut enfoncé par le débarquement des alliés en Normandie du 6 juin 1944. Dès lors différents groupes de résistants purent enfin prendre la forme de troupes régulières sous le nom de FFI ou Forces Françaises de l’Intérieur.
     Le Rhin fut atteint le 19 novembre 1944 à Rosenau par le CC3 de la 1ère DB, ce qui date notre chanson de 1945 plutôt que 1944. 

Refrain
Quittons maintenant le ton badin,
Unis travaillons avec entrain.
La « Riflette » a fait bien des dégâts,
Y’a du boulot les gars.
Desserrons cran par cran,
D’nos ceintures le carcan.
[p.16]
Assez du marché noir,
Qui fait des pauvres le désespoir.
Soignons bien prisonniers, déportés,
Et crions: vive la Liberté!
     D’une manière générale, comme nous le fait observer Jean-Claude Pommereau, Aller à la riflette c’est «aller au combat». Mais par «Riflette» il faut sans doute entendre ici plus précisément les mitraillages et bombardements subis par la ville en 1940 et 1944.  De fait la reconstruction des quartiers touchés ne se fit pas en un jour.

     Le retour des déportés n’
eut lieu qu’en 1945. Notre chanson a donc bien  été composée en 1945 seulement, peut-être à l’occasion des festivités du 9 mai. Quelqu’un a-t-il des données sur le nombre des Étampois prisonniers ou déportés durant cette période, sur la date de leur retour, et sur le marché noir à Étampes?



14. Final

Air: Tout va très bien, Madame la marquise.

Mais l’heure s’avance, quittons la scène,
Tant pis la revue est un four.
Dans tout’ la salle l’ennui s’promène,
Pauvre Diane quitt’ tes atours.
Gentil public, charmantes spectatrices,
Pardonnez-nous, pardonnez-nous,
D’avoir ce soir dit des bêtises
Car l’auteur est un peu foufou.
Sortez de votre somnolence
Tapez des mains tous en cadence,
Applaudissez avant que l’on se trisse,
Un gros merci, bonsoir à tous.

ANNEXE
Programme servant de couverture à ce recueil


Théâtre Municipal

Samedi 2 Février 1946
Soirée
20 h 30
 Dimanche 3 Février
Matinée
14 h 30
Soirée
20 h 30
Lundi 4 Février
Soirée
20 h 30

Grande Fête Annuelle
donnée par la Société de Tir,
de Préparation Militaire et de Sports:

1884
«LES ENFANTS 
DE GUINETTE»

1946

 
en l’Honneur
des Familles de ses Membres Honoraires et Actifs

sous la Présidence

de Monsieur Barthélémy DURAND, Maire d’Etampes

avec le concours de
l’Union Philharmonique
sous la direction de M. E. Boulanger





Programme





Première Partie



1
Ouverture
Marche Russe de L. Ganne


Le Mariage secret  Cimarosa

La Marseillaise
Orchestre
2
Présentation de la Société
Allocution du Président
3
Exercices libres, pyramides
(pupilles)
4
Exercices libres,
adultes

Marche de la Cité Glorieuse Filipucci
 Orchestre
5
Poses Artistiques
Section Féminine
6
Roger Lejeune
dans son répertoire
7
Les Guinett’s
fil de ferristes

Très Jolie valse de Waldteufel
Orchestre
8
Démonstration Haltérophile

9
Exercices libres
section Féminine

Marche Indienne F. le Rey
Orchestre
10
Christiane et Christian
Jeunes Vedettes de la chanson et de l’accordéon
11
Quatuor acrobatique
mixte, sur table

L’Angélus valse de Wohanka

Orchestre


ENTR’ACTE

Pour les Rôles de la Revue, voir Page 3
Deuxième partie



Ouverture
Pot pourri sur les Chansons de la Revue
Orchestre
 
«Étampois tous Troquons»
Revue locale à grand Spectacle en 11 Tableaux
de Georges VANNIER
Jouée pour la première fois, sur la scène du Théâtre d’Etampes
le 2 FEVRIER 1946
par la Société de Gymnastique
LES ENFANTS DE GUINETTE


