Le 22 septembre 1944, Roger Léonard, nouveau préfet de Seine-et-Oise adressa à toutes les mairies de Seine-et-Oise une circulaire enjoignant à tous les maires de faire parvenir aux archives de Seine-et-Oise un compte-rendu des faits qui s’étaient déroulés sur leur territoire pendant la guerre, et spécialement à l’occasion de la Libération. Déjà le sous-préfet de Corbeil avait adressé une circulaire analogue aux communes de sa circonscription le 6 septembre.

     Toutes les communes ne se rendirent pas à cette invitation, loin de là; et, quand ces comptes-rendus existent, ils sont de nature, de longueur et de qualité très variables. Voici ceux de Puiselet-le-Marais, tous deux informes, le premier dû au secrétaire de Mairie, et l’autre à Armand Caillet, érudit local.

1. Rapport de Dufour (avant le 20 octobre) [tampon:] ARCHIVES DE SEINE-ET-OISE — Propriété Publique 213 [tampon:] SOUS PRÉFECTURE * DE CORBEIL * 20 OCT 1944 Commune de Puiselet-le-Marais Évènements de Guerre Année 1944 11 Juin.      A 7 h. du matin le train des voyageurs C.G.B. portant le numéro 10, venant de Milly, est mitraillé par l’aviation américaine à l’entrée de la gare de Puiselet le Marais. Le mécanicien, le chauffeur et six voyageurs sont blessés. Cinq sont transportés à l’Hôpital d’Étampes; deux sont pansés sur place. 16 Juin      «Appel à la population» de Mr Guillot, Maire, pour que les habitants de la Commune accueillent, portent secours, aide et assistance à la centaine de réfugiés d’Etampes qui ont fui leur ville à la suite du bombardement américain de la nuit du 9 au 10 Juin et qui sont venus chercher un abri à Puiselet le Marais. 8 Août      Sept heures du soir: Un Allemand, sortant de chez Collin, marchand de vin, tire un coup de pistolet sur un chein qui aboie après lui, sans l’atteindre. Toujours l’arme au poing, le soldat traverse le pays, allant vers la Forêt Sainte Croix. Sorti du village, sur la route, il tire des coups de fusil, au hasard. Il est environ 21 h. Mr Tessier, l’Adjoint, va se rendre compte de ce qui se passe. Il voit deux cyclistes aux prises avec l’Allemand qui veut prendre une machine. On parlemente. Finalement, le Maire et l’Adjoint conduisent en auto, le soldat, d’abord à la Kommandantur d’Etampes, ensuite au camion de son groupe, qu’il prétendait avoir perdu. [p.2] 17 Août Jeudi      A 12 h 30, sept autos-mitrailleuses américaines arrivent à Puiselet, venant de La Forêt Sainte Croix. Toute la population accourt autour des libérateurs. Les Américains se dirigent vers la Seine en passant d’abord par Boutigny sur Essonne. La police rurale qui les précède va explorer la route qu’ils doivent prendre pour voir s’il ne s’y trouve pas d’Allemands. Puis ils partent avec les souhaits des habitants, après être restés environ une heure dans le village.      A 19 h. trois autos blindées allemandes passent dans Puiselet, allant sur La Forêt Ste Croix. 18 Août Vendredi       Les autos américaines de Jeudi repassent en sens contraire, sans s’arrêter, allant sur la Forêt Ste Croix. Il est 19 h 30. 21 Août Lundi      Bruit continuel de bataille en direction d’Etampes et de Malesherbes. A midi, 17 Allemands fuyards, à pied, traversent le village, allant vers Farcheville. Vers 12 h 30, des blindés américains pleins de prisonniers allemands passent, allant vers La Forêt.     La lumière électrique est coupée. 22 Août Mardi      On apprend qu’au petit jour les Américains sont entrés dans Etampes. Grande joie chez les Etampois réfugiés à Puiselet. Beaucoup s’en vont voir, à pied ou à bicyclette.      Les téléphonistes américains posent le long de la route qui traverse le village une ligne téléphonique militaire. On ne conclut qu’il n’y a plus d’Allemands par ici. [p.3]      De 20 h à 20 h 30, des jeunes gens et des jeunes filles sonnent, à l’église, le tocsin de la délivrance.      Des habitants pavoisent. 23 Août Mercredi      A 8 h. du matin, le drapeau français est hissé à la grille de la Mairie. 25 Août Vendredi       Un avion américain en détresse passe au-dessus de Puiselet vers 10 h. avec un bruit strident inaccoutumé. Il laisse tomber un réservoir d’essence et deux bombes, qui n’explosent pas, près de la ferme de Tremblots. 26 Août Samedi      L’adjoint au Maire est allé chercher des artificiers américains pour faire éclater ces bombes. L’une explose à 20 h 30, l’autre à 22 h, avec un bruit qui secoue toutes les maisons du village.      Pas de lumière; pas de poste; pas de téléphone. 31 Août Jeudi      Une centaine d’Anglais et leurs camions dressent un cantonnement sous tentes, au lieu-dit La Loge. 3 Septembre Dimanche      Cérémonie  l’Eglise et manifestation au monument aux Morts, en présence d’une délégation d’une dizaine d’Anglais. 5 Septembre      L’électricité revient partiellement. Le Secrétaire de Mairie [signé:] E. Dufour

2. Relation d’Armand Caillet (sans date) [tampon:] ARCHIVES DE SEINE-ET-OISE — Propriété Publique 214      Relation des faits qui se sont passés lors de la libération à Puiselet le Marais et ses environs, par A. Caillet      Dans la nuit du mardi 15 août 1944, un convoi de prisonniers italiens conduit par quelques allemands, qu’accompagnaient quelques voitures de paysans réquisitionnées, passait à Puiselet-le-Marais se dirigeant vers le nord. Un second convoi passait dans la matinée de la journée suivante.      Le jeudi 17 août, vers 11 heures ½ une voiture d’allemands, venant de la direction de Malhesherbes se trouvait nez à nez avec la première patrouille d’autos-mitrailleuses vue dans la région, à la sortie du village de la Forêt Ste Croix.      Les allemands, surpris par cette apparition, cherchèrent à faire demi-tour mais, n’y pouvant parvenir, laissèrent leur voiture dans le fossé. Les Américains se mirent à mitrailler cette voiure dès qu’ils l’aperçurent et la mirent à mal pendant que les occupants se sauvaient à travers champs dans la direction de la ferme de Mézières.      Les Américains qui ne pouvaient ou ne voulaient les poursuivre leur envoyèrent une bordée de petits obus, entendus nettement de Puiselet-le-Marais.      Cette colonne motorisée composée de 9 autos-mitrailleuses arrivait peu de temps après à Puiselet-le-Marais et y séjournait pendant une heure. Elle rprit ensuite sa route en direction d’Auvernaux, poussant jusqu’à Ponthierry.      Il ne s’en fallut que de quelques heures qu’elle ne rencontrât trois gros tanks allemands sans doute lancés à sa recherche.      Les autos-mitrailleuses revinrent le lendemain et remontèrent vers Mespuits et Brouy. [p.2]      Le samedi matin19 août, vers 8 heures, un grouppe de plusieurs centaines d’allemands avec des canons, venait occuper les villages de l a Forêt Ste Croix et de Bois Herpin. Les habitants apeurés, surtout les femmes et les enfants, s’enfuirent dans les bois en direction de Puiselet et y passèrent la nuit.      Cette occupation avait sans doute pour but de s’opposer ou de retarder l’avant garde de l’armée américaine du général Patton dont l’avant garde était cantonnée à Bois-chambault, c’est-à-dire à 1 Kilomètre environ de Bois-Herpin et 2Km 500 de la Forêt Ste Croix.      Il était à craindre en effet qu’un combat soit engagé entre les deux partis et que ces villages aient à subir de sérieux dommages. Il en eut [sic] été de même pour Puiselet si la lutte s’était poursuivie dans sa direction. Dans la matinée du dimanche, les paysans restés chez eux reçurent l’ordre de fermer portes et fenêtres et de ne pas sortir. Cependant rien ne survint, aucun coup ne fut échangé et vers deux heures de l’après-midi les Allemands se repliaient vers Etampes.      Une heure après environ, une centaine de bombardiers accompagnés de nombreux chasseurs, vint survoler la région cherchant sans doute cette colonne. Quelques bandes de mitrailleuses furent cependant tirées vers Bonvilliers.      Le lundi matin, une vive canonnade qui dura jusque dans l’après-midi se fit entendre dans la direction de Malesherbes et de la vallée de l’Essonnes [sic] dans l’après-midi elle prenait dans celle d’Etampes et durait jusque dans la nuit C’est dans cette nuit du lundi 21 au mardi 22 que les Allemands évacuèrent définitivement Etampes et que les Américains y faisaient leur entrée.      Puiselet avait donc eu la primeur puisqu’il avait eu leur première visite le 17 août. [p.4]      Dans l’après-midi du lundi 21 une petite colonne d’Allemands de 30 ou 40 hommes à pied, descendait de la direction de la Forêt Ste Croix et traversait le village de Puiselet-le-Marais, l’arme au bras prête à tirer en cas d’attaque.      Un quart d’heure après leur passage, soit hasard, soit qu’elle fut [sic] lancée à leur poursuite, notre colonne d’autos-mitrailleuses reparaissait et revenait un peu plus tard avec une douzaine de prisonniers. Les autres, qui avaient pû [sic] s’enfuir ou se cacher dans les bois se heurtaient, au hameau de Frenneville à une auto-mitrailleuse venant de Maisse. Une escarmouche s’ensuivit où les Allemands eurent deux tués et 1 blessé et les Américains un blessé.      Comme on le voit rien de grave ne s’est passé dans notre région mais il aurait pû en être autrement car les collines boisées qui s’étendent de Puiselet à la Ferté-Alais et Fontainebleau se prêtent admirablement à un plan de résistance.

     Cf. Bulletin de la Société historique et archéologique du Corbeil, d’Étampes et du Hurepoix. Table 1895-1984. Supplément au Bulletin n° 54 de 1984, Corbeil-Essones, 1989, p. 4; dont une réédition par le Corpus Étampois, ici,  http://www.corpusetampois.com/cbe-shaceh1.html.