DISTRIBUTION DES ROLES:
La Commère
L. JULIEN
Le Compère
P. BUÉE
Le Chef des Troquonistes
L. MOULLÉ
Le Directeur de la Ménagerie
—          
Le Frizou
—          
Labougeotte
B. LEJEUNE
Le cul de Jatte
N. HAMOUY
Le Gai Luron
—          
L’Agent
L. DELANCE
Monsieur Dubidon
G. GAUTIER
Claudette Brindosier
C. VANNIER
Madame Dubidon
A. LEBRUN
Tarzan
R. CHEVALLIER
Manolita
P. THERET
Le Maire de la Commune Libre
L. LUCAS
L’Harmonie et la Chorale des Troquonistes
troupe des Guinett’s

AU COURS DE LA REVUE
Danse du Feu 
réglée par J. Renard
L’Amour Sorcier de M. de Falla
Orchestre
Poses Humoristiques
des Guinett’s
Ballet des Balais
réglé par S. Moullé
Lili Marlène de N. SCHULTZE
Orchestre
Au piano d’accompagnement
Madame MICHAUT-GRIVEAU


Costumes, Décors, Accessoires
Maquillage
Système «D» Guinett’s
Monsieur C. Cantiniau

Imp. La Familiale Vannier
1 ter Place Geoffroy-Saint-Hilaire
ETAMPES (S. et O.)

Source essentielle: Photos communiquées par Bernard Minet le 2 mars 2011 d’un exemplaire de la collection G. Pinguenet / S. Bénard; saisie de Bernard Métivier.
BIBLIOGRAPHIE

Éditions

     Georges VANNIER, Recueil de chansons [cahier de 16 p. dont les 4 p. de couverture contiennent le programme de la fête annuelle de la société sportive des Enfants de Guinette les 2, 3 et 4 février 1946], Étampes, La Familiale, 1946.

     G. PINGUENET, S. BÉNARD, Bernard MINET, Bernard MÉTIVIER & Bernard GINESTE [éd.], «Georges Vannier: Recueil de chansons (1946)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-20-vannier1946recueildechansons.html
, 2011.

Autres chansons étampoises à l’occasion et à la suite de la Libération

     Georges VANNIER, Raoust  [chanson], Étampes, Imprimerie la Familale (?),1945.

     VALIÈRE & Paul MALLET, Le Rire de Guinette. One Step [suivi de:] Le Vin, les femmes et la victoire pour les Américains  [27,5 cm sur 18; 4 pages; partitions et textes de deux chansons], Étampes, Société bigophonique d’Étampes (Imprimerie La Familiale), 1944.

Chansons mises en ligne par le Corpus Étampois

     Jean-Claude POMMEREAU & Bernard GINESTE [éd.], «G. Vannier: Raoust (chanson, 1945)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-20-vannier1945raoust.html, 2005.     

     Jacques CORBEL & Bernard GINESTE [éd.], «Valière et Mallet: Le Rire de Guinette (chanson, 1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-20-malletvaliere-riredeguinette.html, 2004.

     Jacques CORBEL & Bernard GINESTE [éd.], «Paul Mallet: Le Vin, les Femmes et la Victoire pour les Américains (chanson, 1944)», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/cle-20-mallet1944levin.html, 2004.

Sur cette période de lhistoire étampoise

     Clément WINGLER (directeur des archives municipales d’Étampes), «Étampes de 1944 à 1946», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/che-20-wingler1944-1946.html, 2009.

     COLLECTIF, «Documents en ligne sur le pays étampois pendant la seconde guerre mondiale», in Corpus Étampois, http://www.corpusetampois.com/index-39-45b.html, depuis 2004.





Toute critique, correction ou contribution sera bienvenue. Any criticism or contribution welcome.
   
Explicit
   
SommaireNouveautésBeaux-ArtsHistoireLittératureTextes latinsMoyen Age NumismatiqueLiensRemerciementsAssociationNous écrire - Mail